Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 2/ch. 4

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome secondp. 52-56).
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CHAPITRE IV. — Des plantes potagères et de leur culture spéciale.

Un assez grand nombre de plantes utiles sont également cultivées dans les champs et dans les jardins ; telles sont les Pommes-de-terre, Carottes, Navets, Panais, Topinambours, Pois, Haricots, Fèves de marais, Lentilles, etc., etc., dont il a été traité dans le Tome premier de cet ouvrage, parce que leurs grands avantages les classent parmi les végétaux agricoles proprement dits. Nous allons parler maintenant de quelques autres plantes qui, plus habituellement confinées dans les jardins, sont cependant cultivées en grand dans quelques localités, et, dans certaines circonstances, notamment aux environs des grands centres de consommation, se recommandent aux agriculteurs par les bénéfices considérables qu’elles produisent.


Sect. 1re
Des artichauts. 
 53
Sect. 2. 
Des asperges. 
 ib.
Sect. 3. 
Des choux. 
 54
Sect. 4. 
Des courges, citrouilles, potirons, etc. 
 55
Sect. 5. 
Des ognons. 
 ib.


Section 1re. — Des Artichauts.

L’Artichaut (Cynara scolymus, L. ; en anglais, Artichoke ; en allemand, Artischoke ; en italien, Carcioffo) est une grande plante Mvace, de la famille des Flosculeuses, originaire de Barbarie et du midi de l’Europe.

Elle est cultivée pour les réceptacles de ses fleurs ou têtes, appelés fonds d’artichauts, et qui, atteignant souvent un volume de 4 à 6 pouces de diamètre, sont très-estimés pour manger cuits à l’eau, frits, à diverses sauces, ou mêlés dans les ragoûts. Très-jeunes, on les mange crus à la poivrade. La carde d’artichaut, c’est-à-dire les pétioles du centre des feuilles blanchis, est préférée par quelques personnes au cardon ; les fleurs oui la propriété de faire coaguler le lait.

On connaît plusieurs variétés d’artichauts : le seul cultivé en grand près Paris, et surtout aux environs de Laon, de Noyon et de Chauny, est le gros-vert ou de Laon, de forme conique, à feuilles ouvertes, très-volumineux, très-tendre et très-estimé.

Les artichauts, ayant de longues et grosses racines, doivent être placés dans une terre profonde, fraîche et riche en humus ; aux environs de Laon, ils deviennent superbes dans des portions de marais desséchées dont le sol est du reste très-médiocre. On ne reproduit guère les variétés cultivées de graines, mais bien d’œilletons qu’on éclate aux anciens pieds lorsque les fenilles ont de 8 à 12 pouces, c’est-à-dire vers le 15 avril ; on en trouve de 6 à 12 sur chaque pied ; on conserve les deux plus beaux et on éclate tous les autres le plus près possible de la racine, afin qu’ils soient munis d’un talon. On ne doit planter que les plus forts, pourvus d’un talon d’où sortiront de nouvelles racines ; après avoir nettoyé ce talon à la serpette et raccourci les feuilles à 6 pouces, on plante ces œilletons avant que les feuilles soient trop fanées, dans un sol bien ameubli et bien fumé, en lignes, à 2 pieds 1/2 ou 3 pieds de distance en tous sens, et par touffes de 2 plants placés à 4 pouces l’un de l’autre. Ou les enfonce de 3 pouces en terre à l’aide d’un plantoir ; on ménage au pied un petit creux, et l’on arrose sur-le-champ, opération qu’il tant continuer tous les deux jours, si le temps est sec, jusqu’à ce que les plantes poussent bien.

Si on ne les laisse manquer ni d’eau ni de binages, une grande partie des artichauts produiront dès l’automne, mais tous abondamment au printemps suivant, pour continuer ainsi pendant 3 ou 4 ans, temps après lequel il faut remplacer un plant d’artichauts. — Dès que les tiges sont dégarnies de leurs fruits, il faut les couper le plus près possible des racines.

La culture des artichauts ne demande quelques soins qu’à l’époque de la plantation et pour la conservation des pieds durant l’hiver ; ils restent en terre, et, comme ils sont très-sensibles à la gelée, il faut les protéger dès que les froids sont à redouter : pour cela, on commence par couper les grandes feuilles à un pied de terre, on amasse la terre autour des plantes sans en mettre sur le cœur, et quand les gelées se font sentir, on couvre chaque touffe de feuilles sèches ou de litière, qu’on laisse jusqu’à la fin de mars, mais qu’il est mieux d’ôter à certains intervalles dans les temps doux, afin d’éviter la pourriture. Au printemps, on défait les buttes de chaque pied et on donne un bon labour ; plus tard, comme nous l’avons dit en commençant, on ne laisse sur chaque pied que les 2 ou 4 plus beaux œilletons.

Les têtes d’artichauts se consomment généralement fraîches cueillies ; cependant elles se conservent fort bien durant plusieurs jours, et en hiver, en coupant les tiges de toute leur longueur, ou même arrachant les pieds et les plantant dans du sable au cellier ou dans la serre à légumes, on les conservera fort long-temps et on les verra même grossir.

Le produit d’un champ d’artichauts est assez considérable : les touffes espacées de 1 mètre, l’hectare en contient 10,000 qui peuvent, en moyenne, donner chacune 2 grosses têtes et 6 petites. Leur valeur, en gros et en moyenne, étant de 7 fr. le cent pour les gros et 3 fr. 50 c. pour les petits, on voit que le produit brut d’un hectare peut aller jusqu’à 2,100 fr. Le prix des fonds d’artichauts desséchés varie considérablement : ainsi en 1833, où ils étaient abondans, ils ont valu 60 à 75 fr. le quintal, tandis qu’en 1834, où ils étaient rares, ils ont monté jusqu’à 2 et 300 fr.

Section ii. — Des Asperges.

L’Asperge (Asparagus officinalis, L. ; en anglais, Asparagus ; en allemand, Spargel ; en italien, Sparaso) est une plante à racines vivaces, qui forme le type de la famille des Asparaginées et qui est indigène en France.

De la racine, qu’on nomme griffe ou patte, naissent chaque année de nouvelles tiges qui périssent à la fin de l’été : la consommation de ces tiges, lorsqu’elles sont jeunes et tendres et sortant de terre de quelques pouces seulement, est énorme dans les villes où on les vend par bottes pour manger cuites à la sauce, ou coupées en petits pois. Ainsi, un seul cultivateur près de Londres, M. Biggs, a souvent 40 acres d’asperges, et M. Edmond, près de Deptford, en cultive jusqu’à 80 acres. Les jardins de Mme Casimir Perrier, près du bois de Boulogne, offriront bientôt a Paris les produits de plus de 20 arpens.

Toutes les variétés d’asperges peuvent être ramenées à deux : l’A. verte ou commune et la grosse violette ou de Hollande dont la tête est violâtre ou rougeâtre : c’est à celle-ci qu’appartiennent les asperges si renommées de Hollande, de Strasbourg, de Besançon, de Gravelines, de Pologne, d’Ulm, de Marchiennes, etc. C’est spécialement la culture de ce dernier pays que nous allons décrire.

L’asperge se multiplie de graines qu’on sème en place, ou plus ordinairement en pépinière pour repiquer en avril les jeunes griffes d’un an qui n’ont qu’un ou deux œillets.

La préparation du terrain, qui doit de préférence être léger et sablonneux, mais riche, a lieu de la manière suivante qui n’est pas du reste indispensable, la culture à plat et celle même sur des planches plus exhaussées que les sentiers, étant adoptées dans plusieurs localités et sans doute préférables en raison de la nature et de la situation du terrain. Habituellement on divise le terrain que l’on veut planter en asperges en planches d’une largeur de 4 pieds, séparées par des intervalles de 2 à 3 pieds. On creuse les planches de 2 pieds, et on y enterre une couche épaisse (jusqu’à 1 pied) de fumier de vache ou de cheval avancé dans sa décomposition, ou bien des tourbes ou gazons consommés, des vases et curures de mares et fossés, des terreaux de couche, etc. Ces engrais sont recouverts de 2 pouces de terre bien légère sur laquelle on dépose les griffes ou plants d’asperges à 2 pieds les uns des autres, et 1 pied du bord de la planche ; dans beaucoup de lieux on ne laisse que de 15 à 18 pouces d’intervalle entre les plants, et alors, au lieu de deux rangées par planche, on en met trois disposées en échiquier. Les plants sont recouverts de 2 à 3 pouces de terre légère bien ameublie et terreautée s’il est possible.

Pendant les 2 ou 3 1res années de la plantation, on ne coupe point les tiges d’asperges, la récolte d’une seule nuisant beaucoup à la grosseur des asperges et à la durée du plant. Les soins d’entretien consistent à arroser au besoin , biner et sarcler. En octobre ou novembre, on coupe et on enlève les liges sèches ; on recharge ensuite les planches d’un ou deux pouces de terre ou terreau, ce qui se fait plus communément en mars après un léger binage.

Les mêmes soins sont continués pendant les 3 1res années ; lorsque le temps de la récolte des asperges est arrivé, les travaux se bornent à des sarclages, binages et arrosemens, s’il y a lieu, en été, et à une façon d’automne et une de printemps ; celle d’automne, outre le nettoyage des planches et l’enlèvement des tiges sèches, consiste à recharger de quelques pouces de terre, de terreau ou de court fumier ; la façon de printemps, à donner avec précaution un léger labour ou crochetage à la fourche, après lequel on recharge, si on ne l’a pas fait à l’automne. En tous cas, une fumure tous les 2 ou 3 ans, soit au commencement, soit à la fin de l’hiver , est indispensable pour maintenir l’abondance et la beauté des produits qui , avec une culture bien entretenue, pourront continuer pendant 20 ou 25 ans.

La récolte des asperges n’est pas une chose sans importance ; elle doit avoir lieu le soir ou le matin avant le lever du soleil. Habituellement on les coupe le plus près possible de l’œillet de la racine avec un long couteau ; mais de cette manière on s’expose à couper la tête à d’autres asperges , ou à offenser les œillets, et ainsi à leur nuire, et même à les faire périr. A Marchiennes, où les asperges ne sont recouvertes que de terres légères, on dégarnit l’asperge déterre, on la saisit en alongeant le doigt jusqu’à la racine, et d’un coup de poignet on la casse en la séparant de l’œillet de la plante qu’on recouvre immédiatement de la terre déplacée.

Sous le rapport du produit, l’asperge présente l’inconvénient d’exiger une préparation du terrain dispendieuse, et, pendant 3 années, de grands soins d’entretien qui ne sont compensés par aucune récolte. Néanmoins on peut dire que l’on confie alors à la terre un capital dont les intérêts seront fort élevés par la suite ; et, en second lieu, pendant ces 3 années, le terrain n’est pas tout-à-fait perdu : on peut, sans inconvénient, cultiver sur les ados ou sentiers un grand nombre de plantes utiles, telles que Pois, Haricots, Lentilles, etc., et, même dans les intervalles des plantes d’asperges, dans les jardins on met encore de la salade. — Lorsque l’aspergière est en plein rapport, on peut calculer que les 17,500 plants qui occupent un hectare pourront donner à couper chacun de 12 à 15 tiges grosses et petites. Les bottes contenant en moyenne 100 asperges et le prix de la botte pouvant s’évaluer aussi en moyenne à 1 fr., on voit que le produit brut par hectare (environ 3 arpens de Paris) serait de 2,450 francs.

Section iii. — Des Choux.

Il a été traité des Choux verts ou non pommés parmi les plantes fourragères (Tome 1, p. 523), et ci-devant (page 7 de ce vol.) parmi les Plantes oléagineuses. Les Choux pommés, dont nous devons parler ici, sont des plantes bisannuelles, cultivées assez en grand pour l’approvisionnement des marchés et pour la préparation de la choucroûte, dont les bâtimens de mer, et surtout le nord de l’Europe et l’Allemagne, font une énorme consommation.

On cultive un très-grand nombre de variétés de Choux pommés (Brassica oleracea capitata, L.; en anglais, White, Red Cabbage, Savoy, Brussels Sprouts ; en italien, Cappuccio tondo ; en allemand, Ropftohl). On peut ramener ces variétés à deux principales : 1° les Choux cabus, parmi lesquels on distingue : le C. d’York, le plus précoce ; le C. pain de sucre ; les C. cœur de bœuf ; les C gros cabus blanc, d’Alsace, d’Allemagne, Quintal, de Hollande, etc., très-volumineux, les plus productifs ; le C. pommé rouge, très-estimé en Belgique et en Hollande ; — 2° Les Choux de Milan ou pommés frisés, dont les principales sous-variétés sont : le C. M. hâtif d’Ulm ; le C. pancalier de Touraine ; le C. M. ordinaire ou gros chou milan ; le C M. des Vertus, ou pommé frisé d’Allemagne ; le C.de Bruxelles, à jets ou à rosettes.

La culture des choux est simple et facile, mais les choux en général, et particulièrement les gros choux pommés, demandent, pour atteindre un fort volume, une terre riche et fraîche. Les berges des fossés et canaux, les marais desséchés, les terrains nouvellement défrichés, conviennent parfaitement pour cette culture.

La multiplication a lieu de semis qui se font toujours en pépinière dans une terre plutôt légère que forte, bien ameublie et un peu ombragée. Ces semis ont lieu : 1° de la mi-août au commencement de septembre, particulièrement pour les Choux cabus, afin de transplanter en octobre, ou même en février et mars, et récolter de mai en août ; 2° au printemps, depuis la fin de février jusqu’en mai, notamment pour les Choux milans, afin de mettre en place lorsque les plants ont quelques feuilles ; leur produit succède à celui des semis d’automne, et se prolonge jusque dans l’hiver. Les semis doivent être arrosés régulièrement si le temps est sec, et visités afin de détruire les insectes, et notamment le tiquet ou puce de terre qui y fait souvent de grands ravages. Le meilleur moyen pour les écarter, c’est de semer le matin à la rosée de la cendre sur le jeune plant.

Les choux sont plantés à demeure à une distance qui varie, en raison de la taille à laquelle ils parviennent, de 16 à 30 et 36 pouces (0m 40 à 1m). En faisant la transplantation, on examine le pied au point de départ des racines, et s’il existe une tumeur, on la coupe par la moitié pour détruire la larve qui y est logée et qui nuirait au développement de la plante. La transplantation doit être suivie d’arrosemens qu’on renouvelle autant que la saison l’exige ; les autres soins d’entretien se bornent à quelques binages.

Les choux peuvent se conserver tout l’hiver jusqu’en mars ; ceux à demi faits, particulièrement les pancaliers et milans ordinaires, peuvent rester dehors ; pour tous les autres, on peut en prolonger la jouissance en les couchant avant le froid, ce qui se fait en enlevant un peu de terre au nord, inclinant le chou de ce côté, et mettant la terre sur les racines de l’autre. On peut encore les enjauger par lignes les uns sur les autres, et les couvrir de feuilles s’il gèle fort.

Section iv. — Des Courges, Citrouilles, Potirons, etc.

Parmi les Plantes fourragères (voy. Tom. 1, pag. 524), il a déjà été question des Citrouilles, plantes annuelles qu’on cultive dans quelques parties de la France avec avantage, pour la nourriture des bestiaux. Ce qui y est dit de la culture de ces plantes et de la conservation de leurs fruits, s’applique aussi bien à celles qu’on destine aux animaux domestiques qu’à celles qu’on vend sur les marchés, et qui sont souvent les mêmes, ce qui nous dispense d’y revenir ici.

Parmi les variétés de Courges (Cucurbita, L. ; en anglais, Pompion et Gourd ; en allemand, Kurbiss ; en italien, Zucca et Popone), les plus rustiques et qui croissent le mieux en pleine terre, sont : le Potiron (Cucurbita pepo, L. ; en anglais, Squash ; en allemand, Pfebin Kurbiss ; en italien, Zucca), à longues tiges rampantes, à fruits souvent énormes et fort pesans, dont l’écorce est ordinairement d’un jaune plus ou moins foncé ; — les Giraumons et Citrouilles, dont les races sont pour ainsi dire innombrables, et dont la consommation est à Paris bien moindre que celle des Potirons ; — le Pastisson (Cucurbita melopepo, L.), Bonnet de prêtre, Artichaut d’Espagne ou de Jérusalem, à fruits beaucoup moins volumineux, mais très-nombreux, qui a le mérite de ne pas ramper comme les autres, mais de pousser en touffes arrondies.

Toutes ces espèces ont des graines très-grosses et très-nombreuses, dont l’amande contient une huile que le docteur Morelli a reconnue meilleure et plus abondante que celle extraite de beaucoup d’autres semences. De 3 livres de ces semences broyées, il a obtenu par la pression à froid 5 onces 1/2 d’huile ; en les faisant légèrement torréfier, elles en ont donné près du tiers de leur poids.

Section v. — Des Ognons.

L’Ognon (Allium cepa, L. ; en anglais, Onion ; en allemand, Zwiebel ; en italien, Cipolla) est une des racines potagères les plus importantes et dont la culture a le plus d’étendue ; vivace de sa nature, cette plante est considérée et traitée comme bisannuelle.

Les principales variétés sont l’Ognon blanc gros et l’O. blanc hâtif, d’une saveur douce et de bonne qualité ; l’O. jaune ou blond, des Vertus près ’Paris, gros, excellent et se gardant bien ; l’O. rouge pâle, le plus répandu en France ; l’O. rouge foncé, large et plat, préféré dans quelques pays ; l’O. poire ou pyriforme, rougeâtre, d’une saveur forte, d’excellente garde : l’O. d’Egypte ou bulbifère, ou à rocamboles, dont la tête porte, à côté de quelques bonnes graines, plusieurs petites bulbes qui servent à le multiplier ; enfin, l’O. patate ou sous-terre, ne donnant ni graines ni rocamboles, mais des cayeux qui croissent autour de l’ognon principal. Les variétés les plus rustiques et dont la conservation durant l’hiver est lapins facile, sont l’Ognon d’Egypte et celui en poire, qui par conséquent conviennent peut-être le mieux aux cultures des fermes.

Les ognons se plaisent dans une bonne terre, substantielle, mais plutôt légère que forte, fumée autant que possible une année d’avance, ou avec de l’engrais bien consommé ; celui de mouton et aussi le marc de raisin conviennent le mieux.

M. Vilmorin distingue 4 méthodes principales de multiplication pour l’ognon. La première, la pins usitée, surtout dans les pays du nord, est le semis en place ; il a généralement lieu du milieu de février au milieu de mars, à raison de 3 ou 4 onces de graine par are ; on l’enterre légèrement au râteau ou en recouvrant d’une couche mince de terreau, et on a soin de bien piétiner, ou de rouler avant et après le semis, surtout si le sol est naturellement meuble. Un éclaircissage doit s’opérer lorsque le jeune plant est bien formé ; ce que l’on éclaircit peut servir à replanter ou être consommé en ciboule. — La deuxième méthode ne diffère qu’en ce que le semis se fait en pépinière pour transplanter à 3 ou 4 pouces de distance, en lignes espacées de 6 à 8 pouces ; c’est la pratique la plus suivie dans le midi et aux environs de Paris, notamment pour rognon blanc qu’on sème communément en août et septembre, pour replanter en octobre ou en mars, et consommer dès le mois de mai à demi-grosseur et successivement tout l’été. — La troisième méthode, introduite nouvellement par MM. Nouvellon et Lebrun, de Meun (Loiret), consiste à semer excessivement épais (près d’une livre de graine par toise carrée), pour obtenir seulement des grenons gros à peine comme de petites noisettes, qui, l’année suivante, sont mis en place a 3 ou 4 pouces de distance ; on ne doit arroser qu’une seule fois immédiatement après le semis. Par cette méthode, on évite tous les risques et les accidens auxquels sont sujets les semis en place ; les soins minutieux de sarclage et d’éclaircissage sont remplacés par des serfouissages bien plus faciles et moins dispendieux. M. Fontaine, d’Aubilly près Reims, emploie un moyen analogue ; il fait le semis destiné à fournir la plantation ordinaire plus épais, et, lorsque cette transplantation a eu lieu, il arrache tout le plant excédant, l’étend au soleil dans une allée et le retourne tous les 8 jours jusqu’à parfaite dessiccation des fanes, ce qui arrive ordinairement à la fin de juin ; ces plants sont alors transformés en grenons gros comme des pois, que, comme les ognons petits-pois de M. Nouvellon, il conserve jusqu’au printemps dans un lieu sain. Lorsqu’on veut obtenir des petits ognons pour confire, on agit d’une manière semblable : on sème bien dru en terre sèche, et on n’arrose que dans la 1re jeunesse ; l’Ognon blanc hâtif est préféré pour cet usage. — La quatrième méthode, particulière à l’Ognon d’Egypte, est la plantation par rocamboles, à laquelle on peut rapporter aussi la plantation par cayeux propre à l’Ognon-patate. Ce moyen a donc les avantages de la méthode précédente, sans la difficulté d’obtenir à point les ognons petits-pois. 6 à 8 ognons faits, réservés pour monter en tige et fournir les rocamboles en donnent environ un litre qui peut suffire à la plantation dune planche de 6 à 7 toises de long sur 4 pieds de large : au surplus, on ne risque rien de réserver plus que moins de ces porte-bulbes, car les plus grosses rocamboles s’emploient à la cuisine, et de plus l’ognon en reproduit deux ou trois autres de moyenne grosseur qu’on trouve au pied lorsqu’on l’arrache ; en sorte qu’il y a en même temps multiplication par rocamboles en haut des tiges et par cayeux dans la terre. Il est bon de soutenir ces tiges par des tuteurs, lorsqu’elles sont montées, parce qu’elles sont facilement entraînées et versées par le poids des bulbes. Malheureusement, l’Ognon d’Egypte a une chair un peu grossière

Des arrosemens au besoin, des sarclages exacts, sont les seuls soins que réclament Les ognons pendant leur végétation. Si à l’automne ils restent verts et tardent trop à s’achever, on couche les fanes par un moyen quelconque, ce qui accélère un peu la maturité. — Les ognons des espèces ordinaires destinés pour porte-graines doivent être plantés en février ou mars, quelquefois même avant l’hiver pour l’Ognon blanc quand il pousse trop ; on les espace d’environ un pied. La graine est bonne pendant 2, rarement pendant 3 ans.

La récolte générale des ognons a lieu à l’automne ; on les arrache lorsqu’ils sont mûrs, c’est-à-dire que les fanes sont devenus jaunes et flétries ; on les laisse étendus quelques jours sur un terrain battu, et on les rentre par un temps sec. Tous les ognons, mais surtout celui d’Egypte, ne se conservent bien que si on les place dans un lieu sec afin d’éviter la pourriture, et froid pour que les tiges ne se développent pas.

Le produit de la culture des ognons peut s’élever très-haut dans les circonstances de débouchés avantageux. D’après la distance assignée aux plants (4 pouces dans les lignes, 6 entre les rayons), l’hectare doit produire 540,000 ognons ; si on en met 15 à la botte et qu’on calcule le prix de la botte à 5 centimes seulement, on trouve une valeur brute de plus de 2,000 f.,qui laisse une grande marge pour les chances d’une réussite moins complète qu’il est sage de prévoir.

L’Ail (Allium sativum), la Ciboule et Ciboulette (A. fistulosum et schœnoprasum), l’Echalotte (A. ascalonicum), le Poireau ou Porreau (A. porrum), sont d’autres espèces du même genre, dont la consommation est bien moins considérable que celle de l’ognon. et dont la culture est d’ailleurs à peu près semblable.

C. B. de M.