Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Calendrier du forestier

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome cinquièmep. 491-496).

CALENDRIER DU FORESTIER

Les Allemands, toujours méthodiques dans l’application de leurs idées et dans leurs occupations, ont imaginé de distribuer d’une manière périodique et régulière, les travaux forestiers qui doivent être exécutés dans chacun des mois de l’année.

En France, la même division n’est pas toujours praticable ; d’abord en raison de la différence du climat, ensuite à cause de la diversité qui existe entre les méthodes usuelles de traiter les forêts dans chacune des régions de notre sol, méthodes qu’il est extrêmement difficile de ramener à l’unité.

D’ailleurs les travaux de semis, de plantations, d’exploitation par coupes de réensemencement naturel, n’ayant pas encore pris en France une grande extension, rien n’est plus variable que notre mode d’opérer.

Il est donc bien difficile de présenter quelque chose de positif qui soit parfaitement adapté à nos besoins lorsqu’on veut former un calendrier français de culture forestière.

Cependant, c’est précisément parce qu’il n’y a encore rien d’uniforme dans la pratique qu’il convient de faire des efforts pour y introduire de l’ordre dès à présent ; l’ordre est un genre de division du travail qui le rend moins dispendieux, d’une exécution meilleure et plus facile ; chaque ouvrage est fait précisément en son temps et avec la moindre dépense de forces possible ; chaque ouvrier habitué à un travail qui revient uniformément, l’exécute mieux ; il y a épargne de peine, de temps et d’argent ; perfectionnement et réussite.

Tant d’avantages méritent que l’on établisse parmi nous quelque chose de semblable à cet ordre admirable que suivent les Allemands dans leur culture forestière, à laquelle ils se livrent sans efforts, sans écarts, avec une persévérance et une attention soutenues et avec un succès toujours croissant.

Il est un l’ait reconnu généralement, c’est que dans certains travaux l’ouvrier français exécute, dans un temps donné, moins d’ouvrage que l’ouvrier allemand ; ce n’est pas que l’ouvrier français soit moins laborieux ou moins intelligent, c’est qu’il apporte moins de régularité, moins d’ordre dans son ouvrage ; les distractions, les mouvements faux et inutiles, la mauvaise qualité des outils, le défaut d’arrangement, une dépense inutile de forces employées d’une manière irrégulière et souvent en sens opposé ; tout cela opère une sorte de discontinuité dans le travail et une grande perte de temps.

L’introduction de la méthode aura donc pour effet d’accroître la masse de l’ouvrage avec une somme égale de travail. Les époques de la culture forestière étant déterminées d’avance, les ouvriers feront coïncider leurs travaux agricoles ou industriels, de la manière la plus convenable à leurs intérêts, avec les travaux forestiers qui seront à leur portée.

Il est d’autant plus important d’introduire un bon ordre dans la culture forestière, qu’elle doit prendre un développement proportionné à nos besoins croissants de bois de toute espèce, développement qui s’accroîtra encore par le bon marché du travail résultant, non d’une baisse des salaires, mais d’une pratique plus habile.

Nous sommes arrivés à une époque où l’on sent la nécessité d’opérer des repeuplements, des nettoiements, des semis, des plantations et des remplacements d’essences inférieures par de meilleures espèces. On commence à exécuter ces travaux dans une partie de la France, et leur bonne distribution doit être précédée nécessairement de la connaissance des époques les plus convenables pour les exécuter.

C’est dans cette vue que nous indiquons la répartition suivante, dans laquelle nous avons eu en vue de réaliser le plus promptement possible l’idée d’une périodicité qui assurera le succès de la culture forestière.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Janvier 
 ib.
Février 
 492
Mars 
 ib.
Avril 
 ib.
Mai 
 493
Juin 
 ib.
Juillet 
 494
Août 
 ib.
Septembre 
 ib.
Octobre 
 495
Novembre 
 ib.
Décembre 
 496

janvier.

Dans les parties montagneuses de notre sol et dans nos contrées septentrionales, les exploitations des coupes sont interrompues ; les grands froids endommageraient les souches. Cependant on s’occupe du transport des bois coupés ; on profite des gelées dans les endroits marécageux, et des neiges dans les montagnes, pour opérer plus facilement la traite que dans les autres saisons.

Nous remarquerons que l’on n’établit pas généralement assez d’ordre dans la distribution des diverses parties de la coupe entre les bûcherons ; que l’on pourrait favoriser les transports et le débit en rangeant les bois abattus et façonnés de manière à laisser toujours des passages praticables.

Si de fortes gelées et la neige ne font pas obstacle au travaux de labour, soit à la houe, soit à la pioche, soit à la charrue, on peut en exécuter dans ce mois.

C’est aussi l’époque la plus convenable pour opérer des nettoiements dans les taillis, surtout si les ouvriers sont occupés aux travaux de l’agriculture dans les autres saisons.

Dans les régions méridionales, on peut par le même motif s’occuper presque continuellement Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/504 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/505 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/506 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/507

Quant aux bois résineux, ils seront coupés aussi bas que possible ou même entre deux terres.

On cesse la fabrication du charbon.

On élague les jeunes bois de pins ; on coupe les plants les plus faibles pour donner un espace suffisant aux plants restants ; on coupe les branches inférieures de ceux-ci, le plus près possible de la tige. Cette opération est productive, et on peut y soumettre les plants qui ont atteint 0m,80 à 0m,90 de hauteur.

décembre.

On achève les semis et plantations, si la gelée n’y met obstacle ; ordinairement ces travaux ne peuvent être faits avec succès au mois de décembre que dans les contrées méridionales.

On continue de curer les anciens fossés et d’en ouvrir de nouveaux. Le prix de ces travaux se paie au mètre courant, lorsqu’on a fixé les dimensions de l’ouvrage et le mode d’exécution.

On répare les chemins en déposant des cailloux ou des pierres cassées dans les ornières , pour préparer les voies d’extraction des produits de la coupe.

L’abattage des taillis cesse aussitôt que le sol est couvert de neige ou que la gelée est trop forte ; mais cette opération continue ordinairement dans les contrées méridionales, et son exécution y est encore bien imparfaite dans un grand nombre de localités. Les ouvriers se servent de mauvais instruments et coupent souvent les souches de manière a les enlever, ce qui dégarnit le sol ; il est donc essentiel de prescrire la conservation des souches et d’empécher qu’elles ne soient éclatées ou écuissées. L’inobservation de ce soin est une cause active du dépérissement des forêts où il est négligé.

Il est des essences, comme le chêne vert (yeuse), qui craignent les gelées d’hiver après l’exploitation, dans les forêts des montagnes ; on doit prévenir cet accident en couvrant les souches de terre après l’abattage.

Dans les forêts soumises soit au pâturage, soit à l’enlèvement du bois mort ou à tout autre droit d’usage, on fait un examen attentif pour reconnaître si l’exercice de ces droits n’entraîne aucun dégât. A la (in de l’année on réunit les actes et documents, tels que les déclarations de défensabilité, les tableaux de martelage et récolement, les ventes des coupes, les menus marchés, les états de recettes et de produits divers et autres pièces relatives au service de l’année, et l’on reconnaît si rien n’a été négligé dans l’administration de la forêt.

Noirot,
Ingénieur forestier, à Dijon.