Mémoires sur les contrées occidentales/Texte chinois de la Préface

La bibliothèque libre.


TEXTE CHINOIS DE LA PRÉFACE DU SI-YU-KI.


大唐西域記敍

      尚書左僕射燕國公張說 
製若夫玉毫流照。甘露灑于大千。金鏡揚暉。薰風被于有截。故知示現三界。奧稱天下之尊。光宅四表。式標域中之大。是以慧日淪影。像化之跡東歸。帝猷宏闡。大章之步西極。

有慈恩道場三藏法師諱玄奘。俗姓陳氏。其先頴川人也。帝軒提象。控華渚而開源。

大舜賓門。基歷山而聳構。三恪照于姬載。六奇光于漢祀。書奏而承朗月。 遊道而聚德星。縱壑駢鱗。培風齊翼。世濟之美鬱爲景冑。法師籍慶誕生。含和降德。結根深而䓲茂。道源浚而靈長。奇開之歲。霞軒月舉。聚沙之年。蘭薰桂馥。洎乎成立。藝殫墳素。九臯載響。五府交辟。

以夫早悟眞假。夙照慈慧。鏡眞筌而延佇。顧生涯而永息。而朱紱紫纓誠有界之徽網。寶車丹枕。寔出世之津途。由是擯落塵滓。言歸閑曠。令兄長捷法師釋門之棟幹者也。擅龍象于身世。挺鶖鷺于當年。朝野挹其風猷。中外羨其聲彩。既而情深友愛。道睦天倫。法師服勤
請益。分隂靡棄。業光上首。擢秀檀林。德契中庸。騰芬蘭室。抗策平道。包九部而吞夢。鼓枻玄津。俯四韋而小魯。

自茲徧遊談肆。載移涼燠。功既成矣。能亦畢矣。至于泰初日月。燭曜靈臺。子雲鞶悅。發揮神府。于是金文暫啓。佇秋駕而雲趨。玉柄纔撝。披霧巿而波屬。若會斲輪之旨。猶知拜瑟之徵。

以潟瓶之多聞。泛虗舟而獨遠。迺于轘轅之地。先摧鍱腹之誇。并絡之鄉。遽表浮桮之異。遠邇宗挹。爲之語曰。昔聞荀氏八龍。今見陳門雙驥。汝頴多奇士。誠哉此言。法師自幼迄
長遊心玄理名流先達部執交馳趨末忘本摭華捐實遂有南北異學是非紛糾永言于此良用憮然或恐傳譯踳駁未能筌究欲窮香象之文將罄龍宮之目。

以絕倫之德屬會昌之期杖錫拂衣第如遐境于是背玄灞而延望指葱山而矯迹川陸綿長備甞艱險陋博望之非遠嗤法顯之為局遊踐之處畢究方言鐫求幽賾妙窮津會于是詞發雌黃飛英天竺文傳貝葉聿歸振旦

太宗文皇帝金輪纂御寶位居尊載佇風徽召見青蒲之上廼睠通識前膝黃屋之
間 

手詔綢繆中使繼路俯摛睿思乃製三藏聖教序凡七百八十言今上昔在春闈裁述聖記凡五百七十九言啟玄妙之津書揄揚之旨蓋非道映鷄林譽光鷲嶽豈能緬降神藻以旌時秀奉 

詔翻譯梵本凡六百五十七部具覽遐方異俗絕壤殊風土著之宜人備之序正朔所暨聲教所單著大唐西域記勒成一十二卷編錄典奧綜覈明審立言不朽其在茲焉

Traduction par Stanislas Julien.
(tome 1p. xxxiii-xli).

TRADUCTION

DE LA PRÉFACE DU SI-YU-Kl.




Jadis, les poils de jade firent couler leurs rayons (1), la douce rosée (2) humecta le grand mille (3), le miroir d’or (4) lança son éclat, et un vent parfumé se répandit sur (la terre) bien gouvernée (5). Par là, on reconnut qu’il s’était manifesté dans les trois mondes (6). Depuis les temps anciens, on l’a surnommé l’Honorable de l’univers (7). Il s’est établi avec éclat aux quatre limites (8), il a brillé, comme un modèle sublime, sur la vaste étendue de la terre. C’est pourquoi, après que le soleil de l’Intelligence eut noyé son ombre (9), les traces de la doctrine des images se dirigèrent vers l’Orient (10). Les grandes vues de l’empereur se sont répandues au loin, et ses lois imposantes (11) sont parvenues jusqu’aux extrémités de l’Occident (12).

On vit paraître, dans le couvent de la grande Bienveillance, un Maître de la loi des trois Recueils (13). On l’appelait Hiouen-thsang ; son nom séculier était Tch’in-chi (l’homme de la famille de Tch’in). Ses ancêtres étaient originaires de Ing-tch’ouen (14). L’empereur Hien (15) éleva l’image (16) ; il régna sur l’île fleurie (Hoa-tchou), et ouvrit la source (17).

Le grand Chun (reçut) les hôtes aux portes (18) ; il jeta sur le mont Li-chan les fondements d’un grand édifice (19). Les trois Vénérables (20) se distinguèrent dans les années de Ki (21). Les six (stratagèmes) extraordinaires (22) brillèrent sous les Han. L’un écrivit des rapports et imita la lune brillante (23) ; l’autre marcha dans la droite voie et rassembla des astres (24) lumineux (25). (On eût dit) des poissons qui se réunissent en foule au sein des eaux (26), ou des oiseaux portés ensemble par un vent favorable (27). La beauté des services qu’ils rendirent au siècle, se concentra (28) et forma un illustre descendant. Grâce à ce bonheur (29), le Maître de la loi vint au monde, il était doué de douceur et de vertu. (Ces qualités avaient) de profondes racines ; leurs premiers germes se développèrent rapidement. La source de sa sagesse était profonde, et elle s’étendit d’une manière merveilleuse. Dans l’année où s’ouvre l’impair (30), c’était une vapeur rouge qui monte (31) et une lune qui s’élève, À l’âge où l’on amasse du sable (32), il avait l’odeur du cannellier et le parfum de l’Epidendram (33). Arrivé à l’âge adulte, il approfondit les Fen (34) et les Sou (35), Les neuf îles (36) retentirent de sa renommée, et les cinq palais (37) rappelèrent tous ensemble.

Comme il avait, de bonne heure, distingué le vrai du faux, et fait briller en lui la bonté et l’intelligence, il vit clairement la vraie nasse (38) et s’y arrêta longtemps ; il considéra les bornes de la vie, et se calma (39) pour toujours. Le ruban de soie rouge (40) et les cordons violets (41) sont un brillant filet (42) qui nous retient dans le siècle ; mais le char précieux et l’oreiller rouge (43) sont le gué et la route pour échapper au monde. C’est pourquoi il repoussa loin de lui la poussière et la lie (44), et parla de se réfugier dans le calme de la retraite. Son noble frère aîné, le Maître de la loi, Tch’ang-tsi, était la poutre et le tronc de la porte de Chi (45). Il posséda (la vertu du) dragon et de l’éléphant (46) dans son propre siècle, et s’élança comme la grue et le cormoran (47) au-dessus de son époque. La cour et les champs vantèrent sa brillante renommée ; au dedans comme au dehors, on exalta l’éclat de sa réputation. Comme il était plein de bienveillance et d’affection, il chérit ses frères et fit régner la bonne harmonie dans les relations du ciel (48). Le Maître de la loi (Hiouen-thsang) étudia avec ardeur (49) et lui demanda des leçons (50) ; il ne perdit pas un pouce de temps. Par ses études, il fît briller les têtes supérieures (51) et poussa des fleurs (fleurit) dans la forêt de Santal (52). Sa vertu fut d’accord avec le juste millieu : il (exhala et) fit monter des parfums dans la maison des Epidendrum. Il prit un fouet en main et se mit en route. Il embrassa les neuf sections (53) et avala Mong (54). Il agita ses rames dans le gué mystérieux (55) ; il abaissa ses regards sur les quatre Weï, et trouva Lou petit (56).

Dès ce moment » il fréquenta toutes les salles de conférences (57), et passa du froid au chaud (58). Ses (nobles) travaux, une fois achevés, ses talents (et ses connaissances) se trouvèrent complets. On eut dît que le soleil et la lune de ta haute antiquité illuminaient la tour de l’intelligence (59). (Semblable à) Tseu-yan (60), avec son mouchoir de ceinture, il mît en lumière le palais de l’esprit (61). Alors les textes d’or (63) s’ouvrirent par degrés. Il adopta le char d’automne (63), et voyagea (avec la vitesse des) nuages. Il agita un instant le manche de jade (64), et dispersa le marché des brouillards (65) qui étaient amoncelés comme les flots (66). Il semblait comprendre les vues (habiles) du carrossier (67) et savait encore apprécier (l’harmonie) délicate du Se (68).

Possédant une riche instruction versée à grands seaux (69), il vogua sur un bateau vide et s’éloigna tout seul. Dans le pays de Hoan-youen, il brisa la jactance du ventre de fer (70). Dans le village de Ping-lo, il montra la merveille de la coupe flottante (71). Les hommes des pays éloignés, comme ceux des contrées voisines, le regardaient avec admiration. Aussi disaient-ils entre eux : « Jadis nous avons entendu parler des huit dragons (72) de la famille Sian ; aujourd’hui nous voyons que la porte (la maison) de Tch’in (possède) deux Ki (73). » C’est avec vérité qu’on a dit que les pays de Jou et de Ing ont produit des hommes extraordinaires (74). Le Maître de la loi, depuis sa jeunesse jusqu’à l'âge mur, voyagea en esprit dans les principes mystérieux (75) et son nom se répandit parmi les maîtres de la science (76). (À cette époque,) les écoles philosophiques luttaient ensemble ; on courait après l’accessoire et l'on oubliait le principal ; on cueillait le fruit et l’on jetait la fleur (77). Bientôt on vît surgir les systèmes différents du midi et du nord, et la vérité fut confondue avec l'erreur. Il (Hiouen-thsang) en parlait sans cesse et s’en tourmentait vivement. Craignant que les méprises des traducteurs des l’empêchassent de pénétrer complétement (la doctrine), il voulut approfondir les textes de l’éléphant parfumé (78) et épuiser la liste du palais des dragons (79).

Doué d’une vertu sans pareille, et favorisé par l’éclat d’un règne florissant, il prit le bâton de religieux, épousseta ses habits, et partit pour les pays lointains. Là-dessus, il laissa derrière lui les eaux azurées de (la rivière) Pa (80) et porta au loin ses regards ; puis il marcha tout droit vers les (monts) Tsong-ling. En suivant de grands fleuves et en traversant des plaines immenses, il fut exposé aux fatigues et aux dangers. Il fit peu de cas de Po-wang (81), qui n’avait pas été bien loin, et se moqua de la courte excursion de Fa-hien (82). Dans tous les pays qu’il parcourut, il étudia complètement les dialectes locaux ; il sonda les choses obscures et cachées, et pénétra subtilement jusqu’à la réunion du gué (83), Là-dessus, il répandit du jaune femelle (de l'orpiment) (84) sur les paroles, et fit voler la fleur dans le Thien-tchou (85). Quand les textes eurent été transportés sur des feuilles d’arbre (86), il revint dans le Tchin-tan (87).

L’empereur Thaï-tsong, surnommé Wen-hoang-ti, qui régnait (en faisant tourner) la roue d’or (88), et siégeait au faîte des honneurs sur un trône précieux, était impatient de voir cet homme éminent (89). Il l'appela et l'admit près de lui sur le jonc vert (90) ; plein d’admiration pour son vaste savoir, il s’agenouilla devant lui (91) dans ta maison jaune (92).

Il écrivit de sa main des décrets pleins de sentiments affectueux ; les employés de l'intérieur se succédaient sur la route (93). Daignant épancher ses pensées lumineuses, il composa, sur la sainte doctrine des trois Recueils, une préface de sepl cent quatre-vingts mots (94). L’empereur actuel (95), lorsqu’il était autrefois dans le palais du printemps (96), avait composé, en cinq cent soixante-dix-neuf mots, un mémoire sur le Saint (le Bouddha), dans lequel il ouvrait le gué (97) des choses subtiles et profondes, et répandait ses sentiments en louanges pompeuses. Or, si sa vertu n’avait pas brillé dans le bois du Coq (98), si ses louanges n’avaient pas retenti sur la montagne du Vautour (99), l'empereur aurait-il pu abaisser son élégance divine (100) pour exalter la fleur du temps (101) ?

En vertu d’un décret impérial, il traduisit six cent cinquante-sept ouvrages dont le texte était en langue Fan (102). Après avoir examiné, d’une manière complète, les mœurs différentes des contrées lointaines, les coutumes diverses des pays étrangers, les produits variés du sol et les classes distinctes des hommes, les régions où parvient le calendrier (103) et où pénètrent les instructions morales (104), il a composé, en douze livres, le Ta-thang-si-yu-ki, c’est-à-dire, les « Mémoires sur les contrées occidentales (publiés sous) les grands Thang ». Il a recueilli et rapporté les principes les plus profonds de la doctrine, et les a présentés dans un style clair et précis. C’est de lui qu’on peut dire qu’il a fait un ouvrage qui ne périra pas.

NOTES SUR LA PRÉFACE CHINOISE DU SI-YU-KI.


(1) L'expression 玉毫 Iu-hao « poils de jade », dans le synonyme est 白毫 Pe-hao « poils blancs », désigne un des trente-deux signes qui caractérisent un grand homme, et que l'on reconnaît dans le Bouddha. Burnouf (Lotus, page 543) dit, suivant une des quatre listes de Ceylan : « Dans l'intervalle qui sépare ses sourcils, est poussé un cercle de poils blancs (en sanscrit, ourṇa), semblables à du coton doux. Ce cercle de poils joue, comme on sait, un rôle très-important dans les légendes et dans les Soûtras du nord. C'est de sa partie centrale que s'échappent les rayons miraculeux qui vont éclairer les mondes à de prodigieuses distances. Nous en avons un exemple au commencement du Lotus de la bonne loi : « En ce moment, il s'élança un rayon de lumière du cercle de poils qui croissaient dans l'intervalle des sourcils de Bhagavat. Ce rayon se dirigea vers les dix-huit mille terres de Bouddha, situées à l'orient, et toutes ces terres de Bouddha, jusqu'au grand enfer Avîtchi et jusqu'aux limites de l'existence, parurent entièrement illuminées par son éclat. » (Conf. Vocab. pentaglotte, liv. I, fol. 12 ; Dictionnaire P'ing-tsen-louï-pien, liv. LXVIII, fol. 14 ; Peï-wen-yun-fou, liv. XIX, fol. 5, et le Lalita vistâra, trad. par M. Foucaux, page 286).

(2) Dans les livres bouddhiques, les mots 甘露 Kan-lou « douce rosée », répondent à l'expression indienne amrĭta « ambroisie ». Ainsi le roi 甘露飯王 Kan lou-fan wang, l'un des oncles du Bouddha, s'appelle, en sanscrit, Amrĭtòdanarâdja « le roi dont le riz est de l'ambroisie ».

(3) 大千 Ta-thsien « le grand mille », c’est-à-dire, le grand millier de mondes, le grand Chiliocosme des Bouddhistes. Voyez Rémusat, Mélanges posthumes, page 94.

(4) L’expression Kin-king « miroir d’or », a plusieurs acceptions : 1o miroir d’or, ou orné d’or (P’ing-tseu-louï-pien, liv. LXII, fol. 8) 2o l’intelligence de la droite voie, la science du gouvernement (ibid.) ; 3o ces deux mots 金鏡 Kin-king désignent la lune lorsqu’elle paraît arrondie. P’ing-tseu-louï-pien, liv. LXVII, fol. 44 : la lune, au haut des arbres lointains, suspend son miroir d’or. Ibid., liv. LXVI, fol. 18 : au haut du ciel, on distingue le miroir d’or. J’ai adopté ce dernier sens.

(5) En chinois, 于有截 Iu-yeou-tsie. Si l’on consulte les dictionnaires de Basile, Morrison, Gonçalvez, et même le dictionnaire impérial de Khang-hi, le mot à mot donnera : dansavoircouper ; ce qui n’a pas de sens. Mais, dans le livre des vers, on trouve tsie vulgo « couper », avec la signification de « régler, mettre en ordre » : 九有有截 Khieou-yeou-yeou-tsie « les neuf provinces de l’empire sont bien gouvernées » ; en mandchou : ouyoun ba gemon teksin ambi (Conf. Peï-wen-yun-fou, liv. XCVIII, fol. 197, et King-tsie-tsouan-kou, liv. XCVIII, fol. 23.)

(6) Le Bouddha apparut dans le monde des désirs (Kâmadhâtou), le monde des formes (Roûpadhâtou), le monde sans formes (Aroûpadhâtou). Dictionnaire San-thsang-fu-sou, liv. XI, fol. 15.

(7) Littéralement : l’Honorable du dessous du ciel, expression qui veut dire ordinairement l’empire. L’expression la plus usitée est 世尊 Chi-ts’un « l’Honorable du siècle », en sanscrit, Lôkudjyêṭcha « le meilleur, le plus éminent du monde ».

(8) C’est-dire, il a porté l’éclat de sa gloire jusqu’aux quatre points cardinaux.

(9) 日影 Ji-ing « l’ombre du soleil » ; c’est la ligne d’ombre que projette, au soleil, l’aiguille d’un gnomon. Mais ici les mots 慧日淪影 Hoeï-ji-lun-ing (intelligence — soleil — noyer — ombre) signifient « le Bouddha est entré dans le Nirvâṇa ».

(10) C’est-à-dire, la doctrine bouddhique pénétra en Chine. L’auteur ne tient pas grand compte de l’exactitude historique, car il ne pouvait ignorer qu’il s’était écoulé plus de six cents ans depuis la mort du Bouddha jusqu’à l’introduction de sa doctrine en Chine.

Suivant le Manuel des Çramaṇas, fol. 29, le bouddhisme s’appelle 像敎 Siang-jiao (la doctrine des images ou des statues), parce qu’après le Nirvâṇa du Bouddha, on éleva des statues d’or du Bouddha pour instruire la multitude des hommes : 設金像以敎衆生.

(11) Suivant Morrison, 大章 ta-tchang signifie : « The great rules laid down by ancestors », et 皇章 hoang-tchang « imperial laws and regulations ». Cette phrase et la précédente forment un de ces parallélismes qui plaisent aux Chinois, et où l’auteur répète à peu près les mêmes idées en termes différents.

L’expression 大章 ta-tchang se rencontre une fois dans l’histoire, pour un nom propre d’homme. On lit dans le Ou-youeï-tch’un-thsieou : « L’empereur Yu ordonna à Ta-tchang d’aller de l’est à l’ouest, et à Jou-haï, de traverser la Chine du midi au nord (Peï-wen-yun-fou, liv. XXII, A, fol. 126) ». Mais l’espèce de parallélisme dont j’ai parlé plus haut, détermine trop bien l’acception de magnæ leges, pour qu’on puisse voir, dans l’expression ta-tchang, le personnage en question. Ajoutons que Ta-tchang, qui vivait en l’an 2205 avant Jésus-Christ, ne saurait figurer ici sous l’empereur Thaï-tsong, dans une période de temps qui embrasse les années 627-648.

(12) C’est-à-dire : dans les contrées les plus éloignées à l’occident de la Chine et surtout dans l’Inde. L’empereur mentionné ici est Thaï-tsong, de la dynastie des Thang, dont le règne a duré de 627 à 649 de J. C.

(13) En sanscrit Tripiṭaka ; ils contiennent les soûtras (les livres sacrés), les çâstras (les traités philosophiques) et les vinaya (les règles de la discipline).

(14) Ing-tch’ouen répond aujourd’hui à Yu-tcheou, arrondissement dépendant du département de Khaï-fong-fou, dans la province de Ho-nan (Li-taï-ti-li-tchi-yun-pien-kin-chi, liv. VI, fol. 13.)

(15) Hien est l’abréviation de 軒轅 Hien-youen, surnom que reçut l’empereur Hoang-ti (2698-2599 avant J. C.), parce qu’il avait demeuré sur une colline appelée Hien-youen (Sse-ki, liv. I, fol. 2). On voit que Tchang-choue, dont l’admiration ne connaît point de bornes, fait remonter jusqu’à Houang-ti la famille de Tch’in, d’où sortait Hiouen-thsang. De cette manière, et comme on le dit plus bas, il aurait compté parmi ses ancêtres l’empereur Chun (2255 ans avant J. C.), et un grand nombre d’illustres personnages des dynasties des Tcheou et des Han.

(16) Voici un des passages les plus difficiles de la préface. Pour le bien comprendre, il faut connaître l’acception rare des mots 提像 t’i-siang « élever l’image », qu’on écrit aussi, comme dans notre texte, 提象 t’i-siang, expression qui, à la première vue, paraîtrait signifier « élever en haut un éléphant », si l’on ne savait que siang (vulgo éléphant) se prend souvent pour siang « image ».

Les Chinois ont beaucoup d’expressions élégantes pour dire régner, gouverner ; par exemple : 1o 操斗極 Thsao-teou-ki « tenir, dans sa main, l’extrémité du boisseau (les étoiles de l’extrémité de la constellation Pe-teou — la Grande Ourse) » ; 2o 把鉤陳 Pa-keou-tch’in « tenir les (six) étoiles Keou-tch’in (de l’Ursa Minor) » ; 3o 振機 Tchin-ki « faire mouvoir les ressorts » ; 4o 握機 Ouo-ki « tenir les ressorts » ; 5o 執象 Tchi-siang « tenir l’image » (vulgo éléphant — tenir en main les lois). Cf. Sse-wen-yu-sie, liv. VIII, fol. 8 et 9. Ajoutons notre expression 提象 ou 提像 T’i-siang « élever en haut l’image (les lois) », c’est-à-dire : « gouverner à l’aide des lois ». Cette expression se trouve, avec le même sens, dans l’édition des treize livres canoniques (Chi-san-king-tchou-sou, liv. XLVIII, fol. 5), à l’occasion d’un passage du Tso-tch’ouen. On lit dans les anciennes annales des Thang (Mém. sur les Rites) : « l’empereur en tenant en main les lois », littéralement « en élevant l’image » 提像 « supplée à l’œuvre des dieux et gouverne toutes choses » 代神功而理物 Taï-chin-kong-eul-li-wou.

Les Chinois emploient souvent deux expressions synonymes pour rendre la même idée. Par exemple : 唐提像握機 Thang-t’i-siang-ouo-ki « l’empereur des Thang élève l’image (a le maniement des lois) et tient les ressorts (de l’administration). C’est pourquoi il s’associe à l’élément de la terre et dirige le gouvernail (de l’état) ». Peï-wen-yun-fou, liv. LII, fol. 15.

(17) Je passe à la seconde partie de la phrase : 控華渚而開源 (Khong-hao-tchou-eul-khaï-youen, littéralement : « gouverna Hao-tchou et ouvrit la source ». Pour bien comprendre ce passage, il faut connaître l’histoire de Chao-hao, fils de Hoang-ti, que sa mère conçut, dit une légende, d’une manière miraculeuse, après avoir vu un météore semblable à un arc-en-ciel, qui tombait sur l’île appelée Hoa-tchou. (Voyez Fong-tcheou-kang-kien, liv. I, fol. 28.) Voici, d’après le Sse-ki, le même fait un peu plus développé. La mère de Chao-hao s’appelait Niu-tsie. Sous le règne de Hoang-ti, il y eut une grande étoile (sic), de la forme d’une arc-en-ciel, qui descendit sur Hoa-tchou. Niu-tsie rêva qu’elle la recevait. Elle éprouva une vive émotion, et mit au monde Chao-hao.

Hoa-tchou était une île du royaume de Hoa-siu, où Fo-hi avait établi sa cour. (I-sse, liv. III, fol. 1.)

Il ouvrit la source (de la famille de Tch-in, c’est-à-dire de Hiouen-thsang).

(18) Il y a, en chinois : 大舜賔門 Ta-chun-p’in-men, mot à mot : « grand — Chun — hôte — porte », phrase inintelligible si l’on ne connaissait le passage du Chun-tien (le second chapitre du Chou-king), où il est dit, suivant les commentaires, que Chun recevait, comme des hôtes, les princes feudataires, aux portes du palais qui correspondaient aux quatre côtés de l’empire. Le mot p’in « hôte » ici un sens verbal et signifie « recevoir un hôte » ; en mandchou : boïgodsilaboumbi.

Chun, l’un des ancêtres de Hiouen-thsang, descendait de Hoang-ti à la huitième génération.

(19) En chinois : 基靂山而聳構 Ki-li-chan-eul-tsong-keou, mot à mot : « fondement — Li-chan — et — haut — poser un toit ». Nous dirions en français : « il jeta sur le mont Li-chan les fondements de sa grandeur ». On sait que Chun demeurait sur le mont Li-chan, et qu’il était occupé à y labourer la terre, lorsque Yao l’envoya chercher pour l’appeler à l’empire.

(20) Par 三恪 San-ko, « les trois (classes d’hommes) vénérables », on entend les descendants des empereurs Chun, Yu et Tching-thang (Peï-wen-yun-fou, liv. XCIX, B, fol. 167.) Ces personnages, et ceux des trois phrases suivantes, étaient des ancêtres de Hiouen-thsang, mais l’auteur se garde bien de les désigner nettement ; il craindrait de manquer son but, qui est constamment de mettre à l’épreuve l’érudition ou la sagacité des lecteurs.

(21) C’est-à-dire, sous le règne des Tcheou, dont le nom de famille était Ki. Il eût été plus simple de dire les Tcheou ; mais la phrase eût été trop claire. C’est d’après le même principe que, plus bas, au lieu d’employer les mots nien et souï pour dire « année », on s’est servi des mots tsaï « contenir » et sse « sacrifice », qui se prennent, quoique rarement, dans le sens de « année ».

(22) En chinois, il n’y a que 六奇 lou-khi « six — extraordinaires ». J’avais pensé d’abord qu’il s’agissait ici de six personnages d’un mérite extraordinaire. Des recherches persévérantes m’ont conduit à un grand nombre de passages où l’expression lou-khi « six — extraordinaires » désigne uniquement les six merveilleux stratagèmes de guerre que Tch’in-p’ing présenta au premier empereur des Han (l’an 193 avant J. C.), et à l’aide desquels ce dernier soumit tous les princes feudataires qui se partageaient l’empire. (Cf. P’ing-tseu-louï-pien, liv. C, fol. 35, et Peï-wen-yun-fou, liv. XXIII, A, fol. 40.) On se demanderait à bon droit quel rôle peuvent jouer ces six stratagèmes dans la généalogie de Hiouen-thsang, si l’on ne savait d’avance que Tch’in-p’ing, qui en était l’auteur, était un des ancêtres de notre voyageur. Tchang-choue paraît supposer qu’il suffit de citer les deux mots lou-khi « six — extraordinaires », pour qu’on devine immédiatement le nom de Tch’in-p’ing et ses six stratagèmes, qui sont le trait le plus saillant de sa biographie.

(23) Tch’in-kie, surnommé Tchang-wen, et un grand nombre d’autres lettrés ou hommes d’État, se sont distingués par leurs rapports élégants et lumineux (Youen-kien-louï-han, liv. CXCVII, fol. 18) ; mais quoique j’aie lu la valeur de plusieurs volumes en parcourant les grandes biographies Sing-chi-tso-pou et Wan-sing-tong-pou, ainsi que la collection des rapports officiels {Li-taï-tseou-i), il m’a été impossible de trouver le personnage de la famille Tch’in, qui, à cause de la clarté de ses rapports, fut surnommé Lang-youeï « lune brillante ».

Le mot tching a le sens de « succéder à » (en mandchou, sirame) et de « suivre et imiter » (en mandchou dakhame, doursouleme).

(25) C’est-à-dire : par l’influence de sa vertu, on vit apparaître une multitude d’étoiles d’heureux augure. Dans ce passage, écrit à mots couverts, comme les trois précédents, l’auteur a eu en vue Tch’in-chi, surnommé Tchong-kong, qui s’était rendu célébré par sa vertu. Un soir, il alla avec ses deux fils et ses petits-fils dans la maison de Sioun-chou, pour conférer ensemble sur des questions de morale et de philosophie. Cette nuit-là, on vit paraître une multitude d’étoiles brillantes. Le lendemain, l’historien officiel présenta à l’empereur un rapport où il disait : « Dans un espace de cinq cents li, il a paru une multitude d’étoiles brillantes. Cela annonce qu’on verra réunis un grand nombre de sages. » Tchong-kong fit construire une salle qu’il appela 德星堂 Te-sing-thang « la salle des étoiles brillantes » (ouldengge ousikha). Il y a en chinois 德星 Te-sing (littéralement : « vertu — étoiles »). J’ai traduit « astres lumineux », parce que tel est le sens de 景星 King-sing, qu’on donne comme synonyme de 德星 Te-sing.

(25) Pour lier cette phrase aux précédentes, il est nécessaire d’ajouter : : « La famille de Tch’in produit une multitude d’hommes éminents ». (On eût dit), etc.

(26) Il y a, en chinois : 縱壑駢鱗 Tsong-ho-p’ing-lin lâcher — vallée (où il y a de l’eau) associer — écailles ».

(27) Cette phrase, comme la précédente, ne pourrait être traduite clairement d’une manière littérale. Le texte dit seulement : 培風齊翼 aider — vent — disposer en ordre — ailes ».

Cette double comparaison, tirée des poissons et des oiseaux, s’emploie souvent pour féliciter l’empereur de ce qu’il a trouvé des hommes d’un grand mérite ou d’une vertu distinguée : 朝有得賢之頌. S'il était permis d’en faire ici l’application, elle signifierait (au figuré) que la famille de Tch’in avait fourni aux empereurs un grand nombre de fonctionnaires d’un mérite éminent, qui se trouvaient à la cour dans leur élément, comme les poissons dans l’eau et les oiseaux dans l’air. (Cf. Peï-wen-yu-fou, liv. XCIX, B, fol. 13.)

(28) L’auteur du Hao-khieou-tch’ouen dit, à peu près dans le même sens, que l’essence la plus pure des montagnes et des rivières se concentra pour former Thie-kong-tseu, le héros du roman.

(29) C’est-à-dire : grâce à ces heureuses influences. Je remarque une faute dans le texte : tsi « livre, registre », au lieu de thsie « profiter de ».

(30) Il y a ici une curieuse observation à faire. Quand les écrivains chinois veulent exprimer l’âge d’une personne, ils se contentent, en général, d’indiquer les habitudes, les occupations, les qualités qui leur paraissent caractériser l’époque de la vie qu’ils ont en vue. Voici, par exemple, six locutions usitées dans le style relevé, et qu’on a tirées du chapitre II du Lun-yu : 1o 志學之年 Tchi-hio-tchi-nien, « l’année où l’on s’applique à l’étude (quinze ans) » ; 2o 自立之年 Tseu-li-tchi-nien « l’année où l’on s’est fermement posé, où l’esprit est devenu solide, inébranlable (trente ans) » ; 3o 不惑之年 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/58 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/59 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/60 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/61 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/62 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/63 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/64 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/65 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/66 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/67 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/68 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/69 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/70 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/71 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/72 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/73 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/74 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/75 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/76