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Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 1/ch. 8

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Texte établi par Jacques Alexandre BixioLibrairie agricole (Tome premierp. 222-237).
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CHAPITRE VIII. — des façons d’entretien des terres.

Ces opérations portent en général le nom de menues cultures. On comprend sous cette dénomination les travaux qui ont pour but d’assurer, depuis la semaille ou la plantation jusqu’au moment de la récolte, le succès des diverses cultures. Cette partie de l’art agricole intéresse le cultivateur à un trop haut degré pour que nous négligions aucun des détails qui y ont rapport.

Sect. Ire. Façons pour l’égouttement des sols. 
 ib.
Sect. II. Façons pour l’ameublissement du sol. 
 223
Art. Ier. Du hersage des récoltes. 
 ib.
§ Ier. Hersage des céréales. 
 ib.
§ 2. Herbage des plantes sarclées. 
 224
§ 3. Hersage des prairies. 
 ib.
Art. II. Du binage. 
 ib.
§ Ier. Binage des céréales. 
 225
§ 2. Binage à la main des récoltes sarclées. 
 226
Éclaircissage des plantes sarclées. 
 227
§ 3. Binage à la houe à cheval. 
 228
Conduite des houes à cheval. 
 229
Sect. III. Façons pour le nettoyage du sol. 
 231
§ Ier. De la destruction des mauvaises herbes. 
 ib.
§ 2. De l’esseiglage. 
 232
§ 3. Du sarclage et de l’échardonnage. 
 ib.
§ 4. Emploi des produits des binages et sarclages. 
 234
§ 5. Retranchement des feuilles et sommités des tiges. 
 ib.
Sect. IV. Façons pour le terrassement des plantes. 
 235
§ Ier. Du buttage : à la main, à la charrue. 
 ib.
§ 2. Du terrage et du rouchottage. 
 236
§ 3. Des terrasses et costières. 
 237


Section 1re. — Façons pour l’égouttement du sol.

Le premier objet qui mérite une sévère attention, c’est le tracé et l’entretien des raies d’écoulement. Elles ont pour but de soustraire les récoltes à l’influence d’une humidité prolongée et aux désastres qu’occasione aux emblavures d’hiver, l’eau qui ravine les coteaux lorsqu’on n’a pas eu la précaution de lui ménager une issue. On est communément trop disposé à se déguiser à soi-même le tort que fait aux plantes le séjour de l’eau dans le sein de la terre. Des observations que l’expérience semble justifier portent à croire que le seigle succombe à une inondation qui durerait 8 jours, l’orge d’hiver et l’avoine à une inondation de 12 jours, et que le froment résiste 38 jours. Or, quelle différence y a-t-il pour ces plantes entre une inondation pendant laquelle chaque partie de l’eau est sans cesse remplacée par une autre, et la stagnation d’une eau qui croupit, fermente avec les racines des plantes et finit par les décomposer ? S’il y en avait une, elle serait à l’avantage de l’eau qui ne fait que passer plutôt qu’à celle qui séjourne. Il est donc d’une grande importance de procurer à l’humidité un écoulement toujours facile. Le moyen est simple et peu dispendieux. On prend une charrue ordinaire et on ouvre un sillon qui serpente du point le plus élevé de la pièce à la partie inférieure, en passant par les endroits où l’eau paraît devoir rester stationnaire. On trace un nombre de raies suffisant pour procurer un assainissement complet.

Fig. 322.

Toutes ces rigoles particulières (A B C D E, fig. 322) viennent se rendre dans une autre plus large et plus profonde (F G) placée au bas de la pièce et destinée à l’évacuation définitive de l’eau. Lorsque le sol présente une grande inclinaison, il serait peu prudent de diriger le sillon d’écoulement dans le sens de la plus forte pente. L’eau provenant des pluies ou des fontes subites de neige se précipiterait par torrens, entraînant avec elle la terre, les engrais et les plantes. Une direction oblique qui force l’eau à s’écouler lentement et sans dégâts, est beaucoup plus avantageuse. Le fossé qui reçoit les sillons secondaires sera barré par intervalles, afin que la terre et les engrais que l’eau tient en suspension, puissent s’y déposer. Ce limon, provenant des parties supérieures, est enlevé dans un moment de loisir et va féconder les portions qui en ont été frustrées. Cette opération, bien connue dans les pays de vignobles, se nomme terrage. La direction des raies d’écoulement doit prendre insensiblement celle de la grande rigole inférieure. Sans cela l’eau, arrivant impétueusement des hauteurs et rencontrant directement l’eau du canal de dérivation, comme mn, forcerait celle-ci à sortir, et occasionerait souvent de grands dégâts.

Les barrages dont nous avons parlé (fig. 323) seront formés de pieux enfoncés verticalement et assemblés par une traverse horizontale. Ils seront assez éloignés les uns des autres pour laisser passer l’eau, et assez rapprochés aussi pour lui opposer un faible obstacle. Il est même quelquefois utile, pour atteindre ce dernier but, de clayonner le barrage.

Pour tracer les raies d’écoulement, au lieu d’une charrue à un seul versoir qui trace une raie peu régulière et accumule la terre sur une seule épaule du sillon, on se sert du butoir à double versoir, dont le travail est plus satisfaisant. Mais, dans l’un comme dans l’autre cas, il y a toujours de chaque côté un amoncellement formé par la terre sortie de la raie, et qui empêche l’eau d’arriver dans la rigole. Il faut, pour obtenir des raies d’écoulement tout l’effet désiré, rabattre cet exhaussement à la pelle, ou mieux adapter au butoir le rabot de raies (fig. 324). Ce n’est autre chose qu’un encadrement formé par deux morceaux de bois réunis par des traverses : il faut que les deux ailes ne soient pas parallèles. À chaque versoir est attachée une chaîne fixée pareillement à chacun des deux bras, de telle sorte que lorsque l’instrument fonctionne, le rabot en suit la direction en repoussant et nivelant la terre qui a été amoncelée.

Il est souvent nécessaire encore de curer les rigoles à la pelle afin que rien n’obstrue le passage de l’eau. Immédiatement après les pluies un peu abondantes et après les fortes averses, on visitera les rigoles avec soin ; il peut se former des amas de terre qui forcent l’eau à prendre une autre direction : une pierre, une branche la détournent quelquefois de la marche qui lui a été tracée. La moindre négligence sur ce point peut occasioner de grands dégâts. Dans les grandes exploitations bien dirigées, où chaque employé est chargé d’une attribution spéciale qu’il affectionne, un seul ouvrier fait le service des raies d’écoulement. Comme c’est son œuvre à lui, il y prend un intérêt plus particulier, et si quelque chose pèche sous ce rapport, il ne peut en éluder la responsabilité, ce qui arrive trop souvent quand il n’y a pas de spécialité dans les attributions. C’est ordinairement à l’irrigateur qu’est confié le tracé et l’entretien des sillons d’écoulement.

Un avantage important qui résulte des rigoles d’évacuation lorsqu’elles sont établies avec intelligence et entretenues avec soin, c’est que les plantes déchaussent rarement. Personne n’ignore que ce dernier phénomène se manifeste principalement pendant l’hiver dans les sols humides et qui se gonflent par la congélation de l’eau. Si celle-ci ne s’y trouve que dans une faible proportion, le gonflement n’aura lieu qu’imparfaitement, et ses résultats n’auront pas de suites fâcheuses.

Si, malgré les précautions que nous venons d’indiquer, le déchaussement a lieu et met à nu les racines des plantes, on remédie au mal jusqu’à un certain point en semant sur la récolte un compost formé de terre et de fumier et en roulant énergiquement. L’engrais pulvérulent forme comme une couche légère sur les racines dénudées, le rouleau les a enfoncées dans le sol et les a recouvertes avec la terre des aspérités provenant des mottes de la surface.

Section ii.Façons pour l’ameublissement du sol.

[8 : 2 : 1]
Art. ier.Du hersage des récoltes..
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§ ier. — Hersage des céréales.

Les cultivateurs sont assez généralement convaincus de l’efficacité du hersage comme moyen de préparation des terres et d’enfouissement pour les semences, mais ils ne reconnaissent pas tous les résultats avantageux qu’a cette opération pour l’entretien des céréales. Les plantes une fois confiées à la terre, le laboureur français ne s’en occupe plus que pour les récolter ou leur donner un sarclage insuffisant.

Il ne faut pas se dissimuler que le succès de cette façon dépend moins de l’habileté dans l’exécution que de la sagacité dans le choix du moment. Si la terre est humide, pâteuse, la herse bouleversera tout, et personne n’ignore que le terrain remué lorsqu’il est trop humide, n’en est que plus disposé par la suite à former croûte en se desséchant. Si l’on herse, au contraire, lorsque la sécheresse a déjà durci la surface, l’instrument ne pénétrera que difficilement et par saccades ; la terre s’enlèvera par masse et déracinera les plantes. Le cultivateur placé dans cette circonstance ne devra pas renoncer au bénéfice du hersage. En faisant auparavant passer le rouleau ordinaire, ou mieux le rouleau squelette de M. de Dombasle, la terre est brisée en petits fragmens, la herse pénètre sans peine et ameublit le sol qui n’est plus susceptible de s’enlever par plaques. Mais, pour obtenir un plein succès, il faut choisir le moment où la terre se réduit en poussière sous une faible pression et par le moindre choc, bien plutôt que par le déchirement de sa surface. Il faut pour cela un œil vigilant, un tact particulier. L’instant opportun est facile à saisir dans les terres argileuses, mais, dans les terres sablonneuses dites terres blanches, il n’en est pas de même ; la couche supérieure est déjà souvent trop desséchée lorsque la partie inférieure est encore trop humide. Pour les sols de cette nature, il n’y a souvent qu’un seul jour favorable au hersage, et ceux qui en cultivent de tels devront être aux aguets pour en profiter.

Un des grands avantages du hersage des céréales, c’est la production des talles. Le tallement est une sorte de marcotage qui n’a lieu qu’autant que les plantes sont butées avec une terre nouvelle. Tous les moyens qui peuvent rechausser les végétaux procurent ce résultat, mais aucun n’est plus économique ni plus expéditif que le hersage.


[8 : 2 : 1 : 2]
§ ii. — Hersage des plantes sarclées.

Si quelques cultivateurs ont appréhendé que le hersage des céréales ne détruisit un trop grand nombre de plantes, à plus forte raison tremblera-t-on à la seule idée de voir une herse dans une pièce de betteraves, de colza, de navets, etc. Comme cet instrument marche un peu au hasard, on pourrait craindre qu’en somme le résultat ne fût pernicieux. Certainement, lorsque les plantes ont acquis une grande dimension, il serait difficile que la herse ne fonctionnât pas sans occasioner de très-grands dégâts. Il n’en est pas de même lorsqu’elles sont à leur première enfance. Il est prudent de se servir d’une herse dont les dents soient presque perpendiculaires au sol. Quand l’instrument a passé, le champ semble quelquefois ravagé : aussi les Belges disent proverbialement que « celui qui herse des navets ne doit pas regarder derrière lui. » Cette culture ne s’applique pas exclusivement aux plantes semées à la volée, elle agit d’une manière aussi efficace et aussi avantageuse sur celles qu’on a semées en lignes.

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§ iii. — Hersage des prairies.

Cette opération, si profitable aux prairies en général, et aux prairies artificielles en particulier, est encore inconnue de la plupart des cultivateurs français. Pourtant la proportion dans laquelle elle augmente le produit dans certains cas est à peine croyable. Elle a pour but, dans les prés naturels, de rechausser le gazon, de l’ouvrir aux influences de l’air, et par conséquent de le renouveler. En Allemagne, on ne se contente pas du hersage, on scarifie (voy. pour les Scarificateurs, ci-devant p. 203). Ce travail est utile surtout pour enlever la mousse et donner passage aux engrais qui pénètrent alors plus facilement dans la terre, et ne courent point le risque d’être entraînés par les eaux pluviales loin des lieux qu’ils devaient féconder. Le hersage produit sur les prairies artificielles un résultat absolument semblable, mais plus énergique ; de plus, il détache du sol les pierres qui s’y trouvaient enchâssées, et qui se fussent opposées à l’action de la faux. On les amasse ainsi avec la plus grande facilité et une économie notable. En Angleterre, on se sert pour cela d’un instrument spécial inventé par M. Baldwin (fig. 325) ; quoique destiné à la culture de la luzerne semée en lignes, il pourrait fonctionner avec avantage dans toutes les prairies artificielles. On pourrait croire que le déchirement des pieds de sainfoin, de luzerne, etc., amènera la mort des individus lésés ; il n’en est rien, la nature cherche constamment à réparer ses pertes, la sève afflue avec abondance vers la partie offensée, et la végétation se ranime.

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Art. ii.Du binage.

Ce que nous avons dit de l’efficacité de la pulvérisation du sol par le hersage s’applique avec bien plus de raison encore aux résultats obtenus par le binage. Généralement on est disposé à tomber dans 2 graves erreurs relativement à cette façon. La première c’est de croire qu’il n’est indispensable que lorsque la terre est couverte de mauvaises herbes ; la seconde, d’être persuadé que les résultats sont nuisibles aux récoltes, qu’on met le feu dans la terre, si on en ouvre le sein par un temps sec. L’opinion de Tull, de Cobbett et de quelques autres agronomes qui croient pouvoir attribuer toute la fertilité à l’aération du sol, milite contre la dernière de ces opinions, et la plus simple observation des phénomènes qui se passent sous nos yeux tous les jours, nous convaincra de sa fausseté.

On n’apprécie pas assez non plus l’effet de la rosée ; c’est elle seule qui empêche de se dessécher les plantes cultivées sous les tropiques, où l’évaporation est si abondante, et où cependant la végétation se montre plus riche et plus luxuriante qu’ailleurs. La rosée est peu utile, il est vrai, sur une terre battue, mais il n’en est pas de même si elle a été bien ameublie par des binages fréquens. Dans celle-ci, la moindre pluie, l’humidité des rosées elle-même, qui se dépose à la surface, descendent ensuite jusqu’aux racines, et se logent dans les interstices du terrain soulevé, comme dans les cellules d’une éponge. Dans celui qui n’a pas été aussi convenablement préparé, l’eau des pluies s’écoule sur la superficie comme sur un parquet, et n’est que d’une utilité secondaire pour la végétation. Au reste, celui qui ne serait pas persuadé par les raisons que nous venons de donner, servirait mal ses intérêts, s’il ne tentait l’expérience au moins sur une petite superficie.

La seconde erreur que nous avons signalée, c’est de confondre le binage avec le sarclage, et de croire qu’il n’est réellement efficace que dans les cas où les mauvaises herbes tapissent le sol. De cette erreur en découle nécessairement une autre, c’est qu’afin d’éviter les frais d’un binage, on ne commence à biner que lorsque les plantes ont envahi la surface de la terre, étouffé les plantes qui les avoisinent, et vécu aux dépens de la substance destinée à la véritable récolte. Il s’en faut de beaucoup que cette économie, même dans le sens étroit que l’on donne ici à cette expression, se réalise toujours d’une manière certaine. En effet, si, en reculant l’époque des binages, on parvient à n’exécuter cette opération que 2 fois au lieu de 3, par exemple, je pose en fait que ces 2 binages coûteront plus que les 3 ou 4 qu’on eût donnés lorsque les mauvaises herbes commencent seulement à poindre, et que la superficie de la terre n’est pas encore endurcie. Dans cette dernière hypothèse, les instrumens, soit à main, soit à cheval, ne rencontreront que de faibles obstacles, la terre s’ameublira sans difficulté, les herbes parasites n’opposeront aucune résistance et seront complètement détruites : tandis que, dans le premier cas, la terre, dure comme une pierre, se laisse à peine entamer, même après plusieurs coups répétés, la houe glisse sur les racines, et souvent j’ai vu des binages ainsi retardés demander préalablement l’extraction à la main des plantes inutiles, pour être exécutés d’une manière tant soit peu profitable. On perd dans cette circonstance l’avantage de pouvoir utiliser les bras des femmes et des jeunes gens, qui d’ordinaire ont assez de force pour soutenir un binage fréquemment renouvelé, mais qui ne peuvent résister à la fatigue du binage dans un terrain qui a été négligé. Ajoutez que la plupart des plantes parasites, lorsqu’on les croit seulement en fleurs, ont déjà développé leurs graines que les secousses de l’opération détachent et répandent de nouveau sur la terre. Je ne dirai rien de la diminution dans la récolte, je suis convaincu par des faits multipliés qu’une négligence de la nature de celle dont je viens de parler, fera perdre dans bien des cas 1/3 des produits qu’on eût obtenus en suivant une marche opposée.

§ 1er. — Du binage des céréales.

Les binages sont rarement appliqués aux céréales, soit parce que cette opération, entreprise sur une grande superficie, exige des bras nombreux que l’on ne peut souvent se procurer, soit parce que la dépense est au-dessus des ressources dont peuvent disposer à cette époque la plupart des cultivateurs. C’est là une difficulté avec laquelle il faut souvent transiger. La dépense se monte d’ordinaire de 15 à 20 fr. par hectare : 20 personnes, femmes et enfans, binent cette superficie dans un jour, lorsque la semaille a été faite à la volée. C’est pour diminuer les frais de ce binage, et pour d’autres avantages encore, qu’on a cherché dans ces derniers temps à exécuter en ligne la semaille de toutes les espèces de culmifères. Le semoir Hugues est celui qui jusqu’alors remplit le plus grand nombre des conditions désirées dans ces sortes d’instrumens. Son inventeur a de plus imaginé un sarcloir monté sur deux petites roues (fig. 326), et qui abrège beaucoup le travail. Lorsqu’on n’a pas semé par rangées, on se sert avec avantage de la serfouette (fig. 327). La lame tranchante extirpe et coupe les mauvaises herbes ; le bident passe entre les tiges, remue la terre et donne une culture utile aux chaumes de la céréale.

Fig. 326.

Fig. 327.

L’homme qui a fréquenté les halles et les marchés à grain, sait qu’un binage a, sur la netteté des produits, une influence qui augmente souvent la valeur du blé de 2 fr. par hectolitre. En supposant un produit moyen de 18 hectol. à l’hectare, un binage de 15 fr. donnerait ainsi une augmentation de 36 fr. sur le produit brut, et de 21 fr. sur le produit net. J’ai supposé dans ce calcul que l’amélioration ne porte que sur la qualité, mais je suis persuadé qu’elle agit aussi favorablement sur la quantité.

Encore une réflexion en faveur du binage : celui qui n’envisage que la récolte présente ne voit qu’un côté de la question. Le sol est purgé des mauvaises herbes qui eussent infesté le sol pendant les années suivantes de la rotation. Le trèfle que l’on sème dans la céréale est recouvert par le binage avec beaucoup plus de perfection qu’il ne le serait avec la herse, et l’on sait qu’un beau trèfle est la meilleure garantie de réussite pour le froment qui lui succède.

Si la céréale ne contenait pas de mauvaises herbes, ou qu’on ne pût disposer que d’un petit nombre du bras, on emploierait avec avantage et une économie notable de main d’œuvre, le râteau à dents de fer.

Toutes les fois que l’on se disposera à faire biner les céréales, ou aura soin de ne commencer cette opération qu’à l’époque où les tiges sont prêtes à monter, afin qu’aussitôt la besogne terminée le feuillage des plantes couvre le sol, et ne permette plus aux graines des mauvaises herbes de germer, en leur ôtant toute communication avec l’air.

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§ ii. — Binage à la main des récoltes sarclées.

Le binage des plantes sarclées s’exécute avec des instrumens conduits par des chevaux ou à bras d’hommes. Cette dernière méthode est la seule praticable lorsque la semaille a été faite à la volée, ou lorsque les rangées sont tellement rapprochées qu’il serait trop dispendieux d’employer les forces d’un cheval pour biner une très-petite surface. Nous allons parler d’abord de cette manière.

Le binage à la houe à main a été longtemps le seul en usage, et aujourd’hui encore on n’en connaît pas d’autres dans les 9/10, au moins, des exploitations françaises. Pour l’observateur attentif il est certain que c’est là une des causes principales qui ont retardé chez nous les progrès de la culture raisonnée. Il est vrai que dans bien des circonstances le binage à la main ne peut être remplacé par aucune autre opération. C’est le cas qui se présente, lorsque les plantes commencent à sortir de terre ; leurs racines sont si délicates à cette époque, leurs tiges sont si grêles, qu’il serait à craindre que, secouées trop vigoureusement par la houe à cheval, ou même couvertes par la terre qu’elle déplace, elles ne subissent dans ce cas un dommage réel. C’est ce qui a lieu surtout par rapport aux plantes qui se sèment de bonne heure au printemps, et dont l’enfance est longue et laborieuse, parce que la végétation n’est pas encore activée par la chaleur du soleil. Cependant il n’y a pas à balancer, les herbes nuisibles, plus agrestes, se développent et prendront bientôt le dessus si on n’y porte un prompt remède. Le cultivateur qui sait saisir l’à-propos, et qui se trouvera sous l’impression des considérations que nous avons fait valoir en faveur de la destruction des végétaux parasites dans leur enfance, et de l’ameublissement du sol, ne reculera jamais devant la dépense d’un binage à la main en face d’une récolte sarclée qui se présenterait d’ailleurs sous des auspices favorables.

Ce premier binage n’est à proprement parler qu’un ratissage. Mais un inconvénient grave, qu’on n’avait pas encore cherché à écarter dans la construction des ratissoires, c’est qu’elles présentent une lame droite, d’une longueur invariable et qui oblige l’ouvrier à attaquer les plantes de front : quand celles-ci sont déjà vigoureuses, qu’elles ont poussé des racines ligneuses, elles cèdent et plient, de sorte que, souvent, au lieu de les couper, on est forcé de les arracher en faisant piquer l’instrument au-dessous de leurs racines, ce qui présente de grandes difficultés dans certaines natures de terres. Un autre désavantage qui résulte de ce mode de construction, c’est que la lame étant d’une longueur invariable, l’instrument ne peut fonctionner qu’autant que les rangées des plantes sont a une distance au moins égale à la longueur de la lame. Les binettes ordinaires présentent en outre un inconvénient inhérent à leur construction, c’est de forcer l’ouvrier à marcher sur le sol qu’il vient de pulvériser, et d’annuler en partie le succès de l’opération. Il faut donc, pour rendre ces instrumens plus parfaits, que la lame attaque les plantes d’une manière analogue à l’action qu’exerce la faux sur les foins ou la faucille sur les culmifères ; c’est-à-dire, que le tranchant prenne une direction oblique ou de biais ; il faut de plus que la lame puisse s’alonger à volonté, et que l’opérateur marche à reculons sur la terre qui n’est pas encore remuée.

La binette de M. Lecouteux (fig. 328) présente ces avantages réunis. Elle se compose d’un prisme de fer, une quenouille, tranchante sur ses 2 faces, fait corps avec la partie supérieure du prisme. Une cavité pratiquée dans ce prisme permet d’y insérer à la fois les branches coudées des deux lames, qui, par cette disposition, peuvent à volonté s’éloigner ou se rapprocher. L’assemblage est maintenu solide par un coin en fer. On peut adapter des lames latérales plus ou moins larges selon la distance qui existe entre les rangées. On a remarqué que quelques plantes s’échappent parfois entre la lame médiane et les tranchans latéraux. M. Bazin, qui, le premier, a employé cet instrument, a fait construire la partie inférieure des lames en forme de croissant, modification qui ne permet plus aux plantes de glisser ; l’opération s’exécute avec un succès marqué, et approche aussi près de la perfection qu’on peut le désirer. La ratissoire ou la binette de M. Lecouteux sera fort utile aux cultivateurs de plantes sarclées qui restent long-temps dans l’enfance, comme la carotte, le pavot semé en lignes. Dans cette circonstance, les plantes parasites ont déjà pris beaucoup de développement avant que les végétaux utiles puissent souffrir que la terre qu’ils occupent soit profondément remuée. L’instrument dont nous parlons détruit énergiquement les mauvaises herbes sans donner de secousses violentes aux plantes délicates qui doivent rester.

Au second binage, la terre qui se trouve autour des plantes peut être remuée, mais avec précaution si celles-ci sont encore faibles. Dans ce cas, on ne se sert pas de la houe à lame élargie, mais de celle dite triangulaire (voy. ci-dev., p, 166. fig. 173). Dans quelques comtés de l’Angleterre, on se sert d’une houe (fig. 329) véritablement triangulaire ; le fer forme avec le manche un angle droit, et les bineurs français ne sont pas familiarisés avec le maniement des instrumens qui présentent cette disposition. La houe triangulaire, n’exerçant son action que sur une très-petite superficie à la fois, expédie moins de besogne qu’une houe à lame plus élargie ; mais celle-ci offre moins de facilité pour le binage des plantes délicates, parce que l’instrument peut agir autour d’elles dans toutes les directions, ce qui serait impossible s’il avait de plus grandes dimensions. Elle est indispensable dans les sols pierreux et caillouteux où l’on essaierait en vain de faire pénétrer une lame large.

Pour le premier binage j’ai vu le rouleau précéder la houe, et presque toujours avec le plus grand succès. En effet, le grand but du binage est la pulvérisation du sol : avec la houe on n’obtient cet ameublissement qu’en déplaçant la terre. Or, il arrive souvent que ce déplacement met à nu la racine de la plante, et que la cavité ne peut être fermée par un nouveau transport de terre sans l’offenser. Il faudrait donc que la motte fût écrasée au lieu même qu’elle occupe, et c’est ce qu’on fait sans peine avec le rouleau, en proportionnant la pesanteur de celui-ci à la grosseur des plantes. Je veux dire que plus les racines ont de diamètre, moins elles sont élastiques, et moindre sera le poids qu’elles auront à supporter. — Ce n’est pas là le seul avantage : à l’époque de ce premier binage les feuilles sont encore peu apparentes, les lignes ne tranchent pas par leur verdure avec le terrain environnant ; après le passage du rouleau, les rangées se dessinent beaucoup mieux qu’auparavant. Le bineur alors marche avec plus de sûreté ; la besogne se fait mieux et plus vite. Ce que je viens de dire de l’action du rouleau mérite d’être pris sérieusement en considération par tous ceux qui cultivent les plantes sarclées. Je ne l’ai encore vu pratiqué que dans la ferme du Ménil-Saint-Firmin. Il est bon de faire observer que le résultat de cette opération serait nuisible dans les terrains pierreux et caillouteux, où l’action de ces corps durs détruirait infailliblement les racines qui se trouveraient interposées entre eux.

Dans les seconds binages, le travail exige, pour être parfait, que la terre soit remuée à une grande profondeur ; les plantes sont alors dans l’adolescence et supportent déjà de plus fortes secousses. Les houes qui conviennent pour les binages postérieurs au premier auront une lame plus large et seront acérées. Si le sol est tassé, les deux extrémités de la lame seront anguleuses (fig. 330), afin de couper la croûte avec facilité. Si la terre est assez meuble, on prend la binette à lame droite (fig. 331). En Angleterre, on emploie diverses houes à main ou ratissoires, dont nous représentons les plus recommandables : celle (fig. 332) est avantageuse pour travailler dans les terrains tenaces, parce qu’on peut les déchirer au besoin avec les trois dents. — Ducket vante l’instrument (fig. 333) à 3 lames, pour éclaircir les plants ; celui (fig. 334) pour nettoyer les semis faits en touffes ; celui (fig. 335) pour biner les deux côtés d’un semis en ligne à la fois ; enfin, un 4e (fig. 336) pour ouvrir des tranchées destinées à recevoir de l’engrais ou la plantation des pommes-de-terre.

Il est bien difficile d’indiquer la manière de diriger une binette. Les conseils les plus clairs, les données les plus précises, viendront toujours échouer contre le peu d’habitude. Cependant, s’il est impossible d’enseigner avec des mots l’exécution matérielle, il n’en est pas moins vrai que tout cultivateur appelé par sa position à surveiller des travaux de ce genre doit savoir distinguer un bon bineur, et à quels signes on reconnaît un binage bien exécuté. L’ouvrier accoutumé à faire cette opération avec méthode et célérité tient toujours l’instrument devant lui sans le faire passer à droite ou à gauche, ce qui gênerait les voisins : ses jambes sont écartées, et une rangée de plantes se trouve toujours entre les deux. Il se garde bien de faire un pas à chaque coup de binette, habitude nuisible que les ouvriers contractent avec facilité, dont ils se dépouillent rarement, qui cependant les fatigue inutilement, rend leur besogne incomplète et leur travail presque nul. Le bon bineur ne touche pas à petits coups répétés, mais il alonge son instrument et le retire vers lui en remuant une grande surface.

En même temps que le second binage, a lieu l’éclaircissage des plantes sarclées, et ce n’est pas la partie la moins dispendieuse de leur culture. Avec de l’exercice et certaines précautions on peut le faire à coups de binette, mais il vaut mieux exiger qu’on éclaircisse à la main, surtout lorsque les bras qu’on emploie sont encore novices. Un surveillant est indispensable, parce que si l’ouvrier ne sent pas devant lui l’œil du maître, il préfère souvent couper 4 à 5 plantes avec sa houe que de se baisser pour arracher délicatement les surnuméraires.

Il en est de même de la destruction des mauvaises herbes. Celles qui sont très-rapprochées des végétaux destinés à occuper le sol, sont arrachées à la main. Si le surveillant est absent ou distrait, l’ouvrier se hâte d’enlever d’un coup de binette la plante parasite et souvent celle qu’il devrait respecter.

L’éclaircissage d’un hectare de plantes sarclées, pour être fait avec soin, et lorsque les plantes sont un peu serrées, exige une dépense de 10 fr. par hectare. On gagnera ordinairement beaucoup, si, adoptant le mode de division du travail, on peut faire exécuter cette opération à part. La distance qu’il faut laisser entre chaque plante est subordonnée à la nature et à la fécondité du sol. Les cultivateurs en France ont généralement beaucoup de disposition à conserver un trop grand nombre de pieds sur une superficie donnée. On aura une indication sommaire mais suffisante dans bien des cas, si on éloigne assez les plantes pour que les feuilles, parvenues au maximum de leur développement, ne touchent pas celles des plantes qui les avoisinent.

Je ne m’arrêterai pas longuement aux frais occasionés par le binage à la main, parce que les élémens du calcul varient avec les localités, la nature du sol, le prix de main d’œuvre, et que cet objet sera traité spécialement à l’article de chaque plante. En Angleterre, le binage des turneps est payé à raison de 15 fr. par hectare pour un seul binage. J’ai vu des betteraves bien binées pour la première fois pour le prix de 0,25 c. par hommée, ce qui donne 12 fr. 50 c. par hectare. D’un autre côté, M. Bourgeois à Rambouillet estime que la première façon donnée aux carottes lui revient à 60 fr. par hectare. Laissons donc à la sagacité de chacun à déterminer une chose si variable. Contentons-nous de dire que les premiers binages, qui demandent des soins particuliers, se paient plus cher que les autres. Si la première culture, par exemple, revient à 25 fr. par hectare, la seconde ne sera payée qu’à raison de 20 fr. pour la même superficie ; la 3e à 16 fr.

Il est des contrées où, pour la culture des plantes sarclées, on ne se contente pas d’un binage à la houe ; on donne un labour à bras entre les rangées avec la fourche à trois pointes. Cette façon est très-dispendieuse et ne doit s’employer que pour des récoltes d’un haut prix, telles que la chicorée à café, les pépinières d’arbres fruitiers et forestiers, etc.

Je n’ai pas parlé jusqu’ici des binages nécessités par les plantes sarclées semées à la volée, parce que heureusement cette méthode est abandonnée dans presque toutes les localités. Il est cependant des cas où il n’est pas possible au cultivateur de semer par rangées : c’est lorsqu’on sème ensemble dans le même terrain des plantes qui ne donnent pas leurs produits à la même époque, et dont la première sert d’abri à la seconde. Je citerai pour exemple, les carottes dans le lin et le colza, les navets dans le seigle et le sarrazin. Comme les semences de la récolte secondaire se répandent en même temps ou peu après celles de la récolte principale, on ne peut, sans nuire à celle-ci, faire fonctionner un semoir à bras ou à cheval, et la semaille à la volée est de rigueur. Le binage de ces sortes de plantes est plus difficile et plus dispendieux que si on eût semé en lignes. Avant de le commencer, il faut absolument enlever les chaumes qui restent dans la terre, lorsque la première récolte en a laissé. Cette extraction ne peut se faire convenablement qu’à la main ; mais, si coûteuse qu’elle semble au premier aperçu, on en est amplement dédommagé par les produits qui servent à faire de la litière, des composts ou du moins des cendres. D’ailleurs, le fait même de cette extraction procure au sol un remuement qu’on considère avec raison comme un faible binage. — Ce n’est pas que, même pour les récoltes de cette espèce, on ne puisse disposer les plantes par rangées. Si après la première récolte on s’aperçoit que les végétaux qui restent sont assez épais, on prend un rayonneur dont on écarte les pieds, et on le promène sur la superficie. Les pieds arrachent les plantes qu’ils rencontrent, et laissent les autres parfaitement intactes et disposées régulièrement par rangées parallèles. Alors les menues cultures s’exécutent à la main comme à l’ordinaire, ou mieux à l’aide de la houe à cheval.

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§ iii. — Binage à la houe à cheval.

Il y a long-temps que l’agriculture anglaise se sert avec succès, pour opérer les binages, d’instrumens conduits par des chevaux. M. de Fellemberg a donné sur le continent le premier exemple de menues cultures un peu complètes d’après le système anglais. En France, les cultivateurs ont généralement ajouté peu de foi aux éloges qu’on a donnés à la houe à cheval. Si nous cherchons à nous rendre raison de cet éloignement, si nous examinons sérieusement les objections que l’on a faites contre l’emploi de cet instrument, nous trouvons qu’elles se déduisent de deux ordres d’idées bien différentes, je dirais même opposées. Les uns veulent absolument que rien ne puisse remplacer la culture à bras ; les autres ont prétendu que la houe à cheval peut remplacer complètement la main-d’œuvre. La vérité se trouve rarement dans les opinions extrêmes. Si l’on s’obstine à n’utiliser que les bras de l’homme, la culture des plantes sarclées sera très-dispendieuse ; et, si jamais on ne réunit la culture à bras à celle qui s’exécute avec le secours des chevaux, l’on n’obtiendra jamais qu’un travail défectueux dont on rejettera le vice sur l’imperfection de la charrue à biner. Si, au contraire, on réunit ces deux moyens d’exécution, pour les parfaire, pour les compléter l’un par l’autre, on arrivera certainement à un résultat qui satisfera tout homme sensé et rationnel.

Ainsi que nous l’avons dit en parlant des binages à la main, il est un certain nombre de plantes que nous ferons connaître plus tard, pour la première façon desquelles on ne peut utiliser la houe à cheval : l’action de cet instrument est tellement rapide, que l’homme qui la dirige n’aurait pas le temps de le guider justement entre chaque rangée de plantes, si celles-ci par la verdure de leurs feuilles ne tranchent pas avec la couleur du sol ; et c’est ordinairement le cas des premiers binages.

Mais passé cette époque la houe à cheval peut toujours fonctionner. Celle qui est le plus généralement usitée aujourd’hui pour les plantes semées en lignes espacées d’au moins 18 pouces, est assez simple dans sa construction (fig. 337). Le soc a est placé à l’extrémité antérieure de la branche médiane. À celle-ci sont attachées deux ailes ou branches latérales b x, qui reçoivent les couteaux ou lames recourbées d e q. Les deux ailes s’éloignent ou se rapprochent à volonté, selon que l’exige l’espace qui existe entre les lignes. Elles ont un mouvement de va-et-vient sur leur pivot à la partie antérieure, et se fixent immobiles à la partie postérieure par le moyen de la traverse horizontale en fer f f qui est percée de trous correspondant à ceux pratiqués dans les branches latérales, et destinés les uns et les autres à recevoir une cheville pour maintenir l’assemblage. Cet instrument est, chez M. Rosé, du prix de 55 fr.

Le soc affecte différentes formes, selon la nature du sol et le but que l’on se propose. « Les socs ronds, dit Borgnis, ou à angles obtus, coupent mieux les mauvaises herbes. Les socs pointus offrent moins de résistance, et on les emploie lorsque le but est seulement de remuer la terre. Les socs triangulaires sont propres à travailler un champ sans herbes. On les emploie aussi quand on veut diminuer la résistance que la machine doit vaincre. »

Lorsque, par la négligence du cultivateur, ou par l’effet de circonstances qu’il n’a pas été le maître d’éloigner, la terre s’est tellement durcie que le soc antérieur ne peut plus entamer la superficie, quelques habiles cultivateurs de l’Allemagne et du midi de la France font précéder la houe à cheval d’une herse à mancherons (fig. 338) dont les dents très-pointues et un peu inclinées en avant, déchirent la surface du sol. Cette première façon rend le binage plus facile et plus parfait : elle permet en outre d’opérer, quelle qu’ait été la sécheresse antérieure.

Lorsque les lignes des plantes sont peu espacées, on rapproche les barres latérales de la houe à cheval, de sorte que les lames d e (voy. fig. 337) et leurs correspondantes se croisent. Alors les herbes coupées se logent entre les deux tranchans et mettent bientôt l’instrument hors de service. Pour éviter cet inconvénient, M. de Dombasle a remplacé la lame d et sa correspondante q, par deux fortes dents en fer ; et pour empêcher la lame e s’entrecroiser avec celle qui lui est opposée, il a fait percer un trou x pour y placer cette lame ; hormis le cas dont nous venons de parler, ce trou est absolument inutile.

Si, au moyen de cette modification, l’instrument ne pouvait encore fonctionner, en raison du peu d’espace qui existerait entre les rangées, on emploierait avec un avantage marqué le binot du lord Rockingham (fig. 339), qui ne se compose que d’un seul pied. On s’en servait avec succès à la ferme de la Meilleraye. Il faut avouer néanmoins que l’emploi d’un homme et d’un cheval pour biner une si petite superficie ne doit être guère moins dispendieux que le binage à la main.

La houe à cheval écossaise (fig. 340) est un excellent instrument qu’un seul cheval peut conduire : on peut régler et conserver la profondeur voulue au moyen de la roulette qu’on élève ou qu’on abaisse à volonté. Dans les terrains difficiles, on peut enlever un ou plusieurs des socs, et leur substituer, ainsi qu’à la roulette, un ou plusieurs coutres, comme dans les extirpateurs ou cultivateurs.

La conduite de ces divers instrumens ne présente aucune difficulté réelle, pourvu que l’opération s’exécute en temps propice. « Je pourrais, dit M. de Dombasle, réduire à une seule les précautions nécessaires pour qu’on obtienne constamment un plein succès dans l’emploi de la houe à cheval, lorsqu’on possède un instrument bien construit et dirigé avec quelque attention. Cette précaution consiste a saisir avec diligence l’instant favorable à l’emploi de l’instrument, relativement à l’état du sol, des plantes qui composent la récolte, et surtout des plantes dont il s’agit d’opérer la destruction. Il est certain que si l’on a laissé passer cet instant, si la croûte de la terre s’est durcie, si les mauvaises herbes sont assez avancées dans leur végétation pour avoir développé des racines fortes et nombreuses, la houe à cheval fonctionnera de manière à donner à l’observateur l’idée d’un fort mauvais instrument, et elle ne sera presque d’aucun service dans de telles circonstances. Mais, si l’on surveille avec attention l’état du sol et des plantes nuisibles dès l’instant de leur germination, il n’arrivera presque jamais que l’on ne trouve un instant propice pour donner entre les lignes une culture parfaite, c’est-à-dire pour remuer et ameublir la surface du terrain, et opérer la destruction des mauvaises herbes, sans que celles-ci puissent embarrasser les pieds de la houe à cheval par leurs tiges et leurs racines. »

« Il ne faut pas se persuader, dit encore le même agriculteur, que l’emploi de la houe à cheval dispense dans tous les cas de tout travail de main-d’œuvre ; et les inconvéniens qu’on a cru reconnaître à cet instrument ont été quelquefois le résultat de l’opinion exagérée que l’on s’était formée sur ce sujet. Dans beaucoup de cas la houe à cheval dispense presque complètement de l’emploi du travail à la main, mais cela aura rarement lieu les premières fois que l’on emploiera cet instrument, d’abord parce qu’on manque alors d’expérience sur la manière d’en tirer le meilleur parti possible, et ensuite parce que ordinairement le sol est encore fort infesté alors de plantes nuisibles, et ce n’est communément qu’après quelques années d’une bonne culture que le terrain se nettoie assez pour que la houe à cheval suffise seule pour tenir les récoltes sarclées dans un état complet de propreté. Dans des circonstances moins favorables, la houe à cheval diminue toujours beaucoup le travail à la main, pourvu qu’on l’emploie avec quelque intelligence. Mais, lorsqu’on commence à adopter l’usage de cet instrument, on doit prendre la détermination de suppléer, par le travail des ouvriers, à tout ce que la houe à cheval pourrait laisser de défectueux dans les cultures ; autrement, on pourra avoir de misérables récoltes, ce qui fera condamner trop précipitamment l’usage d’un instrument mal employé. Mais tout ce travail supplémentaire n’équivaut pas au dixième du binage de la récolte exécuté en plein à la main sur toute la surface du terrain. »

C’est surtout du binage à la houe à cheval qu’on peut dire avec raison que celui qui met la main à la charrue ne doit pas regarder derrière lui. Lorsque, par la faute du conducteur ou par un accident auquel il est étranger, l’instrument a mal fonctionné, celui qui le dirige n’a rien de plus pressé que de regarder derrière l’étendue du dégât. Cependant l’instrument marche toujours, et lorsque l’ouvrier reporte son attention sur sa besogne, il est tout étonné souvent d’apercevoir un désastre plus grand que le premier, et occasionné par sa seule curiosité. Quelle que soit la faute qui ait été commise il ne faut pas s’en inquiéter, parce que le trouble où l’on se met empêche d’être présent à sa besogne. En passant dans la raie suivante, on apercevra aisément ce qu’il y a eu de défectueux dans l’opération, et cela sans détourner ses regards. On avisera seulement alors aux moyens de réparer le dommage commis, si toutefois cela est possible.

On n’attèle qu’un cheval à la houe. Dans les commencemens, lorsque l’animal n’est pas familiarisé avec cette opération par l’habitude et l’exercice, il faut un enfant pour le guider. Mais bientôt il comprend la manœuvre, et un seul homme suffit alors pour conduire l’instrument et diriger le cheval. Si l’on travaille sur un terrain plat, le crochet qui reçoit l’anneau du palonnier se met au milieu de la crémaillère horizontale qui forme une partie du régulateur. Il est encore peut-être plus essentiel ici qu’ailleurs que les traits du cheval soient parfaitement égaux en longueur. Si, pour remédier à un vice dans la manière d’atteler, on dérangeait le point où le palonnier doit s’attacher naturellement, il y aurait une grande perte de force, et l’instrument ne conserverait jamais son aplomb. Cette recommandation s’adresse principalement aux cultivateurs qui commencent à faire usage de la houe à cheval, et dont les valets ont besoin d’être surveillés sous ce rapport. — Si on travaille sur un terrain incliné ou en pente, comme l’instrument tend sans cesse à descendre, il est indispensable, pour le ramener à sa position normale, de mettre le crochet un degré ou deux plus à gauche ou à droite, mais toujours dans le sens de la pente, et il est nécessaire, par conséquent, d’en changer la position chaque fois qu’on a terminé une rangée.

On aura soin de régler la profondeur de l’instrument de manière qu’il ait une légère tendance à pénétrer dans le sol. Il serait même à désirer que le soc antérieur fût placé dans un plan inférieur d’un pouce au moins aux tranchans postérieurs.

Pour la houe à cheval ordinaire, comme pour la plupart des instrumens dont le train antérieur ne repose sur aucun soutien, le laboureur, accoutumé à la conduite des charrues complexes, devra bien se persuader que des mouvemens brusques et un grand déploiement de forces musculaires entraveront la marche au lieu de la régulariser. Il n’en est pas ici comme d’une charrue ou d’un araire : tout laboureur un peu habile répare facilement au tour suivant la manque faite par la charrue ; mais, avec la houe à cheval, le tort causé par le moindre écart n’est plus réparable, puisqu’il a pour résultat définitif la destruction des plantes rencontrées par l’instrument. Il s’agit donc surtout de prévenir ces écarts, et je ne saurais trop répéter qu’il ne faut pour cela qu’un vouloir ferme et une attention soutenue.

Si quelquefois l’instrument est entravé dans sa marche par l’accumulation des herbages qui se sont attachés aux pieds qui la composent, le conducteur enlève le train antérieur en s’appuyant sur les mancherons, et le laisse retomber vivement : la secousse détache les mauvaises herbes qui se trouvent en avant ; il soulève également le train postérieur au moyen des mancherons, et la même manœuvre débarrasse complètement l’instrument. Ces deux mouvemens n’exigent nullement que l’instrument s’arrête. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils sont plus instantanés.

Il est rare qu’une seule dent de houe à cheval suffise pour amener la terre à un état suffisant d’ameublissement ; on approfondit graduellement la culture en passant autant de fois que cela est nécessaire. Au lieu de composer la houe à cheval de plusieurs lames tranchantes, on a proposé quelquefois de n’en employer qu’une seule. Les instrumens qui présentent cette modification sont fort connus en Angleterre sous le nom de shim, et nous leur avons appliqué la dénomination de ratissoire.

La grande ratissoire (voy. fig. 265, p. 203), armée d’une lame, est d’environ 4 pieds de longueur (1m 30). Elle ne convient pas évidemment aux binages des végétaux annuels, dont les rangées sont communément plus rapprochées ; mais on peut l’employer avec succès pour cultiver un sol occupé par des végétaux de longue durée et de grandes dimensions, comme certaines espèces de mûriers, le coton, le houblon, etc.

Une autre ratissoire plus petite, inventée par Arbuthnot (fig. 341), a remplacé longtemps le travail de la houe. Cet instrument est conduit par un cheval et coupe bien l’herbe entre deux terres. Nous avons déjà parlé des inconvéniens qu’offrent les ratissoires à mains ; celles dont nous parlons ici les possèdent au même degré ; elles enlèvent la terre par plaques et ne la pulvérisent point ; aussi ces instrumens sont assez généralement abandonnés.

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Section iii. — Façons pour le nettoyage du sol.

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Art. ier. — De la destruction des mauvaises herbes.

Sans donner au sol aucune façon qui l’ameublisse, la destruction des herbes nuisibles se pratique, non seulement sur les céréales, mais encore sur toutes les récoltes qui ne comportent pas de binages, ou pour lesquelles cette opération n’est plus nécessaire. Ce serait pourtant s’abuser que d’espérer par là obtenir toujours leur destruction complète. C’est avant l’ensemencement, et non après, qu’on doit chercher les moyens de débarrasser la terre des plantes vivaces, bisannuelles ou annuelles qui l’infestent ; dans bien des circonstances, pour obtenir ce résultat, il faut avoir recours a des cultures multipliées, souvent même à la jachère.

Il est question ailleurs de la jachère en général ; nous indiquons ici seulement son emploi pour la destruction des mauvaises herbes. Une jachère d’été, ou, sur les sols légers, la culture en ligne des navets, des pommes-de-terre, des vesces, en tenant ces récoltes parfaitement nettes, voilà le meilleur moyen d’obtenir la destruction des mauvaises herbes annuelles. Il faut avoir soin : 1o d’amener à plusieurs reprises leurs semences près de la surface du sol, afin de favoriser leur germination ; 2o de détruire toutes celles qui végètent.

L’agronome de Roville a fait un grand usage de la jachère pour opérer la destruction du chiendent (Triticum repens). Cette plante, que tout le monde connaît, est une véritable calamité pour celui qui cultive des terrains légers et siliceux, quoiqu’on la rencontre aussi dans les marnes arénacées. Jusqu’à ces derniers temps on croyait que, pour s’en débarrasser, il était nécessaire de l’arracher brin-à-brin avec des instrumens à main, ou avec des herses et des extirpateurs. Ces moyens sont insuffisans lorsque le champ est infesté complètement, et sont utiles seulement lorsqu’on ne rencontre cette plante que de loin en loin.

Un des meilleurs instrumens pour ce genre de travail , mais qui a l’inconvénient d’être fort cher, c’est celui nomme paroire (fig. 342). On ne peut mettre en doute l’énergie avec laquelle une telle machine opère sur la terre et sur les racines traçantes qui s’y trouvent. Lorsque les places usurpées par le chiendent sont très-circonscrites, il sera plus économique et plus sûr de le faire arracher avec le béchoir ou bident (fig. 343).

Mais toutes ces mesures sont impraticables ou illusoires lorsqu’une grande superficie a été envahie. Suivant M. de Dombasle, une terre qui se trouve dans ce cas recèle un véritable trésor dont il ne s’agit que de savoir profiter. Avant lui on n’avait pas encore bien étudié les habitudes de cette plante : maintenant on sait qu’elle a besoin plus qu’une autre d’air ou d’humidité, parce que sa végétation presque souterraine ne lui permet pas de puiser ces deux élémens dans l’atmosphère. On sait également que la fréquente interruption du sol par bandes ou sillons lui est très-nuisible. Il s’agit donc de la priver d’air ou d’humidité, ou de ces deux agens à la fois. En donnant un labour à une profondeur plus grande que celle qu’ont atteinte les racines de l’ennemi, on conçoit que les stolones qui étaient à la surface s’en trouveront tellement éloignés qu’ils manqueront d’air et ne pourront végéter, et que la végétation de ceux qui sont dans des conditions favorables sera très limitée dans les bandes qui partagent le sol. Aussitôt que les tiges de chiendent qui ont résisté à ce premier labour se hasarderont à pousser leurs premières feuilles, on profitera d’un moment de sécheresse pour donner un hersage énergique, et, immédiatement après, un labour. Le hersage a pour but de confondre les tranches du labour précédent, afin que ces tranches soient coupées par le second coup de charrue : c’est une des conditions du succès, et, pour être assuré de ne pas manquer le but, on aura l’attention de ne prendre que des raies d’une très-petite largeur. On laisse ainsi de nouveau le sol sans le herser. Il est rare que ces deux labours suffisent pour détruire le chiendent ; quelquefois il en faut 5, 6 ou même davantage. La perfection consiste à mettre une partie des racines à l’air pour les priver d’humidité, et d’enfouir l’autre à une profondeur telle qu’elle ne puisse végéter. Quel que soit le nombre des cultures, il est indispensable de se rappeler qu’il faut herser avant chaque labour, et que celui-ci doit être fait par un temps sec en coupant les tranches précédentes dans leur milieu et dans le sens de leur longueur. Cette jachère est coûteuse, mais la décomposition du chiendent, l’amélioration du sol compenseront bien largement les frais d’une pareille culture.

L'avoine à chapelets (Avena precatoria) est au sol argileux et schisteux, ce que le chiendent est aux terrains siliceux. Je me suis assuré à l’établissement de Coëtbo qu’on peut la détruire par le moyen suivant. On donne un labour aussi profond qu’il est nécessaire pour que toutes les souches de tubercules soient remuées et retournées ; on donne un coup d’extirpateur pour ramener tous les nids à la superficie. Si l’on en restait là, les tubercules reprendraient bientôt une nouvelle vie parce que la terre qui adhère à leur surface leur permettrait de végéter. C’est à enlever cette terre qu’il faut tourner toute son attention. Aussitôt que la sécheresse a rendu le sol meuble et friable, on fait passer plusieurs fois de suite le rouleau suivi d’une herse à dents rapprochées : la terre qui adhérait aux tubercules tombe à la suite des secousses multipliées que reçoivent ceux-ci, et on peut être assuré de leur destruction si la sécheresse dure encore quelques jours après l’opération. N’ayant pu faire cet essai qu’une seule fois, et pendant un espace de temps trop court, je n’oserais garantir le succès dans tous les cas ; je rends compte des résultats que j’ai obtenus et des moyens qui les ont amenés.

On emploie encore la charrue ou la jachère pour détruire quelques autres herbes, telles que la Moutarde des champs ou Sanve (Sinapis arvensis), le Raifort sauvage (Raphanus raphanistrum) ; mais ces plantes peuvent être détruites par les menues cultures et par les sarclages ordinaires.

Il y a dans les céréales venues en terres marneuses et argileuses des plantes qu’il n’est guère possible de détruire par des sarclages. Ce sont celles qui se propagent au moyen de tubercules non pas agglomérés, comme dans l’Avoine à chapelets, mais isolés. C’est surtout la Terre-noix (Bunium bulbocastanum), l'Orobe tubéreux (Orobus tuberosus), et, pour tous les sols, dans certaines rotations, les souches de Topinambour (Helianthus tuberosus). Lorsqu’on a une pièce infestée de ces différentes plantes, on se trouvera bien d’y faire passer un troupeau de porcs à plusieurs reprises.

[8 : 3 : 2]
Art. ii.De l’esseiglage.

L’opération qu’on nomme esseiglage a beaucoup de rapports avec le sujet qui nous occupe. Dans les pays où l’on fait beaucoup de méteil, il est rare que dans le blé qu’on veut avoir pur, il ne se trouve quelques épis de seigle. Quelque temps après la floraison, lorsqu’on peut bien distinguer les deux espèces de céréales, on retranche tous les épis de seigle, soit à la main, soit en abattant les têtes avec un bâton.

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Art. iii.Du sarclage proprement dit et de l’échardonnage.

Le sarclage appliqué aux plantes binées peut être considéré sous deux points de vue : comme préparation du binage, et comme son complément.

Dans le premier cas, on l’emploie pour les récoltes qui se trouvent subitement envahies par une foule de mauvaises herbes, avant que les bonnes plantes soient en état de supporter les secousses des cultures. Les sarcleurs prendront alors toutes les précautions pour ne point fouler les plantes avec les pieds, et pour ne point en déchausser ou mettre à nu les racines tendres et délicates. Comme la récolte est faible et que la moindre négligence lui est préjudiciable dans sa première enfance, il est important d’exiger que les sarcleuses ne jettent point les herbages sarclés sur la véritable récolte qui en serait étouffée ; ces sortes de sarclages ont lieu surtout pour les pavots, les carottes et la gaude.

Quand le sarclage vient comme auxiliaire ou complément du binage, on ne doit plus craindre d’arracher les végétaux avec force, parce qu’on remue ainsi la terre, et que cet ameublissement est utile à la récolte. Un objet sur lequel il faut veiller avec sévérité, c’est d’arracher les végétaux parasites avant qu’ils soient en fleurs, à plus forte raison en graines. Il est beaucoup de plantes qui sont encore vertes, même lorsque leurs semences sont mûres ; telles sont les Ansésines (Chenopodium) et les Mercuriales (Mercurialis), dont les fleurs sont très-peu apparentes. Ces deux plantes sont le fléau des terrains riches en humus. On peut placer dans la même catégorie le Mouron des oiseaux (Alsine media). Cette dernière plante pousse de si bonne heure, est quelquefois tellement abondante, qu’elle ôte tout espoir de succès si on ne l’arrache promptement, et si on n’en emporte les tiges loin du champ.

L’échardonnage des céréales est une opération indispensable. Le Chardon y est ordinairement assez abondant ; il ne faut pas se contenter d’en couper la tige ; cette plante a des racines très-vivaces et qui pénètrent souvent à plusieurs pieds de profondeur. Si on le coupe au collet, on voit repousser non pas un chardon, mais 7 à 8 tiges latérales. Lorsqu’une pluie douce a pénétré à une grande profondeur, et que la terre est un peu ressuyée, on s’arme les deux mains d’un gant en peau de veau ou de chèvre, afin de ne pas se blesser, et on arrache les chardons en les tirant à soi le plus verticalement possible. Si la terre n’est pas meuble à une assez grande profondeur, le travail du gant est fort défectueux. Dans tous les cas il ne peut être mis qu’entre les mains de personnes fortes, dont le salaire coûte cher ; c’est ce qui a fait recourir à l’emploi des sarcloirs et échardonnoirs.

Le sarcloir qui est le plus communément employé (fig. 344), se compose d’un manche

Fig. 344 et 345.

d’une longueur variable, et armé d’un fer à douille, avec un tranchant en forme de biais. Le meilleur fer est celui des vieilles faux ou faucilles ; dans ce cas il n’a pas de douille, mais se termine (fig. 345) par une pointe qu’on enfonce dans le manche et qu’on y maintient avec un anneau en fer.

On connaît dans certaines provinces, sous le nom d’échardonnette (fig. 346), un

Fig. 346, 347 et 348.

instrument dont l’extrémité, bien acérée et tranchante, a 10 lignes de large. Le milieu a une longueur de 22 lignes, et se termine par une échancrure destinée à enlever les chardons coupés et embarrassés dans les céréales. De tous les instrumens de ce genre, l’échardonnette parait préférable, ou bien l’échardonnoir à crochet (fig. 347).

Enfin, lorsque les tiges et les racines des chardons sont ligneuses, on se sert, dans quelques départemens, des tenailles ou moïttes (fig. 348), qu’on emploie également pour arracher d’autres herbes qui croissent dans les céréales, telles que l’Yèble (Sambucus ebula), les Arrête-bœuf ou Bugrane (Ononis), etc. L’échardonnoir hollandais (voy. fig. 135, p. 154 ci-devant) remplit le même objet.

Parmi les herbes inutiles qui croissent dans les céréales, il en est une qu’on ne cherche généralement pas à détruire, parce qu’elle parait assez innocente, et que d’ailleurs elle résiste aux moyens ordinaires de destruction. C’est la Prèle (Equisetum), appelée vulgairement queue de cheval. Cette plante a des tiges de deux sortes : celles qui portent les fruits paraissent aux premiers jours du printemps, et meurent aussitôt que la fructification a lieu, c’est-à-dire après 7 ou 10 jours, suivant les circonstances. C’est seulement alors que les tiges stériles ou foliacées commencent à se développer. D’après cela il est aisé de se convaincre que, pour détruire la prêle, il est indispensable d’arracher les tiges fertiles à mesure qu’elles se montrent. Il ne faut pas songer à en arracher les racines ; elles pénètrent à une trop grande profondeur.

Le Mélampyre des moissons (Melampyrum arvense), appelé aussi rougeole, queue de renard, est une plante de la famille des Rhinantacées, haute d’environ 1 pied, dont les feuilles intérieures sont entières et sessiles, celles du haut n’ont point non plus de pétiole, mais elles sont découpées comme une plume. Les fleurs sont toujours fermées, rouges, avec une tache jaune dans le milieu. Elles sont disposées en un épi terminal et entremêlées de bractées purpurines ; chaque capsule porte une semence marquée à son extrémité d’une tache noire. Cette semence, du reste, a la forme et la couleur du blé. La présence de cette plante diminue le produit du froment et de quelques autres plantes, mais elle produit encore une détérioration sensible sur la farine de froment, soumise à la panification. L’homme, au moyen de machines plus ou moins perfectionnées, parvient à débarrasser le blé des graines plus petites ou plus grosses, plus légères ou plus pesantes que lui ; mais celle du mélampyre, par son poids et son volume, échappe à toute opération de ventilation ou de criblage. Le blé qui en contient, même en très-petite proportion, communique au pain une couleur violette qui lui donne moins de valeur commerciale. Mais cette propriété a paru jusqu’alors n’avoir aucune influence malfaisante sur l’économie animale ; aussi, le blé qui contient beaucoup de mélampyre est-il l’aliment ordinaire des fermiers. Cette plante se cantonne dans les terrains argileux et calcaires. Il est difficile d’en débarrasser un terrain qui en est infesté. De même que plusieurs autres végétaux, cette plante vient surtout dans les récoltes hivernales. Il n’en lève presque point dans la jachère ni dans les récoltes sarclées. Dans le blé même le mieux soigné, le peu de plantes qui ont échappé aux sarclages se développent avec rapidité, fleurissent et mûrissent une partie de leurs graines avant la moisson. Celles qui sont complètement mûres tombent et infestent le sol de nouveau ; les autres se trouvent mélangées avec le grain. Les moyens qui paraissent les plus sûrs pour opérer la destruction de cette plante sont les sarclages rigoureux et répétés. On pourrait aussi faucher la céréale pendant qu’elle est en fleurs : cette opération détruirait en même temps le mélampyre. C’est au cultivateur à juger si ce sacrifice serait assez compensé par la beauté et la pureté des produits ultérieurs.

Quant à la plupart des autres plantes pour la destruction desquelles on emploie le sarclage, je n’en finirais pas si je voulais les énumérer. Elles ne déprécient pas autant le froment que le mélampyre, parce qu’elles ne lui communiquent pas de couleur noirâtre, et que d’ailleurs le vannage les sépare toujours du bon grain avec facilité. Cependant, les plantes suivantes demandent encore une attention particulière ; d’abord le Liseron (Convolvulus arvensis). Si, pour sarcler une céréale qui en contient beaucoup, on attend que les chaumes soient montés, on causera du dommage aux plantes, on les cassera ou on les arrachera. Le liseron est une des plantes que les botanistes nomment volubiles, parce qu’elles s’enroulent autour des objets qu’elles rencontrent. Le liseron repousse promptement, lorsqu’on ne l’a pas coupé à une grande profondeur. Au lieu de l’arracher à la main, on fera mieux de se servir d’une faucille usée, et de le couper profondément entre deux terres.

L’espèce d’Ivraie qu’on nomme enivrante (Lolium temulentum) a certainement des propriétés délétères sur la vie animale. On la distingue des autres espèces, en ce que les épillets n’ont jamais plus de douze fleurs, et que les chaumes sont rudes au toucher, surtout dans le haut. Heureusement cette plante est assez rare.

La Folle-avoine (Avena fatua) est quelquefois si abondante dans certains cantons, qu’elle forme la moitié de la récolte ; elle est alors fort nuisible et difficile à détruire. On ne saurait trop recommander de l’arracher à la main dans les blés, et surtout dans les fèves qui paraissent avoir la propriété d’en favoriser la naissance.

Le Pas-d’Ane (Tussilago farfara), regardé comme indomptable, parce que ses graines naissent de si bonne heure au printemps, qu’elles sont ordinairement tombées avant que le sol ait reçu le second labour, peut être facilement détruit en arrachant les plantes après la récolte des grains, en août, septembre et octobre.

Les Patiences (Rumex acutus et obtusifolius) sont des plantes vivaces dont l’extirpation est difficile, à cause de la longueur de leurs racines qui reproduisent obstinément de nouvelles tiges, et de l’énorme quantité de leurs graines. On ne peut arracher leurs racines pivotantes qu’à la main après une forte pluie.

Plusieurs plantes nuisibles ayant leurs semences ailées, notamment les chardons, il est évident que leur destruction ne pourra être complète que quand il existera des dispositions législatives et des réglemens locaux qui la rendront générale. Jusque là, le cultivateur soigneux sera victime de la négligence de son voisin. Ce sujet sera traité dans la Législation agricole.

[8:3:4]
Art. iv. — Emploi des produits des binages et des sarclages.

Lorsque les herbes détruites par les menues cultures sont peu abondantes, ou n’ont pas pris beaucoup de développement, on les laisse sécher sur le sol, pourvu que leurs graines ne soient pas arrivées à maturité ; si elles étaient dans ce cas, on devrait les transporter hors du champ, les faire sécher et les brûler. — Il est beaucoup d’herbes inutiles qui sont pour les animaux une assez bonne nourriture ; on devra les amasser avec soin, secouer la terre qui adhère à leurs racines, et les porter au râtelier. — Lorsqu’on a d’ailleurs beaucoup de fourrages ou que les plantes sont dédaignées par le bétail, on se trouvera bien de suivre la méthode usitée dans les États-Unis. Elle consiste à stratifier ces végétaux par lits alternatifs avec de la chaux. Le compost ne tarde pas à fermenter, et les substances qui le constituent se combinent et forment un bon engrais. On pourrait également jeter ces plantes dans un croupissoir ou excavation remplie d’eau. La décomposition des substances végétales réagit sur le liquide et le rend très-propre à l’arrosement des prairies.

L’éclaircissage de quelques récoltes fournit encore des produits qui ne sont point à dédaigner. Ainsi, dans la culture du maïs, on sème deux fois plus épais que cela n’est nécessaire ; on laisse venir toutes les plantes jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’elles commencent à s’affamer et à se gêner dans leur développement. Alors seulement on retranche les pieds surnuméraires qui forment pour toute espèce de bétail une excellente nourriture. On agit de même dans la culture de la Carotte, de la Betterave, du Navet, etc.

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Art. v. — Retranchement des feuilles et des sommités des tiges.

Ces diverses opérations s’exécutent sur un trop petit nombre de plantes pour que nous nous en occupions longuement ici. Nous dirons seulement que trop de personnes se font illusion sur les avantages de cette pratique. Le retranchement des sommités du Maïs, des feuilles de la Betterave, des tiges de la Pomme-de-terre fournit bien une nourriture plus ou moins alibile pour beaucoup d’animaux ; mais la soustraction de ces diverses parties ne peut que nuire au produit principal, parce qu’elle diminue les surfaces destinées a puiser dans l’atmosphère les élémens de fertilité qui s’y trouvent. Il a été prouvé par maintes expériences que si on retranche par exemple les fannes des pommes-de-terre 1 mois après la fleur, on n’obtiendra, dans un bon sol, que 30 mille livres de tubercules, tandis que si l’on eût fait cette opération 2 mois après la fleur, on eût récolté 41 milliers. Il n’en est pas de même du retranchement des parties florales. Comme elles ne servent point à tirer les gaz répandus dans l’atmosphère, mais à être le récipient des sucs élaborés par les autres parties, il est évident que leur retranchement se fait à l’avantage des parties qu’on veut conserver. Pour les plantes dont le produit consiste en fruits, on ne retranche que quelques fleurs : ainsi, il est hors de doute que le vigneron gagne beaucoup en ne conservant sur chaque pied de vigne qu’un petit nombre de raisins ; qu’on augmente le nombre et la grosseur des pois, des féverolles, des haricots, etc. , en coupant les fleurs des sommités.

En somme, la soustraction des feuilles est presque toujours nuisible, et celle des fleurs presque toujours utile.

Nous ne pouvons mieux terminer ce que nous avons dit sur les menues cultures que par les sages réflexions du Musœum rusticum, le plus ancien journal d’agriculture. « On ne peut pas douter, dit-il en parlant de la végétation du froment, que les épis en général n’arrivent pas à la grosseur dont ils sont naturellement susceptibles ; et si le temps où ils commencent à se former était mieux connu, on pourrait prévenir les obstacles qui arrêtent les progrès de leur développement. Il est une saison particulière où les semences tallent ; cette saison passée, il n’y a aucune culture qui puisse leur faire produire un seul tuyau de plus : il en est de même de la formation de l’épi ; dès qu’il est sorti des enveloppes que lui forment les feuilles, on ne réussira par aucun art à le rendre plus considérable, c’est-à-dire à augmenter le nombre de ses balles ou calices : et l’on peut ajouter qu’après le temps de la fleur, tous les labours du monde ne parviendront pas à faire croître un seul grain de plus que ceux qui sont déjà formés dans l’épi, quoique la plante eût pu recevoir, dans chacune de ces circonstances, une grande amélioration par une culture bien entendue et donnée à propos. Il est donc pour nous d’une grande importance de connaître les diverses périodes du développement des différentes parties des plantes, et cela, afin que si nous manquons de lui donner les secours dont elle peut avoir besoin dans une saison, nous puissions lui en donner d’autres dans les développemens qui doivent succéder. Si nous laissons échapper le moment d’accroitre le nombre de ses tiges, nous lâcherons du moins de saisir celui de multiplier le nombre des grains dans les épis, de les rendre plus gros, plus pesans et plus remplis de fleur de farine. » C’est à l’aide de l’observation et des connaissances botaniques qu’on pourra mettre en pratique de si sages conseils.

Antoine, de Roville.

Section iv.Façons pour le terrassement des plantes.

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Art.ier. — Du butage.

Il est impossible de déterminer d’une manière générale la nature des plantes auxquelles cette opération convient particulièrement : ce n’est guère qu’à celles dont la tige pousse des racines latérales, là où seraient venus des bourgeons si cette partie avait été exposée à l’air au lieu d’être couverte de terre. Il est de fait aussi que les plantes à feuilles radicales supportent difficilement un buttage énergique qui les couvrirait de terre.

Le butage est une opération de la plus haute importance, et si des cultivateurs ont cherché à se faire illusion sur ce point, c’est que, quand on n’y emploie que les bras de l’homme, le butage est très-pénible, dispendieux et souvent mal exécuté. Cette dernière assertion sera peut-être en contradiction avec les idées que quelques personnes se sont faites, sur le butage ordinaire ; cependant l’expérience ne la confirme que trop souvent. En effet, lorsqu’on a résolu de ne buter qu’une seule fois, parce qu’il serait trop coûteux de le faire deux, on ne choisit pas pour ce travail l’époque de la première croissance de la plante, soit parce qu’en opérant alors à une certaine profondeur on risquerait de les recouvrir totalement de terre, soit parce que depuis le moment de l’opération jusqu’à celui de la récolte les mauvaises herbes auraient trop de temps pour se multiplier, soit enfin parce que les pluies ou d’autres circonstances déformeraient et abattraient les buttes. On est donc forcé de différer jusqu’à ce que la tige ait pris un certain développement, et il est bien rare alors que l’opération n’ait pas été trop retardée, car c’est surtout dans leur jeunesse que les plantes veulent être cultivées. Cependant, lorsqu’on ne peut être maître des circonstances, on fera toujours mieux d’exécuter le butage à bras d’hommes que de ne donner aucune culture. Celui qui se trouvera dans ce cas devra bien se persuader qu’une seconde façon sera largement payée par le surplus du produit.

La perfection dans le butane consiste à amonceler autour de la tige une butte de terre qui, sans recouvrir le feuillage, soit cependant aussi élevée que possible. Lorsque la plante a plusieurs tiges, l’opération est meilleure lorsqu’on les écarte les unes des autres par la terre et qu’on en fait une sorte de marcottage.

I. Butage il la main. — Avec la houe à main on s’y prend de deux manières. Lorsque les végétaux sont alignés, on élève une butte continue en exhaussant la terre non seulement près de chaque plante, mais encore entre tous les vides qui se trouvent d’une plante à l’autre : pour cela il n’y a qu’à creuser l’intervalle qui existe entre chaque rangée parallèle ; ou bien on élève autour de chaque plante une butte en forme de cône plus ou moins tronqué. Cette dernière méthode est plus longue que la première et n’est pas plus parfaite. Elle exige de plus un instrument de forme particulière ; il faut se servir d’une houe dont l’extrémité tranchante décrive à peu près la même courbe que la base de la butte, car la butte étant ronde, si on se servait d’une lame rectiligne, celle-ci ne pourrait être appliquée tangentiellement et n’agirait jamais que sur un point, tandis que la lame courbe s’applique exactement sur tous les points de la ligne qu’elle décrit.

Le premier butage sera peu énergique, et la profondeur de terre qu’on amoncellera proportionnée à la hauteur des plantes. Le second se donnera à une plus grande profondeur, et aussitôt que l’on s’apercevra que la terre durcie par la première opération s’est tassée de nouveau ou a formé croûte.

Quelques précautions que l’on prenne on ne pourra jamais éviter que le butage à bras d’hommes n’exige des frais considérables. Cette méthode offre encore un autre genre de difficulté qu’on surmonte rarement. On sait que pour les travaux de cette nature l’à-propos a au moins autant d’influence sur les résultats que la bonne exécution ; on peut fort bien saisir l’instant propice pour commencer ; mais si un changement quelconque de température force à interrompre, on n’obtiendra qu’un succès partiel. Ce dernier inconvénient se rencontre principalement quand on a peu de bras à sa disposition.

II. Butage à la charrue. — Le butage au moyen de la charrue offre sur celui que nous venons de décrire, l’avantage de l’économie, de la célérité et de la perfection. En effet, lorsque les rangées de plantes sont à 27 pouces les unes des autres, un homme et un cheval font 1 hectare et demi dans un jour, tandis qu’avec des houes à main il eût fallu au moins 20 personnes pour buter la même superficie.

L’instrument dont on se sert s’appelle butoir. Il y en a de différentes sortes ; tous doivent être sans avant-train, et portent un double versoir. Celui de M. de Dombasle (fig. 349) n’a ni sabots ni roulettes. Les deux versoirs tournent en avant sur un pivot qui a ses points d’appui sur l’âge et sur le sep ; celui-ci se termine par un soc en fer de lance. Les versoirs s’éloignent ou se rapprochent à volonté dans leur partie postérieure, et on les maintient à un écartement déterminé au moyen d’un régulateur horizontal placé sur l’étançon de derrière, et dans les trous duquel s’engagent des crochets fixés à la paroi interne et postérieure de chaque versoir.

La charrue à buter de M. Rosé (fig. 350), du prix de 55 fr., est construite à peu près sur les mêmes principes ; seulement chaque versoir à un pivot spécial. L’age repose sur une roulette à chappe. Je crois que l’addition de cette roue au butoir et à la houe à cheval est très-importante ; l’instrument marche avec plus d’assurance pendant son travail, et on ne risque pas de détruire beaucoup de plantes en tournant lorsqu’on est arrivé a la fin d’une rangée. Cet accessoire coûte fort peu, puisque toute montée cette roue à chappe ne revient qu’à 10 francs.

Pour le premier butage à la charrue on écarte beaucoup les versoirs et on prend peu de profondeur. Dans les opérations subséquentes on fait précisément le contraire, c’est-à-dire qu’on diminue l’écartement des versoirs et qu’on fait piquer l’instrument à une plus grande profondeur.

Le butoir est un instrument facile à diriger. On l’attèle ordinairement d’un seul cheval. Si le sol présentait trop de résistance, on pourrait en mettre deux à la file l’un de l’autre. Dans ce dernier cas un enfant est nécessaire pour conduire, tandis qu’avec un animal exercé un conducteur habile peut faire seul toute la besogne. Le butage a d’autant plus d’efficacité que l’instrument marche plus vite ; il faut par conséquent employer les chevaux ; les bœufs, toujours voraces et sans cesse affamés, se détournent et s’arrêtent continuellement pour manger les plantes qui les environnent. On ne remédierait que médiocrement à cette difficulté en les muselant ou en leur mettant un panier à claires voies, comme on le fait dans certaines contrées pour les mulets et les chevaux de somme.

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Art. ii. — Du terrage et du rouchottage ou riolage.

C’est une opération analogue au butage pour les résultats qu’on en obtient. Il est certaines récoltes qui demandent à être rechaussées pendant le cours de leur végétation, et qui poussent annuellement une couronne de racines lorsque le collet se trouve couvert de terre. Comme ces racines nombreuses s’étendent dans toutes les directions, elles ne peuvent souffrir l’action d’un instrument qui, pénétrant à une certaine profondeur, en détruirait la plus grande partie. Dans ce cas le terrain se divise par planches d’inégale largeur ; on ensemence celles qui ont le plus de superficie, les autres restent libres. Lorsqu’arrive l’époque du terrassement on fait passer une charrue ou l’extirpateur dans les plates-bandes afin d’ameublir le sol. On prend à la pelle cette terre ainsi pulvérisée et on la jette sur la planche où se trouvent les plantes à chausser.

Il est inutile de donner des indications sur le mouvement que décrit le bras de l’ouvrier pour la distribution uniforme de la terre ; l’exercice et l’habitude sont ici les meilleurs maîtres. Une précaution qu’on ne néglige pas impunément dans le ferrage, c’est de ne jeter la terre que lorsqu’il n’y a plus de rosée sur les plantes. Si le feuillage était humide, la terre s’y attacherait, empêcherait l’évaporation, et la réussite de la récolte serait compromise si une pluie ne survenait bientôt.

Cette opération se pratique non seulement sur la garance, mais sur les céréales et sur le colza. En Flandre, de 12 en 12 pieds, ou même moins, on creuse une rigole de la largeur et de la profondeur d’un bon fer de bêche, et la terre qui en provient est jetée sur le colza. On recommence la même opération au printemps, Cette pratique, nommée rouchottage, est fort vantée par les Flamands, qui l’emploient, non seulement pour le colza, mais pour toutes les plantes indistinctement. Le sillon est changé chaque année ; en sorte que dans l’espace de 10 ans toute la pièce a été défoncée à plus d’un fer de bêche.

Le terrassement ne se fait pas toujours avec des terres prises dans le champ même. On conduit sur les récoltes par un beau temps, des terres, des marnes, des composts, pour être répandus sur les plantes en végétation. Toutes les fois qu’on aura à sa disposition des décombres de bâtimens, des curures de fossés, des limons, des vases d’étangs, on ne pourra mieux faire que de les répandre sur les récoltes d’une végétation languissante.

Antoine de Roville.
Art. iii. — Des terrasses et costières.

Dans les Cevennes, les habitans emploient des moyens appropriés pour retenir les terres de leurs montagnes que les pluies entraînent, et pour les défendre contre les ravages des torrens, en les faisant même tourner à leur profit. Ces moyens étant susceptibles de trouver leur application dans d’autres localités, il ne sera pas hors de propos de les faire connaître.

Dans les lieux les plus escarpés, des murs en pierres sèches diminuent les pentes, soutiennent les terres et par conséquent les arbres ; leur hauteur et leur longueur dépendent de la situation des lieux et de la quantité des terres ; l’agriculteur cevennois prend souvent la peine d’en transporter sur son dos pour remplir ses terrasses ; il remonte du bas de la montagne celle que les torrens lui enlèvent.

Dans quelques endroits les murs sont si multipliés, qu’ils forment un amphithéâtre de terrasses horizontales appelées des faissos. Des pierres saillantes forment des escaliers pour aller de l’une à l’autre. C’est là que sont les vignes, les plantations de mûriers, le peu de seigle et les jardins des Cevennois.

Dans les montagnes plantées de châtaigniers, des valats (tranchées) sont creusés de distance en distance pour recevoir les eaux du ciel et les diriger vers les ravins. Après quelques instans de pluie, ces valats, remplis de celle qui tombe dans les intervalles qui les séparent, font couler l’eau, les uns à droite, les autres à gauche, sur les croupes des montagnes, et formeraient dans toutes les gorges des torrens impétueux si le Cevennois ne savait rendre leur cours moins rapide.

Après avoir empêché les eaux de se creuser des sillons profonds en les recevant dans des valats qu’il a soin d’entretenir nettoyés, il les retient par des rascassos (pierrés) dans les ravins où elles déposent la terre qu’elles charrient et forment des étages plans qu’elles arrosent, au lieu de se précipiter du haut de la montagne et de la décharner jusqu’au roc, comme cela arriverait sans ces préparations.

M. le comte Chaptal a décrit dans un excellent mémoire[1] ces digues, et comment on convertit les rochers en terres fertiles dans les Cevennes. J’ajouterai quelques détails à ceux qu’il nous a donnés sur la construction des rascassos. Dans les pays granitiques on y emploie les plus gros blocs qu’on peut rouler ; dans les pays schisteux, on n’a que des pierres plates, mais on sait bien les arranger droites et les enclaver les unes dans les autres. Quels que soient les matériaux qu’on emploie, on appuie toujours les deux extrémités du mur sur les rochers des bords du ravin, et l’on tâche de le fonder aussi sur le roc, ou, lorsque cela n’est pas possible, on place au fond et en avant de larges pierres pour recevoir la cascade et l’empêcher de creuser. On forme des retraites pour briser l’eau dans sa chute ; on fait ces murs en talus, on leur donne beaucoup d’épaisseur et peu de hauteur d’abord, pour les élever à mesure que l’attérissement se forme.— Je dois citer un simple ouvrier à cause de son génie naturel ; en construisant des rascassos, non seulement il les appuyait sur le roc et prenait toutes les précautions que j’ai indiquées, mais il les ceintrait du côté d’amont, dans l’idée qu’elles résisteraient mieux au courant et seraient plus durables que celles faites en ligne droite. Un mathématicien l’aurait démontré, un paysan cevennois l’imagina et l’exécuta.

Le baron L. A. d’Hombres-Firmas.

  1. Mémoires de la Société centrale d’agric., tome I, page 407.