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Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 4/ch. 1

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome troisièmep. 1-63).
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CHAPITRE 1er. — du lait et de ses emplois.

La laiterie est le lieu où l’on dépose le lait après qu’il a été extrait des mamelles de la vache, soit pour le conserver pendant quelque temps, soit pour obtenir la séparation des divers principes qui le composent, et les transformer en beurre, en fromage, ou en quelques autres produits propres à la nourriture des hommes ou des animaux.

Les travaux de la laiterie sont les plus agréables et en même temps peut-être les plus profitables parmi tous ceux de l’agriculture. Le lait forme en effet, tant en nature que par les autres produits qu’on en retire, un des principaux aliments de la famille ; sa vente à l’état frais, ou sous celui de beurre ou de fromage, est toujours prompte et facile, et fournit des bénéfices presque journaliers qui permettent de pourvoir en grande partie aux besoins du ménage agricole.

Les produits de la laiterie pouvant subir diverses transformations, c’est au fermier à calculer sous laquelle d’entre elles il est le plus avantageux pour lui de les débiter. Les profits qu’il en retire, sous telle ou telle forme, dépendent en grande partie de son activité, de son industrie, de la nature et surtout de la situation de son établissement agricole. Ainsi, les fermiers qui résident près des villes trouvent fort avantageux d’y envoyer vendre leur lait en nature ou la crême qu’ils en retirent ; ceux qui sont plus éloignés des villes et qui ne peuvent régulièrement s’y rendre plus d’une ou deux fois par semaine, tirent plus de profit de leur lait en le convertissant en beurre ou en fromages frais, comme on le fait à Isigny, à Gournay, à Neufchâtel, etc. Enfin, les cultivateurs qui, par suite de leur éloignement des centres de consommation, de la difficulté des transports, du mauvais état des routes, fréquentent rarement les villes, les foires ou les marchés, ont intérêt à transformer leur laitage en produits qui puissent être de garde et voyager au loin, tels que le beurre fondu ou salé, comme cela se fait en Bretagne, et les fromages, ainsi que nous le voyons dans une multitude de lieux divers de la France et des pays étrangers. Il y a aussi des circonstances où il est plus profitable de faire consommer dans la ferme tous les produits de la laiterie.

On peut distinguer trois sortes de laiteries, suivant la destination qu’on donne à cet établissement, savoir : 1o la laiterie à lait ; 2o la laiterie à beurre ; 3o la laiterie à fromage. Cette distinction est tout arbitraire, puisqu’on fait souvent du beurre dans les laiteries où l’on conserve et débite du lait frais, et qu’il n’est pas rare devoir fabriquer du beurre et du fromage dans le même établissement ; mais elle sert à faire saisir plus nettement les travaux qui sont propres à chacune de ces branches distinctes de la laiterie.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. ire. Laiterie à lait 
 2
Sect. ii. Laiterie à beurre 
 ib.
§ 1er. Du beurre 
 ib.
 24
§ 6. Délaitage 
 25
Sect. iii. Laiterie à fromage 
 30
 ib.
 ib.
 ib.
Art. VIII. Conclusion 
 56

Section 1re. — Laiterie à lait.

§ 1er. — Construction de la laiterie.

La laiterie à lait est celle qui sert uniquement à conserver ce liquide pendant plus ou moins de temps et à y recueillir la crême pour les débiter ou les consommer journellement.

L’établissement d’une pareille laiterie est fort simple, et ce n’est souvent qu’une chambre, une cave, ou une pièce fraîche dans la laquelle on dépose le lait après la traite jusqu’à ce qu’il soit livré à la consommation, néanmoins, comme nous la considérons ici comme le premier degré d’un établissement agricole étendu, où l’on fabrique tous les produits divers qu’on peut retirer du laitage, nous entrerons dans tous les détails nécessaires à la formation et à la direction d’une grande exploitation de ce genre, chacun pouvant, suivant le besoin ou la localité, modifier les dispositions, les plans ou les travaux que nous allons faire connaître.

Dans l’établissement d’une laiterie il faut avoir égard à plusieurs considérations qui ont une influence très-marquée sur la conservation et la perfection des produits, et par conséquent sur les profits qu’on en retire.

La convenance de la situation est la première chose qu’il faut envisager avant d’entreprendre une construction de ce genre. En effet, si cette laiterie est mal exposée, si elle est située dans un lieu incommode, d’un accès difficile pour les hommes et les animaux, trop loin des bâtiments d’exploitation ou d’habitation, ou dans un endroit insalubre, etc., non seulement on perd beaucoup de temps dans les travaux, mais encore rien ne marche convenablement et les produits qu’on obtient sont de médiocre qualité.

L’emplacement est le deuxième objet qu’il faut prendre en considération. La laiterie doit, autant que possible, être située dans l’endroit le plus tranquille et le plus ombragé de la ferme, près d’une petite rivière, d’un ruisseau, d’une source, d’une fontaine ou bien d’une glacière, ou d’un puits. On l’éloignera généralement de tout ce qui exhale des vapeurs ou des miasmes insalubres. En pays de montagnes, comme dans le Mont-d’Or, le Cantal, l’Aveyron et la Suisse, on la creuse quelquefois dans le roc quand il est sec et de nature convenable. Enfin, quand toutes ces conditions ne se rencontrent pas, on la place sous les bâtiments de la ferme, dans la partie la plus propre, sous celle qui sert d’habitation, afin de pouvoir y exercer une surveillance très-active.

L’exposition au nord paraît être la plus favorable ; celle au nord-ouest est également bonne, ou au moins la laiterie doit avoir vers ces expositions une de ses faces percée d’ouvertures pour qu’on puisse y admettre un courant d’air dans ces directions. Autant que possible, elle sera ombragée du côté du midi. Ce qu’il importe c’est que cette salle soit sèche, bien aérée, à l’abri des grandes chaleurs en été, et des vents froids et violents en hiver.

Le plan en est bien simple ; c’est une salle carrée ou mieux en carré long, ayant une porte d’un côté et deux ouvertures opposées pour renouveler l’air. À cette salle est attenante une autre pièce sans communication directe avec la première et quelquefois un simple appentis où se font la plupart des manipulations et des travaux de propreté, et qu’on nomme le lavoir ou échaudoir.

L’étendue dépend de la grandeur de l’exploitation et de la quantité de produits qu’on veut y déposer. Dans tous les cas, il est avantageux que la laiterie soit spacieuse, ainsi qu’on le pratique généralement en Hollande, parce qu’il est plus aisé d’y renouveler l’air, de la sécher complètement, qu’elle est plus salubre, et qu’il n’est pas nécessaire alors de mettre les vases à lait les uns sur les autres, comme on le pratique à tort quelquefois. Marshal assigne à une laiterie où l’on dépose le lait de quarante vaches, 20 pieds de longueur sur 16 de largeur, et ajoute que 40 pieds sur 30 suffisent pour une laiterie de cent vaches. Dans quelques pays on compose la laiterie de plusieurs petites pièces contiguës ; dans d’autres, comme dans la vallée d’Auge (Calvados), on ne lui donne pas plus de 5 pieds d’élévation ; mais ces dispositions ne sont pas convenables, en ce que les unes nuisent à la salubrité de la laiterie et les autres à la propreté, à la célérité des travaux, et ne permettent pas d’établir promptement une température égale et fixe.

La construction. Une bonne laiterie devant être à quelque profondeur au-dessous du niveau du terrain extérieur, afin d’être fraîche en été et chaude en hiver, c’est la nature du terrain qui déterminera la profondeur à laquelle on doit la construire. Celle qui est représentée en tête de cet article (fig. 1), et qui se trouve à la belle Ferme anglaise de Billancourt, près le pont de Sèvres, nous a paru un bon modèle à offrir. Dans un terrain sec, sablonneux, on l’enfonce quelquefois au-dessous du niveau du sol, quoique cette méthode présente quelques difficultés pour la ventilation et surtout pour l’écoulement des eaux, dans un terrain humide et sujet aux infiltrations, il faut au contraire la sortir en partie de terre, pour ne pas l’exposer à une trop grande humidité. La forme la plus avantageuse est celle d’une salle voûtée en plein cintre qu’on recouvre d’un toit en planches, en ardoises, en tuiles ou en chaume, quand elle n’est pas surmontée par d’autres bâtiments. La hauteur de la voûte sous clef doit être de 2 mèt. 5 à 3 mèt. Les murs et la voûte sont construits en moellons de pierre calcaire ou autre, ou en briques bien cimentées. Dans les terrains humides on fera usage de chaux hydraulique pour le mortier. L’intérieur des murs est revêtu d’un crépi de plâtre ou de ciment bien unique l’on blanchit à la chaux. Dans les laiteries de luxe ces murs au-dessus des banquettes sont revêtus en marbre ; on peut remplacer ce revêtement par des plaques de faïence, qui sont bien moins dispendieuses et d’une propreté fort agréable.

Le plancher, qui doit être légèrement en pente pour faciliter l'écoulement des eaux, est un bon pavage au ciment, ou bien un carrelage en briques ou en carreaux sur mortier, ou, ce qui vaut beaucoup mieux, un dallage en pierres dures polies ou en marbre commun, comme on en voit en Hollande ; le tout également posé sur ciment et mastiqué dans les joints avec du ciment romain. Sur ce dallage on ménage des rigoles qui conduisent toutes les eaux de lavage au dehors ou dans des gargouilles qui se ferment hermétiquement. Telles sont les laiteries du pays de Bray (Seine-Inférieure), si renommé pour la délicatesse de ses beurres. Ce sont des caves voûtées, fraîches, sèches et profondes, où le laitage est à l’abri des variations brusques de température et des effets de la chaleur, du froid et des vents violens.

Les ouvertures qu’on doit ménager dans une laiterie sont une porte, autant que possible placée au nord, ou au moins au nord-ouest ou au nord-est, et 2 fenêtres d’un demi-mètre carré environ de surface, situées, soit des deux côtés de la porte, soit dans 2 faces opposées du bâtiment. Elles servent à renouveler l’air, assainir et sécher la laiterie, et en même temps procurent la clarté nécessaire pour les travaux, les soins de propreté et la recherche des insectes, des araignées, des limaces, etc.


Fig. 2

Un autre plan a été proposé par le docteur Anderson, lorsqu’on ne peut pas construire une laiterie souterraine. Nous en donnons le plan fig. 2 d’après le dessin qu’a bien voulu nous communiquer M. de Valcourt. Il conseille, dans ce cas, d’établir la laiterie sur un terrain sec, de la manière suivante : A est la laiterie : elle est environnée de passages qui forment ainsi une double enceinte dont les murs sont construits en pierres, en briques, ou en pans de bois enduits de plâtre ou de mortier des deux côtés, le toit est également double : le supérieur est en tuiles ou en ardoises ; l’intérieur est un bon plafond enduit, ainsi que l’autre, d’un crépi de plâtre fin. Ces toits sont surmontés d’une cheminée d faisant fonction de ventilateur au moyen du vasistas dont elle est munie. Ce ventilateur est recouvert par un petit toit contre la pluie. Le sol de la laiterie est plus élevé que celui des passages ; des ouvertures placées à diverses hauteurs dans ses parois, et fermées par des châssis à vitres mobiles, permettent d’y établir des courans d’air dans ses différentes couches. B est la porte placée du côte du nord ; e une auge en pierre qui entoure toute la chambre, dans laquelle circule un courant d’eau fraîche, et qui sert à refroidir le lait en y plongeant les vases qui le contiennent, ou à maintenir la température basse de la laiterie. Tout autour de cette salle règnent plusieurs rangs de tablettes. Il en est de même dans les passages. C’est la salle qui sert de lavoir ou échaudoir pour les ustensiles. Elle est garnie d’une cheminée dans un des angles sur laquelle est une chaudière en fonte ; d’une pierre d’évier dans l’autre angle, de tablettes et de tables pour déposer les vases propres et les outils. F est une porte de communication bien close entre la laiterie et le lavoir ; elle est surtout utile l’été et l’hiver, parce qu’on n’est pas obligé pour entrer d’ouvrir la porte B. La fenêtre en vitrage intérieure c correspond à celle extérieure g, et toutes deux sont à châssis dormant. i est un vasistas qui ouvre et ferme toute communication entre l’air extérieur et l’intérieur de la laiterie, et qui sert à l’aérer ; nn des ouvertures qu’on ferme ou qu’on ouvre à volonté pour établir un courant d’air dans les passages, afin d’élever ou d’abaisser la température, ou renouveler l’air.

§ II. — Disposition intérieure de la laiterie.

Les dispositions intérieures d’une laiterie jouent également un rôle important dans la bonne direction de cette industrie agricole. Nous allons faire connaître les meilleures.

La porte d’une laiterie doit fermer hermétiquement, afin que l’air extérieur ne puisse y pénétrer. Quand on ne peut pas satisfaire à cette condition, ou quand cette porte n’a pu être placée au nord, ou enfin lorsqu’on désire une clôture plus parfaite, on doit faire la porte double. Dans le haut, on pratique une ouverture qui se ferme avec un volet qu’on tient ordinairement clos, mais qu’on peut ouvrir, soit pour aérer ou sécher la laiterie, soit pour élever ou abaisser la température pendant le jour, soit enfin pour profiter de la fraîcheur des nuits en été, pour rafraîchir la salle dans cette saison. Quand on ouvre le volet on place sur l’ouverture, ou même on peut laisser à demeure, un châssis sur lequel est tendu un canevas ou treillis, ou mieux une toile en fils métalliques, à mailles serrées, pour empêcher l’introduction des mouches ou autres insectes. Si l’on a placé un canevas, il faut mettre devant et extérieurement un grillage en fer qui écarte les chats, les rats et les souris, qui perceraient le canevas.

Les fenêtres sont garnies de châssis à vitres fermant également bien, et sur les carreaux desquels on colle des papiers huilés pour détruire l’impression trop vive de la lumière. Ces châssis peuvent encore être défendus par des volets qu’on ferme en hiver, et qu’on recouvre même de paillassons dans les jours très-froids ou humides. Au printemps et en été on enlève les volets et les châssis, et on les remplace par des persiennes ou des jalousies en lattes, qu’on ferme au moment le plus chaud du jour, et devant lesquelles on établit un canevas et un grillage, ou mieux un cadre sur lequel est tendue une toile métallique. C’est ainsi qu’on éloigne les animaux mal faisans, et qu’on établit ou entretient à volonté une douce ventilation, tout en interdisant l’accès aux rayons solaires.

Des tables ou banquettes garnissent tout le pourtour de la laiterie ; c’est sur elles qu’on dépose les terrines ou les vases qui contiennent la crême et le lait. Ces tables sont quelquefois en chêne, en frêne ou en orme, et ont au moins 1 décim. (4 pouces) d’épaisseur. Elles doivent être polies et varlopées avec soin, avoir une très légère inclinaison et être posées sur des supports en maçonnerie, en pierre ou en fer, à une hauteur d’environ 8 décim. (2½ pieds environ). Quelquefois on y pratique des rainures dans le sens de la longueur, pour faciliter l’écoulement des ordures et des eaux de lavage. Cette méthode est mauvaise, parce que les terrines ne reposent pas solidement sur ces tables, et qu’il est difficile de nettoyer le fond des rainures ou rigoles, qui finissent par contracter un mauvais goût. Les meilleures tables sont celles en pierres dures, telles que la pierre de liais, le marbre, le granité, le basalte, le schiste-ardoise, dans les pays où ces pierres sont communes et à bas prix. Ce qu’il importe surtout, c’est que ces pierres soient polies et mastiquées soigneusement dans leurs joints, parce que le lavage en est plus facile, et qu’elles contractent plus difficilement une odeur de lait aigri. Parfois on établit ces tables en forme de gradins ou de rayons, jusqu’à une certaine hauteur, et au milieu de la laiterie on place une autre grande table en pierre autour de laquelle on peut circuler ; ce qui facilite et accélère les travaux. Ces dispositions, dont la laiterie de Billancourt (fig. 1) donne l’aspect, sont plus coûteuses, mais elles sont préférables à l’usage où l’on est dans certains pays de déposer les terrines sur le dallage et de les empiler les unes sur les autres pour occuper moins de place ; arrangement qui est regardé comme très désavantageux, surtout dans le Holstein, pays renommé par l’excellence du beurre qu’on y fabrique.

Quelques tablettes en bois ou des rayons sont établis souvent au-dessus des banquettes pour déposer les vases vides et propres, et quelques autres ustensiles ; nous pensons que ces tablettes sont mieux placées dans le lavoir, si on veut éviter qu’en pourrissant elles ne donnent à la laiterie une odeur de moisi, et quelques accidents assez fréquents dans les laiteries où règne de l’activité.

L’eau étant une chose indispensable dans une laiterie, il faut faire toutes les dispositions utiles pour s’en procurer. Cette eau, autant que possible, doit être abondante, afin de faire de fréquents et copieux lavages : pure, pour ne pas déposer en s’évaporant des matières fermentescibles ; et fraîche, afin d’opérer, en été, par son simple écoulement, un abaissement de la température dans la laiterie. Dans les chalets de la Suisse et dans d’autres pays de montagnes, où les filets d’eau sont nombreux, on les fait passer au milieu de la laiterie. Dans tous les lieux où l’on pourra disposer d’une eau courante, on devra la diriger de manière à ce qu’elle puisse couler à volonté sur le plancher même de la laiterie. Dans tous les autres endroits, on aura des réservoirs qu’on remplira d’eau par le moyen le plus économique, et qu’on placera de manière à ce que le liquide s’y maintienne, même pendant les temps chauds, à une basse température. Cette eau doit être distribuée dans toute l’étendue de la laiterie par un ou plusieurs tuyaux qui rampent dans tout son pourtour au-dessus des banquettes, et qui s’ouvrent de distance en distance par des robinets. Si l’on peut placer plusieurs de ces robinets aux points les plus élevés de la voûte, on se procure ainsi, en les ouvrant, une pluie abondante qui abaisse très promptement la température et favorise le renouvellement de l’air. Après avoir coulé sur le plancher, toutes les eaux de lavage doivent pouvoir se réunir dans les rigoles du dallage, d’où elles sont dirigées au dehors ou dans un conduit ou gargouille qu’on doit entretenir dans un état constant de propreté, pour qu’il n’exhale aucune odeur, et dont on ferme l’ouverture avec un grillage en fer à mailles serrées, ou mieux par une pierre plate bien ajustée et munie d’un anneau pour la soulever. C’est le meilleur moyen pour s’opposer à l’introduction des animaux ou à celles d’émanations provenant de la gargouille ou du puisard dans lequel se perdent les eaux.

Pour chauffer la laiterie, opération qui est quelquefois nécessaire afin de favoriser le départ de la crême, on peut, comme dans les laiteries d’Isigny, entretenir du feu pendant les temps froids. Un poêle, un calorifère dont la porte ou le foyer seraient placés en dehors de la laiterie, ou une bouche de chaleur, rempliraient fort bien cet objet ; toutefois le moyen le plus parfait est celui employé en Angleterre, et qui consiste à entretenir dans le lavoir une petite chaudière d’où partent des tuyaux en plomb qui rampent dans toute l’étendue de la laiterie, et dans lesquels circulent de l’eau chaude ou de la vapeur.

§ III. — Ustensiles et instruments de la laiterie.

Les ustensiles et les vases dont on fait usage dans une laiterie sont de diverses sortes et varient dans leur forme, leur nature, leur nombre ou leur capacité, suivant les habitudes locales, les besoins ou les ressources du fermier. Nous allons faire connaître seulement les plus commodes et les plus usités, en nous attachant à leur usage et à leur forme d’abord, puis ensuite à leur nature, leur nombre, et leur capacité.

1. Sous le rapport de leur usage et de leur forme, les ustensiles de la laiterie peuvent être classés de la manière suivante :

Fig. 3. Fig. 4.

Vases à traire. Ce sont des seaux à traire ou des tinettes. Les premières sont des seaux ordinaires (fig. 3) en bois léger, tels qu’on les rencontre dans une grande partie de la France et en Lombardie ; ou des seaux légèrement coniques comme ceux employés dans presque toute la Suisse (fig. 4), et formés de douves de chêne, d’érable, etc., cerclés en frêne ; ce dernier vase a 26 centim. (9½ po.) dans son plus grand diamètre, 15 cent. (5½ po.) dans son plus petit, sur 30 (11 po.) de hauteur ; une de ses douves, qui s’élève au-dessus des autres de 24 cent. (9 po.), sert de poignée. On y pratique des trous pour suspendre le vase ou pour mieux le saisir avec les doigts. — Les tinettes sont des vases plus larges à leur fond qu’à leur ouverture et munies de deux poignées (fig. 5) formées par deux douves opposées qui s’élèvent au-dessus des autres et sont percées de trous ovales pour y passer la main ; elles servent à transporter le lait : quand on procède à ce transport, ces vases, qui doivent avoir de la capacité, reçoivent un disque de bois léger qu’on place sur le lait pour l’empêcher de ballotter et de répandre.

Fig. 5. Fig. 6.

Vases à transporter le lait. Ces vases qu'on nomme les localités où l’on s’en sert, bastes, gerles, comportes, rafraîchissoirs, etc., sont de grands seaux (figure 6) en bois, de 6½ décim. (2 pi.) de hauteur sur 6 (22 pouces) de diamètre, et fermés dans plusieurs endroits avec un couvercle. On en fait usage pour transporter le lait des pâturages à la ferme ; dans ce but on passe dans des ouvertures circulaires pratiquées dans deux douves qui excèdent les autres en longueur, un bâton qui sert à les charger sur les épaules de deux hommes. Dans les établissements de l’Auvergne on a un assortiment de gerles qui contiennent depuis deux jusqu’à six seaux et plus. — En Suisse ce sont des tonneaux couverts et ovales nommés brende, munis de deux courroies qui servent à les charger sur les épaules comme des crochets. A l’intérieur, vingt clous en cuivre placés de distance en distance sur la hauteur, servent à mesurer à vue la quantité du lait. On fait usage dans le canton de Zurich (fig. 7) pour cet objet, d’un seau à bec dont l’anse, fixée par une baguette qui traverse deux douves saillantes, peut s’enlever à volonté, et qui sert en même temps à assujettir un couvercle en bois dont on recouvre le seau dans les transports. Dans les laiteries anglaises le rafraichissoir est un grand vase (fig. 8) en fer-blanc ou en zinc, muni de deux poignées qui servent à l’enlever pour le transporter dans la laiterie.

Fig. 7. Fig. 8. Fig. 9.

Ustensiles à couler le lait. On les nomme couloirs ou passoires. Les passoires sont de formes très-variées. Les plus simples et les moins coûteuses sont des demi-sphères ou sortes de jattes en terre ou en bois de frêne ou d’érable, percées à leur fond d’un trou rond auquel on adapte un linge bien propre ou un tissu de crin fixé avec une corde qu’on tourne dans une gouttière ménagée autour du trou. Les couloirs employés en Suisse et en Souabe (fig. 9.) sont en bois et ont 4 décim. (16½ po.) ; dans leur plus grand diamètre et 22 cent. (8 po.) de haut. On les place sur un support ou porteur de 9 décim. (2¾ pi.) de longueur, le diamètre de l’ouverture dans laquelle se place le couloir ayant 36 centim. (13 po.). Une autre passoire fort usitée aussi en Suisse, est celle représentée fig. 10 ; on la fait en fer blanc ou en bois de sapin ; elle a 21 cent. (8 po.) à son orifice, 4 (18 lig.) à la base, et 21 (8 po.) de hauteur. Son porteur est une fourche (fig. 11) posée sur le vase à lait, et portant à son talon un montant à crochet auquel on adapte la passoire, dont l'extrémité est garnie de feuillages de sapin, de l’écorce intérieure du tilleul, ou d’une poignée de clématite des haies ou herbe-aux-gueux (Clematis vitalba), lavées et séchées, et au travers desquelles passe le lait. Ce porteur ou support reçoit souvent une autre forme (fig. 12). En Hollande, la passoire est un plat creux percé par le fond et garni d’un tamis de crin. Celle du Mont-Cenis (fig. 13) est en bois et ovale, à fond concave, et percée d’un trou qu’on garnit d’un bouchon de paille, de feuilles de mélèze ou de chiendent. — Dans une foule de lieux c’est un tamis de crin, qu’on tient à la main au-dessus des terrines, ou sur une sorte d’entonnoir muni d’une poignée, etc. Un tissu de crin, selon Thaer, est bien préférable aux linges de laine et de toile, quoique ceux-ci puissent être changés et lavés chaque jour ; mais il faut avoir soin d’empêcher le crin de s’encrasser et de contracter aucun mauvais goût. En Angleterre, dans les grandes laiteries, les passoires sont garnies d’une toile métallique d’un tissu très-fin et en fil d’argent.

Fig. 10. Fig. 11. Fig. 12. Fig. 13.

Ustensiles à puiser le lait. Ce sont des jattes, des sébiles, des cuillers à pot, des vases cylindriques munis d’une anse pour les saisir, etc.

Fig. 14. Fig. 15.

Vases à contenir le lait. L’expérience a prouvé que la crême moulait plus promptement et plus complètement à la surface dans les vases plus étroits à leur fond qu’à leur partie supérieure, ou dans les vases plats qui n’avaient que peu de profondeur. Ceux dont on se sert le plus communément en France, sont des terrines (fig. 14) en terre. Les plus favorables à la séparation de la crême, celles dont on fait usage dans le pays de Bray et en beaucoup d’autres lieux, ont 40 c. (15 po.) par le haut, 16 (6 po.) par le bas, et 16 à 19 (6 à 7 po.) de profondeur. Ces terrines doivent avoir un rebord épais pour pouvoir les saisir, les déplacer avec facilité, et pour augmenter leur solidité, et un bec pour l’écoulement du lait. Quelques-unes ont, pour cet objet, un trou percé près de leur fond, qu’on bouche avec une cheville. Au reste, chaque pays a sa forme de terrines, qui diffèrent encore d’un endroit à l’autre par leur capacité et leur couleur. Dans quelques localités on a la bonne habitude de tenir ces vases couverts. Dans le Cantal, dans la Suisse et dans la majeure partie de la Hollande, les vases à contenir le lait (fig. 15) sont en bois blanc cerclés en frêne, et n’ont que 5 à 8 cent. (2 à 3 po.) de hauteur, sur 65 à 97 (2 à 3 pi.) de diamètre. — En Angleterre, le lait est aussi versé généralement dans des vases de terre ou de bois, mais depuis peu on en a fait en plomb, en zinc, en étain, en marbre, en ardoise, etc. Leur forme est communément ronde ; ils n’ont que 6 à 8 cent. (2½ à 3 po.) de profondeur, et un diamètre de 45 à 60 cent. (1½ à 2 pi.). Dans les grandes laiteries de ce pays, on en fait même de plusieurs longueurs, ou bien en forme d'auges scellées le long des murs, et de 65 à 97 cent. (2 à 3 pi.) de largeur, avec des trous percés à l’un ou plusieurs de leurs angles, pour laisser écouler le lait, et mettre la crême à sec. Dans le Gloucester, pays souvent cité à cause de la bonne tenue de ses laiteries et ses excellents fromages, les vases sont très-plats, et on n’y verse le lait qu’à la profondeur de 2 à 3 centim. (1 po.) seulement. Au reste, les vases un peu profonds valent mieux en hiver, et les plats sont d’un emploi avantageux pendant les temps très chauds, où le lait se caille avant que la crême ait le temps de se séparer, parce que la séparation s’opère plus promptement. A ces vases il faut ajouter des baquets pour verser le lait écrêmé et le transporter hors de la laiterie.

Ustensiles pour écrêmer. On se sert dans bien des endroit pour lever la crême, de la valve droite de la coquille de l’Anodonte (Mytilus cygneus L.), qu’on nomme vulgairement crêmière, crêmette ou écrêmette, et qui est commune dans les étangs et les eaux à fonds vaseux. Sa forme, sa grandeur, sa légèreté, son bas prix la rendent propre à cet usage. On fait encore des crêmières en fer blanc, en étain, en fonte douce ; on en fabrique aussi en buis ou autres bois durs, pour pouvoir les tailler très-minces d’un côté. Celles en ivoire sont très propres et excellentes. Quelquefois on les perce de trous pour laisser égoutter le lait, ou on leur donne la forme d’une cuiller ou d'une écumoire. Au reste, la matière dont les écrêmoirs sont faits est indifférente, pourvu qu’ils ne communiquent aucune altération au lait ; l’important, quant à la forme, est qu’ils portent d’un côté un tranchant très-fin, qu’on puisse faire passer entre la crême et le lait pour séparer bien nettement les deux produits. A ces ustensiles il faut ajouter des tranche-crême, sorte de couteaux de bois de 40 cent. (15 po.) de longueur, servant à remuer fréquemment la crême pour empêcher qu’il ne se forme dessus une pellicule jaunâtre ; et un petit couteau d’ivoire ou d’os très mince, et fait exprès pour détacher la crême des bords des vases auxquels elle adhère.

Vases à conserver la crême. On dépose souvent la crême dans des terrines ou dans des plats ; mais il vaut mieux donner aux vases où on la conserve une forme contraire, c’est-à-dire celle des cruches ou des pots profonds, étroits par le haut, larges par le cas, et coiffés d’un couvercle fermant exactement.

Ustensiles pour nettoyer. Les ustensiles qui servent à échauder, laver et approprier les vases de la laiterie, sont : a une petite chaudière en fonte ou en cuivre, montée dans un fourneau en maçonnerie, ou simplement suspendue au-dessus du foyer de la cheminée du lavoir, et destinée à se procurer à tout instant de l’eau chaude ; — b plusieurs baquets (fig. 16) pour lessiver, laver et rincer les vases, après qu’on les a récurés sur la pierre à évier (fig. 2) ; — c des brosses en poils, en chiendent, fermes, longues, et de formes et d’espèces variées ; — d des goupillons pour nettoyer les pots, partout où la main et les brosses ne peuvent pénétrer ; — e des morceaux de bois pointus pour frotter et dégager les angles et les joints ; — f des éponges diverses, pour laver les vases, les murs, les tables, le dallage, etc.; — g un égouttoir ou arbre à seaux (fig. 17), formé par une pièce de bois dans laquelle sont implantées, sous un angle de 45 degrés un certain nombre de chevilles qui servent à accrocher les seaux dans une situation renversée pour les faire égoutter ou sécher jusqu'à ce qu’on s’en serve. Une forte branche d’arbre encore garnie de ses petites branches et écorcée, forme aussi un bon égouttoir ; — h des torchons et des linges pour essuyer les vases quand ils sont rincés ; — i des balais de bouleau, toujours tenus très propres, pour laver, rincer la laiterie, et conduire les eaux de au dehors, etc.

Fig. 16. Fig. 17.

II. La propreté la plus rigoureuse est une condition indispensable pour les vases, et nous renvoyons à cet égard aux détails que nous donnons dans le paragraphe suivant.

III. La nature des vases et vaisseaux n’est pas indifférente et joue même un grand rôle dans une laiterie. On s’est servi pour leur fabrication de tant de matières diverses, qu’il serait difficile de les faire connaître toutes ; nous passerons seulement en revue les matériaux qui sont le plus généralement en usage aujourd’hui, en cherchant à faire connaître les avantages ou les défauts de chacun d’eux.

Le bois. Les vases de bois, surtout ceux en bois légers, tels que le frêne, le saule, le mélèze, le sapin, le châtaignier, le tilleul, l’érable, ce dernier surtout, méritent sous tous les rapports la préférence. On en fait un usage fort étendu en Suisse, dans les Vosges, la Savoie, dans une grande partie de l'Allemagne, et une foule de lieux. On fabrique ainsi des seaux à lait, des bastes ou rafraîchissoirs, des vases à faire crêmer le lait, des baquets, etc., etc. Ordinairement ils sont formés de douves jointives cerclées en frêne, en châtaignier ou tout autre bois flexible. Dans quelques parties de la Suisse et de l’Allemagne, on en fabrique d’une seule pièce de bois creusée qui sont excellens et très propres. En Hollande, les terrines en bois sont, à l’intérieur et à l’extérieur, revêtues d’une couleur à l’huile. Toutefois, l’emploi des vases de bois est soumis à quelques conditions de rigueur. D'abord ils doivent être en bois très fin, très homogène, unis et polis avec beaucoup de soin à l’intérieur. Ensuite, ce sont en général ceux qui exigent les soins les plus minutieux et les plus attentifs de propreté, parce qu’ils s’imbibent plus facilement de lait, et en outre que, leurs douves ne joignant pas avec une rigoureuse exactitude, il reste toujours dans les intervalles quelques particules de lait que la brosse et les lavages ne peuvent enlever, et qui finissent par s’aigrir et par faire cailler le lait qu’on dépose dans leur intérieur. Il faut donc savoir les démonter, puis les remonter après les avoir lessivés, frottés et lavés partout. Dans le cas où l’on aurait laissé séjourner par négligence le lait assez long-temps pour qu’il s’aigrisse dans un vase de bois, on le remplit d’une eau bouillante de lessive de cendres, ou d’une dissolution légère de potasse ou de sel de soude ; on laisse séjourner cette eau pendant 10 ou 12 heures, en la renouvelant même au besoin, puis on récure fortement partout avec la brosse ; on vide la lessive, on passe et on frotte le vase plusieurs fois dans de l’eau bouillante ; on répète cette opération dans l’eau fraîche, on égoutte, essuie, sèche au soleil et à l’air, et on n’en fait usage que 24 heures après. Au reste, les vases de bois conservent bien le lait ; seulement il s’y refroidit un peu moins vite que dans la terre. Ils ont en outre le mérite d’être peu fragiles et de soustraire en grande partie le lait à l’action des courans électriques qui hâtent sa coagulation.

La terre. Les terrines en terre commune sont très-employées et très-propres à déposer et à conserver le lait. Les meilleures terrines sont d’une pâte compacte, fine, polie, bien cuite et qui ne se laisse pas pénétrer par le lait. Quand la pâte en est légère et poreuse, on les recouvre d’un vernis ; mais il faut éviter avec soin que ce vernis soit à base de plomb, parce que le lait aigri en dissout toujours une petite portion qui peut rendre les produits dangereux pour la santé des consommateurs. On fait d’excellentes terrines et pots à crême avec la poterie dite de grès, surtout avec celle qui est recouverte d’un enduit vitreux salifère et qu’on fabrique près de Briare, à Martin-Camp près Neufchâtel en Bray (Seine-Inférieure), à Sartpoterie (Nord), à Moulet près Charolle (Saône-et-Loire), etc. — En général, les vases de terre sont très-fragiles et, malgré leur bon marché, finissent, quand on en casse beaucoup, par devenir d’un entretien dispendieux. On a essayé avec quelque succès de les doubler en bois pour les rendre plus durables. Les vases de grès ont un autre inconvénient ; c’est de casser très-aisément quand on les plonge dans l’eau bouillante ou quand on en verse dedans sans précaution. On a essayé l’usage des vases de verre, de faïence et de porcelaine, qui sont très-bons, mais trop chers et trop fragiles pour les laiteries ordinaires. La terre de pipe n’est pas d’un emploi avantageux.

Le fer-blanc on fer étamé est très-bon pour faire des terrines, des rafraichissoirs, des vases à transporter le lait, qui s’y refroidit et conserve très-bien, mais qu’il ne faut pas toutefois y laisser séjourner jusqu’à ce qu’il s’aigrisse. Seulement, quand on fait usage de ces vases, il faut avoir l’attention de les remplacer ou de les faire étamer dès que l’étain en a été enlevé, et de les construire de forme hémisphérique au fond, parce que c’est dans les angles et dans les coins que le fer se découvre et se rouille plus aisément, et qu’on a remarqué que la rouille formait une combinaison qui altère à un haut degré le goût et la qualité des produits de la laiterie.

Le marbre, employé dans quelques laiteries de luxe de l’Angleterre et de la Hollande, est d’un prix trop élevé et d’un poids incommode ; il conserve bien le lait, qui toutefois l’attaque et le dissout quand il s’aigrit.

L’ardoise est très-employée dans le centre de l’Angleterre et fournit des terrines qui rafraîchissent et conservent assez bien le lait. La forme angulaire qu’on est obligé de donner aux vases de cette substance, et la jonction imparfaite des pièces assemblées, ne permettent pas de les nettoyer convenablement et laissent souvent filtrer le liquide.

Le plomb, dont on se sert dans le Cheshire en Angleterre, doit être soigneusement banni d’une laiterie, par suite de la facilité avec laquelle le lait aigri l’attaque et le dissout en formant avec lui des combinaisons très-vénéneuses.

La fonte douce étamée et polie a joui longtemps en Angleterre et jouit encore en Écosse d’une grande réputation. Les vases qu’on en fabrique refroidissent promptement le lait, et donnent, dit-on, une plus grande quantité de crême d’un poids égal de lait. Ils sont solides, ne se cassent pas même en tombant d’une grande hauteur, d’un prix modéré, d’une longue durée, faciles à rétablir par un étamage peu coûteux, et fort aisément maintenus propres en les frottant avec de la craie délayée dans l’eau et un tampon de laine ou d’étoupes.

L’étain est employé surtout dans le Gloucester, pour contenir le lait et la crême, et faire les écrémoires. Les ménagères de ce pays assurent que les vases en étain font monter une très-forte proportion de crême.

Le cuivre et le laiton sont les matériaux les plus dangereux dont on puisse faire usage pour déposer le lait. C’est tout au plus si on doit s’en servir pour le transport momentané de ce liquide. Cependant on fait un fréquent emploi du laiton et du cuivre dans les laiteries de la Hollande ; mais il faut, pour qu’il n’y ait nul danger, avoir contracté, comme dans ce pays, l’habitude de la propreté la plus rigoureuse et la plus attentive. Dans le Lodésan on fait aussi usage de vases de cuivre poli et étamé, dont le fond est arrondi pour faciliter le nettoiement qui se répète fréquemment.

Le zinc, employé depuis long-temps en Amérique et dans le Devonshire, paraît appelé en Angleterre à remplacer tous les autres matériaux. Des expériences, qui paraissent décisives, ont constaté jusqu’ici que les vases de zinc donnent une quantité de crême plus considérable que tous les autres. Seulement, jusqu’à ce qu’on ait rassemblé plus de faits précis sur l’emploi de ce métal, il faudra user avec précaution du lait qui aura séjourné long-temps dans ces vases, et ne donner qu’aux animaux le petit-lait qu’on y recueillera, parce que ces produits, qui attaquent évidemment le métal, pourraient bien avoir des propriétés astringentes et émétiques, qui à la longue nuiraient à la santé.

IV. La capacité des vases varie d’une laiterie à l’autre, et suivant les pays. Nous avons déjà fait connaître cette capacité pour plusieurs d’entre eux ; nous ajouterons seulement que les vaisseaux trop grands sont incommodes, et s’ils sont fragiles, qu’ils sont proportionnellement plus dispendieux que les petits. Ceux-ci, à leur tour, établis sur des dimensions rétrécies, sont affectés trop rapidement par les variations de température, et ne donnent pas à la crême le temps nécessaire pour se former. La capacité la plus favorable pour les terrines est celle de 12 à 15 litres, produit moyen d’une bonne vache.

V. Le nombre des vases est également variable dans les divers pays, et dépend d’ailleurs du nombre des vaches et de l’importance de l’établissement. En général, dans une ferme bien administrée, on a un double assortiment d’ustensiles pour la laiterie, afin de nettoyer et de sécher les uns pendant qu’on se sert des autres.

VI. Le bon ordre dans les ustensiles n’est pas moins avantageux que la propreté, et tous doivent être disposés et ranimés régulièrement, de manière à les reconnaître, les saisir et s’en servir avec promptitude et facilité.

VII. Les instrumens nécessaires dans une laiterie pour donner aux opérations plus de régularité et de précision, sont le thermomètre, le baromètre et le lactomètre.

Le thermomètre (fig. 12, tom. i), consulté fréquemment, sert à faire connaître la température intérieure de la laiterie, et à la régler, suivant le besoin, au degré convenable par les moyens déjà indiqués.

Le baromètre (fig. 1, 2, 3, tom. i), par ses indications, fera connaître à l’avance les changemens de temps, les grandes secousses atmosphériques qui nuisent à la marche régulière des travaux de la laiterie, et permettra de se mettre en garde contre leur influence.

Le lactomètre, ou instrument propre à mesurer la quantité de crême fournie par le lait, est d’un emploi bien précieux dans une ferme. C’est ainsi qu’il permettra d’apprécier la richesse en crême et en beurre de tout le lait qu’on recueille, ainsi que celle du produit de chaque animal en particulier, suivant la saison, l’état de santé, la bonne ou mauvaise condition, le régime alimentaire, etc.; — de mêler des laits de richesses diverses pour en obtenir des produits particuliers ; — de mesurer la quantité de crême fournie par un lait qu’on achète, et de ne le payer exactement qu’à un prix proportionnel à cette quantité ; — de constater si l’on recueille, dans ses manipulations en grand, toute la matière butireuse indiquée par les essais en petit ; — d’apprécier, dans les laiteries banales, la richesse du lait apporté par chaque associé, afin de répartir les bénéfices proportionnellement à la quantité de matière utile et marchande qu’il apportera, etc. Le lactomètre (fig. 18), inventé en Angleterre par Banks, et importé en France par M. de Valcourt, ou celui de M. Schubler, est un tube de verre de 16 centim. (6 po.) de hauteur, 40 millim. (18 lig.) de diamètre intérieur, ouvert par le haut, fermé par le bas, et porté sur un pied circulaire. Ce tube peut contenir un peu au-delà de 2 décilitres. A partir de sa base, on a désigne, par un cercle gravé au diamant, chaque demi-décilitre, c’est-à-dire la hauteur à laquelle atteindraient ½, 1, 1½ et 2 demi-décil. de liquide, si on les versait dans le tube. La hauteur du tube, depuis le fond jusqu’auprès du 4e cercle qui marque 2 décil., a été partagée en 100 parties égales, et, à partir de ce cercle ultime où se trouve marqué le 0° ou zéro de l’échelle, c’est-à-dire le point où elle commence, on a gravé sur le verre, on descendant, 30 de ces degrés ou parties égales.— Voici maintenant l’usage qu’on peut faire de cet instrument. On verse dans le tube, et avec précaution, du lait jusqu’au cercle supérieur ou bien au point marqué 0°, et on l’abandonne à lui-même pendant 24 heures plus ou moins. La crême monte peu-à-peu, et lorsque son épaisseur est stationnaire, on lit sur l’échelle le nombre de degrés ou centièmes qu’occupe cette partie butireuse, et cette proportion indique la richesse en crême du lait, ou sa valeur vénale. Par exemple, si, après avoir mis du lait en expérience, on trouve, après 24 heures, que la crême montée occupe 14 parties ou degrés de l’échelle graduée, on en conclura que ce lait fournit 14 pour cent de crême, ce qui permet d’apprécier sa valeur. Des expériences comparatives ont, en effet, prouvé que dans un même lait pur, puis mélangé avec un quart, moitié et trois quarts d’eau, l’épaisseur de la couche de crême diminue proportionnellement à la quantité de lait enlevé et remplacé par de l’eau, ou que le nombre de centièmes occupé par cette crême indiquait très-approximativement la richesse du lait. On peut faire monter la crême plus promptement en plongeant le lactomètre dans un bain-marie maintenu à une température de 30 à 36 degrés ; mais il vaut mieux attendre sa séparation spontanée à la température ordinaire. Au reste, cet instrument, qui porte une division fort exacte, peut servir dans une foule d’occasions où il s’agit de mesurer avec précision de petites quantités de liquides. Seulement il faut se rappeler, quand on en fait usage pour le lait, que la quantité de crême n’est pas la mesure de celle du beurre, les quantités égales de crême donnant souvent un poids fort différent en beurre. M. Collardeau, qui fabrique cet instrument à Paris, rue du Faubourg-St-Martin, n° 56, vend les lactomètres 10 fr. la douzaine et 2 fr. la pièce.

Fig. 18.

Les aréomètres, les galactomètres et autres instrumens qu’on emploie souvent pour mesurer la qualité du lait au moyen de la densité ou pesanteur spécifique de ce liquide, sont, sous ce rapport, des instrumens infidèles, la densité du lait n’étant nullement la mesure de sa richesse en crême, et pouvant d’ailleurs être modifiée par une foule de moyens qui altèrent la qualité du lait, et sont destinés à en imposer à l’acheteur ignorant ou indifférent.

§ IV. — Du lait, de ses espèces et qualités diverses.

Tout le monde connaît les caractères généraux du lait ; c’est un liquide opaque, blanc mat, d’une odeur agréable et qui lui est propre, surtout quand il est chaud ; d’une saveur douce et légèrement sucrée, et qui est sécrété par les glandes mammaires des femelles de divers animaux.

Les principes constituans du lait, quelle que soit la femelle dont on le recueille, sont les mêmes. Ces principes ne sont pas unis par une grande affinité, et le simple repos suffit pour les séparer. Ce sont : La crême ou matière butireuse, élément du beurre ;

Le caillé, matière caséeuse ou caséum, élément du fromage ;

Le petit-lait ou sérum.

Lorsqu’on abandonne du lait au repos dans un lieu frais et tranquille, il se forme, au bout de quelque temps, à sa surface, une couche d’une matière légère, épaisse, onctueuse, agréable au goût, ordinairement d’un blanc mat, qu’on appelle crême. Le lait qui reste après l’enlèvement de la crême a une plus grande densité qu’auparavant, une couleur moins opaque, et une consistance moins onctueuse : on le nomme lait écrêmé. La crême, soumise à l’agitation à une température de 12 degrés, se prend en partie en une masse jaunâtre. de consistance ferme, qui constitue le beurre. La partie de la crême qui ne se concrète pas, et qui ressemble à du lait écrêmé, se distingue sous le nom de lait de beurre, babeurre, baratté, etc.

Le lait écrêmé, abandonné à lui-même, ou mêlé avec un grand nombre de corps de nature très-diverse, forme un coagulum blanc, mou, opaque, floconneux, qui se sépare d’un liquide jaune-verdâtre et transparent. La partie solide est ce qu’on nomme le caséum, matière caséeuse, fromage, etc. La partie liquide est le serum ou petit-lait.

Enfin, en faisant évaporer ce dernier liquide, ou obtient un corps cristallisé, d’une saveur douce et sucrée, auquel on a donné le nom de sucre de lait, et qui est contenu dans la proportion de 33 dans 1000 parties de lait.

Les seuls laits dont on fasse usage dans l’économie rurale en France sont ceux des femelles des ruminans en domesticité, telles que la brebis, la chèvre et la vache, et celui de l’ânesse.

Le lait de brebis ne diffère pas, à la simple vue, du lait de vache ; c’est le plus abondant en beurre celui qu’il fournit est jaune pâle, de peu de consistance, et se rancit aisément. Le caillé est abondant ; il conserve un état gras, visqueux, et n’est pas aussi ferme que celui de vache.

Le lait de chèvre est d’une plus grande densité que celui de vache, et moins gras que le lait de brebis. Il conserve une odeur et une saveur propres à l’animal, surtout lorsque la chèvre entre en chaleur. C’est celui qui fournit le moins de beurre, mais le plus de fromage. Ce beurre, d’une blancheur constante, est ferme, d’une saveur douce et agréable, et se conserve long-temps frais. Son caillé, très-abondant et d’une bonne consistance, est comme gélatineux. On prétend que l’odeur caractéristique de ce lait est moins prononcée dans celui qui est fourni par les chèvres blanches et les chèvres sans cornes.

Le lait de vache, celui dont on fait le plus fréquemment usage, et qui est, presque partout, à lui seul l’objet des travaux de la laiterie, contient moins de beurre que celui de brebis et plus que celui de chèvre. Son fromage est aussi moins abondant ; mais les principes se séparent avec plus de facilité.

Le lait d’ânesse a beaucoup d’analogie avec celui de femme ; il donne une crême qui n’est jamais épaisse ni abondante. Il contient aussi moins de matière caséeuse que ceux de vache, de chèvre et de brebis, et cette matière est plus visqueuse.

Le meilleur lait de vache n’est ni trop clair ni trop épais ; il est d’un blanc mat, d’une saveur douce et agréable. Au-dessus de 15 degrés du thermomètre, le lait devient aigre en peu de temps ; au-dessus de 20° à 25°, cette acidification s’opère dans l’espace de quelques heures. Par cette prompte coagulation la matière caséeuse enveloppe et en traîne la crême, qui se précipite en même temps qu’elle, et ne peut plus monter à la surface.

La crême est une matière épaisse, onctueuse, agréable au goût, ordinairement d’un blanc mat, passant, par le contact de l’air, au blanc jaunâtre. La première couche qui se forme sur le lait n’a presque pas de densité, mais à mesure que le beurre se sépare, la crême s’épaissit. Cette crême monte plus facilement sur le lait, quand celui-ci présente une surface assez étendue au contact de l’air, sous une faible épaisseur. La température la plus favorable à cette séparation de la crême est celle de 10 à 12 degrés du thermomètre centigrade.

Les variations que présente le lait de vache sont si nombreuses qu’elles paraissent insaisissables. Elles portent surtout sur la couleur, la saveur, l’odeur, la consistance ou densité, la quantité des principes constituans et leurs rapports entre eux. — Les variations dans la qualité peuvent provenir de causes extérieures ou être dues à l’animal qui fournit le lait

Les phénomènes extérieurs accidentels qui peuvent changer la qualité du lait après son extraction, sont toutes les variations brusques de l’atmosphère, l’état électrique ou orageux de l’air, les brouillards puans, les gaz odorans, l’humidité, les émanations insalubres, la poussière, etc.

Quant aux variations dues à l’animal, elles sont encore plus nombreuses. Ainsi certaines races donnent un lait de qualité différente de celui des autres races. Cette différence s’observe aussi entre les animaux d’une même race, dans ceux d’une même famille, et même jusque dans le même individu, dont le lait peut changer de caractère à chaque saison, chaque jour, à chaque traite et à chaque instant par une foule de causes difficiles à apprécier. Les principales sont les suivantes.

1o L’organisation et l’état physiologique de l’animal. Il est clair qu’un animal faible, épuisé, attaqué d’une maladie quelconqne, ne peut fournir qu’un lait peu riche ou de mauvaise qualité. Une santé florissante et robuste, une bonne constitution, sont donc les premières qualités requises pour fournir du lait d’une grande valeur. Plusieurs phénomènes physiologiques changent aussi les qualités du lait ; ainsi celui des vaches en chaleur a un goût particulier et fort peu agréable, et celui des vaches qui sont prêtes à vêler a aussi des qualités toutes particulières.

2o L’âge. Le lait n’arrive à sa perfection que lorsque la femelle atteint l’âge convenable. On a remarqué qu’il fallait que la vache eût porté 3 ou 4 fois pour que l’organe mammaire fût en état de préparer un excellent lait, et continuât à le fournir tel jusqu’au moment où, la femelle passant à la graisse, la lactation diminue et cesse entièrement : ce qui arrive communément vers la 10e ou 12e année, ou après le 7e ou 8e vêlage.

3o Le régime alimentaire joue le rôle le plus important dans la qualité du lait. Celui des vaches nourries avec la tige et les feuilles de maïs, ou le marc de betteraves, est doux et sucré ; celui de la vache alimentée avec des choux ou des navets, de l’ail, de la moutarde sauvage et beaucoup d’autres plantes, a un parfum et une saveur désagréables ; les pailles d’avoine, d’orge et de seigle donnent un lait de mauvaise qualité, suivant Sprengel et M. Mathieu de Dombasle. Le lait des animaux qui broutent les prairies humides est séreux et fade ; celui des vaches nourries dans les pâturages élevés a plus de consistance et est plus savoureux. Le changement de nourriture, le passage brusque du vert au sec altèrent constamment pour quelque temps la qualité du lait. L’abondance, la fraîcheur et la bonne qualité des alimens sont donc des conditions pour obtenir un bon lait et en grande quantité. Enfin, certaines plantes ne portent leur action particulière que sur l’un ou l’autre des principes du lait, les unes augmentant la quantité de la crême, d’autres celle du fromage, etc. La quantité et la qualité de la boisson influent aussi notablement sur le lait. L’eau très-pure, et donnée à discrétion, fournit constamment les meilleurs produits.

4o Les soins hygiéniques ne doivent pas être négligés. La vache est un animal délicat qu’il faut garantir contre les grandes intempéries des saisons. Un exercice modéré, du repos sans fatigue, une habitation salubre, un état habituel de tranquillité, permettent à cet animal de fournir un lait plus crémeux et plus délicat. Les vaches qu’on fait courir, celles qu’on maltraite, contrarie ou tourmente, ne livrent guère qu’un liquide pauvre et peu abondant. Enfin, on s’est très-bien trouvé en Saxe, en Bavière, en Flandre et en Angleterre, d’étriller, brosser et laver, tous les jours, les vaches avec le même soin que les chevaux.

5o L’époque de la traite. Il faut au moins 12 heures pour que le lait puisse s’élaborer convenablement dans l’organe mammaire, et prendre tous les principes dont il est susceptible de se charger. Plus les traites sont fréquentes, plus aussi le lait est abondant, mais moins il est chargé en principes. Réciproquement, une vache qu’on ne trait qu’une fois par jour donne un lait qui contient un septième de beurre de plus, le lait du matin a constamment plus de qualités que celui du soir.

6o La période de la traite. Le premier lait tiré est plus clair, plus séreux, moins riche en crême. Sa consistance et sa qualité s’améliorent successivement jusqu’au dernier tiré qui est le plus riche. La quantité de crême produite par les dernières portions de lait, comparée à celle du lait qui sort le premier, est au moins 8 fois plus considérable ; communément elle l’est 10 à 12 fois, et peut même aller jusqu’à 16. Le lait, dépouillé de sa crême, présente aussi de fort grandes différences suivant la période de la traite.

7o Le temps qui s’est écoulé depuis le part. Le premier lait qui suit la parturition, et qu’on a nomme colostrum, est épais, jaune foncé, mucilagineux, et ne donne que de faibles quantités de crême. Ce n’est guère qu’après 12 ou 15 jours qu’il commence à être bon. À partir de cette époque, il s’améliore successivement jusqu’à 8 mois, époque à laquelle il a acquis tout son degré de perfection. Boisson a trouvé que chaque &frac12 ; kilog (1 liv.) de lait d’une même vache qui venait de vêler, donnait en beurre 15 gram. 10 (3 gros 48 gr.) à 2 mois, 18 gram. 50 (4 gros 64 gr.) à 4 mois, et 22 gram. 30 (5 gros 62 gr.) à 8 mois. Il est aussi des vaches qui donnent de bon lait toute l’année, excepté les quinze jours qui précèdent et suivent le vélage ; d’autres qui tarissent au 7e mois de la gestation.

8o L’état moral de l’animal joue aussi un rôle important : ainsi, on voit toujours la qualité du lait changer et se détériorer chez les vaches à qui l’on enlève leur veau, et qui manifestent leur douleur par des mugissemens plaintifs et par l’agitation ; chez celles qu’on separe de leurs compagnes, qu’on change même de place à l’étable, ou qui éprouvent une affection morale quelconque.

9o Le climat et la saison. Les pays un peu humides et tempérés donnent un lait plus abondant. Au printemps, ce liquide est savoureux, abondant, plus crémeux et plus riche qu’en hiver.

On peut faire varier les qualités du lait à volonté en ayant égard aux remarques précédentes, et un fermier intelligent ne manquera pas de recueillir et d’appliquer celles qui sont les plus favorables à ses intérêts, à l’excellente qualité de ses produits et à la bonne administration de son exploitation rurale.

§ V. — Soins généraux a donner à la laiterie.

Aucune branche de l’économie rurale, dit sir John Sinclair, n’exige des soins aussi attentifs et aussi constans que la laiterie. Si les vases employés sont malpropres, si l’un d’eux seulement reste souillé par négligence, si la laiterie elle-même n’est pas entretenue dans un état constant de propreté, si elle est en désordre, enfin si l’on néglige une foule de soins minutieux et de petites attentions, la majeure partie du lait est perdue, ou l’on n’en retire que des produits de médiocre qualité. Ces soins sont de tous les jours et de tous les momens, et il n’y a que la fermière et ses filles qui puissent s’en acquitter convenablement : on ne peut guère les attendre d’un serviteur à gages.

La propreté admirable des laiteries hollandaises, dit M. Aiton, était pour moi à chaque pas un sujet d’étonnement. De tous les peuples de la terre, les Hollandais sont assurément ceux qui apportent les soins les plus attentifs dans toute leur économie domestique : leurs laiteries, leurs ustensiles, sont aussi nets, aussi purs que nos vases polis de cristal ou de porcelaine ; et c’est, sans aucun doute, à ces attentions constantes de propreté, que ce peuple doit la bonne qualité de ses beurres.

Les laiteries les mieux tenues, telles que celles du pays de Bray, d’Isigny, de la Prévalaye, de la Hollande, de la Suisse sont précisément celles qui fournissent les meilleurs beurres ou les fromages les plus délicieux ; il est donc de la plus haute importance, dans la direction d’une laiterie, non seulement d’avoir une connaissance parfaite de l’art, mais de veiller avec la plus scrupuleuse exactitude à l’accomplissement des soins généraux qui assurent d’excellens produits.

La température qu’il faut faire régner et conserver dans la laiterie est un point important, qui doit fixer sans cesse l’attention de la ménagère. Cette température doit, autant que possible, être en toute saison de 10 à 12 degrés du thermomètre centigrade (8 à 10 de celui de Réaumur), parce que c’est à ce degré de chaleur que la crème se sépare plus complètement du lait. Si la température est plus élevée, le lait s’aigrit promptement, se caille et ne fournit plus qu’une couche mince de crème, celle-ci n’ayant pas eu le temps de monter à la surface. Au contraire, quand la température est trop basse, la crème se dégage mal, monte avec difficulté, et contracte une saveur amère qui nuit à son débit ou à la délicatesse du beurre. On doit chercher autant que possible à maintenir une température constante de 10° en été et de 12° en hiver.

Pour régler la température, on fait usage du thermomètre[1], et pour la diriger on emploie les moyens suivans. — Si, malgré les précautions prises, la température en hiver descend au-dessous de 10°, on la rétablit en faisant circuler de l’eau chaude ou de la vapeur dans des tuyaux disposés pour cet objet, en allumant du feu dans le poêle ou le calorifère, ou bien en apportant dans la laiterie un petit baril et mieux une petite caisse en tôle remplie d’eau bouillante et soigneusement fermée ; on peut encore déposer dans la laiterie quelques briques ou cailloux rougis au feu, dont on augmente le nombre ou qu’on renouvelle suivant le besoin ; mais il faut bien se garder, ainsi qu’on le fait dans quelques localités, d’apporter dans cette salle des réchauds, des fourneaux découverts ou tout autre vase à feu qui laisse échapper des vapeurs, des cendres ou de la fumée, parce que, outre le danger d’asphyxier ceux qui se trouvent ou entrent dans la laiterie, on apporte encore des malpropretés et on communique au lait lui mauvais goût que partagent les produits qu’on en retire. — Au contraire, si, pendant les chaleurs de l’été, la température s’élève au-dessus de 12°, ou si le lait apporté encore chaud tend à faire monter le thermomètre, on peut abaisser cette température en plaçant a divers endroits de l’atelier quelques morceaux de glace qui, en se fondant, rétablissent l’équilibre du calorique. Pour cela il faut avoir une petite glacière économique attenant à la laiterie, comme on le voit dans quelques parties de l’Angleterre, ainsi que dans le Lodésan où se fabrique l’excellent fromage de Parmesan. A défaut de glacière on abaisse la température en faisant tomber en pluie de l’eau fraîche, ou même par de simples lavages. Ce qu’il importe surtout, c’est de se mettre à l’abri des variations brusques de température, soit, lorsqu’on prévoit un changement de temps par la chute ou l’élévation du baromètre[1], en fermant toutes les ouvertures et les recouvrant avec des paillassons, soit par des lavages.

La température constante des eaux des puits artésiens, qui en toute saison est d’environ 12°, serait très-propre, si on pouvait à volonté introduire leurs eaux dans la laiterie, à maintenir l’uniformité de température la plus favorable au laitage.

L’état orageux de l’atmosphère est très-nuisible au lait, dont elle détermine la coagulation prématurée, et avant que la crème soit séparée de la matière caséeuse. Pour se garantir de cet effet, on n’a d’autre ressource que de répandre partout de l’eau fraîche dans la laiterie, puis d’en fermer toutes les issues. Fourcroy pensait qu’on pouvait prévenir ou au moins retarder les effets funestes des temps orageux en faisant traverser toute la laiterie par un fil ou conducteur métallique.

La propreté la plus minutieuse est non seulement indispensable dans une laiterie, mais c’est la véritable base de toute son économie. En vain vous posséderiez des vaches laitières excellentes, vous les nourririez dans les pâturages les plus riches et les plus abondans, si la propreté ne règne pas dans votre laiterie, vous ne pouvez recueillir, malgré vos soins dans la manipulation, que des produits de qualité inférieure. Le lait est un liquide très-délicat que la moindre exhalaison, la souillure la plus légère peuvent considérablement altérer. Une bonne ménagère n’épargnera donc ni peine ni soins pour rechercher et maintenir cette propreté si précieuse, et elle y parviendra par les moyens suivans :

Les lavages fréquens et abondans. Ils doivent avoir lieu avec de l’eau pure et fraiche une fois tous les jours pour la laiterie entière, et ils seront répétés toutes les fois qu’on aura fait quelque opération qui aura donné lieu sur les banquettes ou sur le dallage à l’épanchement d’un peu de lait ou de crème, à des caillots de matière caséeuse ou à du petit-lait. Ces matières répandues ne tarderaient pas à s’altérer, à faire cailler le lait dans les terrines, et à donner à toute la laiterie un goût d’aigre et de moisi. Ces lavages doivent se faire à grande eau et en frottant les endroits souillés avec la brosse, de petits balais de chiendent ou d’écorce de bois, ou des linges imbibés d’eau. Les vases se récurent avec du sable fin et de la cendre dont on charge une poignée de paille ou de feuilles d’ortie. Enfin toutes les eaux du lavage doivent être dirigées, avec un balai bien propre, dans les gargouilles qu’on lavera elles-mêmes à l’eau pure et avec beaucoup de soin.

L’asséchement prompt et complet de la laiterie aussitôt après les lavages est une condition nécessaire, parce qu’on a remarqué que la vapeur d’eau qui s’élève contenait, malgré les soins les plus scrupuleux, assez de particules fermentescibles pour faire tourner le lait ou donner à la laiterie un goût de moisi, et que la crème et le lait conservent bien plus long-temps leur douceur dans une atmosphère sèche que dans un air humide. On parvient à sécher promptement la laiterie en la frottant partout avec des éponges fortement exprimées, puis avec des linges blancs et secs, et en établissant, aussitôt après, un courant d’air assez vif qui achève d’enlever les dernières particules aqueuses.

3o Le lavage de tous les ustensiles doit se faire non pas dans la laiterie, comme on le pratique quelquefois, mais dans le lavoir contigu qui est destiné à cet usage. Tout vase ou ustensile qui a servi à contenir, passer ou filtrer du lait, de la crème ou du petit-lait, doit être soumis à un lavage. Ce lavage se donne à l’eau bouillante, qui est toujours sur le feu à cet effet, et en frottant les objets partout avec des brosses ou de petits balais, puis avec un gros linge. Cette opération ayant été faite soigneusement, on les rince à l’eau pure et froide, on les fait égoutter, on les essuie avec un linge sec et très-propre, puis on les expose au soleil, à l’air ou sur des planches bien aérées pour les sécher complètement et afin qu’il ne s’y forme pas de moisissure. Enfin, quand ils sont très-secs, on les range sur des planches où on les trouve facilement quand on en a besoin. Dans les temps humides, brumeux et froids, où l’air ne suffirait pas pour les sécher, on procède à cette opération en les plaçant devant le feu. Tous les vases qui ont contenu du lait, après un temps plus ou moins long de service, ou dans lesquels il se serait aigri ou gâté, doivent être préalablement échaudés avec une lessive bouillante de cendres, ou bien de potasse ou de soude faible, frottés partout dans cette lessive avec la brosse et le goupillon, soumis de rechef à cet échaudage s’ils ne sont pas bien nets et conservent encore une saveur ou une odeur aigre et acide, et enfin passés à l’eau bouillante, rincés à l’eau froide et séchés de la manière indiquée ci-dessus.

4o Ecarter du voisinage de la laiterie tout ce qui pourrait corrompre l’air, tel que fumiers, urines, mares, eaux ménagères, immondices, etc. ; — établir ou chasser au loin tous les travaux ou tous les objets qui occasionnent de la fumée, de la poussière, ou soulèvent et agitent un air chargé de principes fermentescibles, sont autant de conditions utiles à remplir.

5o Il ne faut rien introduire de malpropre dans l’intérieur de la laiterie. Ainsi on éloignera tous les animaux quelconques. On aura soin de ne pas apporter avec les pieds, quand y on entrera, de la boue, de la poussière, des fientes. Le mieux, pour éviter cet inconvénient, est d’imiter les bonnes ménagères du pays de Bray, qui n’entrent jamais dans la laiterie qu’avec des sabots de bois qui restent toujours à la porte, et qu’on chausse après s’être préalablement dépouillé de sa chaussure ordinaire. On doit, en outre, avoir l’attention de ne pas manger ou fumer dans la laiterie ; — de ne pas y apporter de substances odorantes ou fermentescibles, qui donneraient un mauvais goût au lait ou le corrompraient ; — de ne pas y entrer la nuit avec des lampes, des torches ou autres lumières qui chargent l’atmosphère d’une fumée épaisse et puante, etc.

6o On entrera le moins possible dans la laiterie, et seulement lorsque cela sera rigoureusement nécessaire. Pour tous les travaux, il vaut mieux, en été, n’y entrer que le matin ou le soir, et en hiver vers le milieu du jour, parce que c’est l’époque de la journée, dans ces saisons, où l’air extérieur s’éloigne le moins de la température moyenne.

7o On ne doit rester que le temps nécessaire aux opérations, parce que la présence prolongée d’un être vivant dans la laiterie en élève la température ; — que l’agitation produite par le mouvement nuit à la bonne séparation de la crème ; — et que la transpiration et la respiration y versent des miasmes qui altèrent la pureté de l’air.

8o Faire toutes les manipulations au dehors est une règle dont on s’est bien trouvé dans plusieurs localités, mais qui peut néanmoins entraîner à plusieurs inconvéniens assez graves. Dans tous les cas, si on aime mieux faire tous les travaux à l’intérieur, il faut se hâter, dès qu’ils sont achevés, d’enlever tous les vases ou ustensiles qui ont servi, ou ceux qui ne doivent plus y rester, et exécuter les lavages convenables.

9o Il faut nettoyer à fond une fois par an, ou plus souvent, si cela est nécessaire ; c’est-à-dire qu’il faut une fois chaque année faire gratter, laver, réparer et recrépir les murs, et les blanchir à la chaux dans toute leur étendue.

10o On opérera des fumigations ou l’assainissement quand la laiterie aura contracte un goût aigre et de moisi que les lavages ordinaires ne peuvent enlever, et lorsque la crème ou le lait manifestent promptement des taches de moisissure. Dans ce cas, il faut vider tous les vases, asperger de l’eau partout, boucher toutes les ouvertures, et faire brûler au milieu de la laiterie, dans un plat de terre, quelques poignées de fleur de soufre. On ouvre ensuite toutes les issues pour opérer une ventilation, et on lave partout à plusieurs reprises. On peut encore nettoyer tous les ustensiles en bois et la laiterie entière avec de l’eau de Javelle, ou de l’eau dans laquelle on a délayé du chlorure de chaux (ces substances se trouvent à bas prix chez tous les pharmaciens) ; après cette opération, il faut laver plusieurs fois à grande eau, ventiler, et n’introduire de nouveau lait dans la laiterie que lorsque toute odeur d’eau de Javelle ou de chlorure aura complètement disparu.

§ VI. — Travaux de la laiterie.

Toute l’économie d’une laiterie consiste à la diriger avec la plus parfaite régularité, à faire chaque chose au moment convenable, sans en hâter ou en différer l’exécution, ce qui, dans les deux cas, nuit à la qualité des produits. Tout dépend de l’exactitude, de l’activité, de l’habileté et de la propreté de la personne chargée de sa direction. Ses occupations, ses soins, sa vigilance commencent et ne doivent finir qu’avec le jour. Les soins généraux à donner à une laiterie ont été expliqués avec assez de détails pour que nous n’ayons plus à y revenir ; ce sont donc les manipulations qu’on fait subir au lait aussitôt après son extraction des mamelles de la vache, qui vont seules nous occuper ce que nous aurons à enseigner pour traire les vaches laitières, appartenant au chapitre consacré à ces animaux. — Les manipulations du domaine de la laiterie sont relatives au transport du lait, à son coulage, à la formation de la crême et à l’écrêmage.

Transport du lait. Le lait, recueilli dans les seaux à traire (fig. 3, 4), est porté immédiatement à la laiterie, si elle est à proximité, ce qui est peut-être le mode le plus avantageux, ou versé dans les bastes ou rafraîchissoirs (fig. 6), de la contenance de plusieurs seaux, et transporté ainsi quelquefois de points fort éloignés, soit à la main, soit au moyen d’un bâton, sur les épaules de deux hommes.

Cette méthode de traiter le lait, qui est presque partout en usage, a cependant été reconnue pour être désavantageuse. D’abord on mêle ainsi le lait de toutes les vaches ce qui est contraire aux intérêts du fermier dans bien des cas. Ensuite le lait, secoué, agité et battu par le transport, donne moins de crême, et cette crême est moins bonne et moins épaisse. Enfin, en transvasant ainsi plusieurs fois le lait, on forme de la mousse qui s’oppose au facile dégagement de la crème, et on provoque des courans électriques qui hâtent sensiblement sa coagulation.

Coulage. C’est une opération qui a pour but de séparer du lait les poils et les malpropretés qui auraient pu y tomber pendant la mulsion ou le transport. Elle se fait de la manière la plus simple en puisant le lait dans les rafraîchissoirs, et en le versant doucement dans la couloire ou la passoire (fig. 9), qu’on tient aussi près que possible de la surface du lait dans les terrines, pour ne pas provoquer de la mousse ou un jaillissement qui souillerait les vases et les tables de la laiterie.

Le lait doit être coulé encore chaud dans les terrines (fig. 14, 15), suivant le doct. Anderson. Selon lui, le lait porté à une grande distance, agité et refroidi avant d’être mis dans les terrines, ne produit jamais autant de crème ni d’aussi bonne que s’il eût été versé aussitôt après la mulsion. Ce principe, qui parait fondé sur l’observation, n’est cependant mis en pratique presque nulle part, et dans la majeure partie des grandes laiteries, le lait a eu le temps de se refroidir dans les rafraîchissoirs avant d’être coulé dans les terrines. — il y a plus, et dans quelques pays on suit une marche absolument contraire : ainsi, dans quelques parties de l’Angleterre, et en Hollande dans les belles laiteries des environs de Rotterdam et de La Haye, le lait chaud est versé dans de grands vases en cuivre qu’on plonge immédiatement dans l’eau froide pour enlever le plus rapidement possible la chaleur du lait avant de le verser dans les terrines où il doit former sa crème. En Lombardie, on entoure même les vases à lait de glace pour les rafraîchir avec plus de célérité. Quoi qu’il en soit, il parait bien reconnu qu’il est avantageux de refroidir promptement le lait dans les terrines à crème, mais en évitant de le transvaser, de le battre et de l’exposer trop au contact de l’air.

Couler séparément le lait de chaque vache dans des vases distincts, est une pratique qui a de nombreux avantages. En agissant ainsi, un fermier pourra, par le goût, l’odeur, l’aspect, les autres qualités physiques du lait, et des essais au lactomètre répétés de temps à autre, noter et surveiller toutes les variations qui surviendront dans ses produits, et qui seront dues au changement de nourriture, au régime, à la santé de ses animaux, ou à beaucoup d’autres causes accidentelles. Cette méthode lui permettra d’ailleurs de porter immédiatement remède à des accidens dont il ne se serait pas sans doute autrement aperçu, d’améliorer, par des mélanges ou des manipulations raisonnées, la qualité des produits de sa laiterie, et d’éloigner tout ce qui pourrait nuire à ses profits.

Formation de la crème. Les terrines, une fois remplies, seront posées doucement et avec précaution à l’endroit où elles doivent rester. On lave toutes les taches du lait qui aurait pu se répandre sur les bords des vases, les banquettes, etc., et on enlève les rafraîchissoirs, couloirs et autres ustensiles dont on a fait usage. Les terrines se placent, la plupart du temps, sur les banquettes ; en été, on les pose souvent sur le plancher, parce que c’est là où la température est la plus égale et la plus fraîche.

La crême est montée ordinairement au bout de 24 heures, quand la température est de 10 à 12 degrés ; elle peut se faire attendre 36 heures et davantage. Par une température plus élevée, elle se forme plus vite, et peut être recueillie au bout de 16 heures, et même de 12 et de 10 heures. Pendant les temps d’orage, elle monte aussi avec célérité. 24 heures, à la température ordinaire de la laiterie, paraissent nécessaires à la complète séparation de la crème.

La première portion de crème, c’est-à-dire celle qui monte la première à la surface, est d’une meilleure qualité et plus abondante que celle qui monte ensuite dans le même espace de temps ; la crème qui monte dans le deuxième intervalle est plus abondante et meilleure que celle qui monte dans le troisième espace de temps égal à chacun des deux autres, et ainsi de suite, la crème décroissant en qualité et en quantité jusqu’à ce qu’il ne s’en élève plus à la surface du lait.

Pour obtenir une crême abondante, fine et délicate, il faut donc ne la recueillir que sur le lait qui est tiré le dernier pendant la mulsion, et enlever celle qui monte la première à la surface. Si l’on veut obtenir, dit Anderson, des beurres délicats et fins, il faut à une température modérée, lever la crême au bout de 6 ou 8 heures, et si la laiterie est assez considérable pour faire des beurres extrêmement fins, il faut, dans ce cas, lever la crême au bout de 2, 3 ou 4 heures.

Un lait épais produit une moindre quantité de la crème qu’il contient qu’un lait plus liquide ou plus maigre ; mais cette crême est de meilleure qualité. Si on verse de l’eau dans ce lait épais, il produira plus de crême. mais cela nuit beaucoup à la qualité. Plus les vases présentent de surface, plus aussi la crême semble se former avec facilité. 3 ou 4 pouces paraissent être l’épaisseur du lait la plus favorable au départ de la crême. En Angleterre, dans les grands vases plats dont on se sert quelquefois, et où le lait n’a pas plus d’un pouce de hauteur, la crême monte vite, mais imparfaitement, et elle est presque toujours sans consistance.

On peut hâter la séparation de la crême au moyen d’une chaleur artificielle. C’est ainsi qu’en hiver seulement, dans les laiteries d’Isigny, on entretient une douce chaleur pour faire plus promptement monter la crême, et que, dans quelques autres pays, tels que le Devonshire, et le Bocage dans la Vendée, on accélère constamment cette séparation par l’application d’une chaleur factice. Ce dernier moyen donne des produits abondans, mais de qualité inférieure, et le beurre qu’on fait dans ces pays rancit très promptement.

4o Ecrêmage. Quand on ne fractionne pas la crème, c’est-à-dire lorsqu’on ne la lève pas à mesure qu’elle se forme, la question est de connaître le moment où il est le plus avantageux d’écrêmer. Les avis sont partagés sur ce point ; les uns croient qu’il faut laisser le lait s’aigrir et se cailler avant d’en enlever la crême ; d’autres, au contraire, et avec raison, pensent qu’on doit procéder à cette opération avant qu’il se manifeste la moindre aigreur. En effet, pour peu qu’il y ait de l’acidité, la crème s’associe à des parties caséeuses qui augmentent, il est vrai, le produit, mais qui nuisent à la qualité ; car on ne fait du beurre très-fin, délicat et de bonne garde, qu’avec de la crème douce.

Le moment important à saisir est celui où toute la crême est rassemblée à la surface, sans qu’il y ait encore des signes prononcés d’acidité. Dans la Frise hollandaise, où l’on fabrique un beurre si excellent, la crème est levée ordinairement 12 heures après le dépôt du lait dans les terrines, et jamais on ne laisse passer 24 heures avant de procéder à cette opération. Il en est de même dans le Holstein, la Suisse et la Lombardie, où l’on fait d’excellens beurres. Ce moment varie, au reste, avec la température. Il est plus long dans les temps froids, et plus court dans la saison chaude et les temps d’orage. Le signe employé ordinairement pour le reconnaitre, c’est de presser du doigt la surface de la crème ; si on le retire sans empreinte de lait, on pense que tout le beurre est monté à la surface. Dans le Holstein, on plonge dans la crême un couteau ; si le lait ne revient pas à la superficie, c’est le moment opportun pour écrêmer ; et tel est le soin qu’on met dans ce pas à cette opération, que les ménagères attentives veillent pendant la nuit pour saisir l’instant précis où la crème est entièrement montée, ce qu’elles reconnaissent en employant le moyen indiqué.

Le meilleur moment pour lever la crême, pendant les mois les plus chauds de l’année, c’est le matin et le soir. Pendant l’hiver, ce moment est subordonné aux circonstances. Dans les temps orageux, où le lait se caille promptement, il faut une surveillance plus active, et dès qu’on entend gronder l’orage dans le lointain, on doit courir à la laiterie, comme on le fait dans le pays de Bray, boucher les soupiraux, rafraichir le carreau et écrémer toutes les terrines où la crème est un peu faite.

Pour opérer l’écrémage on se sert de trois méthodes différentes :

1o On place la terrine sur le bord de la banquette ; on déchire avec le doigt près du bec la pellicule crémeuse qui recouvre toute la surface, et, en inclinant le vase, on fait écouler lentement, par l’ouverture qu’on a faite, la totalité du lait, qu’on verse dans les baquets (fig. 16), ou autres vases destinés à le recevoir. C’est la méthode qui est usitée dans le pays de Bray et en beaucoup d’autres points de la France. — 2o On enlève les chevilles ou les bouchons qui garnissent les ouvertures percées près du fond des terrines ou des vases plats, et on laisse écouler le lait jusqu’à ce que la crème reste à sec au fond des vases. C’est le procédé le plus employé en Angleterre. — 3o La méthode la plus usitée de toutes consiste à enlever la crême avec l’écrêmoir. Pour cela on commence par la détacher des bords de la terrine avec le couteau d’ivoire, qu’on passe tout autour du vase, puis on attire doucement cette crème à soi au moyen de l’écrêmoir, et quand elle est bien rassemblée, on l’enlève avec précaution, de manière à l’avoir tout entière et exempte de lait. Cette opération demande une dextérité qui ne s’acquiert qu’avec l’habitude. De la bonne manière d’opérer dépend en partie le succès de la laiterie, car si on laisse de la crème on perd une quantité proportionnelle de beurre, et si l’on prend du lait on nuit à la qualité du produit.

La crème ainsi levée est déposée aussitôt dans les vases destinés à la contenir, jusqu’à ce qu’elle soit livrée à la consommation, ou convertie en beurre. Plus elle est exempte de lait, mieux elle se conserve. La crème est un composé de beurre et de matière caséeuse mêlés avec un peu de lait ; elle ne contient pas la totalité du beurre qui se trouve primitivement dans le lait, mais la majeure partie. — Tout étant terminé, les laits écrémés sont enlevés de la laiterie pour être employés à l’usage auquel on les destine.

§ VII. — Conservation et transport des produits de la laiterie.

Les principes constituans du lait ont une tendance si prononcée à se séparer, qu’il est à peu près impossible de conserver le lait avec toutes ses propriétés caractéristiques. Le seul et unique moyen de le garder frais pendant quelques jours, c’est de le déposer dans un lieu froid, dans l’eau très-fraîche, et dans laquelle ou peut jeter de temps à autre quelques morceaux de glace, de le remuer souvent et de le recouvrir d’un linge mouillé qu’on imbibe d’eau ou qu’on change souvent.

On prolonge encore la durée du lait, mais en altérant ses qualités à divers degrés, en plongeant les vases qui le contiennent dans l’eau bouillante, puis les tenant exactement clos. M. Gay-Lussac a trouvé qu’en chauffant du lait frais jusqu’à 100 degrés, et répétant cette opération tous les deux jours, et même tous les jours, si l’on est en été, le lait peut ensuite être gardé des mois entiers sans qu’il s’aigrisse. On a aussi conseillé de verser dans chaque chopine de lait, pour le conserver, une cuillerée à bouche d’eau distillée de Radis sauvage (Raphanus raphanistrum). De cette manière, dit-on, le lait se conserve frais pendant 8 jours, et la crême s’en sépare comme à l’ordinaire et sans mauvais goût. Enfin, on a proposé bien d’autres moyens pour saturer l’acide à mesure qu’il se forme, et empêcher le lait de se cailler ; tels sont une petite quantité de magnésie, de sous-carbonate de potasse ou de soude, etc.

La conservation de la crême est plus facile quand cette substance est bien exempte de matière caséeuse et de petit-lait. Il suffit alors de la placer dans des pots à ouverture étroite et fermant exactement, qu’on dépose dans un lieu frais, pour la soustraire au contact de l’air et aux variations de température de l’atmosphère. Exposée à l’air, la crême, au bout de 3 ou 4 jours, devient jaunâtre, très-épaisse, et dans l’espace de 8 à 10, sa surface se recouvre de moisissures. En même temps elle contracte un goût d’aigre, noircit ensuite, puis se corrompt. Dans le Gloucester, aux environs de Londres, en Hollande, et en beaucoup d’autres lieux, on verse chaque jour la crême d’un vase dans un autre, et avec un couteau de bois on la remue chaque jour et même plusieurs fois par jour pour empêcher qu’il ne se forme à sa surface cette pellicule jaunâtre qui nuit à la délicatesse du beurre, et pour s’opposer aussi à ce que la crême ne s’épaississe à consistance de colle, ou ne prenne un aspect gélatineux, circonstance qui se présente, dit-on, quand le lait provient de vaches nourries dans de trop succulens pâturages.

Le vase le plus propre à conserver la crême, dit Anderson, est un petit baril bien fait, fermant exactement avec un couvercle, et percé près de son fond d’un trou fermé par une cheville de bois, un robinet ou une chantepleure, qui sert à faire écouler les parties séreuses ou le lait qui se trouvent et se séparent encore de la crême, et qui altéreraient la qualité du beurre. Cette ouverture dans l’intérieur du baril est garnie d’une gaze ou d’une toile fine en fil d’argent, qui retient la crême et laisse écouler les parties liquides quand on a soin d’incliner le baril du côté de cette ouverture pour favoriser l’écoulement. On peut conserver encore la crême, mais aux dépens de sa qualité, en la soumettant, comme le lait, à la chaleur d’un bain-marie, et en la renfermant dans des vases soigneusement bouchés.

Le transport du lait et de la crême, quand il se fait à une petite distance, n’offre pas de difficulté. Pour le lait, il suffit, s’il est frais, de le verser dans des vases de fer-blanc plus hauts que larges, à ouverture étroite et fermant bien, et d’emplir ces vases jusque près de leur orifice. Quand le lait est de la veille. on doit le battre et l’agiter dans les terrine.où il a passé la nuit, avant de le verser dans les vases qui servent à le transporter. Enfin quand il doit être envoyé à une grande distance, il faut le verser tout frais dans les vases de transport, boucher aussi exactement et fortement que possible ceux-ci, et les soumettre pendant une heure au bain-marie jusqu’à l’ébullition. Quant à la crême, on peut la transporter au loin dans de petites cruches de grès, coiffées d’un bouchon entouré d’un linge blanc et propre. — Il est clair que pour le voyage on doit faire choix des moyens de transport qui agiteront et battront le moins le lait, garantir autant que possible les vases du contact du soleil, et les maintenir, si on le peut, dans un état de fraîcheur constant ; aussi la nuit et le matin sont-ils les momens les plus favorables à ce transport.

§ VIII. — Altération du lait.

Les altérations spontanées du lait, telles que sa séparation en ses principes constituans, sa coagulation par le développement d’un acide qui se manifeste d’autant plus promptement que la température est plus élevée, sont des faits qui ne doivent plus nous arrêter. Nous n’avons pas non plus à nous occuper ici des altérations qu’il éprouve par l’application de la chaleur, par l’agitation, par son mélange avec une foule de corps divers, parce que nous avons déjà signalé plusieurs de ces faits, et que les autres seront considérés plus loin avec les détails nécessaires. Il nous reste seulement à faire connaître quelques altérations qui affectent le lait dans sa couleur, son odeur, sa saveur, et quelques autres de ses propriétés physiques.

La couleur du lait est souvent changée d’une manière remarquable. Les altérations le plus souvent observées sont les suivantes :

1o Lait rouge. Il est connu depuis longtemps. On peut l’attribuer à deux causes. La première a lieu quand la vache a mangé quelques plantes fournissant une matière tinctoriale rouge telle que les caille-laits ou gaillets garance, jaune, boréal (Galium rubioïdes, verum, boréale, etc.), qu’on trouve fréquemment dans les prairies et les pâturages. Dans ce cas, le beurre que fournit le lait est coloré en rouge. Dans la seconde, au contraire, le beurre est sans couleur, et la couleur rouge du lait provient sans aucun doute de la piqûre de quelque insecte dans l’intérieur du trayon ; pendant la mulsion, la blessure s’ouvre et laisse échapper quelques filets sanguins qui se mêlent avec le lait. Dans ce dernier cas, il faut traire avec précaution, et donner à la blessure le temps de se cicatriser. Dans l’autre, on doit changer la nourriture de l’animal, ou au moins en écarter les plantes qui produisent l’altération.

2o Lait bleu. Dans quelques circonstances on a remarqué que le lait de vache qui, au moment de la mulsion, ne présentait aucun caractère particulier sous le rapport de la couleur, de l’odeur ou de la saveur, se couvrait, après 24 heures de séjour dans les terrines, d’un grand nombre de petits points bleus qui s’étendent de plus en plus, et finissent quelquefois par couvrir toute la surface de la crême d’une couche uniforme d’une belle couleur indigo. Le lait de brebis est aussi sujet à devenir bleu. La crême que fournit le lait bleu ne diffère de celle que donne un lait non altéré, que par sa couleur ; le beurre qu’elle fournit est pur et sans aspect particulier. Le fromage fabriqué avec le lait bleu est également bon et ne présente aucune coloration. Depuis long-temps on a étudié ce singulier phénomène ; mais malgré les recherches de Parmentier et Deyeux, de Chabert, Bremer, Germain et Hermbstaedt, il est encore difficile d’assigner d’une manière précise les véritables causes de sa production. Voici les plus probables. Certaines plantes, telles que l’Esparcette (Hedysarum onobrychis), la Buglosse (Anchusa officinalis), la Prêle des champs (Equisetum arvense), la Mercuriale vivace et annuelle (Mercurialis perennis et annua), la Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare), le Sarrazin (Polygonum fagopyrum) et autres, qui contiennent une matière colorante bleue, se rencontrent communément dans les champs et les prairies, et qui, dans l’état de santé ordinaire des vaches, ne produisent aucun changement dans le lait, peuvent, sous certaines conditions, communiquer à ce liquide une couleur bleue. Ces conditions sont : le pâturage dans des champs moissonnés et sur des herbes dures et coriaces ; — une exposition prolongée des vaches aux ardeurs du soleil, aux vents froids et autres intempéries des saisons ;— la fatigue, la mauvaise nourriture, un régime hygiénique mal dirigé, et beaucoup d’autres causes sans doute qui paraissent avoir une influence très-marquée sur les organes de la digestion. Pour faire disparaître le lait bleu, il faut, quoique la vache ne paraisse pas indisposée, relever l’énergie de ses organes en lui administrant chaque jour une poignée de sel dans une pinte d’eau, ou une pinte d’une décoction d’une forte poignée de Rhue et de Sabine. dans lesquelles on délaie, avec un jaune d’œuf, un gros d’assa fœtida ; — changer la nature des alimens, et en donner de plus délicats ; — veiller avec plus de soin au régime de ces animaux et a leur bonne tenue ; — les saigner si cela est nécessaire, etc.

Lait piqué, ou lait sur lequel on remarque un assez grand nombre de points qui peuvent différer dans leur nature. Tantôt ces points sont bleus, et peuvent être dus aux mêmes causes que le lait bleu ; tantôt ce sont des petites taches de moisissure. Dans tous les cas, on est porté à considérer l’apparition de ces points comme due à la température trop élevée de la laiterie, à sa malpropreté et à celle des vases qui reçoivent le lait.

Lait jaune. On présume que cette couleur est produite par le Souci des marais (Caltha palustris), par le safran, etc., mangés par les vaches.

L’odeur du lait éprouve souvent de graves altérations. Dans l’état ordinaire, cette odeur est douce et fade. Elle est vive et aromatique quand les vaches ont mangé des plantes de la famille des labiées, dont les huiles essentielles passent dans le lait ; — désagréable, quand ces animaux ont mangé des crucifères, quand ils courent et s’échauffent, ou quand on les fait passer brusquement de la nourriture verte à la nourriture sèche, etc. La saveur du lait est peut-être le caractère qui est soumis au plus grand nombre d’altérations. Voici les principales :

Lait à saveur désagréable. On sait généralement que le choux, surtout les feuilles avariées, les turneps, les fannes de pomme-de-terre, les oignons, l’ail, les poireaux, les cosses de pois verts, le trèfle blanc (Trifolium repens), la luzerne et les herbes des prairies artificielles, les renoncules, toutes les plantes âcres, les fourrages de mauvaise qualité, etc., communiquent souvent au lait une saveur peu agréable. Les fleurs de châtaignier, dont les vaches sont très-avides, donnent, ainsi qu’on l’a observé aux environs de Rennes, où se fabrique le beurre de la Prévalaye, au lait et au beurre un goût détestable. Un peu de sel commun, administré aux vaches, fait parfois disparaître le mauvais goût. En Angleterre, pour enlever la saveur désagréable que les turneps qui sont administrés journellement aux vaches donnent an lait, ou y ajoute 10 à 12 grammes (2 à 3 gros) de salpêtre délayé dans de l’eau bouillante pour 9 à 10 litres (10 à 11 pintes) de lait au moment où on verse celui-ci dans les terrines. Nous avons déjà dit que le lait des vaches en chaleur ou de celles qui sont prêtes à vêler a également un goût peu flatteur.

Lait amer. Ce lait est souvent confondu avec le précédent. On a remarqué cependant que les vaches qui mangent beaucoup de paille d’avoine donnent un lait constamment amer, et qu’il en est de même de la paille d’orge et de seigle, quoiqu’à un moindre degré. Les marrons d’Inde, l’absinthe, les feuilles d’artichaut, le laitron des Alpes (Sonchus alpinus), les feuilles des arbres lorsqu’elles tombent dans l’arrière-saison, donnent aussi au lait une saveur amère. Il en est de même pour les chèvres qui mangent les pousses du sureau.

Lait alliacé. Cette sorte de lait est due aux plantes à odeur d’ail, et qui sont très-nombreuses.

Lait sans goût. On prétend qu’il est. fourni par les vaches qui mangent de la Prèle fluviale (Equisetum fluviatile.)

Lait à goût acide. On assure que les feuilles de vigne fraîches donnent à ce liquide un léger goût acide qui n’est pas sans agrément.

Lait salé. Ce lait, selon Twamley, est ordinaire chez les vaches qui n’ont pas porté pendant la saison précédente. Le premier lait extrait est le plus salé ; le goût diminue jusque vers le milieu de la traite, où il disparaît entièrement.

Les autres altérations du lait peuvent être réunies sous la classification suivante :

Lait non coagulable. On a avancé que ce lait était produit par l’ingestion des gousses de pois verts et celle des menthes.

Lait promptement coagulable. Dans ce lait, la matière caséeuse se coagule si promptement, qu’on ne peut recueillir à sa surface qu’une quantité très-légère d’une crème fluide et sans consistance. Cette altération parait produite par un temps orageux, une température trop élevée, des vases de bois dont les pores sont imprégnés de lait qui a tourné à l’état aigre ou acide, ou enfin par la négligence des soins de propreté dans la laiterie, où il s’élève, à la moindre agitation, une grande quantité de particules imperceptibles et très-légères de lait aigri ou de matières fermentescibles qui se déposent sur le lait frais, et le font promptement passer à l’état de coagulation, avant que la crême ait eu le temps de se séparer.

Lait filant ou glutineux. Il a de l’analogie avec le précédent, et est dû sans doute à la même cause, c’est-à-dire à l’insalubrité et à la malpropreté de la laiterie. La grassette commune (Pinguicula vulgaris), dit M. Berzelius, épaissit tellement le lait quand il passe à l’aigre, qu’il en devient filant, et cette propriété se communique au lait frais avec lequel on le mêle ensuite. Les vases en bois dans lesquels on a gardé ce lait pendant quelque temps conservent toujours la propriété de le rendre filant, et il est difficile de les en dépouiller, à moins de les démonter. Dans quelques provinces de la Suède ce lait est employé comme aliment.

Lait purgatif. Plusieurs euphorbes, la gratiole, etc., donnent au lait des propriétés médicamenteuses.

Lait qui ne donne pas de beurre. Le premier lait des vaches qui viennent de mettre bas, celui des animaux vieux, épuisés, attaqués de quelque maladie organique, est ordinairement séreux et presque dépourvu de matière butireuse. Plusieurs autres causes, encore inconnues, peuvent aussi concourir à produire cette anomalie.

On a peu étudié ces diverses altérations du lait, et les détails dans lesquels nous sommes entrés sont fort incomplets. Il est cependant probable qu’en suivant attentivement leur apparition, leur marche et leur développement, et en faisant des expériences comparatives, on arriverait à une foule d’applications utiles dans le gouvernement des vaches laitières, et aux travaux de la laiterie.

§ IX. — Falsification du lait.

Les principales falsifications qu’on fait ordinairement subir au lait sont de l’alonger avec de l’eau ordinaire, et de le dépouiller en partie de sa crême. Quiconque a la moindre habitude du lait frais, comme aliment, ne peut pas se méprendre en faisant, simultanément pour l’essai, usage de l’aspect, de l’odorat et du goût, sur la nature d’un lait qui a été ainsi falsifié. Le lait étendu d’eau a une consistance moindre et un aspect bleuâtre ; son odeur est presque nulle et sa saveur fade. Le lait dépouillé de crême, c’est-à-dire de son élément sapide, n’a plus rien qui flatte le goût.

Nous ne passerons pas ici en revue toutes les autres falsifications inventées par la cupidité des laitiers qui approvisionnent les grandes villes, pour augmenter la quantité de leur marchandise, et masquer ensuite leur fraude, parce que ces moyens doivent répugner à un honnête cultivateur ; qu’ils sont d’ailleurs rarement mis en usage dans les campagnes, et que les procédés chimiques propres à faire découvrir ces fraudes sont souvent très-compliqués. Mais nous recommanderons, toutes les fois qu’on achètera du lait en abondance, ou régulièrement dans certaines saisons, de l’essayer fréquemment au lactomètre ; la quantité de crême qu’il fournira ainsi étant la véritable mesure de sa valeur vénale et de sa pureté. Il suffit de se rappeler que du lait pur de bonne qualité, provenant d’animaux sains, et réunissant toutes les conditions désirables, doit contenir environ 12 à 15 pour cent de son volume en crême pure et de bonne qualité au lactomètre que nous avons décrit (fig. 18, p. 9) ; que la diminution du volume de la crême est proportionnelle à la quantité de lait enlevé et remplacé par de l’eau ; c’est-à-dire que si on a ajouté au lait moitié eau, le lactomètre n’indiquera plus que 6 à 7 pour cent de crême, et que si l’on a ajouté les trois quarts, l’échelle ne marquera plus en crême que 3 ou 4 pour cent du volume du liquide essayé.

Section ii. — Laiterie à beurre.

La laiterie où se fabrique le beurre, lorsqu’on veut opérer en grand, doit être composée de quatre pièces : 1° une laiterie à lait, voûtée, dans laquelle on dépose et on fait crêmer le lait ; 2° un lavoir ou échaudoir pour le lavage et récurage des ustensiles et des vases ; 3° une salle où l’on bat le beurre ; 4° une autre salle où l’on conserve le beurre après qu’il a été fabriqué.

La construction de la laiterie à beurre est basée sur les mêmes principes que celle de la laiterie proprement dite, que nous avons fait connaître en détail et sur laquelle nous ne reviendrons plus.

Les soins généraux pour sa bonne direction sont également les mêmes, c’est-à-dire qu’on doit y régler avec la même intelligence et la même activité tout ce qui concerne la ventilation, la propreté des salles, celle des vases, outils et ustensiles, les lavages, etc. Quant à la température, il est fort avantageux de la maintenir aussi à 10° ou 12° dans la chambre où l’on bat ordinairement le beurre, par des motifs que les principes raisonnés de la fabrication du bon beurre nous permettront plus loin d’apprécier ; mais, dans la petite pièce où l’on conserve le beurre frais jusqu’à sa vente ou sa consommation, ou ne saurait entretenir une température trop basse ; c’est une condition rigoureuse pour la conservation de ce produit dans toute sa fraîcheur.

Dans quelques pays on bat le beurre dans le lavoir et on le conserve dans la laiterie à lait, ce qui n’exige que deux pièces ; dans d’autres, on a une laiterie, un lavoir et une salle à battre le beurre ; mais ces dispositions qui paraissent économiques, et qui peuvent l’être en effet dans les petits ménages ruraux, cessent d’être avantageuses dans les grandes exploitations, et surtout dans celles où l’on veut produire des beurres extrêmement fins et de première qualité.

§ 1er. — Du beurre.

Le beurre est un corps de nature grasse ou huileuse qui, sous la forme de globules, est en suspension dans le lait, et qui s’élève à sa surface en vertu de sa moindre densité, entraînant avec lui du sérum et de la matière caséeuse, avec lesquels il forme la crême. Le beurre commence à fondre à 20 à 24° du thermomètre centigrade.

Le beurre se sépare de la crême par le battage, opération qui a pour but de favoriser l’agglomération des globules butireux et de les réunir en une masse homogène. Une certaine température douce, qui, sans faire passer le beurre à l’état liquide, permet cependant aux globules de s’accoler les uns aux autres, est nécessaire pour sa formation.

Le beurre s’altère assez promptement par le contact de l’air. L’altération est due, suivant quelques chimistes, à sa combinaison avec le gaz qui fait partie de l’air, et qu’ils ont nommé oxigène. Cette combinaison communique au beurre un goût âcre, piquant et désagréable, qu’on désigne sous le nom de rancidité.

On a cru pendant long-temps que dans le battage ou barattage, l’oxigène était le principe le plus actif de la formation du beurre ; mais des expériences faites dans ces derniers temps ont prouvé que cette formation pouvait avoir lieu en vaisseaux clos, qu’il n’y a pas d’oxigène enlevé à l’air pendant cette opération, et que la séparation se fait aussi bien dans le vide que dans tous les gaz qui n’exercent pas d’action chimique sur la crème.

Le beurre s’altère d’autant plus promptement qu’il contient plus de sérum et de matière fromageuse. C’est pour l’en débarrasser autant que possible qu’on a recours à une opération appelée délaitage.

Le beurre de lait de vache, auquel s’appliquent les détails dans lesquels nous venons d’entrer, n’est pas le seul en usage dans l’économie domestique et rurale. On prépare encore du beurre avec le lait d’autres animaux. Les plus usités en France sont : 1° le beurre de brebis, qui a moins de consistance que celui de vache, est jaune pâle en été, blanc en hiver ; est gras, rancit facilement lorsqu’il n’est pas très-soigneusement lavé, et entre plus aisément en fusion ; 2° le beurre de chèvre, qui est constamment blanc, et a un goût particulier ; il se conserve plus longtemps sans altération, mais il est en quantité moindre que les deux autres dans un même volume de lait ; 3° le beurre d’ânesse, qui est mou, blanc, assez fade, rancit aisément et est difficile à extraire.

La fabrication du beurre exige non seulement la plus stricte propreté, si on ne veut pas perdre sur la qualité et la quantité, mais ce corps s’attachant à tout ce qu’il touche, il faut, pour prévenir cette adhérence, nettoyer tous les vases et ustensiles avec une lessive faite de cendres fines, ou les frotter avec des orties grièches macérées dans l’eau, de sorte qu’elles ne piquent plus. La personne qui retire le beurre de la baratte, et qui le pétrit, est également obligée de se frotter les mains et les bras avec la lessive pour empêcher qu’il ne s’y attache.

Les beurres français les plus délicats et les plus fins, sont, pour les beurres frais en mottes, ceux du pays de Bray (Seine-Inférieure), dits de Gournay ; ceux du Calvados et de la Manche, dits beurres d’Isigny, etc. Sur les marchés de Paris ces beurres, dits d’élite, sont divisés en mottes de premier choix, beurre fin, bon et commun. Viennent ensuite les beurres en moites de la Sarthe et de l’Orne, dits petit beurre, et enfin les beurres en livres provenant d’un rayon de 30 lieues autour de Paris, qui se divisent encore en ronds et en longs. Parmi les beurres sales, on estime ceux de la Bretagne, et surtout celui des environs de Rennes, connu sous le nom de beurre de la Prévalaye, et les beurres de Flandre, etc., etc.

§ II. — Des barattes et autres ustensiles.

La baratte ou battoir est un vaisseau ordinairement en bois qui sert pour battre la crème dont on veut retirer le beurre. Beaucoup de pays ont des barattes qui leur sont particulières et qu’on y préfère à toutes les autres, et on a proposé pour ces vaisseaux et pour le mécanisme qui les fait fonctionner, un grand nombre de formes variées, tantôt bonnes, tantôt mauvaises ; toutefois, avant de faire connaître quelques-uns des ustensiles de ce genre qui sont les plus usités, nous indiquerons les principales conditions que leur construction doit remplir.

Une bonne baratte doit : — 1° être construite en bois bien sec, homogène, et qui ne communique aucun goût ou odeur au beurre ; elle sera cerclée en fer. On en construit aussi de très-bonnes en fer-blanc, en étain et même en terre ; — 2° être facile à nettoyer, à visiter intérieurement et à faire sécher promptement ; — 3° être construite avec beaucoup de précision, toutes les pièces joignant avec exactitude, et avoir le moins possible d’angles aigus, de vides, de fissures et de réduits où la brosse et le balai ne peuvent pénétrer ; — 4° permettre un écoulement facile du petit lait, le lavage parfait et l’enlèvement aisé du beurre ; — 5° offrir des moyens prompts et sûrs de réunir le beurre, une fois qu’il est formé, en une seule masse solide :— 6° donner accès à l’air et à son renouvellement ; — 7° exiger le moins possible de force pour transformer en beurre une quantité déterminée de crème ;— 8° permettre un mouvement lent, régulier et mesuré. Un défaut des barattes tournantes, c’est qu’on est disposé à leur imprimer un mouvement trop rapide ; — 9° fabriquer le beurre avec célérité sans nuire cependant à sa qualité ou sa quantité ; — 10° être d’un service et d’un emploi commode ; — 11° être solide, facile à construire partout, d’un prix modéré, et peu coûteuse a entretenir.

La grandeur des barattes dépend de la quantité de beurre qu’on veut fabriquer ; mais dès que ces vases surpassent une certaine capacité, il devient nécessaire d’employer, pour faciliter le travail, divers mécanismes qui varient suivant les pays, ou bien d’appliquer la force des animaux, du vent, de l’eau, soit au moyen de roues verticales, de manèges, soit à l’aide d’autres appareils mécaniques. Ces mécanismes, tout en abrégeant le travail, ont l’avantage de procurer en outre un mouvement plus régulier.

Les barattes doivent être constamment de la plus rigoureuse propreté, et es bonnes ménagères hollandaises les couvrent même d’une chemise de toile pour que la personne qui bat le beurre ne puisse les salir extérieurement.

Les barattes les plus usitées sont les suivantes :

La baratte ordinaire, qu’on nomme aussi beurrière, baratte à pompe, serène, etc. (fig. 19), qui est la plus généralement usitée en France et à l’étranger, est un vase de tonnellerie fait en chêne, sapin ou autre bois de 80 cent. à 1 mèt. (30 à 36 po.) de hauteur sur 16, 22 ou 28 cent. de grosseur, en forme de cône tronqué ou de baril, et qu’on peut fermer avec une rondelle plane AA ou une sébile de bois percée d’un trou assez grand pour permettre a un bâton BB de 1,66 à 2 mètres (5 à 6 pi.) d’y glisser avec facilité. Ce bâton porte à sa partie inférieure un disque de bois CC peu épais, souvent percé de trous destinés à diviser la crème et à donner passage au lait de beurre à mesure que le beurre se forme. Ce bâton avec sa rondelle se nomme batte-beure, baratton ou piston. C’est en élevant et abaissant par un mouvement alternatif ce piston dans la crème qu’on parvient à former le beurre.

Fig. 19. Fig. 20.

La serène, dont on se sert dans la Normandie, notamment dans le pays de Bray, en Autriche, dans les Pays-Bas et dans quelques contrées de l’Allemagne (fig. 20), est un baril plus ou moins grand, généralement de 1 mèt. (3 pi.) de long sur 82 cent. (2 pi. 1/2) de diamètre, portant à l’intérieur sur ses deux fonds des croisillons en fer AA sur lesquels sont fixées 2 manivelles XX assez longues pour que plusieurs personnes puissent y travailler. Ces manivelles reposent à hauteur convenable sur les 2 montans d’un chevalet. L’intérieur de la serène est garni de 2 ou 3 planchettes BB de 11 cent. (4 po.) de hauteur, attachées à des douves opposées du baril et dans toute sa largeur, légèrement échancrées et destinées à tourmenter la crême et à l’empêcher de rester au fond du baril pendant qu’il tourne. C’est une ouverture ronde de 16 cent. (6 po.) de diamètre par laquelle on verse la crème et on retire le beurre. Elle est fermée par un bondon garni d’une toile lessivée, et par-dessus lequel on passe une cheville de fer qui entre de force dans deux gâches DD fixées au baril. E est un trou garni d’un bouchon de bois qui sert à faire écouler le baratté ou babeurre. — Pour faire usage de la serène, on verse la crème par l’ouverture C qu’on referme avec soin ; on tourne la baratte avec une vitesse modérée de 30 à 35 tours par minute ; les planchettes BB soulèvent la crème à chaque révolution et la laissent ensuite retomber. Quand le beurre est fait, ce qui a lieu souvent au bout de 18 à 20 minutes, et ce qu’on reconnaît au bruit qu’il fait en tombant, on retire le bouchon du trou E, on fait écouler le lait de beurre, et au moyen d’un entonnoir on verse dans la baratte un seau d’eau fraîche. On bouche le trou, on tourne pour laver, puis on évacue l’eau, et on répète cette opération jusqu’à ce que le liquide sorte clair. Alors on enlève le beurre par l’ouverture, on le lave de nouveau et on le forme en mottes. On peut faire avec cet instrument 50 kil. (100 liv.) de beurre en peu de temps.

Fig. 21. Fig. 22.

La baratte flamande, dont on fait aussi usage dans l’Anjou et en Hollande (fig. 21 et 22), diffère de la précédente en ce que le baril est immobile sur le chevalet et qu’il est garni intérieurement d’un moulinet à 4 ailes DE, destiné à battre la crème, et qu’on met en mouvement au moyen d’une manivelle B. Dans la partie supérieure est une large ouverture A qu’on ferme avec un couvercle.

Fig. 23.

La baratte des Vosges, de la Franche-Comté et de la Suisse (fig. 23) est une sorte, de baril plat en forme de meule de moulin, de 66 cent. à 1 mèt. (2 à 3 pi.) de diamètre, et de 16 à 33 cent. (6 à 12 po.) de largeur d’un fond à l’autre, et qu’on place sur une sorte d’échelle. Le moulinet, dont on voit la coupe dans la figure, est composé de 8 ailes qui traversent la baratte comme autant de rayons, et qui sont formées chacune de 4 petites planchettes placées à distance l’une de l’autre. Le mouvement est imprimé à ce moulinet au moyen d’une manivelle. Dans cette baratte le beurre se fait avec rapidité ; mais il y a un déchet assez notable par suite de l’étendue des surfaces, de la multiplicité des réduits, et de la quantité considérable de beurre qui reste adhérent à l’intérieur. Ces 2 dernières barattes ont en outre l’inconvénient de ne pouvoir être nettoyées et séchées avec soin, l’ouverture ou porte étant trop étroite, et le moulinet ne pouvant être enlevé. On y remédie, dans quelques pays, en rendant mobiles quelques douves du tonneau ; dans tous les cas les suivantes n’ont pas ce défaut.

Fig. 24. Fig. 25.

Baratte-Valcourt. Cet instrument, fort commode et très-ingénieux, inventé par M. de Valcourt, dont la fig. 24 et 25 représentent la coupe par le milieu, est un cylindre dont la circonférence est en fer-blanc ou en zinc et les 2 fonds en bois. On plonge ce cylindre en partie dans un cuveau ou baquet en bois dans lequel on verse de l’eau tiède en hiver et de l’eau fraîche en été. Quand on ne se sert pas de la baratte, le couvercle, la manivelle et l’arbre ainsi que les ailes ou agitateurs, sont toujours détachés et mis à sécher. Lorsqu’on veut faire le beurre, on place la baratte dans le cuveau, on fait entrer par la porte qui règne sur toute la longueur de la baratte, les ailes placées verticalement ; on introduit l’arbre de la manivelle dans le trou du fond de la baratte en enfilant en même temps celui qui se trouve dans l’axe des ailes, et on abaisse un tourillon sur l’embase de la manivelle pour l’empêcher de sortir. Après avoir versé la crème, qui ne doit pas dépasser la hauteur de la manivelle, on assujettit la porte au moyen de 2 tourniquets, et on verse de l’eau dans le cuveau pour amener la température de la crême a 10 ou 12°. Ces préparatifs étant terminés, on tourne 1a manivelle d’un mouvement régulier à peu près deux tours par seconde, et quand le beurre est pris, ce que l’on sent à la main ou que l’oreille indique, on sort la baratte du cuveau, on ôte la porte, on ouvre le bondon d’un trou intérieur qui laisse écouler le lait. Le bondon étant replacé, on verse de l’eau froide, on donne quelques tours de manivelle en va et vient, on ôte le bondon, et on répète cette opération jusqu’à ce que l’eau sorte claire ; alors on enlève le beurre et on démonte les ailes et la manivelle ; on lave à l’eau chaude, essuie, et fait sécher. On peut faire des barattes de ce genre de toute dimension. M. de Valcourt dit qu’une baratte de 13 po. de diamètre bat de 2 à 8 livres de beurre en 12 à 15 minutes, même en hiver.

La baratte du pays de Clèves, en usage dans une partie du nord de l’Allemagne, est très-simple. C’est (fig. 26) un tonneau ovale posé debout, muni d’un moulinet à 4 ailes également ovales percées de trous et sans arbre. Ce moulinet est placé un peu au-dessous du milieu de la hauteur du tonneau, et est mis en mouvement par une manivelle qu’on peut enlever à volonté, ainsi que le moulinet, quand le beurre est fabriqué.

Fig. 26.

On construit en Angleterre et autres lieux sur ce modèle des barattes dont le volant est vertical ; quelques-unes sont en cristal et de petite dimension, de manière que dans les petits ménages ou peut chaque jour faire sur la table le beurre qu’on veut consommer. Ces barattes, dont on accélère encore le mouvement par un engrenage, ne sont pas d’une construction avantageuse. En outre la crème y prend un mouvement de rotation qui retarde sa conversion en beurre.

Fig. 27.

La baratte de Billancourt, dont nous avons vu le modèle dans la belle laiterie de M. Charles Cuningham à Billancourt, près Paris (fig. 27), a la forme d’une pyramide quadrangulaire tronquée et renversée. Elle a 82 cent. (2 pi. 1/2) de longueur par le haut, 30 cent. (11 po.) de largeur et 42 à 50 cent. (16 à 18 po.) de hauteur. Au milieu de cette hauteur elle est percée d’un trou qui donne passage à l’arbre sur lequel on enfile un volant de 4 ailes percées de trous et qu’on peut enlever à volonté. Le fond intérieur de la baratte est demi circulaire, et un trou percé près de ce fond sert à l’écoulement du lait de beurre et des eaux de lavage.

Fig. 28.

La baratte brabançonne, dont on fait usage aussi dans une partie de la Hollande et de l’Allemagne, représentée en coupe par le milieu dans la fig. 28, est une sorte de baril en cône tronqué de 54 cent. (20 po.) de hauteur, 40 cent. (15 pouces) de largeur par le haut et 66 cent. (2 pi.) par le bas, et fermé d’un couvercle immobile a dans lequel est pratiqué une large ouverture qu’on ferme avec une planchette et par laquelle on verse la crème, on ôte et remet le volant. Celui-ci se compose d’un arbre vertical b ayant à sa partie inférieure une cavité dans laquelle se loge une cheville en fer d fixée au fond du tonneau, et qui sert de point de rotation à ce volant qui est muni de 2 ailes, une grande e et une petite f. Cette baratte commode, et qui est surtout employée dans les pays où l’on bat ensemble la crème et le lait, est mise en mouvement par 2 servantes qui saisissent chacune un des manches du volant, le tirent et le poussent successivement de manière à lui communiquer un mouvement alternatif demi-circulaire qui bat parfaitement la masse introduite dans la barate et la convertit en beurre en moins d’une heure.

Fig. 29.

La baratte à berceau ou à balançoire, très-employée dans le pays de Galles, dans le comté d’Aberdeen en Angleterre et en Amérique (fig. 29), se compose d’un châssis en bois A dont les 2 grands côtés ont intérieurement une rainure, et d’une caisse B dont le fond a une forme circulaire, et qui est garnie sur ses 2 côtés de montans CC au sommet desquels est fixé un manche mobile D. La baratte a 4 poignées EE, et son couvercle G est formé d’une planche qu’on enlève aussi par une poignée. A la partie inférieure est un robinet pour l’écoulement du lait de beurre. La fig. H est la coupe d’une des 2 grilles contenues à l’intérieur et placées à la distance de 25 cent. (9 po.) l’une de l’autre, qu’on peut retirer en les faisant glisser dans des coulisses, et qui servent à rompre la crême. On remplit cette baratte à moitié, on la place sur son châssis et on lui imprime au moyen du manche un balancement ou oscillation aussi régulier que celui d’un pendule. La crème ballottée d’un côté et d’autre est battue en traversant les grilles et promptement convertie en beurre.

Fig. 30.

La baratte de Bowler (fig. 30) est un vase A de 50 cent (18 po.) de diamètre, 25 cent. (9 po.) de largeur, dont les fonds sont en bois et la circonférence en étain. Cette baratte a 2 ouvertures, l’une B de 24 cent. (8 po.½) sur 12 (4 po.) par où l’on verse la crème, on retire le beurre, et on lave le vase ; elle est fermée par une porte C fixée par 2 vis à oreilles ; l’autre qui sert à l’écoulement du babeurre et se ferme avec un bouchon. Un 3e trou, percé près de la 1re ouverture et fermé avec un foret, sert à renouveler l’air de l’intérieur. Un arbre traverse cette baratte et se termine par 2 tourillons D sur lesquels elle peut osciller librement : la partie inférieure plonge dans un cuveau de bois L qui reçoit de l’eau chaude ou froide selon la saison. A l’intérieur, 4 planchettes, placées comme celles de la serène et percées de trous, agitent et battent la crème. Le mouvement est imprimé à la machine par le pendule G de 1 mèt. (3 pi.) de longueur et dont la lentille H pèse 5 kilog. (10 liv.). A la partie supérieure du bâtis est une grande poulie E qui fait corps avec la broche qui sert d’axe de suspension au pendule, et sur la gorge de laquelle passe une corde sans fin qui s’enroule 2 fois sur la double gorge d’une 2e poulie plus petite F fixée à demeure sur le tourillon D de l’arbre de la baratte. La baratte et le cuveau sont recouverts d’un chapeau en bois pour maintenir la température et empêcher la vapeur d’eau de se répandre. On met le pendule en mouvement au moyen de la verge ou manche de bois I de 1 mèt. 32 cent. (4 pi.) de longueur, attachée au pendule 8 cent. (3 po.) au-dessus de la lentille au moyen d’un piton à crochet. M est un support de bois pour soutenir le manche I quand la baratte est en repos. On conçoit qu’en faisant mouvoir le pendule, la baratte prend un mouvement d’oscillation lent et régulier, très-favorable au battage de la crème et à sa conversion en beurre.

Les autres instrumens nécessaires dans la fabrication du beurre, indépendamment de ceux de la laiterie, sont des tamis ou des canevas pour passer la crème ou filtrer le babeurre, des terrines ou bien des jattes ou autres vases pour déposer le beurre ; des cuillères, battes, battoires ou des rouleaux de bois pour l’ouvrir, le pétrir, le délaiter et le saler ; une petite presse à vis en bois ; des formes pour le mouler, et des empreintes pour le marquer ; un pilon pour le presser dans les barils de beurre salé ; une chaudière en cuivre pour le fondre.

§ III. — Des qualités du beurre et de leurs causes.

Les qualités qu’on doit rechercher dans le beurre sont la couleur, l’odeur, la consistance et la faculté de se conserver.

La couleur du bon beurre est le jaune riche ; c’est généralement celle du beurre fourni pendant le printemps par les vaches en bonne santé, nourries dans de bons pâturages, et qui a été fabriqué avec soin. Néanmoins cet indice n’est pas décisif, puisqu’on peut colorer le beurre artificiellement, et qu’il est des pays, des saisons ou des animaux qui donnent du beurre pâle de très-bonne qualité.

L’odeur du beurre doit être douce, agréable, légèrement aromatique. Tout beurre qui exhale une odeur forte est mal fait, altéré ou de qualité inférieure.

La saveur de beurre frais est douce, agréable, onctueuse, délicate et fraîche. C’est la qualité la plus variable, puisqu’elle change avec les localités, les saisons, l’animal et beaucoup d’autres causes ; mais c’est aussi celle qu’on doit le plus rechercher. Un beurre qui a un goût désagréable quelconque est rarement de bonne qualité.

La consistance est souvent un indice de bonne fabrication. Les beurres spongieux, mous, huileux, ou ceux qui sont durs ou compactes, ont été fabriqués dans des circonstances défavorables ou par de mauvais procédés. Le bon beurre est d’une consistance moyenne, d’un aspect mat ; il a la pâte fine et se tranche nettement en lames minces.

La faculté de se conserver long-temps frais est une des plus précieuses, et elle est due la plupart du temps à l’observation rigoureuse des bons principes de fabrication. Les causes qui influent sur les qualités et la nature du beurre sont si variées qu’on ne peut espérer de les reconnaître toutes ; celles qui paraissent jouer un rôle plus marqué sont les suivantes :

Les vaches. Chaque race de vaches, chaque animal, et la même vache dans des circonstances, dans des états ou des situations variables, donne des beurres de différentes qualités. Il faut faire choix des races et des individus reconnus pour donner à la fois des produits abondans et délicats, et avoir l’attention de les maintenir toujours en bon état et de leur prodiguer tous les soins convenables.

Les pâturages et la nourriture exercent une grande influence sur la bonté du beurre quand ils sont riches, de bonne qualité et abondans, mais toujours avec la condition que ce produit sera fabriqué avec toutes les précautions convenables. On peut presque partout et avec des pâturages médiocres faire de fort bon beurre, quand on y met le soin nécessaire. Néanmoins, toutes les autres conditions étant égales, le beurre des bons pâturages, celui des prairies naturelles, du lait des vaches nourries de spergule, ou de feuille de maïs, ou avec des carottes, etc., sera toujours supérieur en saveur et en délicatesse à tous les autres.

Le climat et la saison. Le climat le plus favorable à la santé des vaches est aussi celui sous lequel on fait le meilleur beurre. Ainsi les pays un peu humides et littoraux, tels que le Danemark, le Holstein, la Hollande, la Belgique, la Flandre, la Normandie, la Bretagne, l’Angleterre et l’Irlande, produisent les beurres les plus renommés. — Quant à la saison, le beurre de printemps ou de mai est le plus riche, le plus aromatique et le meilleur. Ainsi le beurre de la Prévalaye, pendant les mois de février, mars et avril, a un goût exquis de noisette ; il est moins fin et privé de cette fleur qui le rend si agréable, dans les autres saisons. Le beurre d’été ou de juillet et d’août est mou et huileux, celui d’automne ou de septembre et d’octobre n’a pas une couleur aussi agréable, mais il est ferme et peut se conserver long-temps.

La qualité du lait et de la crême. Tout ce qui peut altérer la nature ou la délicatesse du lait ou de la crême, et dont nous avons fait connaître les causes à l’article de la laiterie à lait, page 16, influe de même sur le beurre. Ainsi il est difficile de préparer du beurre d’une saveur fine et délicate avec du lait qui a un goût désagréable, ou qui est altéré, ou bien encore avec des crêmes rances ou moisies.

Le mode de fabrication. La préparation des beurres d’après des principes raisonnes et avec tous les soins convenables, est la condition la plus décisive et la plus importante pour leur bonne qualité. Le mauvais beurre est dû à l’ignorance et à la malpropreté. Les beurres du pays de Bray, de la Bretagne, de la Hollande, du Holstein, ne doivent en grande partie leur supériorité qu’à la manière attentive, propre et soigneuse avec laquelle on dirige leur fabrication.

§ IV. — Conditions pour la fabrication du bon beurre.

On ne peut espérer de faire des beurres fins qu’en observant d’abord avec une rigoureuse ponctualité toutes les règles prescrites précédemment pour la conduite et la bonne direction de la laiterie, puis ensuite celles que nous ferons connaître ci-après relativement aux procédés matériels de fabrication ; mais il est en outre quelques autres principes qui méritent une sérieuse attention.

D’abord on fera usage le moins possible de la crême levée sur du lait altéré, battu par un transport prolongé, ou sur celui des vaches faibles, malades, en chaleur, sur le point de mettre bas, ou qui viennent de vêler ; ensuite on donnera la préférence à la crême recueillie naturellement à une température de 10° à 12° ; à celle provenant de lait arrive à sa perfection, c’est-à-dire au moins au 4e mois après le vêlage ; à celle fournie par le lait dans la 2e période de la traite, ou celle qui aura monté la 1re à la surface et qui est la plus abondante et la plus délicate.

On enlèvera la crême sur le lait pendant qu’il est encore doux. Des expériences exactes et positives faites depuis peu ont prouvé qu’on retirait une quantité un peu plus grande de beurre de la crême levée sur du lait aigre, mais que cette augmentation est peu considérable et ne compense pas la perte qu’on fait sous le rapport de la qualité du beurre. Dans la fabrication des beurres de Gournay, on a reconnu depuis long temps que la crême de lait aigre donnait constamment des beurres médiocres, et gras, qui ne peuvent être conservés long-temps frais et ne sont nullement propres aux salaisons.

La jeune crême est la seule propre à faire du beurre extrêmement fin, et c’est à son emploi que la Normandie, la Bretagne, la Hollande, etc., doivent l’excellence de leurs beurres. On doit battre tous les jours quand cela est possible, quoique la crème très-récente exige plus de travail pour être convertie en beurre ; et généralement dans les temps chauds la crème ne doit pas rester plus de 24 heures, et en hiver plus de 2 à 3 jours par une température modérée, sans être battue.

On doit fabriquer une grande quantité de beurre à la fois, comme cela se pratique dans la Normandie, la Flandre et la Frise, etc., parce qu’on a observé dans ces pays que le beurre se forme mieux et est de meilleure qualité quand on agit sur des masses.

§ V. — Battage du beurre.

L’opération du battage, qui a pour but d’obtenir la réunion des molécules du beurre, n’est pas aussi simple qu’elle le paraît d’abord et ne réussit bien que sous certaines conditions, relatives à la saison, à la température et au mode d’opérer.

L’époque du jour qu’on devrait préférer pour le battage, est, pendant l’été, le matin de bonne heure ou le soir, et en hiver ou pendant les temps froids, vers le milieu du jour.

La température la plus favorable pour battre le beurre est de 11° à 12° du thermomètre cent. C’est celle à laquelle on obtient un produit ferme, d’un goût agréable, d’une bonne qualité et en plus grande quantité. Cette quantité se maintient à peu près la même jusqu’à 15°, mais la consistance diminue progressivement. À 16° la quantité diminue. À 18° le beurre est mou, spongieux, et sa quantité a diminué de 9 à 10 pour cent sur celle obtenue à la 1re température. Enfin à 21°, il a diminué de 16 pour cent, est de qualité inférieure pour le goût et l’aspect, et aucun lavage ne peut en faire sortir complètement le lait de beurre. La température propice de 11° à 12° doit être celle de la crême avant de la battre, ou de la laiterie, parce qu’il a été démontré que l’opération du battage du beurre et sa formation élevaient de 2°, c’est-à-dire portait jusqu’à 14° la température de la crème.

Pour obtenir artificiellement la température nécessaire à la bonne séparation du beurre, ou fait usage de divers moyens lorsqu’on n’a pas pu maintenir la laiterie à 10° ou 12° du thermomètre.

En été et aux époques les plus chaudes de l’année, on bat le beurre dans le moment le plus frais de la journée et dans la partie la plus froide de l’habitation ; ou bien on jette dans la baratte 15 à 20 litres d’eau fraiche qu’on laisse séjourner une heure, puis qu’on vide avant d’y verser la crème. Pendant le battage on plonge la baratte à la profondeur de 33 à 40 cent. (12 à 15 po.) dans un baquet contenant de l’eau fraîche. On applique des linges mouillés sur la baratte, ou enfin on jette un petit morceau de glace dans le vase. Quelquefois il suffit de tremper de temps à autre la batte-beurre dans l’eau fraîche. En Hollande on plonge, avant de verser dans la baratte, le vase qui contient la crême dans le koelback, grand réservoir d’eau fraîche de 6 pi. de longueur, 3 de large et 2 de profondeur, construit en brique ou en pierres au milieu de la laiterie et alimenté d’eau par une pompe.

En hiver et pendant le temps des gelées, on accélère la formation du beurre en enveloppant la baratte avec un linge ou une couverture chaude, ou bien avec une serviette trempée dans l’eau tiède ; en ajoutant à la crème un peu de lait chaud ; en plongeant la baratte dans un bain d’eau tiède, ou en laissant séjourner une demi-heure de l’eau chaude dans ce vase ; enfin en approchant la baratte à quelque distance du foyer. En Hollande on ajoute un peu d’eau chaude à la crème froide. Aux environs de Rennes, où se fabrique l’excellent beurre de la Prévalaye, on introduit un vase rempli d’eau chaude dans la baratte. Dans tous les cas on ne doit faire usage de ces moyens qu’avec précaution et sobriété, parce qu’ils tendent tous plus ou moins à diminuer la finesse et les bonnes qualités du beurre.

Pour verser la crème dans la baratte, on place sur celle-ci un canevas ou un tamis très-propre sur lequel on jette la crème, qu’on fait passer, pour la diviser et la nettoyer, au travers des mailles au moyen de la pression si cela est nécessaire.

En général, il ne faut pas remplir les barattes au-delà de la moitié de ce qu’elles peuvent contenir.

Le battage doit se faire par un mouvement modéré, égal, uniforme et continué sans interruption. Si le mouvement n’a pas de régularité, si on le ralentit, si on l’arrête, le beurre recule, comme on dit en Angleterre, c’est-à-dire qu’il se redissout dans le babeurre. Au contraire, si le mouvement est violent ou trop accéléré, le beurre acquiert une saveur désagréable, et perd, surtout en été, sous le rapport de la couleur, du goût et de la consistance. Pour opérer régulièrement il faut dès que la batte-beurre a été introduite et que le vase est fermé, élever et abaisser alternativement le bâton en faisant frapper légèrement la batte ou rondelle au fond de la baratte, de manière qu’à chaque coup de va et vient elle soulève 2 fois, en descendant et en montant, la totalité de la crème. Le battage dans l’été doit être fort lent et régulier, autrement on diviserait et on remettrait en suspension les globules de beurre qui dans cette saison sont souvent à l’état liquide. En hiver il peut être plus vif et plus soutenu. On doit aussi l’accélérer un peu quand la quantité de crème est considérable ou quand elle est très-nouvelle.

Le moment où le beurre se forme, ou, comme on le dit, la crême tourne, est variable et dépend d’un grand nombre de circonstances. On reconnaît que le travail marche bien au son que rend le battage. D’abord ce son est grave, sourd et profond, ensuite il devient fort, sec et plus éclatant : c’est le signe que le beurre commence à se former. On continue néanmoins le travail avec le même soin, et bientôt on s’aperçoit qu’on peut mouvoir le bâton avec plus de facilité. Si à cette époque on ouvrait la baratte, on verrait sur les parois une foule de globules jaunâtres huileux qui indiquent que la formation et la réunion du beurre commencent à s’opérer. On donne encore quelques coups lents et mesurés, puis on rassemble le beurre. Pour cela il faut prolonger encore le battage, non pas à coups secs et verticaux, mais en promenant circulairement la batte dans la baratte, pour recueillir en une ou plusieurs masses tout le beurre qui s’est formé.

On reconnaît que le beurre se forme dans les barattes tournantes, au son que rendent les grains ou petites masses qui tombent sur le fond.

Pour séparer le beurre du lait on enlève à la main toutes les parties du 1er qu’on peut saisir, ou bien on ôte le bouchon qui clôt les barattes tournantes, et on verse et reçoit le lait sur une toile ou un tamis, afin de recueillir toutes les portions de beurre qu’il pourrait encore contenir.

L’espace de temps pendant lequel il faut battre la crême pour la convertir en beurre n’est pas le même suivant la saison, la forme et la construction de la baratte et beaucoup d’autres circonstances. En été, dans la baratte ordinaire, une demi-heure à ¾ d’heure sont souvent suffisans. En hiver, une demi-journée n’est quelquefois pas de trop. Dans les serènes où l’on prépare jusqu’à 100 liv. de beurre à la fois, une heure en été et quelques heures en hiver sont nécessaires à la formation complète du beurre. Généralement il vaut mieux battre plus que moins.

Quand le beurre ne veut pas se former, on peut, en versant dans la baratte de l’eau chaude en hiver et de l’eau fraîche en été, hâter cette formation. Un peu de sel ou d’alun en poudre jetés dans la baratte la déterminent, dit-on, également. En Écosse on ajoute souvent dans ce cas à la crême fraîche un peu de crême sûre, du jus de citron, et même de la présure. D’après quelques expériences récentes faites en Allemagne, les enveloppes extérieures des oignons rouges ou quelques cuillerées de bonne eau-de-vie favorisent aussi cette prompte séparation. Dans les barattes tournantes qu’on ne peut immerger dans l’eau, on verse quelquefois, dans le même but, en Angleterre, 2 cuillerées de bon vinaigre pour 10 litres de crême, après que celle-ci a été fortement agitée sans succès. Le savon, le sucre, les cendres et plusieurs autres corps empêchent le beurre de se former.

§ VI. — Délaitage.

La séparation du beurre et du lait de beurre n’est jamais assez complète pour qu’il ne reste pas dans le 1er quelques portions de sérum et de matière caséeuse. C’est à l’élimination de ces portions de matière étrangère qu’on doit procéder par une opération qu’on nomme délaitage. Cette opération, destinée à obtenir le beurre pur, ne saurait être faite avec trop de soin, et c’est d’elle que dépend sa bonne conservation. Seulement on peut y procéder avec moins d’exactitude quand le beurre est préparé journellement et consommé de suite, parce qu’il est alors plus délicat et que les portions de lait qui restent interposées lui donnent la saveur douce et agréable qui caractérise la crême.

Le procédé de délaitage le plus usité se réduit à jeter le beurre dans des terrines on des baquets remplis d’eau fraîche et pure, afin qu’il perde sa chaleur et se raffermisse. On l’étend ensuite avec une cuillère de bois, et on renouvelle à plusieurs reprises l’eau fraîche, tout en pétrissant le beurre jusqu’à ce que l’eau en sorte pure et claire. On en forme alors des pelottes, qu’on place dans un lieu frais pour leur faire acquérir de la consistance, puis on le moule en cylindres ou en pains d’une ou plusieurs livres, ou on en forme, suivant les usages du pays, des mottes de grosseurs diverses qu’on peut transporter au loin.

On pétrit le beurre avec les mains dans presque toute la France, en Hollande et en Allemagne ; mais dans un grand nombre de lieux où cette fabrication est bien entendue, notamment en Bretagne et en Angleterre, on fait usage pour cet objet de rouleaux, de cuillères plates ou de battoirs. Cette méthode est plus propre et influe sensiblement sur la bonne qualité du beurre. La chaleur de la main donne toujours au beurre un aspect gras et huileux que ne présente pas celui qui a été pétri au battoir. Sous ce rapport, les barattes tournantes ont un avantage marqué, en ce qu’il suffit d’introduire de l’eau fraîche dans leur intérieur, et de continuer de tourner en répétant cette manœuvre jusqu’à 3 et 4 fois pour opérer un bon délaitage, et à laisser le beurre dans la dernière ; eau pendant quelques momens, pour le rafraîchir et augmenter sa fermeté.

Le délaitage sans eau est très-usité en Bretagne, dans une partie de l’Angleterre et du Holstein. Dans ces pays on considère l’introduction de l’eau dans le beurre comme propre à enlever à ce corps une partie de son arôme et sa couleur, et comme nuisible à sa bonne conservation. Pour délaiter le beurre par cette méthode, on le dépose dans une terrine ou un plat très-propre, et on le pétrit avec un rouleau, un écrêmoir, une cuillère ou des battoirs pour en faire sortir le lait. Cette opération exige beaucoup de dextérité, de force et d’habileté ; car, si on ne délaite pas entièrement le beurre, il se détériorera en peu de temps, et si on le fatigue trop, il devient visqueux et gluant. On peut employer avantageusement à cet usage de petites presses en bois. Quand, par le pétrissage et la pression, on a enlevé la majeure partie du lait, on l’étend sur une table de marbre ou de pierre, et on le frappe et le presse à plusieurs reprises avec un linge propre et sec, pour absorber jusqu’aux dernières portions de lait. Cela fait, on le moule en livres ou en molles, ou bien on le sale ou on le fond. A la Prévalaye, le beurre, au sortir de la baratte, est coupé en lames très-minces avec une cuillère plate, qu’on trempe sans cesse dans l’eau, afin que le beurre ne s’y attache pas ; on le manie et remanie sur des vaisseaux de bois mouillés, qu’on peut comparer à des cônes aplatis ; les beurrières les tiennent de la main gauche et laminent, battent, tournent en tous sens le beurre de la main droite, le durcissent, le salent faiblement et lui donnent la forme adoptée.

On ouvre le beurre ordinairement après le lavage, en le coupant dans tous les sens avec un couteau de bois émoussé ou une cuillère, pour découvrir et enlever les poils, les débris de linge ou autres impuretés qu’il pourrait contenir.

Le beurre n’acquiert toute la saveur qu’il doit avoir suivant sa qualité, en été, que quelques heures après qu’il a été battu ; et en hiver, le lendemain seulement.

§ VII. — Coloration du beurre.

Pour donner au beurre cette riche couleur jaune qui distingue les produits de printemps et d’été et ceux de bonne qualité, on fait usage de plusieurs substances.

La fleur de souci. Dans le pays de Bray, lorsque les fleurs sont cueillies, on les entasse dans un grand pot de grès, on les foule, on ferme le pot, qu’on dépose dans la cave pour laisser macérer. Quelques mois après toutes ces feuilles sont converties en un suc épais qu’on passe à travers un linge, et qui conserve la couleur de la fleur. Une petite quantité de ce suc, dont l’expérience apprend bientôt à connaître la proportion, est délayée dans un peu de crème, et c’est ce mélange qu’on ajoute au reste de la crème lorsqu’on verse celle-ci dans la baratte. En Hollande, on suit un procédé à peu près semblable pour colorer le beurre.

Le rocou (Bixa orellana) bouilli dans l’eau, et qu’on nomme aussi arnotto d’Espagne, est également employé en France, et surtout dans le Holstein, pour donner au beurre une belle couleur jaune. Dans ce dernier pays on en met le soir, avant de faire le beurre, la grosseur d’un pois dans 15 kilog. (30 liv.) de crème.

Le jus de carottes est encore d’un usage fréquent ; seulement il demande à être ajouté en plus grande quantité.

Le safran (stigmates du Crocus sativus), dont il faut une très-petite quantité, est délayé d’abord dans l’eau chaude filtrée à travers un linge, puis ajouté à la crème.

Les baies d’alkekenge ou Coqueret officinal (Physalis alkekengi), le fruit de l’asperge, le suc des mûres, la racine d’orcanette (Lithospermum tinctorium Lin., Anchusa tinctoria Lam.), sont aussi employés à cet usage, et sont ajoutés en plus ou moins grande quantité, suivant la nature du beurre qu’on travaille, la teinte qu’on veut obtenir, la saison, la quantité de beurre, etc. L’habitude apprend bientôt à doser convenablement la matière colorante pour atteindre dans tous les cas la couleur désirée. Généralement on en emploie si peu, qu’elle ne communique jamais au beurre de mauvais goût.

§ VIII. — Méthodes diverses de faire le beurre.

On ne fait pas partout le beurre de la même manière, et nous allons faire connaître en peu de mots les procédés les plus répandus.

Battre le lait frais. Ce procédé, qui est celui qu’on suit pour la fabrication du beurre de la Prévalaye, dans les environs de Rennes, et dans d’autres localités, donne un beurre très-fin et excellent, mais moins abondant, et se conservant frais plus difficilement. Dans des essais faits en Saxe, on a trouvé que 22 lit. 476 (24 pintes) de lait frais avaient fourni, après 1 heure 10 minutes de battage, 613 grammes seulement (1 liv. 4 onces) de beurre, tandis que, de la même quantité de lait gardé 24 heures, et toutes les autres conditions étant les mêmes, on obtenait 3 lit. 75 (4 pintes) de crème, qui avaient donné au bout d’une heure 5 minutes de battage, 998 gram. (2 liv.) de beurre. L’expérience a aussi appris que le beurre ainsi fabriqué se prend plus difficilement en masse, que les vaisseaux doivent être fort grands, et que le mouvement ou le battage doivent avoir une plus grande vitesse ; que cette opération étant plus laborieuse et plus longue, rend avantageux l’emploi des machines et des animaux.

Battre la crême seule. C’est le procédé le plus usité et celui dont nous avons fait connaître tous les détails.

Battre la crême et le caillé. Cette méthode, employée dans quelques parties du nord de l’Allemagne, dans les provinces hollandaises au sud de Rotterdam, en Belgique et dans plusieurs comtés d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, est désavantageuse par la masse de matière qu’il faut battre, et parce qu’on n’a pas prouvé jusqu’ici qu’elle donnât une plus grande quantité de beurre. Ce beurre d’ailleurs est certainement inférieur à celui qu’on fabrique par la méthode ordinaire.

Dans la Campine, suivant M. Schwerz, le lait fraîchement tiré est passé à travers un tamis de crin et versé dans des jattes qu’on porte dans de petits celliers destinés à cet usage, et où le lait reste de 12 à 24 heures pour se refroidir. Ce lait est ensuite versé dans un tonneau debout et ouvert par le haut. En hiver on se dispense de faire refroidir le lait, et on le verse directement dans le tonneau, où il reste jusqu’à ce qu’il soit devenu aigre, et que le doigt pressé dessus trouve de la résistance, ce qui parfois ne se produit dans cette dernière saison qu’au bout de plusieurs semaines. Arrivé à ce point, on fait l’essai du lait en refoulant la crême au fond avec la main, plongeant les doigts dans le lait qui est au-dessous, et en en mettant quelques gouttes dans le creux de la main. Si le lait s’y prend en masse après quelques instans, il est propre à être battu et à faire le beurre ; on le jette alors dans la baratte avec 1/18e environ d’eau chaude.

L’opération du battage, qui est assez pénible, dure 2 heures dans la baratte à pompe et 1 heure seulement dans la baratte brabançonne. Pour hâter la formation du beurre, on verse de temps à autre dans le vaisseau, mais en petite quantité, de l’eau tiède en hiver et de l’eau froide en été. Dans la 1re saison, quand le lait tarde trop à s’aigrir au point nécessaire pour le battre, on place dans le tonneau une cruche remplie d’eau chaude. — En Écosse, surtout dans les environs de Glasgow, le lait est abandonné dans des vases sans qu’on y touche, et toujours couvert jusqu’à ce que la masse entière se soit aigrie et coagulée. On veille avec soin à ce qu’aucune portion du coagulum ne soit brisée avant d’être mise dans la baratte, car sans cette précaution la fermentation putride commencerait sans qu’il fût possible de l’arrêter. C’est lorsque le lait forme ainsi une masse bien homogène que l’on procède au barattage en versant sur le lait de l’eau chauffée à 18° ou 20° dont la quantité varie suivant les saisons.

Battre la crême bouillie. Dans les comtés anglais de Somerset, Cornwall et Devon, dit Marshall, le lait, 24 heures après la mulsion, est mis dans des vases plats qu’on pose sur un feu doux, mais assez fort pour que le liquide approche de l’ébullition en 2 heures et pas moins. Une personne le surveille, et au moment où une bulle ou un bouillon se manifeste, on l’enlève du feu et on le laisse reposer 24 heures. Au bout de ce temps, si la quantité de lait est considérable, la crême a un pouce ou plus d’épaisseur. On la tranche avec un couteau et on l’enlève. Le lait, après cette opération, ne contient plus guère que du fromage et du sérum. Les fermières assurent que par cette méthode on obtient un quart de beurre de plus, et que quelques coups dans la baratte donnent un excellent produit.

§ IX. — Beurre de petit-lait.

Ce beurre, qu’on fait surtout dans les pays on se fabriquent les fromages, est celui qu’on retire du petit-lait qui découle spontanément du caillé, ou qu’on obtient par la pression du fromage. Il est toujours inférieur en qualité à celui fait avec la crême de lait frais ou le lait et la crême battus ensemble.

Il y a 2 espèces de petit-lait, le vert et le blanc. Le 1er s’échappe naturellement du caillé ; le second est celui qu’on obtient par la pression.

Il y a plusieurs méthodes pour obtenir le beurre du petit-lait. Dans certaines laiteries tout le petit-lait qu’on retire des fromages est mis dans des vases pendant un, deux, ou plusieurs jours ; après quoi on l’écrême, et ce qui reste est donné aux veaux ou aux cochons. On fait bouillir dans une bassine ou un chaudron la crême qu’on a levée, puis on la met dans des pots ou elle reste jusqu’à ce qu’on en ait assez pour la battre, opération qui dans une laiterie importante doit être faite au moins 1 à 2 fois par semaine.

Une autre méthode plus en usage consiste à mettre le petit-lait vert sur le feu, dans un chaudron, aussitôt qu’on l’a recueilli des baquets à fromage. Quand il est bouillant on y verse de l’eau froide ou du petit-lait blanc, ce qui fait monter une écume blanche, crêmeuse et épaisse, que la fille enlève à mesure qu’elle se forme et qu’elle met dans des terrines où elle reste jusqu’à ce que cette crême soit battue.

Le petit-lait blanc, au moins celui qui n’est pas employé à faire monter la crême du petit-lait vert bouillant, est mis dans des terrines comme du lait ordinaire pour que la crême monte. Quand on lève cette crême on la joint à celle qui provient de l’ébullition et on les bat ensemble. Les Hollandais battent quelquefois la totalité du petit lait-vert et blanc pour en retirer le beurre qui n’exige pas plus d’une heure de battage.

Les vachers du Cantal mêlent au petit-lait qui s’écoule du fromage 1/12 de lait frais, laissent reposer le tout dans des vases de bois, et au bout de quelques jours enlèvent une crême dont ils font un beurre blanc d’assez bon goût. Salé et conservé à la cave dans des feuilles de gentiane, il devient rouge orange et d’un goût âcre et piquant.

§ X. — Conservation du beurre.

I. Beurre frais. — Le beurre récent doit être conservé dans un lieu très-frais, ou tenu dans un vase placé dans de l’eau fraîche qu’on renouvelle plusieurs fois par jour, ou enveloppé dans un linge blanc de lessive, qu’on tient toujours humide. Mais, quelles que soient les précautions qu’on prenne, il ne tarde pas, surtout quand il fait chaud, à s’altérer au contact de l’air, et à devenir rance. Les ménagères ne manquent pas de recettes pour lui rendre sa fraîcheur ; mais c’est en vain qu’on le lave à l’eau pure, avec du lait frais ou de l’eau-de-vie, etc., on ne lui enlève pas entièrement son mauvais goût. La fabrication du beurre n’étant pas égale dans toutes les saisons, il faut donc, pour le préserver de toute altération, et surtout si on veut le transporter au loin, employer des moyens de conservation qui consistent à le saler ou à le fondre. C’est de préférence en automne qu’on s’occupe de cette opération.

II. Beurre salé. — Le choix d’un sel propre à saler le beurre n’est pas indifférent ; on ne doit employer que celui qui, par une longue exposition à l’air, a perdu tous ses sels déliquescens, ou qui attire peu l’humidité et n’a plus ni âcreté ni amertume. La bonne conservation du beurre avec ses qualités dépend de la manière dont il a été salé.

Dans le pays de Bray, le beurre, après avoir été soigneusement lavé, est étendu en couches minces sur une grande table très-propre et humide, et on répand dessus, pour chaque 1/2 kilog. (1 liv.) de beurre, 30 gram. (1 once) de sel desséché au four et broyé dans un mortier de pierre ou de bois, et on pétrit le tout avec les mains ou mieux avec un rouleau de bois jusqu’à ce que le sel et le beurre soient bien incorporés. On emploie le sel gris de préférence au blanc. Dans d’autres localités on commence par laver de nouveau le beurre à l’eau fraîche, puis dans une forte saumure dans laquelle on le laisse environ une semaine à la température la plus froide possible et sous forme de petits pains de la largeur et l’épaisseur de la main. Ensuite on le repétrit, on le reforme en pains qu’on place dans des vases de bois ou de terre, en saupoudrant leurs intervalles d’une quantité variable de sel.

Dans le Holstein et en Angleterre on pense qu’il ne faut pas trop fatiguer le beurre par le pétrissage avant la salaison, et que plus il est salé frais à une température qui ne dépasse pas 10°, plus il conservera son goût agréable et sera facile à garder et à transporter au loin. Le sel qu’on répand alors dessus est réduit en poudre fine, et la masse est travaillée avec soin pour y répartir le sel bien également. On choisit aussi bien qu’en Hollande, un sel pur, blanc et de la meilleure qualité.

Quant à la quantité de sel qu’on ajoute au beurre, elle varie suivant la qualité de celui-ci et la pureté du sel. Plus le beurre est de bonne qualité, moindre doit être la quantité de sel, et réciproquement. Un demi-kilog. (1 liv.) de sel pour 6 à 10 kilog. (12 à 20 liv.) de beurre sont les limites ordinaires. Cette quantité varie encore selon qu’on veut transporter le beurre plus ou moins loin, dans des climats chauds ou froids, ou le conserver dans un lieu plus ou moins frais, ou suivant qu’on veut faire du beurre demi-sel, du beurre salé ou du beurre sursalé. Il est inutile de dire que le beurre est d’autant plus agréable qu’il possède la faculté de se conserver avec la moindre quantité possible de sel.

On prépare une excellente composition pour conserver le beurre, suivant Twamley, en réduisant en poudre fine et en mêlant ensemble une partie de sucre, une partie de nitre et deux parties du meilleur sel commun. On ajoute 30 gram. (1 once) de cette composition à chaque 1/2 kil. (1 liv.) de beurre dès que celui-ci a été débarrassé de son petit-lait ; en pétrit attentivement et on met en barils. Le beurre préparé de cette manière n’atteint sa perfection qu’au bout de 15 jours après qu’il a été salé. À cette époque il a un goût riche et moelleux et se conserve ainsi plusieurs années.

Le beurre salé se met dans des pots de terre des corbeilles, des baquets, des tinettes ou des barils de bois.

Les pots étant échaudés à l’eau bouillante, écurés, rincés, et séchés, on y foule le beurre jusqu’à 2 pouces des bords, et on laisse reposer 7 à 8 jours. Au bout de ce temps le beurre, qui a diminué de volume, se détache du pot ; on peut le fouler de nouveau, ou bien remplir le vide qui s’est formé avec une saumure ou dissolution de sel épuré et d’eau chaude assez concentrée pour qu’un œuf y surnage, et qu’on verse peu-à-peu jusqu’à ce que le beurre en soit bien recouvert. Quand le beurre est destiné au transport, on remplit le vide avec du sel blanc dont on forme aussi une couche d’un pouce environ à la surface.

Les meilleurs pots, qui sont, au reste, de forme et de capacité variables, sont ceux en grès, en faïence ou en porcelaine. Les 1ers, qui sont les plus communs, sont connus dans divers pays sous la dénomination de pots de Tallevande, nom d’une commune du Calvados près de Vire, où on les fabrique.

Les barils sont aussi, suivant les pays, de diverses grandeurs ; on y foule le beurre comme dans les pots, en laissant par-dessus un espace vide qu’on couvre d’une couche de sel de 1 pouce d’épaisseur. Le vide qui se forme au bout de 8 jours est de même rempli avec de la saumure ou du sel, afin d’éviter le contact de l’air qui fait rancir très-promptement le beurre.

Le beurre préparé suivant la méthode de Twamley, avec le nitre, le sel et le sucre, étant pressé fortement dans les barils, on unit sa surface, et s’il se passe encore quelques jours avant qu’on en ajoute de nouveau pour remplir le vase, on recouvre ce beurre d’un linge propre sur lequel on pose un morceau de parchemin humide, ou à défaut de celui-ci, un linge fin imprégné de beurre fondu et qu’on fait adhérer tout autour sur les parois du baril ; quand on veut ajouter du beurre on enlève la couverture, et on foule la nouvelle couche aussi exactement que possible sur l’ancienne ; on unit de nouveau, on replace les linges, on verse un peu de beurre fondu sur toutes les fissures, pour intercepter l’air, on saupoudre de sel et on fixe solidement le fond.

On doit préparer avec soin les barils avant d’y déposer le beurre, en les exposant 2 ou 3 semaines à l’air, et les lavant fréquemment. La méthode la plus prompte est celle où l’on emploie la chaux vive, ou une dissolution bouillante de sel ordinaire, pour les frotter à plusieurs reprises ; après quoi, on les rince à l’eau froide, puis on les fait sécher. Quand on est sur le point d’en faire usage, on recommence ces opérations, et au moment d’embariller le beurre, on les frotte soigneusement partout avec du sel. Enfin on bouche toutes les fissures avec du beurre fondu, qu’on fait couler entre les joints des douves et du jable, ou rainure du fond. En Hollande, les barils, avant de s’en servir, sont remplis pendant 3 à 4 jours, avec du petit-lait sûr, puis lavés avec soin à l’eau pure et séchés.

Le bois dont on fait les barils est ordinairement le chêne ; mais ou a remarqué, surtout lorsqu’il n’y a pas long-temps qu’il est abattu, qu’il communique souvent au beurre une disposition à se rancir, qu’on attribue à sa sève et à l’acide pyroligneux qu’il contient. M. Moir, pour éviter ce défaut, coupe le bois en douves de longueur et le tient immergé dans une chaudière remplie d’eau qu’il porte à une ébullition soutenue pendant 4 heures. Au bout de ce temps le bois, débarrassé de son acide, est desséché ; il est devenu plus compacte et plus ferme, et est susceptible d’ailleurs, pendant qu’il est encore chaud, de recevoir aisément toutes les formes. La Société d’agriculture de la haute Écosse pense que le bois du tilleul est le plus propre à la fabrication des tonneaux, comme étant, suivant elle, exempt d’acide pyroligneux. Le peuplier, le saule, l’érable, etc., sont aussi très-propices à cette fabrication. Dans le Holstein on regarde le hêtre comme le plus convenable à cet usage ; on croit qu’il conserve le beurre bien plus long-temps sans lui communiquer le moindre goût. On abat les arbres en décembre et janvier, et on les débite en planches qu’on plonge pendant un mois dans l’eau courante. Au bout de ce temps on les retire pour les faire sécher dans un lieu couvert et bien aéré, et ce n’est qu’au bout d’un an qu’on en fabrique des tonneaux.

Le beurre salé est conservé à la cave. Si on l’entame pour le consommer de suite, il suffit de l’enlever bien également par couches et de le maintenir couvert. Mais si l’on n’en fait usage qu’à des intervalles éloignés, et qu’on ne referme pas le tonneau avec soin, il contractera promptement un goût rance. Pour prévenir cet accident, on verse dessus une forte saumure lorsqu’elle est froide, qui altère, il est vrai, la qualité du beurre, mais à un degré moindre que si on le laissait rancir.

III. Beurre fondu. — La fusion est un autre moyen de conserver le beurre qu’on destine à être gardé très-long-temps ou qui doit être expédié dans les pays chauds. Pour purifier le beurre par la fusion on le place dans un chaudron de cuivre, sur un feu doux. Quand il est devenu liquide, il monte à la surface une écume qu’on enlève, et les impuretés se précipitent au fond du chaudron. On augmente encore insensiblement le feu jusqu’à ce que le beurre bouille, toujours en écumant, et en remuant pour empêcher que les matières précipitées ne brûlent au fond. L’opération est terminée lorsqu’il ne s’élève plus d’écume et que le liquide est transparent. Alors on le sale, on le laisse se refroidir dans le chaudron jusqu’à ce qu’on puisse y tenir le doigt, puis on le décante doucement, jusqu’au dépôt, dans des pots qu’on a fait chauffer ou des barils qu’on couvre avec soin et qu’on porte à la cave.

En Angleterre on suit une méthode préférable en mettant le beurre dans un chaudron placé lui-même dans une chaudière contenant de l’eau (bain-marie) qu’on chauffe jusqu’à ce que ce beurre entre en fusion. On le maintient en cet état, pour que le dépôt se forme ; on le laisse alors refroidir, et quand il est devenu opaque on en sépare la partie épurée qu’on sale et qu’on embarille comme le beurre ordinaire. Suivant Anderson ce beurre peut se conserver doux et sans sel, en y ajoutant seulement 1 once de miel par livre de beurre, et en incorporant soigneusement les deux substances. Ce mélange dit-il, a un goût agréable et se conserve plusieurs années sans rancir.

M. Thénard a recommandé la méthode usitée chez les Tatares, et qui consiste à faire fondre le beurre au bain-marie, à une chaleur qui ne soit pas au-dessus de 82° cent., à laisser le dépôt se rassembler, et, lorsque le liquide est transparent, à le décanter ou le passer à travers une toile et le faire refroidir de suite dans de l’eau de fontaine très-fraîche. Le beurre ainsi traité se conserve, dit-on, frais pendant 6 mois et plus.

§ XI. — Altérations du beurre.

Le beurre est un corps si délicat qu’il n’est pas rare de lui voir contracter diverses altérations dont il est difficile souvent de se rendre compte, mais auxquelles, dans tous les cas, on ne peut remédier sans lui enlever encore quelques-unes des autres propriétés qui le distinguent. Voici les principales :

Beurre rance. La rancidité est due à une préparation malpropre, à la présence de matières étrangères, au contact prolongé de l’air, à un délaitage imparfait, à la vétusté, etc. Toutes les recettes proposées pour la combattre sont à peu près impuissantes.

Beurre amer. Le beurre contracte de l’amertume quand il est fabriqué avec du lait ou de la crème amère,de la crème trop vieille et qui a éprouvé un commencement de décomposition, et, selon Thaer, quand on donne du sel en trop grande quantité aux vaches, qu’on leur fait manger de la farine, ou qu’on les nourrit seulement de pommes-de-terre crues ou de paille.

Beurre à goût désagréable. Ce goût est attribué à des causes très-diverses. Au nombre de celles qui sont les plus connues on place un hallage trop précipité et trop violent, un lait qui lui-même à un goût désagréable parce que les vaches ont mangé des feuilles sèches, des turneps, des fannes de pommes-de-terre, des herbes des prairies fumées avec des matières animales ou des excrémens, etc. Quand la crème est restée trop long-temps sur le lait, on obtient aussi souvent un beurre d’une saveur peu agréable.

Beurre mou, visqueux, huileux, spongieux. Un battage à une température trop élevée, un mode incomplet et malpropre de fabrication, un délaitage mal fait, un pétrissage trop prolongé, ou des manipulations trop fréquentes avec les mains, etc., sont les causes les plus ordinaires de ces altérations.

Beurre pale. C’est un défaut qui est dû souvent à la saison, à la mauvaise qualité des pâturages, à la nature des alimens des vaches, à la température trop élevée dans le hallage, ou au peu de soin qu’on a mis à purifier le beurre par des lavages ou un pétrissage soigné.

Beurre fromageux. Il est toujours de qualité inférieure et dénote une fabrication imparfaite.

Beurre sec. On l’attribue encore aux causes précédentes, et à ce que la crème s’est dégagée avec trop de lenteur sur le lait par suite d’une température trop basse.

Beurre à saveur de graisse. Les beurres d’hiver, ceux faits avec de la crème levée sur du lait aigre, qui ont été battus avec trop de force ou à une haute température, sont sujets à cette altération.

§ XII. — Moulage et transport des beurres.

Chaque pays a sa manière de mouler ses beurres. Le plus ordinairement les beurres frais communs sont moulés en cylindres de 2 pouces de diamètre sur plusieurs pouces de longueur, qui pèsent une livre ou deux livres, ou bien en pains au moyen de moules ou de formes très-variés dont ils reçoivent des marques, empreintes ou ornemens arbitraires.

Les beurres fins sont au contraire moulés en mottes de grosseurs variées et de différens poids qu’on forme à la main, au battoir, ou dans des jattes, terrines ou moules appropriés à cet usage. En Hollande, on donne surtout au beurre d’herbe ou de printemps mille formes diverses, telles que celles de moutons, de pyramides, de bouquets de fleurs, etc.

Le transport des beurres se fait facilement, quand ils sont salés, dans des pots de grès dont la grandeur varie de 1/4 ou 1/2 liv. jusqu’à 40 livres, ou dans des tinettes, baquets, barils qui en contiennent depuis 50 jusqu’à 400 livres et au-delà. Le beurre le plus cher et le meilleur de la Prévalaye, est emballé dans des corbeilles, paniers ou petites mannes sans anse, carrés ou oblongs, revêtus en dedans d’un morceau de toile fine ou de mousseline recouvert de sel de Guérande. Quant aux beurres frais communs, on les entoure de feuilles de choux, de bette blanche, de vignes, ou d’arroche des jardins (bonne-dame, Atriplex hortensis). Les mottes de beurres fins sont enveloppées d’une mousseline, ou d’une toile fine, lessivée, rincée et humide qu’on peut recouvrir de feuilles de choux, ou de plantes grasses, pour conserver la fraîcheur. Les uns et les autres sont ensuite emballés dans des paniers oblongs garnis de paille, qui en contiennent 100 liv. et au-delà, et expédiés ainsi jusqu’à des distances de 30 lieues.

F. M.

Section iii. — Laiterie à fromage.

Fig. 31.

art. ier. — Composition des fromages en général.

Le fromage est un aliment bien connu, que l’on prépare avec le lait de divers animaux. Le lait de vache est celui que l’on emploie le plus communément. Dans quelques contrées on fait usage dans sa fabrication du lait de brebis ou du lait de chèvre, seuls ou mélangés avec celui de vache.

Si l’on abandonne le lait à l’air libre dans un vase, à une température de 18 à 20°, ce liquide ne tarde pas à s’aigrir, puis à se coaguler spontanément. La même chose arrive lorsqu’on y verse certaines substances. Le lait se sépare alors en deux parties ; l’une solide, à laquelle on a donné le nom de matière caséeuse ou de caillé, et qui contient la plus grande partie du beurre et le caséum, c’est-à-dire le fromage proprement dit, et l’autre, qui est liquide, et qui est connue sous le nom de sérum, petit-lait ou laitie.

Le beurre a été de notre part l’objet de détails assez étendus pour qu’il soit inutile de revenir sur ce sujet.

Le caséum, ou la matière caséeuse pure, est blanche, solide, un peu élastique, insoluble dans l’eau froide, se divisant dans l’eau bouillante, presque insipide à l’état frais, acquérant une saveur âcre, piquante, si on la conserve quelque temps, et passant même promptement à la décomposition putride, si on la laisse en contact avec un air humide et chaud. Desséché avec les précautions convenables, le caséum se conserve long-temps sans altération, surtout si on a le soin de le mettre à l’abri de l’air et de l’humidité. C’est le produit le plus animalisé du lait, et par conséquent le plus nourrissant.

Le sérum, ou petit-lait, est un liquide clair, d’un jaune verdâtre, d’une saveur douce, sucrée, lorsqu’il est frais. Si on l’expose à l’air et à la chaleur, il s’aigrit promptement, et se convertit en vinaigre.

Ces 3 principes constituans du lait n’étant réunis que par une faible affinité, se séparent ordinairement par le repos ; mais, pour la fabrication du fromage, cette séparation n’est pas souvent assez complète, ou bien elle est trop lente, et c’est pour la hâter et la favoriser qu’on a recours à des substances ou préparations particulières qu’on mêle avec le lait.

Le nom de fromage est, à proprement parler, appliqué au caillé qui a été soumis à plusieurs opérations qui l’ont converti en une substance alimentaire et stimulante, qui peut se conserver pendant un temps plus ou moins long.

Les meilleurs fromages se fabriquent en Europe, et plusieurs contrées ou localités sont renommées dans ce genre d’industrie, ainsi la Hollande, la Suisse, l’Italie, l’Angleterre, la France, jouissent, à cet égard, d’une certaine célébrité.

Il existe une grande variété dans les fromages sous le rapport de la consistance, de la saveur, de la pâte, et de la durée ; mais il est à peu près certain que ces différences tiennent plutôt aux divers procédés de fabrication qu’à la nature des pâturages et au climat. La composition ou la nature chimique du lait est à peu de chose près la même chez les femelles des animaux domestiques ruminans ; les principes constituans n’en varient guère que par leurs proportions. Plusieurs essais heureux ont déjà démontré que partout où les animaux seront convenablement nourris et traités, en suivant les procédés et les méthodes adoptées dans telle ou telle autre localité, on parviendra, plus ou moins, à imiter toutes les espèces de fromages exotiques ; ainsi, nous possédons déjà des fabriques de fromages qui imitent parfaitement ceux de Gruyères et de Hollande, et tout porte à croire que nous verrons bientôt fabriquer en France du Parmesan, du Stilton, du Gloucester, etc.

Il serait donc facile de s’affranchir du tribut de cette nature, que nous payons aux étrangers. La France ne manque ni de bons pâturages, ni de bonnes races appropriées à chaque localité. Il ne s’agit que de nourrir et de gouverner le bétail convenablement, et de mettre en pratique les procédés usités ailleurs. C’est dans ce but que nous offrirons sommairement aux agriculteurs la collection des procédés suivis pour la fabrication des diverses sortes de fromages, surtout de ceux qui sont les plus recherchés pour leur saveur agréable et leur facile conservation. Quoique les bornes que nous nous sommes fixées ne nous permettent pas d’entrer dans tous les détails que comportent le sujet, nous ferons en sorte que rien d’important ne soit omis. Nous avons puisé aux meilleures sources, nous avons comparé et discuté les diverses manipulations, recherché les causes qui font varier la qualité des fromages, et étudié sur les lieux plusieurs de ces procédés ; c’est le résultat d’un travail ainsi élaboré que nous livrons aux cultivateurs. Ce précis pourra servir de guide à ceux qui voudront essayer ce genre d’industrie.

art. ii. — De l’atelier et des ustensiles de la fromagerie.
§ 1er. — De la Fromagerie.

L’étendue et la construction de la fromagerie, ou laiterie à fromage, dépend de son importance et de la localité. Elle doit être, autant que possible, composée d’un bâtiment, non compris l’étable, dont les divisions ou dépendances sont au nombre de quatre ; savoir, le laitier, la cuisine ou atelier, le saloir et le magasin.

Le laitier est l’endroit où l’on dépose et où l’on mesure le lait dès qu’il est apporté par les personnes chargées de la traite. La construction de cette partie du bâtiment a été donnée précédemment avec tous les détails nécessaires ; nous rappellerons seulement qu’il doit être isolé, si on le peut ; que sa température doit être maintenue aussi uniforme que possible, et que la plus convenable est celle de 10 à 12° degrés du thermomètre centigrade. C’est dans cette pièce que se conserve le lait de chaque traite, jusqu’au moment où il est converti en fromage.

La cuisine, atelier, ou chambre de travail, est attenante ou placée près du laitier ; à l’un des angles est pratiquée une cheminée. Il serait sans doute avantageux d’y établir un fourneau économique, avec une chaudière en cuivre ou en fonte, pour chauffer le lait au bain-marie, c’est-à-dire par l’intermède de l’eau chaude. La grandeur de la chaudière dépend de la quantité de fromage qui doit être fabriquée par jour ; sa contenance varie de 3 à 5 hectolitres (322 à 537 pintes). Voici la forme de ce fourneau (fig.32) : A est le massif du fourneau construit en maçonnerie ou en briques ; B le cendrier creusé en terre et de 16 à 21 cent. (6 à 8 po.) en carré ; C le foyer, de 32 à 37 cent. (12 à 14 po.) de hauteur, D la chaudière en fonte ou mieux en cuivre, qui est ronde et de forme conique, de 65 cent. (2 pi.) de diamètre en haut, 32 cent. (1 pi.) au fond, et 65 cent. (2 pi.) de profondeur : elle est encastrée sur un tiers environ de sa hauteur, dans la maçonnerie, sur laquelle elle repose au moyen d’un collet ou rebord qu’elle porte à sa partie supérieure. E est un espace vide laissé entre la chaudière et les parois du fourneau, dans lequel circule la flamme, ainsi que la fumée qui s’échappe par la cheminée G. Une seconde chaudière F est placée dans celle qui est fixée et à 54 millim. (2 po.) de son fond. Son diamètre est un peu moindre que celui de la première, et elle est appuyée sur elle au moyen d’un rebord dans lequel on ménage des trous pour donner issue à la vapeur de l’eau qu’on verse dans la première chaudière D jusqu’en I I, c’est-à-dire environ jusqu’aux deux tiers de sa hauteur.

Fig. 32.

Pour enlever la chaudière intérieure, quand cela est nécessaire, on fixe deux forts anneaux h h sur son rebord ; dans ces anneaux on passe un bâton ou deux cordes munies de crochets et attachées à une autre corde qui passe sur une poulie fixée au plancher, ou sur une potence mobile. Cet appareil aurait l’avantage de ne pas trop échauffer l’atelier, et, dans la manutention des fromages cuits, l’ouvrier ne courrait aucun risque de brûler la matière ; il serait d’ailleurs beaucoup plus à son aise, la chaudière ayant plus de fixité.

Le saloir. C’est une pièce dans laquelle s’opère la salaison des fromages. Dans la plupart des fromageries, on sale dans la cuisine, mais il vaut mieux avoir une pièce particulière pour cet objet. On dresse dans ce saloir des rayons ou étagères pour poser les fromages, et il contient aussi une ou plusieurs presses. Cette pièce doit être dallée ou carrelée, le plancher étant légèrement en pente pour l’écoulement des eaux de lavage. Dans quelques laiteries le sol est en mastic bitumineux, qui est aussi uni et aussi dur que du marbre.

Le magasin, ou chambre à fromage. C’est dans cette pièce qu’on arrange sur des tablettes, que l’on soigne et conserve les fromages jusqu’à ce qu’ils soient passés et bons pour être livrés au commerce ou à la consommation. Le magasin peut être placée au-dessus de l’une des trois autres pièces, comme un grenier. Si on le place au-dessus du saloir, on pratique dans le plancher une trappe pour passer les fromages de main en main, ce qui économise beaucoup de temps lorsqu’on fabrique des fromages de petite dimension. Dans le Lodésan, le magasin est une espèce de cellier. Les caves voûtées et aérées conservent très-bien les grosses formes de Gruyères, et c’est à ses caves à fromages que Roquefort doit la réputation de ses produits.

L’exposition des bâtimens de la fromagerie doit être la même que celle de la laiterie ordinaire, afin que la température ne soit pas trop chaude en été et trop froide en hiver. Le laitier et le magasin doivent être au nord. Pendant les grandes chaleurs, et lorsque les ressources locales s’y prêtent, on rafraichit le premier au moyen d’un courant d’eau vive qu’on fait passer au milieu. Le magasin doit être soigneusement garanti de l’accès de la lumière, de l’air froid et humide, des mouches et autres insectes, et des animaux nuisibles, tels que rats, souris, etc.

§ II.— Ustensiles et instrumens.

Les ustensiles et instrumens, communs à toutes les laiteries, tels que seaux, couloirs, passoires, écumoirs ou écrémoirs, coupes, baquets, bastes ou rafraîchissoirs, etc., doivent être accompagnés dans une fromagerie des ustensiles et vases suivans, qui suffisent pour toutes les opérations ordinaires.

Baquets à fromages de différentes grandeurs, plus ou moins larges et profonds, suivant la quantité de lait à manipuler ; c’est dans ces vases qu’on met en présure, qu’on rompt et que l’on divise le caillé.

2° Couteau à fromage. C’est une espèce de spatule ou une épée de bois (fig. 33), aussi mince que possible sur les bords, et qui sert à rompre le caillé. — Dans le Gloucester, ces couteaux sont formés d’un manche de bois long de 12 à 14 cent. (4 à 5 pouces), garnis de deux ou trois lames de fer poli, longues de 33 centim. (12 po.), larges de 3 déc. (15 lignes) près le manche, s’amincissant vers la pointe où elles n’ont plus que 2 cent. (9 lign.). Leurs bords sont mousses et se terminent en s’arrondissant à peu près comme un couteau à papier en ivoire : les lames sont placées à 27 millim. (1 po.) environ de distance l’une de l’autre.

Fig. 33.

Linges ou toiles à fromages, ou morceaux de toile plus ou moins fine de diverses dimensions, dans lesquels on enveloppe les fromages qu’on soumet à la presse. Dans le Gloucester, ces linges sont clairs et fins comme de la gaze.

Ronds à fromages. Ce sont des pièces de bois bien homogène et ne pouvant se déjeter, lisses et unies des deux côtés, et épaisses de 27 à 40 millim. (12 à 18 lig.) ; ces ronds ont le même diamètre que les formes, et sont un peu plus épais au milieu que sur les bords. On s’en sert pour couvrir les fromages qu’on met en presse. D’autres ronds plus larges sont destinés à supporter les fromages nouvellement faits et qu’on dépose au saloir.

Formes, moules. Ce sont des cercles de sapin ou de hêtre (fig. 34), qui ont 14 à 16 cent. (5 à 6 pouces) de hauteur, 10 mill. (5 lig.) d’épaisseur et 1 mèt. 85 (5 pi.) de longueur. Une extrémité rentre sous l’autre d’environ 1/6 de la circonférence. A cette extrémité, qui glisse sous l’autre, on a fixé par le milieu un morceau de bois, qu’une rainure ou gouttière traverse dans les 2/3 de sa longueur. Cette gouttière sert à y passer la corde qui tient à l’autre extrémité extérieure du cercle et par le moyen de laquelle on resserre ou on lâche cette extrémité suivant le besoin, et on maintient le tout en place, en liant au morceau de bois, par un simple nœud, le bout de la corde qui glisse dans la gouttière. Tels sont les moules employés pour la fabrication du Gruyères. On en fait aussi dont on peut à volonté augmenter ou diminuer le diamètre au moyen d’une corde qui enveloppe la circonférence, et qui étant fixée à l’une de ses extrémités, s’attache, par différentes boucles nouées sur la longueur, aux divers points d’une pièce dentelée fixée dans le bois du cercle. En Hollande, ces formes sont faites au tour et creusées dans un seul morceau de bois. Dans le Gloucester elles sont construites d’après le même principe, et le fond est uni extérieurement afin qu’elles se servent réciproquement de couvercles, lorsqu’on en place plusieurs les unes sur les autres sous la presse. Les dimensions les plus convenables sont, pour le double Gloucester 40 cent. (15 1/2 po.) de diamètre et 11 cent. (4 1/4 po.) de profondeur ; pour le simple, on ne laisse que 6 cent. (2 po. 1/2) de profondeur pour le môme diamètre. Il est utile d’avoir un grand assortiment de formes de diverses grandeurs, ou suffisamment au moins pour contenir tout le fromage fabriqué pendant 4 à 5 jours.

Fig. 34.

Moulin pour rompre et broyer le caillé. Cette machine (fig.35 et 36), de l’invention de M. Rob. Barlas, est ainsi construite : aa est une trémie de bois de 58 cent. (17 po.) sur 40 cent. (14 po.) à la partie supérieure, et de 27 cent. (10 po.) de hauteur ; bb un cylindre de bois dur de 18 cent. (6 po. 3/4) de long et de 9 cent. (3 po. 1/2) de diamètre ; il est traversé par un arbre en fer de 32 cent. (12 po.) de longueur, qu’on met en mouvement au moyen de la manivelle d, et porte à sa périphérie 8 séries de 16 chevilles chacune. Ces chevilles ou dents, au nombre de 128 en tout, sont en bois dur, carrées, de 9 mill.(4 lig.) de côté, en saillie de 11 mill. (4 lig. 1/2), et coupées toutes également et carrément à leur partie supérieure, cc sont 2 coins de bois destinés à remplir à peu près le vide qui existe entre les parois opposées de la trémie et le cylindre ; ces coins reposent, afin de les maintenir en place, dans des coulisses de bois clouées à la partie inférieure de la trémie, et à leur face antérieure ils sont armés de 9 chevilles en bois placées horisontalement et posées de manière à passer sans frottement rude entre celles du cylindre. Quand on veut se servir de la machine, on pose les bras ee sur un tonneau ouvert, on jette du caillé dans la trémie, on tourne la manivelle dans l’une ou l’autre direction, et le caillé tombe aussitôt en bouillie au fond du tonneau. Pendant qu’on tourne la machine d’une main, on se sert de l’autre pour presser le caillé et l’engager entre les chevilles. La propreté étant une chose importante lorsqu’il s’agit de la fabrication des fromages, diverses parties de la machine ne sont pas assemblées à demeure et peuvent être démontées pour être nettoyées et lavées séparément ; pour cela l’arbre du cylindre repose de chaque côté sur un coussinet en bois f, qui glisse dans une coulisse où il est retenu par un cliquet. Veut-on nettoyer la machine, on pousse le cliquet, on enlève le coussinet, on dévisse la manivelle, on retire de ce côté le fond des bras ee, et enfin on fait glisser le cylindre et les coins ce en dehors pour les laver dans toutes leurs parties. Pour empêcher le caillé de passer sur les côtés de l’arbre du cylindre, celui-ci entre légèrement par ses 2 bouts dans des entailles circulaires faites dans les parois opposées de la trémie.

Table pour pétrir le fromage et le mettre en forme (fig. 37). Autour de cette table est pratiquée une rainure par laquelle s’écoule le petit-lait ;elle est légèrement inclinée du côté d’une petite rigole au-dessous de laquelle on place un baquet.

Fig. 37.

Presses de différente force. Ces instrumens varient beaucoup suivant les localités.Le point important, c’est qu’elles exercent une pression bien également répartie sur toute l’étendue de la surface du fromage. Quelquefois ce n’est, comme dans les chalets suisses, qu’une simple planche, ou une caisse chargée de pierres qu’on élève et qu’on abaisse avec des cordes fixées à des poulies, un levier ou un treuil, etc. Nous ferons connaître plusieurs de ces instrumens lorsque nous donnerons des détails sur la fabrication propre à chaque fromage, et nous nous contenterons ici de décrire une presse en fonte fort ingénieuse et très-commode récemment inventée en Angleterre.

Fig. 38.

Dans cette machine l’effet est produit de la manière suivante :— La forme qui contient le caillé est placée sur le plateau inférieur A (fig.38) ; le plateau supérieur B descend dessus et le comprime. Il y a 2 modes de pression, l’un prompt et facile, jusqu’à ce que la résistance devienne grande, et l’autre plus lent, mais plus puissant, dont on fait usage pour terminer l’opération. Sur l’axe C de la roue D est un pignon de 8 dents que l’on ne voit pas dans la gravure, et qui s’engrène dans la crémaillère R. Sur l’arbre E est un autre pignon aussi de 8 dents caché par les autres parties, qui engrène dans’ la roue D de 24 dents. Cet arbre E peut être tourné par la manivelle H de telle manière que la crémaillère descende de 8 dents et que le plateau B s’abaisse jusqu’à toucher le fromage et commence la pression ; mais lorsque la résistance devient considérable, on a recours au second moyen pour agir sur la crémaillère. Sur l’arbre E, outre le pignon ci-dessus mentionné, est fixée une roue à rochet F. Le levier I, qui, par la fourchette qui le termine, embrasse la roue F, a également son point d’appui sur cet arbre, autour duquel il peut tourner librement. Dans la fourchette du levier I est un cliquet G, qu’on voit séparé en G, et qui, en tournant sur le pignon K, peut être engagé dans les dents de la roue à rochet F. Au moyen de cette disposition, lorsque le levier I est élevé au-dessus de sa position horisontale et que G est engagé dans F, l’arbre E et ses pignons seront tournés avec une grande force quand on fera descendre l’extrémité du levier I ; et en l’élevant et l’abaissant alternativement, on pourra donner au fromage tous les degrés nécessaires de pression. Après cela, si l’on veut continuer à presser et suivre tous les degrés d’affaissement graduel du fromage, on élèvera le levier au-dessus de sa position horisontale, et on suspendra à son extrémité le poids W, qui le fera descendre à mesure que le fromage cédera. En poussant la cheville, ou goupille P dans un trou ménagé à cet effet dans le bâtis en fonte, on peut arrêter cette pression et empêcher toute descente ultérieure du plateau B.

Séchoir ou casier mobile sur son axe. Cette machine, très-commode (fig. 39), économise beaucoup de temps et de place et hâte la maturité des fromages. Elle est de l’invention de M. Burton, et consiste en 12 tablettes épaisses assemblées dans 2 fortes barres, et portant par-dessous une série de baguettes clouées par paire qui servent à retenir les fromages quand on fait tourner la machine. Ce châssis est suspendu entre 2 pivots fixés dans un fort bâtis, ou bien d’un côté dans le mur de l’atelier, et de l’autre dans un poteau. 2 verroux servent à retenir le châssis dans la position verticale, lorsqu’on le charge et qu’il butte en même temps par le bas contre des arrêts. Pour charger ce casier on commence par mettre 4 à 5 fromages sur la tablette au-dessous de l’axe. On en fait de même pour celle qui est au-dessus. On pose ensuite un fromage sur la 2e tablette au-dessous de l’axe, puis un autre sur la 2e au-dessus, et ainsi de suite alternativement, de façon que pendant tout le chargement une des parties de la machine ne surpasse jamais l’autre de plus du poids d’un seul fromage, ce qui facilite le chargement et le mouvement de l’appareil. Quand on désire retourner les fromages, il suffit de faire faire une demi-révolution au châssis ; ceux-ci retombent sur la tablette qui leur était précédemment supérieure, et qui est alors suffisamment desséchée. On peut aussi maintenir le châssis incliné, ce qui facilite la circulation de l’air sur toutes les faces des fromages. On retourne de cette manière 50 à 60 fromages en peu de temps et sans les casser. — Dans les montagnes de la Suisse le séchoir consiste en un bâtiment recouvert en bardeaux et formé de 4 parois en solives transversales exactement jointes. Il est isolé du sol au moyen d’un plancher supporté par 8 piliers en bois, de 3 à 4 pieds d’élévation, pour empêcher les rats et les souris de s’y introduire. Ce plancher, débordant de 2 pieds à peu près, présente à l’entrée une longue plate-forme sur laquelle on arrive par une échelle mobile. Son intérieur n’a pas ordinairement d’autre ouverture que la porte, et le pourtour est garni de tablettes pour étaler les fromages.

Fig. 39.

10° Brassoir ou moussoir. Ce sont des instrumens qui servent à rompre, à diviser et rassembler le caillé. Ils sont généralement très-simples, et consistent souvent, comme en Suisse, en une branche de sapin (fig. 40 A) dont on a conservé les ramifications à 4 pouces de la tige, dans la moitié de sa longueur, l’autre moitié étant unie, ou bien (fig. 40 B et C) qu’on a garnie de cercles de bois ou de branches diversement contournées. Dans le Milanais on fait usage d’un bâton de sapin, portant une rondelle à son extrémité (fig.40 E) ou dans lequel sont passées plusieurs chevilles (fig.40 D.) En Auvergne ils ont une autre forme (fig. 40 F, G, H,) et d’autres noms que nous ferons connaître plus loin.

Fig. 40.

11° Thermomètres d’essais. Ils sont utiles pour s’assurer de la température du lait mis en présure, et de la chaleur nécessaire pour cuire le caillé.

12° Une romaine pour peser les fromages ; elle est suspendue dans un coin de la cuisine ou du saloir.

13° Des petits barils pour conserver l’aisy ou petit-lait aigri, qui sert à faire le serai.

14° Un lactomètre pour s’assurer de la richesse du lait, de la soustraction de la crême et de l’addition de l’eau. Cet instrument a été décrit à l’article laiterie, page 9.

Fig. 41.

En Suisse et autres lieux on fait usage pour les essais d’une éprouvette, ou galactomètre, construite sur les mêmes principes que les aréomètres ordinaires. C’est une boule creuse (fig. 41) traversée par un axe dont la plus longue branche porte une division et dont l’autre sert de lest pour maintenir la position verticale de l’instrument. Le zéro (0) est à l’extrémité de la longue branche, et l’espace entre le zéro et la boule est divisé en 8 parties ou degrés qui sont subdivisés en quarts. La boule est lestée de manière qu’étant plongée dans l’eau distillée à 10° R., le zéro est à la surface du liquide. L’instrument descend d’autant plus que le liquide dans lequel on le plonge est plus léger. La crême est le principe le plus léger qui entre dans la composition du lait ; ainsi en diminuant la quantité qu’en contient ce liquide, on augmente la pesanteur spécifique du lait ; l’eau étant plus légère que le lait, diminue aussi sa densité en se mêlant avec lui ; l’instrument enfonce moins dans le premier cas et plus dans le second. L’éprouvette marque de 4 1/2 à 5° dans le lait naturel. Si on y mêle de l’eau, elle marque 3 3/4 à 4° suivant la proportion d’eau : si le lait est écrêmé, elle indique 5 1/4. Ainsi du lait dans lequel l’éprouvette monte plus haut que 5 est écrêmé ; si elle descend plus bas que 4, il est mélangé d’eau. Dans le cas où l’on aurait écrêmé et ajouté de l’eau, l’épreuve par le lactomètre à tube est le seul moyen de reconnaître la fraude. Ce lactomètre à tube, dans les fruitières de la Suisse où on en fait usage de la manière suivante, est un cylindre étroit de verre blanc, soutenu par un pied qui a 27 millim. (1 po.) de diamètre et 22 à 27 centim. (8 à 10 po.) de hauteur. On colle a l’extérieur de ce cylindre une bande de papier blanc, on verse le lait, et au bout de 12 heures on fait sur le papier 2 traces qui indiquent très-exactement l’épaisseur de la couche de crême montée à la surface ; on vide le lait, on lave le vase, et on y remet une quantité égale de lait du même troupeau dont la traite a été faite en présence de commissaires ; on place le vase dans le même lieu, à la même température, et au bout de 12 heures on observe ce second lait : la différence de l’épaisseur de la couche de crême indique s’il y a eu falsification du premier lait suspect.

Art. iii. — Préceptes généraux pour la fabrication des fromages.

La saison la plus convenable pour faire les fromages est depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de septembre, et dans les années favorables jusqu’au mois de novembre et pendant tout le temps que les vaches peuvent rester au pâturage. Dans quelques laiteries importantes on fabrique toute l’année lorsqu’on nourrit un grand nombre de vaches et que les provisions sont suffisantes pour fournir une nourriture convenable. Le fromage fait en hiver passe pour être d’une qualité inférieure, il exige plus de temps pour passer et devenir bon à être livré à la consommation ; cependant on peut faire aussi de bons fromages en hiver, en apportant tous les soins nécessaires à sa fabrication.

§ 1er. — 1re opération — Coagulation ou formation du caillé.
De la présure.

Le caillé peut se former en abandonnant le lait à lui-même, pendant un certain temps, à une température de 15 à 18° cent., ou bien en l’exposant à la chaleur d’un foyer ; mais on peut aussi séparer la matière caséeuse du sérum au moyen d’un grand nombre de corps de nature très-différente qui accélèrent cette opération. — Les acides de toute espèce, dit Chaptal, opèrent promptement la coagulation du lait écrêmé ; elle a lieu plus ou moins vite suivant la force des acides ; mais si on les emploie à forte dose, le petit-lait et la matière caséeuse en conservent la saveur, ce qui nuit à leur qualité. — Les sels avec excès d’acide, tels que la crême de tartre, le sel d’oseille, produisent le même effet, mais la coagulation n’est complète qu’autant que le lait est presque bouillant lorsqu’on y jette ces sels. — La gomme arabique en poudre, l’amidon, le sucre, etc., bouillis avec le lait, séparent le caillé en quelques minutes. — L’alcool précipite très-promptement la matière caséeuse sous la forme de molécules divisées qui se déposent dans le fond des vases. — Les plantes éminemment acides et les fleurs de quelques végétaux, telles que celles de l’artichaut, du chardon, caillent le lait. Leur vertu est très-puissante sur le lait chaud ; — mais la substance qui est le plus généralement employée, c’est la portion de lait caillé qu’on trouve dans l’estomac des jeunes veaux qu’on égorge avant qu’ils soient sevrés, et cet estomac lui-même. L’usage qu’on fait de cette substance lui a fait donner le nom de présure.

En Suisse, on prend un estomac frais ou caillette de veau qu’on vide du lait caillé qu’il contient, on le sale légèrement à l’intérieur, on le souffle, et on le fait sécher à une température modérée. Quelques jours avant de s’en servir, on le coupe en morceaux et on le jette dans 1 litre de petit-lait, ou d’eau tiède dans laquelle on a mis un peu de sel. Deux jours après, on peut se servir du liquide comme présure ; elle se conserve plusieurs semaines dans des vases fermés déposés dans un lieu frais. Seulement, après 4 à 5 jours, il faut avoir soin d’enlever les morceaux de caillette qui feraient fermenter la présure, et donneraient au fromage un goût désagréable.

Dans quelques autres endroits on hache très-menu la caillette, on y ajoute quelques cuillerées de crême et du sel, de manière à en faire une bouillie qu’on met dans une vessie et qu’on fait sécher. La veille du jour où l’on doit s’en servir, on en délaie une quantité suffisante dans l’eau chaude. — En Lombardie, l’estomac vidé, salé et séché, est coupé très-menu, mêlé à du sel et à du poivre en poudre, et le tout transformé en une bouillie épaisse avec du petit-lait ou de l’eau. Quand on veut s’en servir, on en met dans un linge qu’on plonge et qu’on promène dans le lait chauffé. — Dans le Limbourg, on ne vide pas l’estomac, on le sèche seulement un peu et on le remplit d’eau tiède et d’une poignée de sel ; après 24 heures, on filtre le liquide qui a séjourné dans l’estomac, et on s’en sert comme de présure. D’autres enfin font macérer pendant 24 heures et plus l’estomac frais dans une saumure.

3° Suivant Marshal, il faut prendre l’estomac d’un veau aussitôt après qu’il a été tué. On retire tout le lait caillé qui est dedans, on lave le sac à plusieurs eaux froides, ensuite on le sale en dedans et en dehors de manière à ce qu’il reste imprégné d’une couche de sel ; on le met dans une terrine ou pot de grès, il reste 2 ou 3 jours. Au bout de ce temps on ôte la poche de la terrine et on la suspend pendant 2 ou 3 autres jours pour qu’elle sèche ; après cela elle est salée de nouveau, et lorsqu’elle a bien pris le sel, on la coupe, et on la fait sécher sur des planches. Elle peut alors se conserver dans un lieu sec, ou bien être déposée dans une terrine, seule ou avec une forte saumure, en la couvrant d’un morceau de parchemin piqué avec une forte épingle. Pour faire usage de cette préparation, on prend une poignée de feuilles d’églantier, 8 à 4 poignées de sel pour 3 litres d’eau ; on fait bouillir à petit feu, pendant environ un quart-d’heure, on tire à clair et on laisse reposer ; lorsque cette décoction est froide, on la verse dans un vase de grès avec la caillette salée, un citron ou limon coupé en tranches, et 1 once de clous-de-girofle ; ce qui donne à la présure une saveur agréable et une bonne odeur. Sa force dépend du temps pendant lequel on aura laissé infuser l’estomac dans la liqueur.

Mme Hayward, célèbre dans tout le Gloucester par son habileté dans l’art de diriger les travaux de la laiterie, prépare ainsi sa présure. Pour six estomacs secs, et salés d’une année, elle ajoute 2 citrons et 8 litres d’eau. Elle en prépare à la fois une grande quantité, 80 litres, parce qu’elle a reconnu que la présure est d’autant meilleure qu’elle est faite en plus grande quantité, et elle n’en fait usage qu’après 2 mois au moins de repos.

4° Une autre préparation a été indiquée par Parkinson. On prend l’estomac d’un veau de 6 semaines environ, et, après avoir ouvert cette poche, on en retire le caillé qu’on met dans un vase propre, et qu’on nettoie et lave à grande eau jusqu’à ce qu’il soit bien blanc et bien net ; on l’étend sur un linge pour le faire sécher, et on le met enfin dans un autre vase avec une bonne poignée de sel. Ensuite on prend la poche ou estomac lui-même, qu’on lave abondamment, et quand il est bien propre on le sale fortement en dedans et en dehors ; on y remet le caillé, et on place le tout dans un pot de grès recouvert d’une vessie pour intercepter l’air. Pour l’usage on ouvre le sac, on met le caillé dans un mortier de pierre ou un bol, on le bat avec un pilon de bois, on ajoute 3 jaunes d’œufs, 1/4 de litre de crême, un peu de safran en poudre, un peu de clous-de-girofle et de macis ou de muscade. Le tout, étant bien mêlé, est remis dans le sac, et on fait ensuite une forte saumure avec du sel et une poignée de sassafras bouilli dans l’eau ; quand cette saumure est froide et tirée à clair dans un vase de terre très-propre, on y ajoute 4 cuillerées de caillé préparé comme ci-dessus ; cette quantité suffira pour faire cailler 60 litres de lait.

Il existe plusieurs autres formules ou recettes pour la préparation et la composition de la présure, mais c’est toujours la caillette de veau qui en fait la base ; dans quelques pays on lui substitue la caillette d’agneau (comme dans le Cantal et l’Aveyron), de chevreau et même de cochon de lait ; l’essentiel est que ces casiaux soient bien lavés, salés et desséchés, ou conservés dans la saumure.

La saumure se prépare de la manière suivante. On verse dans une quantité d’eau quelconque et bouillante, du sel jusqu’à ce qu’elle refuse d’en dissoudre davantage ; on laisse refroidir complètement, et on passe cette dissolution saturée dans un linge ou une étamine.

La France tire de l’étranger, de la Suisse principalement, 10,018 kilog. de présure pour lesquels elle paie la somme de 12,381 francs.

On peut employer la caillette quelque temps après la salaison, mais elle est meilleure lorsqu’elle a été conservée quelque temps. Dans plusieurs fromageries on n’emploie que des caillettes salées d’une année à l’autre.

C’est une mauvaise méthode que de jeter la caillette coupée dans le lait pour le faire cailler ; il vaut beaucoup mieux la faire tremper dans de l’eau tiède, ou du petit-lait aigri, le soir, pour se servir du liquide le lendemain matin.

L’infusion d’un pouce carré de caillette salée et séchée est suffisante pour faire cailler 50 litres de lait.

On met une caillette pour un litre et quart de saumure, ou de petit-lait aigri. Quand la présure est bonne, un quart de litre suffit pour 100 litres de lait. Dans l’Aveyron, sur les montagnes d’Aubrac, on met 4 caillettes d’agneau dans environ 23 kil. 5 de petit-lait, et on y ajoute 4 onces de sel tous les 4 jours ; dans 48 heures ce petit-lait forme la présure. On en verse environ 2 litres 1/2 dans un hectolitre de lait, et l’on remplace celle qu’on a dépensée par une égale quantité de petit-lait ; ensuite progressivement par une moindre quantité, et enfin on ne la remplace plus. A mesure qu’elle s’affaiblit, on en emploie davantage : au bout de 15 jours on en fait de nouvelle.

La meilleure caillette est celle qui au moment où on l’achète chez le boucher, exposée au grand jour, n’offre, vue par transparence, aucune tache, ni aucun point décoloré.

Quelle que soit la méthode que l’on adopte pour la préparation de la présure et sa conservation, on ne peut apporter trop de soins et de propreté dans ces opérations qui exercent une grande influence sur la qualité du fromage. — Il faut se garder d’user d’une présure trop nouvelle qui fait lever le fromage. — Il faut éviter de même de se servir d’une liqueur trop ancienne qui commencerait à s’altérer ; elle gâterait tout le fromage et lui communiquerait un mauvais goût.

La force de la présure n’étant pas constante, l’expérience est le seul guide. Un bon laitier se trompe rarement et juge très-exactement de sa force en l’essayant sur une petite quantité de lait. — On a proposé, pour remédier à l’incertitude où l’on est presque toujours sur la nature variable de la présure, de rejeter celle-ci et d’employer des acides minéraux ou végétaux d’une densité constante : l’expérience n’a pas jusqu’ici été favorable à cette manière de faire coaguler le lait.

II. Coloration des fromages.

En Angleterre on se sert du rocou pour donner aux fromages une couleur d’un jaune doré. Le rocou, arnatto ou annotto d’Espagne, est une pâte plus ou moins molle qu’on trouve partout dans le commerce. On met cette pâte dans un morceau de linge pour faire ce qu’on appelle un nouet. On trempe ce nouet dans le lait en le promenant et l’exprimant avec les doigts, ou on le presse contre les parois du baquet ; on remue le lait avec une spatule de bois pour bien mêler la couleur, et on retire le nouet lorsque le liquide a pris la teinte qu’on désire : la dose de rocou est de 30 gram. (1 once) environ pour un fromage de 50 kil. (100 liv.). — Le Parmesan est coloré avec le safran.

III. Formation du caillé.

La formation du caillé est une opération importante qui demande beaucoup d’attention et une grande habitude, parce qu’elle est sous l’influence de plusieurs circonstances très variables.

La température du lait est la première chose à considérer. On la détermine en plongeant dans le liquide la main, lorsqu’on a acquis le tact convenable, ou un thermomètre qu’on laisse quelque temps pour qu’il prenne la température réelle du lait. Il est reconnu, d’après un grand nombre d’expériences, que la chaleur la plus convenable est celle de 28 à 30° cent. (23 a 24 R.). Une à 2 heures sont le temps nécessaire pour obtenir une coagulation complète. Quant à la quantité de présure, elle varie suivant sa préparation, sa force et son ancienneté, la saison et souvent la nature du lait. En Angleterre on considère, terme moyen, l’emploi de 12 gram. (3 gros) de présure comme suffisant pour coaguler 10 litres de lait : c’est environ la 800e partie ; dans le Gloucester on ne fait pas usage de plus de 8 gram. (2 gros) pour la même quantité de lait, et encore moins en France pour plusieurs espèces de fromages. — Si le lait est trop chaud, on le rafraîchit avec un peu d’eau froide ou du lait froid de la traite précédente ; s’il est trop froid, on le réchauffe avec de l’eau chaude ou du lait chaud. La meilleure méthode de faire chauffer le lait est par l’intermède du bain-marie et avec la chaudière que nous avons décrite ci-dessus page 31. Lorsqu’on opère sur de petites quantités on se sert de vases de fer-blanc ou de zinc. Dans quelques pays on remue le lait pour qu’il ne se forme pas de pellicule à sa surface. La présure se met après la couleur, et aussitôt que le mélange est fait, on couvre le baquet afin que le lait ne perde que 2 degrés de sa température au moment de la mise en présure. On doit autant que possible employer la même personne pour faire chaque fois cette opération, parce que la pratique est le meilleur guide. Il faut moins de présure pour un lait chaud que pour celui qui est froid ; moins aussi pour celui qui est écrêmé que pour celui qui ne l’est pas. On reconnaît une bonne coagulation, lorsque le caillé forme une masse homogène sans grumeaux, qu’il est élastique et se coupe facilement. Dans le cours de cette manipulation, on aura égard à la saison, à l’état de l’atmosphère, à la nature du lait plus ou moins gras, plus ou moins aqueux, et à toutes les circonstances qui peuvent accélérer ou retarder la formation du caillé. Un fromage fait avec trop de précipitation est toujours de qualité inférieure : cette observation ne s’applique qu’au fromage non cuit.

§ II. — 2e opération. — Division ou rompage du caillé.

Lorsque le caillé est bien pris et qu’il est suffisamment raffermi, on le rompt afin de le diviser et de séparer le petit-lait. On procède à ce rompage de plusieurs manières ; la suivante paraît être la meilleure. On coupe le fromage avec le couteau à trois lames décrit précédemment et qui pénètre jusqu’au fond du baquet ; on va doucement en commençant, et on fait les incisions dans les deux sens à angles droits à un pouce de distance ; on a soin de détacher le caillé du tour du baquet, on laisse reposer 5 ou 6 minutes afin de lui donner le temps de se précipiter, on recommence ensuite les incisions, qui sont alors plus rapprochées. Après quelques minutes de repos on coupe de nouveau en agissant plus vivement, mais graduellement. Une main sert à mettre le caillé en mouvement avec l’écumoir pour ramener les gros morceaux à la surface, afin qu’aucun ne puisse échapper. Lorsque le fromage est ainsi divisé en morceaux très-petits et à peu près égaux, on recouvre le baquet et on laisse reposer. Quelques instans après, quand le caillé est tombé au fond du vase, on retire avec une écuelle le petit-lait, qu’on passe à travers un tamis fin, pour séparer tous les morceaux qui seraient entraînés. Cette manipulation peut durer un bon quart-d’heure ou demi-heure, selon la quantité. On coupe ensuite le caillé en gros morceaux ou pains carrés, qu’on rassemble dans le milieu du baquet, en les posant les uns sur les autres, pour qu’ils se ressuient et prennent de la consistance. On a soin d’enlever le petit-lait, en inclinant un peu le baquet pour le rassembler. On peut le faire écouler par un trou ménagé dans le fond, et qu’on bouche avec un morceau de bois.

On met ensuite le fromage dans les formes ou moules, en le divisant et le comprimant fortement avec les mains ; on remplit la forme, en mettant un peu plus de caillé dans le milieu ; on couvre d’un linge, et on met sous la presse, ou sous une planche chargée de poids, pendant une demi-heure. On retire ensuite la forme ; on enlève le fromage, que l’on brise en morceaux qu’on jette dans le moulin à rompre (Voy. p. 32), placé sur un tonneau. Par ce moyen, le fromage est réduit en particules très-fines, en une espèce de pulpe, promptement et sans peine, puisqu’un enfant peut tourner la mécanique. Un autre avantage, c’est que la pâte conserve les parties butireuses, qui, par l’ancienne pratique, sont perdues en s’attachant aux mains de l’ouvrier.

L’état du petit-lait indique si on a bien opéré. Lorsqu’il est clair et d’une couleur verdâtre, c’est une preuve que la coagulation a été bonne ; lorsqu’il est blanc et trouble, il entraîne du beurre, le fromage est fade et de peu de valeur ; le caillé est imparfait, il retient du petit-lait qu’on ne peut en séparer, et exige plus de sel, ainsi qu’une forte pression.

Une règle générale dans la préparation des fromages, surtout de ceux qui ne se font pas par la cuisson, c’est de mettre en une seule fois la quantité de présure pour opérer la coagulation complète. Quand on a manqué cette opération, le meilleur serait de faire un fromage cuit, en ajoutant un acide.

§ III. — 3e opération. — Manière de presser les fromages et de les traiter pendant la pression.

Après que le fromage a été suffisamment divisé et passé au moulin, on l’exprime autant que possible avec les mains. On remplit les formes, en ayant soin de comprimer fortement la pâte ; on la couvre d’un linge, et on renverse le fromage dessus ; on lave la forme dans le petit-lait chaud, on l’essuie, et on y remet le fromage enveloppé dans son linge, sur lequel on a versé un peu d’eau chaude, ce qui durcit ses parois et l’empêche d’éclater, de se fendiller. On porte le moule sous la presse, et on opère une pression graduée ; on le laisse 2 heures, après lesquelles on retire le moule pour changer de linge ; on le replace sous la presse, où il reste 12 ou 24 heures.

Des cercles et des filets sont employés pour entourer le fromage et l’empêcher de sortir par-dessus la forme. Ces cercles sont en étain ou en fer-blanc ; leur partie inférieure est engagée dans l’orifice du moule. Quelques-uns, au lieu de cercles métalliques, emploient des filets ou cercles de toiles claires. On enfonce un de leurs bords avec un couteau de bois entre le linge à fromage et la forme ; on ramène l’autre bord en serrant tout autour du fromage ; on le fixe avec de fortes épingles, de sorte qu’il s’applique exactement.

On pique le fromage, lorsqu’il est de forte dimension, avec des brochettes de fer, qu’on enfonce à travers des trous qui sont ménagés dans les cercles, formes ou ronds à fromages, et plus il est retourné et changé, mieux il se comporte. On le laisse rarement moins d’une heure et jamais plus de 2 heures après qu’il a été mis en presse la première fois, avant de le retourner et de le changer de linge.

On échaude le fromage dans quelques localités, surtout en Angleterre, en le plaçant au bout de 2 ou 3 heures, et sans linge, dans un vase rempli de petit-lait ou d’eau chaude. La trempe dure 1 heure ou 2. Cet échaudage durcit la croûte et l’empêche de lever, de former des creux ou réservoirs d’air. Quand l’opération est terminée, on essuie le fromage, et on l’enveloppe avec un linge sec pour le replacer dans sa forme bien nettoyée, et sous la presse. Quelquefois, pour donner issue à l’air, on le pique, sur la surface supérieure, à un ou deux pouces de profondeur, avec de petites aiguilles ; on le frotte avec un linge sec, et on le remet en forme. Cette opération dure 2 ou 3 jours, pendant lesquels il est retourné 2 fois par jour. On emploie à chaque fois des linges de plus en plus fins et clairs. Après ce temps, on le sort de la presse tout-à-fait. Au lieu de se servir, comme dans le Gloucester, de linges ou canevas en gaze, lorsqu’on retourne pour les deux dernières fois, afin qu’aucune impression de la toile ne reste à la surface, quelques personnes mettent le fromage à nu dans la forme ; de cette manière toute espèce de marque de la toile est effacée.

On peut se dispenser de l’échaudage pour les fromages qui se consomment sur place ; dans ce cas, ils prennent mieux le sel, se passent plus promptement et sont plus vite bons à manger.

Lorsque le linge reste sec au sortir de la presse, c’est un indice que le fromage ne contient plus de petit-lait.

§ IV. —4e opération. — Manière de saler.

La salaison se fait de 2 manières. Aussitôt que le fromage est sorti de la presse, on le place sur un linge propre dans la forme, on le plonge ainsi arrangé dans une forte saumure, où il reste plusieurs jours ; on l’y retourne au moins une fois par jour. — Autrement, on couvre la surface et on frotte les côtés avec du sel pilé chaque fois qu’on le retourne ; on répète cette opération plusieurs jours consécutifs, ayant soin de changer 2 fois le linge pendant ce temps. On commence la salaison 24 heures après la fabrication, et dans quelques laiteries, pendant la pression. En général, on sale quand le fromage est complètement pressé.— Dans l’une ou l’autre pratique les fromages ainsi traités sont ôtés de moule et placés sur des tables à saler. Pendant 10 jours on frotte la surface avec du sel fin une fois par jour ; si le fromage est gros, on l’enveloppe avec un cercle ou un filet, pour qu’il ne se fende pas, ensuite on le lave avec de l’eau chaude ou du petit-lait chaud, on l’essuie avec linge sec, on le place sur une planche à fromage pour sécher : il y reste pendant une semaine, on le retourne 2 fois par jour ; on le porte ensuite au magasin pour faire place aux autres.

La quantité de sel consommée est à peu près de 2½ k. (5 liv.) pour 50 k. (100 liv.) de fromage ; on n’a pas estimé la proportion qui est retenue. Les Hollandais mettent un soin tout particulier dans le choix du sel qu’ils emploient pour saler leurs fromages. Tantôt c’est un sel fin, évaporé en 24 heures, dont ils font usage surtout pour les fromages de Leyde ; tantôt un sel évaporé en 3 jours qui sert à imprégner à l’extérieur les fromages d’Edam et de Gouda, et qui est en cristaux d’un demi-pouce cube ; tantôt, enfin, un sel en gros cristaux, d’un pouce cube, obtenus après une évaporation lente soutenue pendant 5 jours, et qui sert aux fromages les plus fins. Ils sont aussi très-scrupuleux sur la quantité de chacun des sels qu’ils donnent à chaque sorte de fromage, et ont depuis long-temps déterminé cette quantité avec la plus exacte précision.

Lorsque le fromage sort de la presse pour être transporté au saloir, on le tient chaudement jusqu’à ce qu’il ait sué, qu’il soit sec et raffermi d’une manière uniforme.

§ V. —5e opération. — Maturation et traitement au magasin.

Lorsque les fromages ont été salés et sèches, on les porte au magasin. Là, ils sont placés sur des tablettes ou casiers jusqu’à ce qu’ils soient passés, pendant un temps plus ou moins long, suivant l’espèce. Pendant les 10 ou 15 premiers jours on les frotte vivement avec un linge une fois par jour, ou on les enduit avec du beurre. Durant tout le temps de leur séjour au magasin on les surveille journellement, on les retourne de temps en temps, on les frotte ordinairement 3 fois par semaine en été et 2 fois en hiver, toutes les fois qu’il se forme un léger duvet à la surface.

Ces principes généraux s’appliquent plus particulièrement à la fabrication des fromages non cuits. Dans les fromages cuits, la seule différence est dans la coagulation à une température plus élevée et une cuisson particulière du caillé. Les autres opérations sont à peu près les mêmes. On verra dans les procédés qui vont être décrits qu’une légère variation dans la manipulation et la forme des ustensiles fait varier d’une manière plus ou moins grande la qualité des fromages dans le même pays ou des lieux peu éloignés les uns des autres. Employer du bon lait, suivre de bonnes méthodes, sont les conditions nécessaires, avec un peu d’habitude, pour faire de bons fromages et utiliser avantageusement tous les produits du lait.

Art. IV. — Procédés particuliers de fabrication.

Nous distribuerons les fromages en quatre catégories ; savoir : 1o Fromages faits avec le lait de vache ; — 2o Fromages faits avec le lait de brebis ; — 3o Fromages faits avec le lait de chèvre ; — 4o Fromages faits avec plusieurs laits mélangés.

§ 1er. — Fromages de lait de vache.
I. Fromages mous et frais.

On en fait de trois sortes : 1o Fromage maigre à la pie, avec le lait écrêmé ; 2o Fromage avec le lait non écrêmé : leur fabrication n’offre rien de particulier : c’est tout simplement du caillé égoutté ; 3o fromage à la crême avec addition de tout ou partie de la crême de la traite précédente, et qui exige quelques détails.

1er. Fromages de Viry, Montdidier, Neufchâtel.

On met environ 2 cuillerées de présure dans 8 ou 10 litres de lait chaud, auquel on a ajouté de la crême fine levée sur le lait du matin. Trois quarts-d’heure après, quand le caillé est formé, on le dépose, sans le rompre, dans un moule en bois, en osier ou en terre, percé de trous et garni d’une toile claire. On le comprime avec un poids léger placé sur la rondelle qui le recouvre. À mesure que le fromage égoutte, on le retourne avec précaution, et on le change de linge toutes les heures. Lorsqu’on peut le manier sans risque de le casser ou de le déformer, on l’ôte de l’éclisse et on le dépose sur un lit de feuilles ou de paille. Les meilleures feuilles pour cet objet sont celles de frêne. Le fromage est bon à manger pendant huit ou quinze jours ; il est alors moelleux et agréable. On lui donne quelquefois ce qu’on appelle un demi-sel ; il se conserve alors plus long-temps dans un endroit frais, qui ne soit pas toutefois trop humide ou trop sec. C’est par un procédé analogue que l’on prépare les fromages de Viry, de Montdidier et de Neufchâtel, qui se mangent frais à Paris. Ces derniers sont en petits cylindres longs de trois pouces sur deux de large, enveloppés dans du papier Joseph, qu’on mouille pour les tenir frais.

II. Fromages mous et salés.
2e. Fromage de Neufchâtel.

La fabrication des fromages de Neufchâtel salés, qui sont vendus à Paris sous le nom de bondons, a été très-bien décrite par M. Desjoberts, de Rieux (Seine-Inférieure), et nous lui empruntons ce que nous allons en dire ici. Après chaque traite de la journée on transporte le lait à l’atelier ; on le coule tout chaud, à travers une passoire (Voy. Lait, fig. 9 à 13), dans des pots ou cruches de grès qui contiennent 20 litres. On met en présure, et on place les cruches dans des caisses recouvertes d’une couverture de laine. Le 3e jour au matin on vide ces cruches dans un panier d’osier, qu’on pose sur l’évier ou table à égoutter ; les paniers sont revêtus en dedans d’une toile claire. Le caillé, qu’on laisse ainsi égoutter jusqu’au soir, est retiré ensuite du panier, enveloppé dans un linge, et mis à la presse, sous laquelle il reste jusqu’au 4e jour au matin. Alors on remet le caillé dans un autre linge propre ; on le pétrit, on le frotte dans le linge en tous sens, jusqu’à ce que les parties caséeuses et butireuses soient bien mêlées, que la pâte soit homogène et moelleuse comme du beurre ; si elle est trop molle, on la change de linge ; si elle est trop ferme ou cassante, on y ajoute un peu de la pâte du jour, qui égoutte. Pour presser, on fait usage de la presse à poids, qu’on charge graduellement.

Quant au moulage, il se fait dans des moules cylindriques de fer-blanc de 5½ cent. (2 po.) de diamètre, sur 6 cent. (2 po. ¼) de hauteur. On fait des pâtons ou cylindres un peu plus gros que le moule ; on les place dans celui-ci, qu’ils dépassent des 2 bouts ; en tenant un moule de la main gauche, on y met chaque pâton de la main droite. On pose le moule sur la table, et appuyant dessus la paume de la main gauche, on fait sortir l’excédant, en comprimant pour qu’il ne se trouve aucun vide. On râcle avec un couteau le dessous et le dessus du moule ; puis on fait sortir le pâton en prenant le moule dans la main droite, en le frappant légèrement, et en le tournant de la main gauche, il serait peut-être plus commode d’avoir un moule qui pût se briser dans sa longueur en 2 parties, retenues aux extrémités par des cercles.

Au sortir du moule, le fromage est salé avec du sel très-fin et sec. On saupoudre d’abord ses deux bouts, et ce qui reste dans la main suffit pour le tour, qu’on en imprègne en roulant le pâton dans la main. On emploie une livre de sel pour 100 fromages. À mesure qu’on les sale, ces pâtons sont placés sur une planche qu’on dépose sur les tables. Là ils égouttent jusqu’au lendemain, où les planches sont portées sur des claies ou châssis à claire-voie, garnis d’un lit de paille fraîche. On couche les bondons par rangs égaux en travers du sens de la paille, assez près les uns des autres, mais sans se toucher. Ils restent ainsi pendant 15 jours ou 3 semaines, et on les retourne souvent pour que la paille n’y adhère pas. Lorsqu’ils ont un velouté bleu on les transporte au magasin ou chambre d’apprêt. Là ils sont posés debout sur des claies garnies de paille, et retournés de temps en temps. Au bout de 3 semaines, on voit paraître des boutons rouges à travers leur peau bleue ; c’est un signe qu’ils sont arrivés au point ou on peut les mettre en vente. Cependant ils ne sont pas encore assez affinés en dedans pour être mangés ; il leur faut encore une quinzaine à peu près pour compléter cet affinage. A Paris, les marchands les affinent à la cave suivant leur débit. Ces fromages demandent beaucoup de soins et d’attention au magasin. Lorsqu’on veut les garder longtemps, on les fait sécher davantage. Ils peuvent être affinés de la même manière que les fromages de Brie.

3e. Fromage de Brie.

C’est un fromage très-bon lorsqu’il est fait avec tous les soins convenables. On en rencontre de beaucoup d’espèces, mais peu de parfaits. Il s’en fait une grande consommation à Paris, et sa fabrication, qui offre peu de difficulté, demande cependant beaucoup d’attention et de propreté. Les meilleurs se font en automne ; ceux des autres saisons se mangent à demi-sel et non passés. Quelquefois il s’en trouve parmi ces derniers de fort bons.

Coagulation. On prend le lait chaud de la traite du matin, qu’on passe inmmédiatement il travers un linge ; on ajoute la crême de la traite du soir de la veille, et, avec de l’eau chaude, on amène le mélange à la température de 30° à 36° centig. pour faire prendre le lait. On met la présure dans un nouet de linge fin ; on la délaie, ainsi enveloppée, dans le lait. Une cuillerée suffit pour 12 litres de lait. On couvre, et on laisse en repos une bonne demi-heure. Si le caillé n’est pas formé, on remet un peu de présure, et on couvre de nouveau.

Egouttage. Lorsque le caillé est formé, on le remue dans le sérum, d’abord avec un bol ou écuelle de bois, puis avec les mains. On le presse dans le fond du vase ; on l’enlève ensuite avec les mains ; on en remplit le moule en pressant fortement ; on le couvre avec une planche, qu’on charge, pour le comprimer, avec des poids. Ces fromages ont 32 cent. (1 pi.) environ de diamètre, et 27 mill. (1 po.) d’épaisseur.

Pression. Lorsque le fromage est égoutté, on met un linge mouillé sur la planche du moule, et on y renverse le fromage. On étend un linge dans le moule ; on y replace le fromage, qu’on enveloppe ; on met le couvercle, et on le porte sous la presse. Au bout d’une demi-heure, le linge est changé et le fromage pressé de nouveau. Cette opération est répétée toutes les 2 heures jusqu’au soir du lendemain ; la dernière fois, le fromage est mis à nu dans la forme, et pressé sans linge pendant une demi-heure ou plus.

Salaison. Au sortir de la presse, le fromage est mis dans un baquet peu profond, et frotté avec du sel fin et sec des 2 côtés. On le laisse reposer toute la nuit, et le lendemain il est frotté de nouveau ; puis on le laisse 3 jours dans la saumure, au bout desquels on le met sécher dans la chambre aux fromages, qui doit être sèche et aérée, et meublée de tablettes garnies d’un tissu de jonc ou de paille appelé cajot, et en ayant soin de le retourner et de l’essuyer une fois par jour avec un linge propre et sec ; il est utile que la dessiccation soit prompte. Ces fromages se gardent en cet état jusqu’au moment de les affiner.

Affinage. Pour procéder à cette opération, le fromage est placé dans un tonneau défoncé, sur un lit de menues pailles ou balles d’avoine de 3 ou 4 pouces d’épaisseur ; on le couvre d’un lit de la même paille et de la même épaisseur ; on continue cette stratification en couches alternatives de paille et de fromages jusqu’au-dessus du tonneau, en ayant soin de finir par la paille. Quelques personnes, pour empêcher que ces menues pailles n’entrent dans la croûte, étendent d’abord dessus et dessous des cajots de paille fine. Le tonneau est porté dans un endroit frais, mais sans être humide. En peu de mois les fromages s’y ressuient, leur pâte s’affine, et, comme ils sont pleins de crême, ils deviennent bientôt très-délicats. Traités ainsi, les fromages finissent par couler ; c’est le signe d’un commencement de fermentation, qui amènerait la décomposition. La pâte alors se gonfle, fait crever la croûte, et s’écoule sous forme de bouillie épaisse, d’abord onctueuse, douce et savoureuse, mais qui ne tarde pas à prendre un goût piquant et désagréable, à mesure que la putréfaction fait des progrès. Il y a un moment précis qu’il faut saisir pour les manger à leur point de perfection.

A Meaux, on ramasse soigneusement la pâte des fromages, à mesure qu’elle s’écoule, sur des planches tenues très-proprement ; on la renferme dans des petits pots alongés, que l’on bouche exactement. — On n’attend pas toujours que les fromages coulent pour empoter la pâte. Quelquefois, au sortir du tonneau, on met à part ceux qui, trop avancés, ont une disposition à couler, et ne pourraient pas supporter un transport. On enlève la croûte, et on comprime la pâte qui se trouve au milieu dans des pots qui sont bouchés avec du parchemin. On les vend sous le nom de fromages de Meaux.

Le prix des fromages de Brie varie suivant la qualité. On les vend 1 et jusqu’à 2 francs le fromage pesant de 1 à 1 ½ kilog. (2 à 3 liv.). Ces fromages sont fabriqués aussi dans plusieurs villages des environs de Paris, surtout auprès de Montlhéry, et, quand ils sont bien choisis, ils sont d’une pâte fine et assez douce. On en a fait aussi avec succès à Belle-Isle-en-Mer, et cet exemple pourrait être suivi dans beaucoup d’autres localités.

4e. Fromage de Langres (Haute-Marne).

On prend le lait au sortir du pis de la vache, on le coule, et on met la présure à raison d’une cuillerée de celle-ci pour 6 litres de lait. On laisse en repos, en conservant au mélange sa chaleur, et lorsque le lait est pris, on dresse le caillé dans les formes, qu’on laisse égoutter dans un endroit chaud. Les fromages restent ainsi pendant 24 heures, au bout desquelles ils sont retirés des formes et posés sur des couronnes de paille ou des ronds en osier pendant 5 ou 6 jours, pour les laisser égoutter et sécher. Après ce temps on sale le fromage d’un côté ; on met 30 gram. (1 once) de sel par ½ kilog. (1 liv.) de fromage. Lorsque le sel est fondu, on sale l’autre côté, en ayant soin pendant la salaison de tenir les fromages dans un endroit aéré, sec et chaud. Au bout de 8 jours de sel, ils sont lavés avec de l’eau tiède, en passant la main dessous, dessus et tout autour. Cette opération est répétée au bout de quelques jours, lorsqu’ils présentent quelques taches de moisi, ou s’ils sont trop secs. Au bout de 15 ou 20 jours, si le fromage a pris une teinte d’un jaune nankin, on le met à la cave dans des pots de grès ou des caisses de sapin. Dans cet état, on le visite tous les 8 jours pour enlever les taches de moisissure qui paraissent à l’extérieur. Pour cet objet, il faut passer sur la surface la main trempée dans l’eau chaude, et les frotter avec un linge, en les grattant si la tache est profonde.

Ces fromages se fabriquent en septembre et octobre, et il faut avoir grand soin de les garantir de l’approche et des attaques des mouches. On peut aussi les faire en hiver, en travaillant dans un endroit chauffé convenablement ; et il ne serait pas difficile d’accélérer leur préparation, en les pressant légèrement pour faciliter la sortie du petit-lait. Lorsqu’on réunit pour leur fabrication le lait de 2 traites, il faut avoir soin de les bien mélanger, et d’amener le tout à la température convenable ; mais il faut également éviter d’opérer à une température trop élevée, qui donnerait trop de consistance au caillé. Ce fromage est très-bon et assez recherché dans Paris.

5e Fromage d’Epoisse (Côte-d’Or).
Pour sa fabrication on se sert de la présure suivante : Prenez caillettes pleines 
 4          
Eau-de-vie à 22° 
 4 litres.
Eau commune 
 12   id.   
Poivre noir 
 12 gram.
Sel de cuisine 
 1 kilog.
Girofle, fenouil, de chaque 
 8 gram.
Coupez les caillettes par morceaux, après les avoir lavées, ainsi que le caillé qu’elles renfermaient, et mettez le tout infuser pendant 6 semaines ; après ce temps, filtrez à travers du papier gris ou sans colle, et mettez en bouteille ; enfin versez sur le marc de l’eau salée qui servira pour une autre préparation. En général, pour tous les fromages gras, c’est la présure filtrée et claire qu’il faut employer.

On prend le lait au sortir du pis de la vache ; on le coule ; on ajoute la présure de manière à obtenir une coagulation lente, comme pour le fromage mou. Le caillé étant formé, on l’enlève avec une écumoire ; on en remplit, par couches successives, des moules en fer-blanc, qu’on fait égoutter, ayant soin de remettre du caillé a mesure qu’il s’affaisse, pour que le moule soit plein. Quand la matière a pris assez de fermeté, les fromages sont renversés sur des paillassons placés sur une claie, où ils finissent de s’égoutter. En cet état, on peut les manger frais après vingt-quatre heures.

Ceux que l’on veut garder sont salés, et restent plus long-temps sur la claie. Il serait peut-être préférable de les soumettre à une légère pression. Pour les saler on prend du sel gris fin et sec, dont on les saupoudre sur toutes les faces, et en les frottant avec la main. Après cette opération ils sont placés sur de la paille fraîche, dans un lieu aéré, et retournés tous les 8 jours. Lorsqu’ils commencent à verdir, on les frotte avec la paume de la main trempée dans l’eau salée, pour les polir et leur faire prendre une teinte rouge qui indique qu’ils sont arrivés à leur point de perfection. On les fait sécher dans cet état pour les garder ou les mettre dans le commerce. On les affine à la cave, comme les fromages de Brie, au moment où on veut les consommer. Comme ceux de Langres, avec lesquels ils ont beaucoup d’analogie, ils se fabriquent en septembre et octobre, et jusqu’au 15 ou 20 novembre.

6e Fromage de Marolles (Nord).

On prend le lait chaud sortant de la vache ; on met en présure. Le caillé est place dans des formes ou moules carrés, dans lesquels on le laisse égoutter. On le presse ensuite légèrement avec une planche et des poids ; puis on l’enlève du moule pour le mettre à plat sur des paillassons. On le sale, en le frottant de tous les côtés avec du sel fin. En cet état, le fromage est abandonné quelques jours, en ayant soin de le retourner ; ensuite il est mis sur des claies et sur champ pour le faire sécher. La manière de l’affiner est toute particulière. Pour cela on le met à la cave, en le mouillant avec de la bière. — On fait des fromages de Marolles gras, des fromages crêmeux et des fromages maigres. Dans le pas, on en mange de fort bons qui sont traités comme les fromages de la Bresse. Ceux du commerce sont moins bien soignés, passés en masse dans des caves, ils répandent souvent une odeur forte qui annonce une fermentation plus avancée. Ce sont les classes pauvres à Paris qui en font la plus grande consommation.

7e Fromage de Livarot (Calvados).

On prend le lait provenant de 2 ou 3 traites des jours précédens, et après qu’on les a écrêmées dans les terrines où chacune d’elle a été déposée, la traite du soir est mise sur le feu et chauffée jusqu’à l’ébullition ; on y ajoute alors le lait écrêmé des traites précédentes, en brassant et mêlant avec soin, et on met en présure le tout encore tiède ; le baquet est ensuite couvert, et une heure après le caillé est pris. Il est alors coupé en différens sens avec une spatule de bois, puis mis sur des nattes de jonc, où il s’égoutte, et déposé ensuite dans les éclisses, où il achève de s’égoutter. On le sale enfin, et on le laisse se faire, en ayant soin de le retourner de temps à autre.

Le fromage de Camenbert (Orne) se fait de la même manière. — Pour le fromage de Mignot de la vallée d’Auge, on fait bouillir la traite du matin, que l’on tient tiède jusqu’à midi, on écrême et on y mêle la traite du moment ; on met en présure et on gouverne, du reste, la fabrication comme pour les précédens.

Les formes sont des cercles de frêne, ordinairement de 16 cent. (6 po.) de diamètre, sur 10 cent. (4 po.) de hauteur. — Lorsque le lait n’est pas écrêmé, le fromage est bien supérieur.

8e Fromage de Gérardmer ou Géromé (Vosges).

Ce fromage se fabrique avec le lait de plusieurs traites, modérément chauffé ; ce lait est mis en présure par les procédés ordinaires, et le caillé est de même égoutté sur des claies d’osier, mis en moule, puis sous la presse, enfin salé avec du sel de Lorraine, qui lui communique, dit-on, une saveur particulière. On ajoute généralement au caillé un peu de cumin pour lui donner un arome agréable.

9e Fromage de la Herve ou fromage persillé du Limbourg.

Pour fabriquer ce fromage, il faut prendre un caillé de lait non écrêmé, bien séparé du sérum, et y ajouter par chaque kilog. (2 liv.) de fromage, du sel, du persil, des ciboules, de l’estragon, hachés menus, de chaque une forte pincée. Lorsque le mélange est bien exactement fait, le fromage est mis en moule, égoutté pendant 36 heures, retiré, puis exposé avec précaution sur une claie d’osier, garnie de paille, et enfin placé ainsi dans un lieu aéré et assez chaud pour qu’il sèche dans l’espace de 6 jours. Alors on le porte à la cave sur de la paille fraîche, en le recouvrant d’une légère couche de sel. Lorsqu’après un certain temps il se forme à la surface un léger duvet végétal, on le nettoie avec une brosse trempée dans de l’eau dans laquelle on a délayé une terre ocreuse, et cette opération est répétée 3 fois pendant les 3 mois qui sont nécessaires pour qu’il soit bon à manger. — Lorsqu’il est bien préparé, son intérieur est veiné de rouge, de bleu, de jaune. — Son goût est agréable et sa consistance un peu ferme.

III. Fromages à pâte ferme soumis à la presse.
10e Fromage anglais du Cheshire ou Chester.

Pour fabriquer le fromage de Chester, on met à part le lait de la traite du soir jusqu’au lendemain, et pour empêcher qu’il ne s’aigrisse, ce liquide est versé de suite dans un rafraîchissoir en fer-blanc ou en zinc, qu’on plonge dans l’eau froide, surtout l’été. Le lendemain matin la crême est enlevée et mise dans un vase de cuivre qu’on chauffe avec de l’eau bouillante. On élève de la même manière la température du tiers du lait écrêmé ; ensuite le lait de la traite du matin est coulé dans un large baquet, et on y mêle le tiers de lait écrêmé et chauffé qu’on a mélangé avec la crême, à une température qui n’excède pas 28° à 30° cent. On colore avec le rocou ; on ajoute la présure, et on couvre le tout pour le tenir chaud pendant une demi-heure au plus, et jusqu’à ce que le caillé soit formé. Ce caillé est ensuite retourné en masse avec une cuillère en bois ou une écuelle pour séparer le petit-lait, et peu de temps après il est ouvert et rompu par les moyens déjà décrits. On le laisse reposer un moment en cet état, puis on retire la plus grande partie du petit-lait avec un bol ; le caillé étant resté au fond du baquet, on en exprime le liquide autant que possible, et lorsqu’il est devenu plus solide et plus ferme, l’ouvrier le coupe en plus petits morceaux, le retourne souvent, et le comprime avec des poids pour exprimer le plus possible le sérum ; alors il est retiré du baquet, divisé avec les mains en parties aussi minces qu’on peut le faire, et placé dans la forme, où on le comprime d’abord avec les mains et ensuite avec des poids. Après cela on le remet dans une autre forme, ou bien dans la même, après qu’elle a été échaudée, et dans laquelle il est encore rompu, divisé et pressé. On le retourne ensuite en le plaçant dans une 3e forme, garnie d’une toile, et munie à sa partie supérieure d’un cercle en étain qui entre dans le moule, et qui est enveloppé d’une toile fine et très-propre ; le tout est alors mis sous la presse. Ces manipulations durent environ 6 heures, et il faut ensuite plus de 8 heures pour donner la 1re pression au fromage. Pendant ce temps il est retourné 2 fois en changeant chaque fois de linge, et quand il est sous la presse on enfonce à travers les trous de la forme des broches fines en fer, pour faciliter l’écoulement du petit-lait. Le lendemain matin et le soir qui suivent, le fromage est retourné et pressé de nouveau. On en fait autant le 3e jour ; après quoi il est transporté au saloir. Là on le frotte à l’extérieur avec du sel pilé, on l’entoure d’un linge, on le met ainsi arrangé dans un baquet avec de la saumure, où il reste 2 ou 3 jours, avec l’attention de le retourner tous les jours. Il est ensuite placé sur des tablettes, et pendant 8 jours on le saupoudre de sel en le retournant 2 fois par jour. Pour le perfectionner, on le lave à l’eau chaude ou avec du petit-lait chaud ; on l’essuie et on le laisse sécher 3 jours, pendant lesquels il est retourné et essuyé une fois par jour. Enfin, lorsqu’il est bien sec, on le frotte avec du beurre frais. Ces fromages sont ensuite portés au magasin, où pendant une semaine ils sont retournés tous les jours. Ce magasin doit être une chambre modérément chaude et privée de l’accès de l’air, parce qu’autrement la croûte du fromage se fendillerait.

Le Chester est conservé en magasin pendant long-temps, et si on ne le force ou avance pas par des moyens artificiels, il est rare qu’il soit mûr ou fait avant 3 ans. — Au reste, ce fromage a la consistance du Parmesan ; mais sa saveur est moins agréable ; il se vend très-cher en France, et sa fabrication n’offre aucune difficulté. On fait des fromages de Chester qui pèsent jusqu’à 50 kilog. (100 liv.), et on prétend que ce sont les meilleurs. Il s’en fait aussi de plus petits, auxquels on donne la forme d’une pomme de pin, et qui sont connus à Paris sous le nom de Chester ananas.

Les fromages de Chester varient suivant la quantité de crême qui entre dans leur pâte. — On peut aussi les fabriquer avec le lait d’une seule traite et chaud ; ou bien avec le lait d’une traite et une portion de la traite précédente écrêmée ; enfin on en fait aussi avec le lait écrêmé. — La méthode la plus usitée est celle dans laquelle on réunit 2 traites, sur l’une desquelles on enlève la crême, parce qu’on a reconnu qu’en mêlant cette crême, légèrement chauffée, avec le nouveau lait, elle s’unissait et s’incorporait beaucoup mieux avec lui. — Dans quelques laiteries on sépare une partie de la crême du soir pour faire du beurre, et on emploie tout le lait écrêmé. Dans d’autres, au contraire, on ajoute toute la crême et on supprime une portion du lait écrêmé.

11e Fromage anglais de Gloucester.

On en distingue 2 sortes, le double et le simple. Le 1er se fait avec du lait d’une seule traite et frais. Le second se fabrique avec le lait du soir, dont on enlève la moitié de la crême ou la totalité, et le lait chaud du matin. Nous allons faire connaître le procédé suivi par Mme Hayvard dans le Gloucestershire pour cette fabrication, parce qu’il nous a paru le meilleur et propre adonner de bons résultats. — On prend un baquet assez grand pour contenir tout le lait de la traite qu’on veut transformer en fromage, on pose en travers sur ce baquet un châssis oblong, couvert en entier par une toile claire qui déborde, et on place dessus un tamis de crin. Le lait, aussitôt après la mulsion, est coulé à travers cet appareil, et si la température du liquide était moindre de 25° à 26 cent., on réchaufferait au bain-marie une partie de ce lait pour ramener la totalité à la chaleur convenable. Si le lait est trop chaud, on le refroidit, au contraire, en y mêlant de l’eau froide, surtout en été.

Ces préliminaires terminés, on colore avec le rocou et on met ensuite en présure. Celle dont il faut se servir a été décrite précédemment, pag. 36. Dès qu’elle est introduite, le baquet est couvert avec un linge de laine et abandonné pendant une heure.

Lorsque le caillé est formé et assez ferme, on le coupe doucement et avec précaution avec le couteau à 3 lames, fig. 33. Ce caillé est ensuite passé au moulin, fig. 35 et 36, et quand il est réduit en une pulpe homogène, Mme Hayward ne l’échaude pas, comme cela se pratique généralement dans le Gloucester, parce qu’elle a reconnu que le fromage était plus gras lorsqu’il n’avait pas subi l’action de l’eau bouillante ; mais elle le met de suite dans le moule en le comprimant fortement avec les mains. Au fur et à mesure qu’on remplit la forme, on presse la masse autant que possible, on arrondit le dessus au milieu, de manière à ce qu’il y ait exactement autant de fromage qu’il en faut pour remplir juste la forme après la pression ; on étend alors une toile fine sur cette forme, et on jette un peu d’eau chaude dessus pour durcir les parois du fromage et empêcher la pâte de se fendre. On renverse ensuite le fromage hors du moule sur un canevas. La forme est trempée dans du petit-lait chaud pour la nettoyer, et on y remet le fromage enveloppé dans sa toile, qui est repliée sur la partie supérieure et dont les bords sont engagés dans la forme. Les moules ainsi remplis sont placés sous la presse les uns sur les autres ; le fromage y reste 2 heures, après lesquelles on le retire et on remplace par un linge sec, opération qui se répète plusieurs fois pendant le cours de la journée.

Lorsqu’on a donné une toile sèche et propre aux formes, elles sont transportées sous une autre presse, placée dans une chambre voisine, sous laquelle elles restent les unes sur les autres jusqu’à la salaison. Les fromages qui sont faits le soir prennent dans la presse la place de ceux du matin, et les 1ers sont à leur tour déplacés par ceux du lendemain matin ; de sorte que les fromages fabriqués les derniers sont toujours placés les plus bas dans la presse, et que ceux des fabrications précédentes s’élèvent successivement en raison de leur ancienneté. Le même ordre doit être observé dans toutes les pressées qui suivent, et pour ne pas se tromper on peut mettre une marque ou un numéro sur les moules.

Les fromages de Gloucester sont salés généralement 24 heures après la fabrication ; quelques-uns le sont au bout de 12 heures. La salaison ne doit généralement commencer que lorsque la croûte est lisse et serrée ; s’il y a des fentes ou crevasses au moment où on les imprègne de sel, la peau ne se resserre plus. La salaison se fait en frottant avec la main le dessous, le dessus et les parois avec du sel desséché et en poudre fine. Les fromages salés sont alors retournés et placés dans l’ordre indiqué. On sale 3 fois le simple et 4 fois le double Gloucester, et on met un intervalle de 24 heures entre chaque salaison. Après la 2e ou la 3e, on retourne les fromages sans linge dans le moule pour effacer la marque de la toile, et afin que la surface soit unie et les bords nets et anguleux. Le double reste en presse 5 jours et le simple 4 ; c’est pourquoi dans un atelier où l’on fabrique journellement, On doit avoir des formes et des presses en nombre suffisant pour 4 ou 5 jours. La dose de sel employée est de 1½ à 2 kil. (3 à 4 liv.) pour 60 kil. (100 liv.) de fromage ou 5 fromages de 10 kilog. (20 liv.) chaque, poids ordinaire du Gloucester. — Lorsque ces fromages sont sortis des formes, on les met sur des tablettes pendant un jour ou deux, on les retourne toutes les 12 heures, ensuite on les porte dans le magasin ou grenier, où ils sont rangés sur le casier et retournés une fois par jour. Un mois après leur sortie des formes, les fromages sont propres à être nettoyés. Cette opération se fait avec un couteau ; l’ouvrier qui en est chargé s’asseoit sur le plancher, prend un fromage entre ses jambes, râcle la surface, en enlève toutes les croûtes, et les polit sans en endommager la peau. Avant de les expédier pour le marché de Londres, lorsqu’ils sont nettoyés, on les enduit, en les frottant avec un chiffon de laine, d’une peinture composée de rouge indien et de brun d’Espagne, délayés avec de la petite bière. Après cette opération ils sont replacés sur le casier, retournés 2 fois par semaine, et plus souvent si le temps est humide, et aussitôt que l’état de la peinture le permet, on les frotte fortement avec un linge une fois par semaine sur les bords, et à un pouce des arêtes de chacune des faces du fromage.

Les signes caractéristiques du vrai Gloucester sont une chemise ou couche bleue qui s’aperçoit à travers la peinture sur les parois, et qui est un indice de leur richesse et bonne fabrication ; une teinte jaune et dorée sur leurs arêtes ; une texture homogène et serrée, ayant l’apparence de la cire ; une saveur douce, moelleuse ; une pâte qui ne s’émiette pas lorsqu’on la coupe en tranches minces, ne se sépare pas de la matière huileuse lorsqu’on met celles-ci sur le feu, et s’amollit sans se brûler. Si le fromage s’est aigri pendant la fabrication, soit parce qu’il a été soumis à une manipulation trop prolongée, soit par défaut de propreté des ustensiles, rien ne peut lui donner cette chemise bleue qui sert à le distinguer. Si le caillé a été salé au moment où on le rompt, comme cela se pratique trop souvent, le sel a pour effet de produire une enveloppe ou pellicule à chacune des particules avec lesquelles il est en contact, ce qui empêche leur union intime ; et quoique bien pressé, ce caillé donne un fromage qui ne forme pas une masse compacte, serrée et ferme, comme celui qui n’a reçu le sel qu’après sa fabrication. Dans ce cas, sa texture est lâche, il s’émiette quand on le coupe, la partie grasse s’en sépare quand on l’expose en tranches minces sur le feu, se fond à l’extérieur, et le fromage brûle. La peau n’en est pas lisse et dure, elle est rude et cassante ; examinée de plus près, elle parait comme formée de parties irrégulières et ressemble à une mosaïque.

100 litres (106 pintes) de lait donnent 13½ kilog. (27 iiv.) de fromage, ainsi 146 litres (157 pintes) fournissent 2 fromages de 10 kil. (20 liv.) chacun.

12e Fromage écossais de Dunlop (Ayrshire).

On prend la traite du matin à laquelle on réunit celle du soir de la veille, on verse le tout dans un grand baquet, on brasse pour mêler, et on met en présure. Le baquet est ensuite couvert ; quand la présure est bonne, le caillé est formé au bout de 12 ou 15 minutes. On remue doucement la masse, afin que le petit-lait se sépare bien, et on le retire à mesure qu’il abandonne le caillé. Aussitôt que ce caillé est assez consistant, il est placé dans un égouttoir dont le fond est percé de trous ; on met dessus un rond de bois avec un poids, et lorsqu’il est égoutté, il est mis dans un baquet, où il est rompu en petits morceaux avec le couteau à trois lames. On le sale ensuite en mélangeant exactement le sel avec la main, puis il est enveloppé dans une toile et placé d’abord dans une forme, et ensuite sous la presse, qui est composée d’une grosse pierre de 500 à 1000 kilog. (1000 à 2000 liv.), enchâssée dans une monture en bois, et qu’on fait monter et descendre au moyen d’une vis en fer. Le fromage est retiré à plusieurs reprises pour le retourner et le changer de toile. Quand on est assuré qu’il ne retient plus de sérum, on le sort du moule, on le met en magasin sur des tablettes ou sur le plancher, on le le tourne souvent, en le frottant chaque fois avec un linge grossier pour que les mites ne l’attaquent pas.

Cette espèce de fromage ne se colore pas. et on en fait de diverses grosseurs, depuis 10 kilog. (20 liv.) jusqu’à 30 kilog. (60 liv.).

Fig. 42.

Avec la plupart des presses en usage dans la fabrication des fromages, on éprouve beaucoup de difficulté pour débarrasser complètement et promptement le caillé du petit-lait qu’il contient. Les presses les plus fortes ne paraissent point, dans cette importante opération, avoir d’avantage sur les plus simples, et donnent à peine des résultats plus satisfaisans que cette pratique où l’on est quelquefois de déposer le caillé dans des sacs, des linges ou des filets où il s’égoutte par lui-même et sous son propre poids. M. Robison, secrétaire de la Société royale d’Edimbourg, frappé de cette observation faite dans la fabrication des fromages en Ecosse, a pensé que l’application d’une forte pression tendait sans doute à durcir l’extérieur du fromage plus que l’intérieur, et créait ainsi un obstacle à l’expulsion de la partie liquide. Cette considération et la nécessité de purger la pâte de petit-lait si on veut faire des fromages délicats et de garde, lui ont suggéré l’idée d’essayer si au moyen de la pression atmosphérique à la surface du fromage et du vide opéré par-dessous, on n’obtiendrait pas des résultats plus avantageux que ceux de la presse. Dans ce but, il a inventé un petit appareil simple et ingénieux qu’il a nommé presse pneumatique à fromage, dont voici la description. L’appareil (fig. 42) se compose d’un bâtis en bois d’environ 1 mèt. (3 pi.) de hauteur, sur lequel est fixé un vase A de cuivre étamé ou de zinc, d’une capacité quelconque, et destiné à contenir le caillé. Ce vase a un faux fond mobile en bois, en forme de grillage, couvert d’une telle métallique ; sous ce fond le vase porte une ouverture d’où part un tube vertical C de 32 cent. (1 pi.) de longueur, qui se rend dans un autre vase clos B, muni d’un robinet F et qui a la capacité convenable pour contenir tout le petit-lait du vase supérieur A. Sur l’un des côtés du bâtis il y a un petit corps de pompe D, d’environ 19 cent. (9 po.) de hauteur, du fond duquel part un petit tuyau de succion E qui communique avec la partie supérieure du vase B. Ce tuyau porte à son ouverture supérieure une soupape qui s’ouvre supérieurement, tandis que le piston de la pompe est muni d’une autre soupape qui s’ouvre par en bas. Ce piston est mis en action par un levier, comme on le voit dans la figure. On fait ainsi usage de cet appareil Le caillé étant préparé et salé, on place un linge sur le vase A, et on pose le fromage sur le linge avec légèreté, à l’exception des bords où on le presse contre les parois du vase, de façon à intercepter tout passage à l’air. On manœuvre alors la pompe vivement pendant quelques minutes, et le petit-lait s’écoule dans le vase B ; quand il cesse de couler, on répète une seconde fois les coups de piston, et lorsqu’il ne coule plus rien on enlève le caillé dans sa toile, on le met dans une forme en toile métallique forte et serrée avec un poids dessus, jusqu’à ce qu’il soit assez ferme pour être manié sans se rompre. Les formes doivent rester sur des tablettes séparées pour donner accès à l’air sur toutes les faces du fromage.

13e Fromage anglais de Norfolk.

Le procédé suivant est celui qui a été donné par M. Marshal, le savant agronome qui avait réuni les meilleurs documens sur la fabrication des fromages.

Aussitôt que le caillé est formé, qu’il offre assez de consistance pour se séparer du petit-lait, la fille de la laiterie relève ses manches, plonge ses mains jusqu’au fond du baquet, et avec une écuelle de bois remue vivement le caillé et le sérum ; elle quitte ensuite l’écuelle, et, par le mouvement circulaire de ses bras et de ses mains, agite violemment toute la masse, en ayant soin de diviser et de rompre avec ses doigts jusqu’aux plus petits morceaux de caillé, afin qu’il ne reste pas de petit-lait dans aucune portion de la masse. Cette opération peut durer de 10 à 15 minutes.

Quelques instans suffisent, après qu’elle est terminée, pour que le caillé tombe au fond. La fille enlève alors le petit-lait avec son écuelle, ou bien passe ce petit-lait à travers un linge, et remet le caillé qui reste sur le linge dans le baquet. Quand ce caillé est égoutté autant que possible, elle le coupe en morceaux cubes de 2 à 3 pouces de côté, puis étend un linge sur le moule, y écrase le caillé en le pressant et le battant avec les mains, remplit le moule bien comble, ramène le linge sur le caillé, et met sous la presse. En automne, lorsque le temps est humide et froid, on échaude le caillé, ce qui se fait avec un mélange d’eau et de petit-lait chaud et bouillant qu’on verse dessus. Supposons qu’on mette en forme le fromage à 7 heures du matin, on retourne entre 8 et 9 heures ; on lave le linge, et on remet le tout dans le moule. Le soir, on sale, on met un linge sec, et on porte à la presse. Le lendemain matin, on ôte le linge, on presse à nu dans le moule, et le soir on retourne ; enfin, le 3e jour au matin, on enlève définitivement de la presse et de la forme.

Lorsque les fromages ont acquis assez de fermeté, il faut les brosser avec un petit balai, et les tremper souvent dans du petit-lait. Quand ils sont secs, on les frotte avec un linge sur lequel on a étendu du beurre frais. Cette opération est répétée tous les jours pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que les fromages soient lisses à l’extérieur, qu’ils aient pris une belle teinte dorée, et que la chemise bleue commence à paraître. Suivant la qualité des fromages et l’état de l’atmosphère, cette couche bleue ne parait qu’au bout d’un, 2 ou 3 mois ; pendant tout ce temps il faut les soigner en magasin, et faire attention à ce que la peau ne devienne ni trop sèche ni trop dure.

14e Fromage anglais de Stilton.

On mêle la crême de la traite de la veille au soir avec le lait du matin, on met en présure, et quand le caillé est formé, on l’enlève sans le rompre, et en se bornant à le faire égoutter dans un tamis ; puis on le presse doucement jusqu’à ce qu’il devienne ferme. Il est alors mis dans une éclisse ou espèce de boîte, parce qu’il est si crémeux qu’il se fendrait et coulerait sans cette précaution ; ensuite il est placé sur des ronds de bois sec, et entouré de bandes de linge, qu’on a soin de resserrer toutes les fois qu’on le juge à propos. On le retourne chaque jour, et, quand il offre assez de consistance, on ôte le linge, on le brosse pendant 2 ou 3 mois tous les jours, et même 2 fois par jour si le temps est humide. Les fromages de Stilton passent pour n’être bons à manger qu’au bout de 2 ans ; ils n’ont même de prix pour les amateurs que lorsqu’ils ont un aspect de fromages gâtés, et qu’ils deviennent bleus et moites. Il est à présumer que ces fromages reçoivent du sel, mais les ouvrages anglais ne disent pas à quelle époque.

15e Fromage anglais de Wiltshire.

Le fromage de Wiltshire se fait avec le lait du soir écrêmé le lendemain matin, et qui est ensuite chauffé convenablement, puis versé, avec la crême, le lait du matin et de la présure colorée, à travers un couloir, dans un baquet, où on remue soigneusement la masse, qu’on couvre ensuite et qu’on abandonne à la coagulation. Celle-ci opérée, la fille de la laiterie introduit sa main dans le caillé, et le brise en petits fragmens. Après 15 minutes de repos, on penche le baquet, et on décante le petit-lait avec lenteur ; on laisse reposer ; puis, en tournant le baquet d’un quart de la circonférence, on recommence à faire couler le petit-lait, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, et que le caillé ait une consistance ferme. Celui-ci est alors coupé menu avec un couteau, placé dans un égouttoir carré percé de trous, recouvert d’une planche, puis d’un linge, et abandonné ainsi pendant 20 minutes, au bout desquelles on le coupe en morceaux de 2 pouces cubes ; on replace la planche dessus, et on couvre d’un poids de 25 kilog. De demi-heure en demi-heure, pendant l’espace de 4 heures, l’ouvrière le coupe de nouveau, en augmentant chaque fois le poids dont elle le charge. C’est après ces opérations qu’il est placé dans un vaisseau destiné à cet usage, avec une certaine quantité de sel de bonne qualité, et coupé derechef en grumeaux très-menus. Un linge propre, rincé à l’eau chaude et égoutté, est alors placé sur la forme dans laquelle on met le caillé, en le chargeant d’un poids de 25 kilog., qu’on y laisse une heure. Ce temps écoulé, on porte à la presse, où il subit une pression d’environ 100 kilogram. pendant ¾ d’heure. Ce fromage est alors retiré, retourné, enveloppé d’un autre linge rincé à l’eau chaude et égoutté, soumis à une pression supérieure, sous laquelle il reste toute la nuit. Il est nécessaire de retourner le fromage 4 fois par jour pendant 3 jours, en changeant chaque fois de linge et en augmentant la pression graduellement jusqu’à 500 kilog. Retiré enfin de la presse, le fromage est porté au saloir, frotté avec du sel, retourné chaque jour pendant une semaine ou 2, au bout desquelles il est essuyé avec un linge sec, retourné journellement pendant un mois entier, et recouvert d’un linge pour l’empêcher de se fendre.

16e Fromage anglais de Suffolk.

Ces fromages se fabriquent avec le lait écrêmé et par les procédés généraux indiqués. Ils entrent presque toujours dans les approvisionnemens de la marine, parce qu’ils supportent mieux la chaleur que les fromages gras, et qu’ils sont moins sujets à se gâter pendant les voyages de long cours. On les tient chaudement quand ils sont nouveaux, et dans un lieu frais quand ils sont faits.

17e Fromages de Hollande.

Il y a 4 sortes de fromages de Hollande : 1° le rond, ou fromage d’Edam ; 2° le stolkshe, ou fromage de Gouda, qui est plat et plus gros que celui d’Edam, tous deux fabriqués avec du lait non écrêmé ; 3° le fromage de Leyde, qui se fait principalement près de cette ville, et se fabrique en partie avec du lait écrêmé ; 4° et le graawshe, qu’on fabrique surtout dans la Frise avec du lait écrêmé 2 fois.

Pour fabriquer le fromage d’Edam, on commence par mettre le lait en présure aussitôt qu’il a été extrait des mamelles de la vache ; quand il est coagulé, la main ou une sébile de bois est passée 2 ou 3 fois dans la masse pour diviser le caillé ; on laisse reposer 5 minutes, après quoi l’on recommence cette opération, en laissant encore reposer pendant 5 minutes. Le petit-lait est alors enlevé au moyen de la sébile, et le caillé mis dans des formes de bois d’une dimension appropriée au fromage qu’on veut faire. Cette forme, comme on en voit aussi en Angleterre, est tournée dans un morceau solide de bois, et a un trou au fond. Si le fromage ne pèse que 2 kilog (4 livr.), il y reste 10 à 12 jours, et 14 s’il est d’un poids plus considérable. On le retourne chaque jour, en saupoudrant sa surface avec 60 gram. (2 onces) de sel purifié en gros cristaux. Il est ensuite transporté dans une autre forme (fig. 43 A) de la même dimension, qui est percée au fond de 4 trous, puis soumis à une pression d’environ 25 kilog. (50 liv.), sous laquelle il reste 2 à 3 heures s’il est petit, et 4 à 6 s’il est gros. Alors il est enlevé et porté au séchoir, et placé sur des tablettes sèches et aérées, où il est retourné journellement pendant 4 semaines, au bout desquelles il est bon à être porté au marché.

Fig. 43

Le fromage de Gouda est aussi fabriqué avec le lait tout chaud encore de la vache. Après en avoir graduellement enlevé la plus grande partie du petit-lait, on verse sur le caillé un peu d’eau chaude, qu’on laisse dessus pendant un quart-d’heure. En élevant la température de l’eau et augmentant sa quantité, on rend les fromages plus fermes et plus durables. On achève alors d’enlever le petit-lait avec l’eau, et le caillé est placé et comprimé dans des formes semblables à celles du fromage d’Edam, mais plus plates et plus grandes (fig. 43 B). On met dessus un rond en bois, et on le place dans la presse avec un poids d’environ 4 kilog. Là il est retourné fréquemment pendant les 24 heures qu’il reste en presse. Ce fromage est alors porté dans un cellier frais, et plongé dans un tonneau contenant de la saumure, le liquide ne s’élevant qu’à la moitié de l’épaisseur du fromage. — Pour faire cette saumure, on jette dans de l’eau bouillante 3 à 4 poignées de sel pour 30 pintes d’eau, et on y plonge le fromage lorsqu’elle est entièrement refroidie. Après être resté 24 heures et au plus 2 jours dans le tonneau à saumure, temps pendant lequel il a été retourné de 6 en 6 heures, le fromage est frotté d’abord avec du sel, et placé sur une planche légèrement creusée et ayant au centre une petite rigole ou gouttière pour faciliter l’écoulement du petit-lait qui s’échappe et coule dans un petit tonneau placé à l’extrémité des tablettes pour le recevoir. On met environ 60 à 90 gram. (2 à 3 onces) de gros cristaux de sel sur la partie supérieure du fromage, qu’on retourne souvent en imprégnant chaque fois de sel la face qu’on met par-dessus. Il reste ainsi sur la planches à 10 jours, selon la température extérieure, au bout desquels on le lave avec de l’eau chaude, on le râcle pour le sécher, et on le pose sur des tablettes, où il est retourné chaque jour jusqu’à sa consolidation et sa dessiccation parfaites. La fromagerie est généralement tenue close pendant le jour ; mais on l’ouvre le soir, et de bonne heure le matin.

Fig. 44.

Le fromage de Leyde se fait de lait écrêmé qu’où coule dans un tonneau, où on le laisse reposer 6 à 7 heures. On en verse doucement alors le quart environ dans une chaudière de cuivre, qu’on enduit à l’intérieur d’huile fine pour empêcher que le lait ne brûle ou ne se colore. Ce lait est chauffé jusqu’à ce qu’on ne puisse plus y tenir la main, enlevé du feu, et jeté dans les 3 autres quarts restans, avec lesquels on le mêle bien exactement. C’est alors qu’on met en présure. La coagulation achevée, le petit-lait est enlevé avec une écuelle, et le caillé est pressé vigoureusement et pétri avec les mains, puis mis dans un linge dont les 4 coins sont rabattus sur le milieu, et soumis à la pression pour en faire sortir le petit-lait. Le caillé est ensuite repris, jeté dans un tonneau nommé porteltobbe, où un homme, les pieds nus, le marche et le pétrit avec force. C’est alors qu’on y ajoute une bonne poignée de sel pur et fin pour chaque 15 kilog. (30 liv.) de fromage. Puis on le place, après l’avoir enveloppé d’un linge, dans une forme circulaire très-solide (fig. 44), percée à son fond de plusieurs trous, et où il reste 24 heures, pendant lesquelles on enlève le linge, et on exprime, en le tordant, le petit-lait qu’il contient, 3 à 4 fois dans les 24 heures. Cette forme est placée sur un châssis ou porteur posé sur un tonneau qui reçoit le petit-lait. Le fromage est ensuite enlevé et placé dans une autre forme également très-solide, portant un couvercle, appelée volgert, et soumis à une pression d’environ 360 liv. où il reste encore 24 heures.

Dans quelques endroits, surtout dans la partie méridionale de la Hollande, le sel n’est pas introduit dans le caillé. Dans ce cas, dès que le fromage est retiré de la presse, on le met dans une cuve ou baquet, où sa surface est recouverte de gros cristaux de sel, et où il est retourné journellement pendant 20 à 30 jours, suivant sa grosseur.

Quand le fromage sort de la presse, on le lave, et, dans quelques endroits, on unit sa surface en le frottant fréquemment avec du lait d’une vache qui vient de vêler, et qu’on conserve pour cet objet. On le frotte enfin avec une substance rouge appelée kaasverf ou kaasmeer (tournesol, Crotontinctorium), pour achever de le polir et lui donner de la couleur ; puis on le met dans une chambre fraîche ou un cellier, où il est retourné fréquemment jusqu’à ce qu’on le porte au marché. — C’est dans ce fromage qu’on introduit parfois diverses épices au moment où le caillé est mis dans la première forme.

Le fromage appelé graawske est une sorte inférieure, faite avec du lait deux fois écrêmé, et qu’on fabrique d’après les mêmes procédés que celui de Leyde, dans la Frise et à Groningue.

Les Hollandais observent avec scrupule une grande uniformité relativement à la forme de chaque espèce de fromage ; et quand on connaît les qualités diverses, on peut les reconnaître à la simple vue. Quant aux poids et dimensions, cela varie surtout pour les qualités fines. Il y a des fromages d’Edam, depuis 2 jusqu’à 5 kilog. (4 à 10 liv.), mais tous de la même forme. Les fromages de Gouda sont aussi très-variables dans leur volume. Ceux de Leyde, au contraire, ont presque uniformément le même volume, sous une forme déterminée et bien connue.

Fig. 45.

Les presses à fromage hollandaises sont de formes diverses, mais généralement simples. Celles pour les fromages de Leyde sont très-fortes, et consistent en général (fig. 45) en un levier ayant son point d’appui sur un montant, et portant à une de ses extrémités une chaîne qui soulève une solive mobile laquelle presse sur la forme à fromage ; à son extrémité est attaché un poids de 180 kilog. Une autre presse, employée dans la fabrication du même fromage, est d’une construction plus simple (fig. 46) ; le poids est suspendu par une corde a un arbre, lequel arbre est mis en mouvement à chaque extrémité par un moulinet. La presse pour les fromages d’Edam et de Gouda est encore plus simple (fig. 47), puisqu’elle ne se compose que d’une planche attachée par un bout à quelque objet solide, portant de l’autre un poids, et sous laquelle on place la forme à fromage.

Fig. 46.

Fig. 47.

Nous rappellerons ici qu’en beaucoup d’endroits en Hollande on coagule le lait au moyen de l’acide hydrochlorique (acide muriatique, esprit-de-sel), et que, dans ce but, on y verse, lorsqu’il est à une température de 20 à 22° cent., une cuillerée à bouche d’acide pour 10 à 20 litres de lait.

18e Fromage de Sept-Moncel (Jura).

La fabrication est à peu près semblable à celle du fromage de Hollande, avec lequel il a beaucoup d’analogie ; il a plus de saveur, il est veiné à l’intérieur comme le Roquefort. On en consomme beaucoup à Lyon, où il est très-estimé.

19e Fromage du Cantal.

Ce fromage, inférieur à celui de Gruyères, se fabrique en grande quantité avec du lait de vache sur les montagnes du Cantal, et en particulier sur celles de Salers. Pour sa préparation on coule le lait et on met en présure par les moyens ordinaires, et, lorsque le caillé est formé, on le divise avec la menole ou fresniau (fig. 40 F), espèce de bâton armé d’une planche ronde trouée, qu’on agite dans la masse, jusqu’à ce qu’elle soit bien divisée. Dans cette opération, quelques-unes des parties du caillé tendent à se précipiter, d’autres nagent dans le sérum ; on les rapproche avec la menole, à laquelle on adapte une épée de bois, le mésadou (fig. 40 G, H), et, par un mouvement circulaire, on parvient, au moyen de ces instrumens, à former de tout le caillé un gâteau qui se précipite. C’est alors qu’on enlève le petit-lait avec une écuelle. — Le caillé qu’on laisse au fond de la baste prend de la consistance, on le retire, on le pétrit avec les mains sur une chèvre (fig. 31), sorte de table ovale, en bois, d’une seule pièce, avec une rigole tout autour et une goulerotte pour l’écoulement du petit-lait ; on l’entasse dans une fescelle pour en exprimer le plus possible de petit-lait, puis on le met ensuite dans un baquet sur un lit de paille, qui en garnit le fond. Ce baquet est incliné pour que le petit-lait s’échappe par une ouverture ménagée à cet effet. Lorsqu’on a plusieurs gâteaux on place dessous le plus nouveau, en comprimant le tout avec un poids qu’on laisse ainsi pendant 2 ou 3 jours. S’il fait froid le baquet est placé près du feu, en ayant soin de tenir très-propre la paille qui supporte le gâteau.

Quand la tomme, c’est ainsi qu’on nomme le gâteau de caillé, s’est renflée, qu’il s’y est formé des yeux, l’ouvrier se replace sur la chèvre, met d’un côté une baste et puis le gâteau, et de l’autre les 3 pièces qui composent le moule. Ces 3 pièces sont 1° la fescelle (fig. 48 A) ou fond, petite boite cylindrique, dont le fond, un peu plus élevé au centre, a 5 trous, un au centre, les quatre autres près du contour ; 2° la feuille (fig. 48 B), cercle de bois de hêtre, dont les extrémités ne sont pas assemblées ; 3° la guirlande (fig. 48 C), portion de cône évidé qui se place sur la feuille et termine le moule par le haut (fig. 48 D).

Fig. 48.

Le vacher prend un morceau de tomme qu’il pétrit dans la fescelle, après y avoir jeté une poignée de sel. Il achève de remplir la capacité de cette fescelle de tomme salée et réduite en pâte qu’il comprime exactement ; il couvre d’une légère couche de sel ; ensuite il engage dans la fescelle le bord inférieur de la feuille, la remplit et sale avec le même soin ; enfin il place la guirlande, la remplit jusqu’au bord de pâte qu’il comprime et couvre de sel. Il recouvre le tout d’un morceau de toile et transporte sous la presse (fig. 49). Le petit-lait salé qui en découle sert pour humecter les fromages au magasin.

On laisse le fromage en presse pendant 24 heures ; on le retourne ensuite dans le moule, et on l’y laisse encore quelques jours sous la presse en le retournant, afin que le sel pénètre partout ; on le retire enfin de la presse, on le porte à la cave, où il est retourné tous les jours, humecté avec du petit-lait, salé ensuite, essuyé, nettoyé, et séché dans un endroit frais et aéré.

Fig. 49.

La presse en usage en Auvergne (fig. 49) se compose d’une table soutenue par 4 pieds ; une rigole circulaire environne l’endroit où se place le fromage. La planche supérieure et mobile, chargée de grosses pierres, est établie sur 2 montans placés à une extrémité ; on la soulève de l’autre, à l’aide d’un levier ; on l’arrête par le moyen d’une cheville qui se place dans les trous d’un 3e montant, fixé à l’autre extrémité. On met le fromage dans le milieu de la table, on abaisse dessus, en ôtant la cheville, la planche supérieure chargée de pierres ou d’un bloc de basalte ou de granite, du poids d’environ 300 kilog. Le fromage se resserre et se comprime par le rapprochement de la fescelle et de la guirlande qui entrent dans la feuille, et le petit-lait s’écoule par les trous de la fescelle et les intervalles des 3 pieds. — Le bon fromage d’Auvergne ne se fabrique que sur les montagnes de Salers ; celui qu’on prépare dans les autres lieux du Cantal est d’une qualité moins bonne.

IV. Des fromages cuits à pâte plus ou moins dure et pressée.
20e Fromage de Bresse.

On fait chauffer, jusqu’au point d’entrer en ébullition, 10 à 12 litres de lait, avec lequel on mélange, sur le feu, une pincée de safran incorporé et amalgamé préalablement avec 30 grammes (1 once) de fromage ; on retire le chaudron du feu, et on introduit la présure. Le caillé étant formé, on le brise et on le pétrit pour en séparer le sérum. Cette opération doit se faire à une chaleur modérée. Ce caillé est alors enlevé et égoutté dans une toile propre, mis en presse pendant quelques heures sous une planche chargée d’un poids de 25 kilog. (50 liv.), puis moulé et pressé de nouveau, et porté ensuite à la cave sur des planches, où au bout de 5 jours et de 6 au plus tard commence la salaison. On donne dans cette opération au fromage tout le sel qu’il peut prendre. Trois jours après la 1re salaison il est débarrassé de la toile qui l’enveloppait, pour achever de le saler sur toutes les faces, en ayant le soin de le retourner tous les jours pendant un mois dans la toile où il a été replacé chaque fois. Comme il se forme très-promptement une espèce de moisissure blanche à sa surface, il faut le nettoyer de temps en temps avant d’y remettre du sel. Après qu’il a été bien salé et bien nettoyé, ce fromage est déposé dans une chambre où on le sèche en le retournant tous les jours. Lorsqu’il est suffisamment sec, on le ratisse avec le dos d’un couteau ; on le retourne encore de temps à autre pour qu’il ne moisisse pas, et on continue de le ratisser pour en tenir la peau sèche et nette. Ce n’est guère qu’au bout de 7 à 8 mois que le fromage de Bresse, ainsi conduit, est parvenu à sa perfection.

21e Fromage de Gruyères.

La fabrication de cette espèce de fromage a lieu surtout en Suisse, dans le canton de Fribourg, et dans nos départemens des Vosges, du Jura et de l’Ain, où se trouvent des pâturages analogues à ceux de la Suisse. Elle pourrait, si les procédés en étaient plus répandus, être pratiquée dans une foule de localités, surtout si on introduisait en même temps ces associations connues sous le nom de laiteries banales ou fruitières, auxquelles cette fabrication en Suisse a donné naissance. Nous la regardons, au reste, comme assez importante pour entrer, d’après les agronomes les plus instruits, dans des détails plus étendus, sur tous les procédés tels qu’ils sont pratiqués dans la Suisse.

La construction des bâtimens de la fromagerie dépend des localités ; mais elle est toujours dirigée d’après les mêmes principes, elle offre les mêmes dispositions, et l’intérieur (fig. 50) en est toujours muni des mêmes ustensiles.

Fig. 50.

On fabrique 3 espèces de fromages : 1° le fromage gras, dans lequel on laisse toute la crême ; — le mi-gras, qui se fait avec la traite du matin et celle de la veille écrêmée ; — le maigre, qui se fabrique avec le lait écrêmé. — La seconde espèce est celle que l’on trouve le plus fréquemment dans le commerce ; elle entre dans les approvisionnemens de la marine et des armées.

Le fruitier qui fabrique en Suisse le fromage de Gruyères a 2 vases de présure ; l’un contient une infusion de caillette fraîche, et l’autre une infusion de caillette ancienne. L’essai de la présure se fait en versant quelques gouttes de la plus forte dans une cuillerée de lait chauffé. Si la coagulation est instantanée, la présure est trop forte, et on l’affaiblit avec la seconde, au point qu’une partie de cette présure mêlée à six de lait à 26° C., opère la coagulation en 20 secondes environ. La présure de cette force s’emploie à la dose de 1/500e partie en hiver, et de 1/600e en été. Une caillette donne de la présure forte pour 6 fromages de 25 kilog. (50 liv.), après cela elle passe au second pot et fournit de la présure faible pour la même quantité de fromage. L’infusion se fait avec la cuite, c’est-à-dire du petit-lait chaud à 36°. L’habitude donne au fruitier un indice certain sur la quantité de présure à mettre suivant la saison et la nature du lait plus ou moins gras. La présure étant préparée, on coule dans la chaudière la traite du matin ; on y ajoute la traite du soir précedent écrêmée, en tout ou en partie, suivant la richesse du lait ; seulement, si on s’aperçoit que le lait d’une terrine ait passé à l’aigre, on n’en fait pas usage. 190 litres de lait rendent un fromage de 25 kil. (50 liv.).

Aussitôt que le lait est dans la chaudière, on place celle-ci en faisant tourner la potence (fig. 31) sur un feu modéré pour élever la température du liquide jusqu’à 25° C ; quand il y est arrivé, on retire de dessus le feu et on y jette la présure, qu’on mêle en agitant en tous sens ; on laisse reposer loin du foyer ; 15 à 20 minutes, suivant la saison, suffisent pour cailler le lait. Quand la coagulation est complète, que le petit-lait est bien séparé de la partie caséeuse, on enlève à la surface du liquide la pellicule qui le recouvre.

Après cette opération on brise avec soin le caillé, en le coupant dans tous les sens avec la grosse cuillère ou un tranchant de bois, et quand il est réduit en morceaux gros comme des pois on prend le brassoir (fig. 40 B C) pour achever la division et le réduire en pulpe. Pour cela on plonge l’instrument dans le lait jusqu’au fond de la chaudière, et en le tournant, tantôt en rond, tantôt en ovale, on imprime à toute la masse du liquide un mouvement de tourbillon irrégulier. Tout en brassant, on replace la chaudière sur le foyer, et sans cesser un instant de brasser on conduit le feu de manière à ce que le liquide arrive en 20 ou 25 minutes à 33° C.; alors on retire la chaudière du feu et on continue de brasser pendant environ 1/4 d’heure.

L’opération est achevée quand le caillé est réduit en grains d’un blanc jaune, qui, lorsqu’on les presse dans la main, se collent et forment une pâte élastique qui craque sous la dent quand on la mâche.

Quelques minutes après qu’on a cessé de brasser, le fromage se dépose au fond de la chaudière, sous la forme d’un gâteau, d’une consistance assez ferme. Pour concentrer cette masse et lui donner la forme d’un pain relevé, le fruitier passe sa main tout autour du gâteau, repoussant le bord vers le milieu ; ensuite il prend sa toile, roule en 2 ou 3 tours un de ses bords sur une baguette flexible, et passe cette baguette sous le pain, en faisant tenir les deux coins opposés de la toile à un aide placé au côté opposé ; quand la toile est bien arrangée sous le pain, le fruitier, par un coup de bras adroit, fait tourner cette masse de manière à ce que la surface qui touchait le fond se trouve dessus ; après cela, tirant la toile par les quatre coins, il sort le fromage du petit-lait, le laisse égoutter quelque temps sur la chaudière, et le place dans le moule enveloppé de sa toile. Sans perdre un instant, il repasse une seconde toile dans la chaudière pour recueillir les particules de fromage qui se sont détachées de la masse ; il réunit ces débris dans le fond de la toile et en fait une pelote qu’il fait entrer dans le centre de la masse. Il replie les bouts de la toile sur le fromage, le charge d’une planche, et fait porter sur cette planche le poids de la presse ; le fromage ne doit pas dépasser le cercle de plus d’un pouce.

Au bout d’une demi-heure on soulève le poids, on ôte le plateau et le cercle, on remet une toile propre, on retourne, on place dans le moule rétréci, on remet le couvercle, et on replace sous la presse le fromage, qui ne dépasse plus le cercle que de 3 lignes. Dans les six premières heures on a soin de resserrer successivement le moule, et que le fromage soit soumis à une pression très forte qui le débarrasse de tout son petit-lait. Ce soin est la base de la fabrication suisse, dont le but est d’obtenir un fromage compact, d’une pâte rousse, grasse, qui se perce de grands trous. Si on néglige cette opération, on a un fromage blanc à petits trous.

Ces procédés sont ceux de la fabrication des fromages maigres ou mi-gras. Pour le fromage gras, on verse dans la chaudière la dernière traite en la sortant de la mesure. On enlève la crême de la traite ancienne, afin de la mêler très-également au lait nouveau, et pour cela, on la verse dans le couloir et on la fait couler à petit filet dans la chaudière. On met une plus forte dose de présure. En 10 minutes on fait arriver le lait à 36° C, et après avoir retiré la chaudière du feu on brasse pendant une demi-heure, et on presse le caillé avec le plus grand soin. Le fromage gras cède moins à la compression que les deux autres.

Chaque jour avant de commencer le travail, on sort du cercle le fromage fait la veille, et on le porte au magasin. Quelques heures après l’y avoir placé, on le saupoudre de sel très-sec, pilé très-fin ; ce sel absorbe l’humidité, et ne tarde pas à se fondre en gouttelettes. Pour étendre cette saumure très-également, on frotte le dessus et les côtés avec un torchon de laine ; le lendemain, quand toute la saumure a été absorbée, on tourne le fromage et on recommence la même opération. Il est essentiel de ne pas tourner le fromage avant que la saumure soit absorbée ; si on néglige cette attention, la peau ne prend pas de consistance et se fend ; chaque jour on tourne le fromage et on le charge de sel. La quantité de saumure qui peut être absorbée en 24 heures, et qui varie suivant l’état de sécheresse ou d’humidité du local, donne la mesure de la dose de sel qu’on doit mettre à chaque salaison.

Un fromage est assez salé quand il cesse d’absorber la saumure, et que sa surface conserve une humidité surabondante ; sa couleur devient alors plus intense, et sa croûte prend de la consistance. — La quantité de sel absorbée est de 4 à 4½ pour cent de son poids. Cette absorption dure 3 mois en hiver et 2 mois en été. Quand les fromages sont salés, on peut les mettre en piles de 2 ou 3 pièces, en ayant soin de les retourner de temps en temps en les frottant avec un torchon.

On reconnaît la qualité du fromage de Gruyères au moyen de la sonde, de l’odorat et du goût. Les yeux, quand il est bien fabriqué, doivent être grands, clair-semés ; la pâte d’un blanc jaunâtre, douce, moelleuse, délicate, d’une saveur agréable et se fondant aisément dans la bouche.

22e Fromage Parmesan.

C’est dans le Milanais que se fabrique la plus grande quantité de ce fromage si renommé, et dont la fabrication n’offre pas plus de difficulté que celle des autres. Il suffit en effet, pour l’imiter, d’avoir du bon lait, et d’apporter toute l’attention convenable aux diverses opérations.

Ce fromage se fait avec le lait écrêmé. Le premier soin est donc de laisser reposer le lait dans un endroit frais, pour que la crême se sépare, sans toutefois que le lait aigrisse. La température de la laiterie doit être constamment de 10°. Les vases dont on se sert dans le Lodésan pour recevoir le lait sont en cuivre étamé, de 50 cent. (18 po.) de diamètre sur 8 à 9 cent. (4 po.) de profondeur. On peut les remplacer par des vases en fer-blanc ou en zinc. Deux cents litres de lait sont au moins nécessaires pour une cuite, parce qu’il y a plus d’avantage de faire un gros fromage qu’un petit. Tout le lait doit être écrêmé. On emploie, autant que possible, le lait d’une seule traite, ou tout au moins d’un seul jour. Comme pour le Gruyères, il faut goûter le lait avant de s’en servir, et rejeter celui qui serait d’une saveur aigre ou désagréable.

On réunit le lait de tous les vases dans une chaudière de forme particulière (fig. 51), mais mal adaptée à cet objet ; on chauffe ce lait jusqu’à 20 ou 25° C., en ayant soin de l’agiter avec un bâton (fig. 40 E). La contenance de la chaudière varie de 200 à 300 et 400 litres.

Fig. 51.

Lorsque le lait est parvenu à la température convenable, on met la présure, on agite pour opérer le mélange, et on retire du feu pour donner au caillé le temps de se former. La présure en usage dans le Lodésan est une caillette de veau de lait salée et desséchée avec le caillé qu’elle contenait. La manière dont on l’emploie est moins commode que celles qui ont été indiquées ; l’essentiel est de mettre la dose nécessaire pour que le caillé se forme promptement. Cette dose varie suivant les saisons.

Aussitôt que le caillé est formé, on le rompt d’abord avec une épée ou couteau de bois ; ensuite on le brasse avec un bâton à chevilles (fig. 40 D), et enfin l’ouvrier écrase avec la main les morceaux qui échappent à l’instrument. On remet le tout sur le feu, en continuant de brasser sans interruption et vivement, l’ouvrier écrasant toujours à la main les morceaux qui viennent à la surface. Lorsque le tout parait réduit en une bouillie visqueuse, on ajoute la poudre de safran peu à peu, et en remuant en tous sens jusqu’à ce que la masse ait acquis la teinte désirée ; on donne alors un petit coup de feu pour terminer la cuisson. Dans ce coup de feu la température ne monte guère au-delà de 40 ou 45°. C’est par l’habitude et par le tact que l’ouvrier reconnaît que le caillé a perdu son élasticité, et qu’il a acquis une certaine viscosité ou disposition à s’agglutiner et à se réunir en masse ; on retire alors la chaudière du feu, on cesse d’agiter, et on laisse précipiter le fromage au fond du vase. Pour retirer ce fromage, on place au fond de la chaudière une toile sur laquelle on réunit le fromage, en procédant à peu près comme pour celui de Gruyères. Le fromage enlevé, on le laisse égoutter dans la toile, sur la chaudière ou dans un baquet, et lorsqu’il s’est débarrassé en partie de son petit-lait, on le place dans le moule, et on le couvre pour le charger de pierres. Pendant 2 ou 3 et même 5 jours on le change de toile et on le presse fortement ; ensuite on le porte au magasin pour y être salé.

La salaison s’opère comme celle du Gruyères. On applique le sel sur les 2 faces et sur le contour, et on continue cette opération, en retournant les fromages, pendant 30 ou 40 jours. On met ordinairement 2 ou 3 fromages l’un sur l’autre pour faciliter la salaison. Lorsque le fromage a pris tout son sel, on le râcle, on le frotte d’huile d’olives, et on le place isolément sur des tablettes dans un local qui ressemble beaucoup à ce que nous appelons un cellier. Ceux que j’ai vus sont des chambres bâties au rez-de-chaussée, bien enduites sur toutes leurs faces et plafonnées ; elles ont au nord une ouverture fermée par une porte en fer à jour ; et, pour empêcher la chaleur de pénétrer, on les couvre pendant la journée d’un paillasson qu’on enlève le soir, ou qu’on laisse la nuit pendant l’hiver. Ces magasins ne sont ni trop humides ni trop secs, et sont suffisamment aérés. On visite de temps en temps les fromages, on les huile, et on les retourne, en ayant soin de tenir les tablettes très-propres.

La fabrication du Parmesan diffère peu de celle du Gruyères ; seulement la cuisson du premier se fait à une température un peu plus élevée, et la pression est plus forte. Ce fromage est long à s’affiner ; il est plus sec, et sa saveur est différente. On fait aussi du fromage Parmesan demi-gras, c’est-à-dire avec la traite de la veille écrêmée et celle du matin pure ou avec sa crême. Suivant M. Huzard, la première qualité se fabrique avec le lait écrêmé. Les fromages Parmesan sont de la grosseur de ceux de Gruyères, moins larges et plus épais ; leur poids est de 30 kilog. (60 liv.).

§ II. — Fromage de lait de brebis.
23e Fromage de Montpellier.

Dans les 1ers jours d’avril on commence à sevrer les agneaux, qui ont alors près de 4 mois. Le soir, on les sépare de leurs mères, qu’on ne leur rend que le lendemain vers midi, après qu’elles ont été soumises à la mulsion.

C’est avec le lait de cette traite qu’on fabrique ce qu’on appelle les fromageons. On met en présure, et dès que le caillé est formé, on le brise et on le pétrit pour le déposer dans des formes de grès de 16 cent. (6 po.) de diamètre, 27 millim. (1 po.) de profondeur, et percées de trous fins pour l’écoulement du petit lait. Au bout d’un 1/2 quart-d’heure au plus, le fromage affermi est retourné, et on répète cette opération jusqu’à ce qu'il soit assez ferme pour pouvoir le déposer sur de la paille ou du jonc ; on le saupoudre ensuite de sel fin, et on le met en vente.

Quand on veut conserver les fromageons, on les expose sur des claies à l’air frais ; on les retourne soir et matin jusqu’à parfaite dessiccation, et lorsqu’ils ne contiennent plus d’humidité, on les met dans des boîtes qu’on dépose dans un endroit sec. Pour l’usage, on les fait tremper dans une eau légèrement salée jusqu’à ce qu’une épingle enfoncée dans la pâte cesse d’y rester adhérente. C’est le moment de les retirer alors, de les faire égoutter, et de les frotter avec un peu d’eau-de-vie et d’huile. On les empile dans des pots de grès bouchés avec soin. Au bout d’un mois ils sont excellens à manger.

§ III. — Fromage de lait de chèvre.
24e Fromage du Mont-d’Or (Puy-de-Dôme).

Voici les détails intéressans que M. Grognier a donnés sur la fabrication de ces fromages.

On trait les chèvres 3 fois par jour pendant l’été : de grand matin, à midi, et le soir à la nuit. Quand il fait froid, on met en présure le lait tout chaud ; dans l’été, on laisse refroidir pendant une ou 2 heures, suivant la température. La présure se prépare avec des caillettes de chevreau, et tantôt du petit-lait, tantôt du vin blanc, quelquefois du vinaigre. Une cuillerée à bouche de présure de petit-lait suffit pour 15 pots de lait. Le lait ainsi présuré se caille dans l’été au bout d’un quart d’heure, et au bout d’une 1/2 heure en hiver. On le met alors dans des espèces de boites de paille, ou dans des vases de terre percés et troués comme des écumoires. C’est dans ces boites que les fromages prennent leur forme. On les place de manière que le petit-lait puisse s’écouler aisément. C’est au bout de 1/2 heure en été et 2 heures en hiver que l’on sale ces petits fromages ; on les retourne 5 à 6 fois dans la journée, plus souvent l’hiver que l’été. Ils deviennent fermes en 24 heures pendant cette dernière saison, et dans l’autre seulement au bout de 3 ou 4 jours. Quand ils sont raffermis, on les place dans des paniers à claire-voie suspendus au plancher au moyen d’une poulie, et c’est toujours dans un endroit frais qu’on les conserve. On les raffine quelquefois en les humectant avec du vin blanc, les recouvrant d’une pincée de persil, et les mettant entre 2 assiettes. On les expédie ainsi, 10 ou 12 jours après leur fabrication, dans des boites à dragées, pour Lyon et diverses parties de la France.

§ IV. — Fromages de laits mélangés.
25e Fromage du Mont-Cénis (Savoie).

Ce fromage ne se fabrique pas avec du lait de vache seul, on lui associe du lait de brebis et de chèvre. La proportion dans le nombre des animaux, suivant M. Bonafous, à qui nous devons ces détails, n’est pas fixe, mais elle est approximativement de 4 brebis pour une vache, et d’une chèvre pour 10 brebis. Dès que la traite du soir est faite, on coule le lait à travers une passoire en bois (Voy. pag. 6, fig. 13) : on le laisse reposer 12 heures environ dans un lieu frais, et le lendemain on lève la crême et on le réunit avec la traite du matin, mais à laquelle on laisse toute sa crême. Quelquefois même on n’écrême aucune des 2 traites pour préparer des fromages plus gras, d’un goût plus exquis, mais d’une conservation plus difficile. Si la température est froide on verse le lait du soir dans une chaudière, et à l’aide d’un feu modéré on le réchauffe jusqu’à 25° C.; on met alors en présure, dont la dose peut varier suivant diverses circonstances. La proportion la plus ordinaire est d’une cuillerée à bouche pour 50 lit. de lait. La présure étant bien mêlée au lait en agitant dans tous les sens, avec une petite fourche en bois, ou une branche de sapin, on recouvre le baquet d’une toile, et on laisse reposer 2 heures environ pour que le sérum se sépare de la matière caséeuse. Si la fraîcheur de l’air ralentit trop long-temps l’action de la présure, on expose le lait à une douce chaleur. Lorsque le caillé a la consistance nécessaire, l’ouvrière décante le petit-lait, plonge ses mains au fond du baquet, rassemble le caillé, le rompt en aussi petits morceaux que possible, par le mouvement continuel, vif et pressé de ses bras ; elle agite et soulève la masse, la brasse fortement, l’exprime et la pétrit jusqu’à ce qu’elle n’adhère plus aux parois du baquet. Après cette opération, qui n’exige pas moins d’une heure, elle fait écouler le petit-lait en inclinant doucement le baquet.

On retire alors la pâte du baquet et on la divise en 2 parties égales : l’une est aussitôt immergée dans du petit-lait pour être réunie à la moitié de la pâte du jour suivant, et ainsi de suite, on réserve toujours une moitié de la pâte pour le lendemain ; l’autre partie, que l’on enveloppe d’une toile légère, est déposée dans un cercle de fer mince, ou dans un cerceau flexible qu’on ouvre ou rétrécit à volonté, afin de l’introduire dans un moule de bois, dont le fond mobile est percé de trous. On recouvre le moule avec un plateau.de la même forme, et d’un diamètre un peu plus grand, et on laisse égoutter 24 heures sur un baquet. Le jour suivant on enlève le plateau et le cercle, on défait la toile, on en remet une autre, on renverse le fromage, on le replace dans le cercle rétréci, et on soumet à une pression plus forte, en plaçant le tout sous une presse (fig. 52) qui achève d’exprimer le petit-lait. Le fromage y reste pendant 3 jours et quelquefois 5 ou 6 dans les jours froids. Durant cet intervalle on le retourne tous les matins, en augmentant progressivement la pression à chaque pressée.

Fig. 52.

Lorsque le fromage a acquis le degré de siccité convenable, on le transporte à la cave pour le saler et le mûrir. La quantité de sel varie selon l’exposition et la température locale, ou suivant le degré d’humidité que le fromage a retenu. La dose moyenne est de 2 ½ kilogram. par fromage du poids de 12 à 14 kilog.; on prend de préférence du sel gris, et après l’avoir broyé, on saupoudre les fromages en frottant leur surface avec la main. Tous les 2 jours pendant environ 2 mois, on répète cette opération en les retournant chaque fois. Pour mûrir ces fromages, on les dépose sur un lit de paille étendue à terre, que l’on renouvelle de temps en temps. On a soin de les retourner chaque jour en les changeant de face. Le fromage éprouve alors une espèce de fermentation lente et se persillé intérieurement. Le temps nécessaire à cette maturation varie de 3 à 4 mois. La forme des fromages est celle d’un pain cylindrique, d’environ 33 cent. de diamètre, sur 12 à 14 cent. de hauteur ; leur poids diffère, quand ils sont mûrs, de 10 à 12 kilog.

26e Fromage de Sassenage (Isère).

Le fromage de Sassenage se fabrique avec un mélange de lait de vache, de brebis et de chèvre ; on coule ces laits dans un chaudron qu’on place sur le feu ; lorsque le mélange commence à monter, on retire le chaudron du feu, on verse le tout dans un baquet. Le lendemain on écrême ce lait, auquel on ajoute autant de nouveau lait qu’on enlève de crême ; on introduit la présure, en ayant soin d’agiter la masse jusqu’à ce que le caillé soit bien formé ; quand la coagulation est terminée, on divise le caillé pour en séparer le petit-lait ; on décante ce petit-lait, et le caillé est porté dans un moule percé de trous, et de la grandeur qu’on veut donner au fromage ; trois heures après on retourne le fromage, ce qui se fait en le renversant doucement dans un moule de même dimension. Lorsque ce fromage est assez ferme, il est salé d’abord d’un côté, ensuite de l’autre, puis autour. Quand il a reçu suffisamment de sel, on le place sur des tablettes très-propres, où il est retourné matin et soir, en le changeant de place, et en évitant de le remettre sur une planche humide. Cette opération est continuée jusqu’à ce que les fromages soient bien secs ; puis on les pose sur de la paille pour les affiner ; là ils sont retournés de temps en temps et visités pour enlever les moisissures et les vers qui auraient pu s’y développer.

27e Fromage de Roquefort (Aveyron).

Ce fromage, qui se fait dans le village dont il porte le nom, doit son excellente qualité à la disposition naturelle des caves dans lesquelles on le dépose pour son affinage, et en partie, d’après les observations de M. Girou de Buzareingues, à la méthode usitée dans le pays pour traire les brebis. On exprime le lait avec force, et lorsqu’on ne peut plus en obtenir par la pression, on frappe sans ménagement les mamelles du revers de la main, répétant cette opération à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’on n’obtienne plus rien. Ceux qui sont témoins pour la 1re fois de cette vigoureuse mulsion, en sont alarmés pour la santé des brebis, qui n’en reçoit cependant aucun dommage.

Le Roquefort se fait avec un mélange de lait de brebis et de chèvre ; le 1er lui donne plus de consistance et une meilleure qualité, le second lui communique de la blancheur. — On trait les animaux matin et soir. On mêle les 2 traites, on coule le lait à travers une étamine ; ce lait est reçu dans un chaudron de cuivre étamé, où on le fait quelquefois chauffer pour l’empêcher de s’aigrir ou pour enlever un peu de crême, afin que le fromage ne soit pas trop gras ; on ajoute ensuite la présure, on remue avec une écumoire et on laisse reposer. Lorsque le caillé est formé, une femme le brasse fortement, le pétrit et l’exprime avec force ; il en résulte une pâte qu’on laisse reposer, qui se précipite et occupe le fond du chaudron. On incline le vase pour décanter le petit-lait qui surnage, on met ensuite le fromage dans les formes ou éclisses dont le fond est percé de petits trous, en ayant l’attention de pétrir et comprimer le caillé à mesure qu’on en remplit le moule ; on le laisse égoutter en le chargeant d’un poids pour mieux extraire le petit-lait. Le fromage ne reste pas au-delà de 12 heures dans la forme, pendant lesquelles il est retourné plusieurs fois. Dès qu’il paraît débarrassé de tout le petit-lait, on le porte au séchoir. Là les fromages sont posés sur des planches les uns à côté des autres, sans se toucher, et retournés de temps à autre pour qu’ils se dessèchent mieux, plus promptement et sans s’échauffer. Comme ils sont sujets à se fendre, il faut les envelopper d’une sangle de grosse toile, qu’on change toutes les fois qu’on le juge convenable. La dessiccation ne dure pas plus de 15 à 20 jours, surtout si on a soin, quand on les change, de les replacer sur une planche propre et bien sèche.

Chaptal observe avec raison que les procédés de la fabrication du Roquefort pourraient être améliorés ; ceux que l’on suit pour la préparation des fromages anglais nous paraissent en grande partie applicables à la fabrication de cette espèce de fromage. Une présure d’une force plus constante, une meilleure méthode pour diviser ou rompre le caillé, une forme de moules mieux appropriée, et dans le genre de ceux du Gloucester ou de Hollande (fig. 43 et 44), une pression plus convenable au moyen de presses qui en exprimeraient tout le petit-lait, l’emploi des toiles à fromages, telles sont les améliorations qu’on pourrait introduire dans cette fabrication importante. Il faudrait aussi adopter une méthode plus uniforme afin d’avoir moins de diversité dans la qualité de ces fromages, qui offriraient, d’ailleurs, moins de déchets dans le travail des caves.

Ces fromages se fabriquent dans un rayon de 7 à 8 lieues autour de Roquefort, et la plus grande fabrication a lieu depuis le mois de mai jusqu’à la fin de septembre. Les propriétaires des caves les achètent en toutes saisons, et arrivés aux entrepôts de Roquefort, les fromages sont triés suivant leurs qualités, qui sont appréciées par des experts qui n’ont d’autre guide qu’une grande habitude. — Le poids est ordinairement de 3 à 4 kilog. (6 à 8 liv.). On les paie aux fermiers en gros, au prix de 40 à 42 fr. le quintal. Le lait de brebis donne 20 pour 100 de fromage en poids, à l’état brut. Le déchet dans les caves est à peu près d’un quart.

Les caves de Roquefort sont adossées contre un rocher calcaire qui entoure le village ; quelques-unes sont même placées dans les crevasses ou grottes qui y sont naturellement ou artificiellement pratiquées ; un simple mur du côté de la rue est souvent tout ce que l’art a dû faire pour clore ces caves. Leur grandeur n’est pas énorme ; il en est même de très-petites. On aperçoit dans toutes des fentes dans le rocher, par où s’introduit un courant d’air frais qui détermine le froid glacial qu’on y éprouve, et qui fait tout leur mérite ; car il n’y a de bonnes caves que celles dans lesquelles ces courans sont établis. Ces courans se dirigent du sud au nord. Il y a un petit nombre de caves qui reçoivent des courans de l’est ; mais les meilleurs sont ceux du sud. Plus l’air extérieur est chaud, plus ces courans sont froids et forts, et ils sont toujours assez sensibles pour éteindre une bougie qu’on présente à l’ouverture. L’air introduit par ces crevasses du rocher s’échappe par la porte des caves, et y forme un courant continuel. Le froid qu’il produit est tel, que Chaptal a observé qu’au 21 août 1787 un thermomètre marquant à l’ombre et en plein air 23° R., était descendu à 4° au-dessus de zéro après un quart-d’heure d’exposition dans le voisinage d’un courant rapide. La température de ces caves varie selon leur exposition, la chaleur extérieure ou le vent qui souffle. Le vent du sud semble accroître leur fraîcheur. Ces caves, plus ou moins petites et étroites, sont à plusieurs étages ; elles sont divisées de bas en haut par des planches étagères qui sont destinées à recevoir les fromages.

Aussitôt que les fromages sont arrivés dans les caves, on procède à la salaison. Cette opération consiste à jeter une petite pincée de sel sur les fromages, qui sont placés les uns sur les autres par piles de 5 ; on les laisse ainsi 36 heures, au bout desquelles on les frotte bien tout autour pour imprégner de sel toute la circonférence ; on les réentasse jusqu’au lendemain, où on les sale de nouveau ; le jour suivant on les frotte encore, et on les remet en piles pendant 3 jours. Après ce temps, ils sont portés dans les entrepôts, où on les râcle et on les pèle. La râclure se vend, sous le nom de rhubarbe, à raison de 15 à 20 francs les 50 kil. On en obtient 7 à 8 p. 0/0 du poids du fromage. Les fromages ainsi râclés sont rapportés dans la cave, où ils restent empilés pendant 15 jours, au bout desquels ils sont posés de champ sur les tablettes, sans se toucher. Quinze autres jours après, ils jettent un duvet blanc qu’on râcle ; remis sur les tablettes, ils se duvettent de nouveau de bleu et de blanc, qu’on enlève en les râclant. Après 15 autres jours ils se couvrent d’un duvet rouge et blanc. Le fromage est fait dès ce moment, mais on a soin de le râcler de 15 jours en 15 jours jusqu’à la vente. On juge de la qualité du fromage par la sonde. Le fromage de 1re qualité offre une pâte douce, fine, blanche, agréable au goût, légèrement piquante et marbrée de bleu. Apres 4 mois de cave et un déchet d’un cinquième au moins, le fromage se vend de 60 à 70 francs le quintal ; il a coûté environ 40 fr. pris chez le fermier. Les bénéfices seraient très-considerables s’ils n’étaient diminués par la rente du capital employé à l’acquisition des caves. On fabrique annuellement à Roquefort 900,000 kilog. de fromage, qui forment un commerce de 6 à 700,000 fr. Quoiqu’il soit difficile de trouver une localité aussi propice que celle de Roquefort pour la construction des caves à fromages, on parvient cependant à l’imiter parfaitement, en plaçant des fromages dans des caves très-froides, dont on entretient la fraîcheur par des moyens artificiels. Nous avons mangé du fromage de Roquefort fabriqué aux environs de Paris, dont les qualités approchaient beaucoup de celles du véritable fromage de ce nom. On prétend même qu’il s’en fabrique aux environs de Roquefort qui sont très-bons, et passent dans le commerce sous le même nom.

Art. v. — Préparations avec le caillé et des substances végétales.
1er Serai vert du canton de Glaris (Schabsieger).

Le serai vert ou fromage de Glaris mérite de fixer l’attention des cultivateurs français. Ce produit, à bon marché dans le pays, est cependant vendu assez chèrement au loin, où il est recherché ; sa fabrication est facile, et elle se distingue en ce qu’il entre dans ce fromage de la poudre de mélilot bleu (Trifolium melilotus cœruleus). Lorsque le lait est trait, on le descend dans des caves, où il reste 4 jours ; ces caves sont rafraîchies par des sources ou des fontaines, et les terrines qui le contiennent sont plongées de quelques pouces dans cette eau fraîche. Lorsqu’on veut faire le fromage, on monte le lait, on l’écrême, puis on le verse dans un chaudron, en y mêlant du petit-lait aigri ou un acide faible, tel que le jus de citron, pour le coaguler. On met alors le chaudron sur le feu, et on chauffe fortement, en agitant le caillé avec force. Lorsque le petit-lait est tout-à-fait séparé, on retire le fromage du feu, puis on le place dans des formes d’écorce de sapin percées de trous, afin de le laisser égoutter pendant 24 heures. Après ce temps, on sort ces fromages, pour les placer près du feu, dans de plus grandes formes, où ils éprouvent, par l’influence d’une douce chaleur, un mouvement de fermentation. Au bout de quelques jours, on les retire, puis on les place dans des tonneaux perforés, sur le couvercle desquels on charge des pierres qui doivent comprimer fortement le serai. Il reste quelquefois dans cet état jusqu’à l’automne, moment où on le porte au moulin à broyer. Alors, sur 50 kil. (100 liv.) de serai, on prend 2 kil, 1/2 (5 liv.) de mélilot pulvérisé et 4 à 6 kil. de sel fin bien sec et décrépité. Lorsque le mélange de ces 3 substances est bien fait, on en remplit des formes enduites de beurre ou d’huile, qui ressemblent à un cône tronqué, de la contenance de 2 à 5 kil., et on le comprime fortement à l’aide d’un tampon de bois ; 8 ou 10 jours après, on sort le serai des formes ; on le fait sécher avec précaution, afin qu’il ne se gerce pas.

La fabrication du serai vert pourrait se taire avec avantage dans les pays dont le beurre est le commerce principal. Le mélilot bleu est une plante annuelle, indigène, qu’on peut cultiver dans toute la France ; elle croit sur les montagnes jusqu’à 1400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Pour préparer cette poudre, on fait dessécher la plante, et on la réduit en poussière aussi fine que du tabac à priser. Les fromages de Glaris pèsent 4 à 5 kilog. (8 à 10 liv.) ; ils se vendent dans le pays 20 à 30 cent. la livre. La 1re qualité s’exporte au prix de 50 à 75 cent. la livre.

2e Fromage de pommes-de-terre.

On en fabrique de 2 espèces en Allemagne ; la plus estimée se fait comme il suit. On choisit une bonne qualité de pommes-de-terre ; on les fait cuire, à moitié seulement, à la vapeur ; on les pèle, on les râpe, ou on les réduit en pulpe. Trois parties de cette pulpe sont ajoutées à 2 de caillé frais, et pétries ensemble. On laisse reposer pendant 3 ou 4 jours, suivant la température, et on en forme ensuite des petits pains, qu’on sale et qu’on fait sécher.

On fait un très-bon fromage avec une partie de pulpe de pommes-de-terre et 3 de caillé de lait de brebis. Ce fromage est d’une grande ressource dans quelques vallées de la Savoie, où on en fabrique d’après les procédés que nous avons décrits. Il a le précieux avantage de s’améliorer en vieillissant, et de ne pas être sujet aux vers.

3e Fromage de Westphalie.

Il est fabriqué avec du lait écrêmé ; mais, avant d’enlever la crême, on la laisse sur le lait jusqu’à ce que celui-ci ait acquis une saveur aigrelette. La crême, étant enlevée le lait dépouillé est placé près du feu, où il ne tarde pas à se coaguler spontanément. Le caillé, mis dans un sac de grosse toile, est chargé de poids pour en exprimer le petit-lait, et quand il est aussi sec que possible, on le brise et on le broie entre les mains. Ainsi broyé, l’ouvrier le jette dans un baquet propre, où il le laisse 8 ou 10 jours, plus ou moins, suivant que l’on désire des fromages forts ou doux. Pendant cette opération, qu’on appelle maturation, le fromage éprouve un commencement de fermentation active, et se recouvrirait d’une croûte épaisse si l’on n’avait pas le soin de l’enlever du baquet avant la formation de celle-ci. Le fromage est alors moulé en pains ou cylindres, avec une forte addition de sel et beurre, et un tiers de caillé frais, pour arrêter la fermentation. On y mêle aussi quelquefois du poivre, du girofle et autres épices en poudre. Comme les pains sont petits, ils sèchent promptement en plein air, et sont bientôt mûrs pour la consommation.

Pour satisfaire au goût des amateurs, on les suspend, lorsqu’ils sont presque secs, dans une cheminée dans laquelle on brûle du bois. Là on les laisse se mayencer pendant plusieurs semaines, et par cette opération leur saveur et leur odeur sont singulièrement améliorées. Ces fromages s’exportent rarement au dehors.

Art. vi. — Brocotte, recuite, serai, ricotte, etc.

Il reste encore dans le petit-lait qui a fourni le fromage une quantité plus ou moins grande de parties butireuses et caséeuses qui peuvent fournir du beurre et un fromage de qualité inférieure, qu’on nomme brocotte, recuite, serai, céracée, ou ricotte, suivant les pays.

Une fois le beurre de petit-lait enlevé, il faut, pour obtenir la réunion des parties caséeuses, avoir recours à l’ébullition et à un acide plus fort que la présure ordinaire. On se sert pour cela de vin blanc, de cidre, et mieux de vinaigre et de petit-lait aigri, qu’on appelle aisy.

Pour obtenir l’aisy, on place près du foyer 2 tonneaux dans lesquels on met du petit-lait dépouillé, qu’on nomme la cuite, et qui ne tarde pas à passer à l’aigre ou fermentation acéteuse. Pour préparer la brocotte et le serai Suisse dans les fromageries où l’on ne fait pas cuire les fromages, on met le petit-lait dans un chaudron sur le feu ; et dans les fruitières de Gruyères, dans la chaudière, après la cuite du fromage. Quand le liquide est arrivé au 50° cent. (40 R.), on ajoute le lait de beurre et le lait suspect qu’on n’a pas cru devoir mêler dans la chaudière pour le fromage, et le tout étant en pleine ébullition, on y verse l’aisy à la dose de 10 p. % en mesure, et plus s’il est nécessaire. On pousse le feu, et le serai ne tarde pas à paraître à la surface. Par la cuisson, cette matière forme peu à peu une croûte bien agglomérée ; et lorsque la séparation est bien complète, on retire la chaudière du feu, on enlève une écume mousseuse qui est à la surface, puis, avec l’écumoire, on sépare la croûte en gros morceaux, qu’on jette dans le moule placé sur l’égouttoir. Par le refroidissement, le serai s’affaisse, se resserre, et lorsqu’il est complètement froid, il forme une masse cohérente qui conserve la forme du moule après sa sortie.

Une partie de la cuite ou liquide restant sert à remplir les vases où se conserve et se forme l’aisy. Quand un tonneau a fourni de la présure pendant quelques jours, il se manifeste au fond un dépôt qui donne à l’aisy une mauvaise odeur. Pour prévenir cet effet, on a soin de renouveler ce liquide avant cette époque. En filtrant la cuite on préviendrait peut-être cet inconvénient. Dans tous les cas, le petit-lait qui reste après cette préparation sert de boisson dans une partie de la Suisse, et son goût, quand on y est accoutumé, est assez agréable.

Le serai frais est un aliment très-salubre, nourrissant et de facile digestion ; on le mange avec ou sans apprêt dans une partie de la Suisse, où il tient lieu de pain. En le salant, on fait du serai un fromage qui se conserve plusieurs mois et même une année. Pour saler le serai, on le met, au sortir du moule, sur une planche, entre 2 lits de sel, à la dose de 6 à 7 p. %. Ainsi salé, on le place sous le manteau d’une cheminée ou dans un lieu très-sec. Quand le sel est entièrement absorbé, et que, par l’évaporation, le serai est diminué d’un tiers, on l’envoie au marché, où il se vend à raison de 10 à 15 cent. la livre. Le serai, relativement à sa valeur, consommant beaucoup de bois, ne peut être fabriqué avantageusement que là où le combustible est abondant et à très-bon marché.

La ricotte de Naples se fait à peu près comme le Gruyères. On mêle au sérum qui reste après la cuisson du fromage 1/10e de lait frais et pur ; on ranime le feu ; on remue doucement pour que la ricotte surnage et se rassemble à la surface, et, à la 1re apparence d’ébullition, on verse l’acide qui doit opérer la coagulation. À cet effet, on emploie ou du jus de citron, ou du vinaigre fort, ou du petit-lait aigri, à la dose de 1/15e ou 1/16e de la préparation ; on remue le tout, et, au moment où il se forme un bouillon sensible, on retire du feu la chaudière. C’est de ce point précis saisi à propos que dépend la bonté de la ricotte, qui, trop cuite, cesserait d’être moelleuse. Bientôt le milieu de la chaudière se couvre d’une mousse blanche, que l’on enlève à l’écumoire, et qui est très-délicate, mais ne se conserve pas. La ricotte forme une couche de 2 à 3 doigts d’épaisseur ; on la recueille et on la fait égoutter dans une forme. Ce fromage est très-bon mangé chaud et pendant les premiers jours de sa fabrication. Salé et séché convenablement, il devient dur, se râpe facilement, et est très-bon pour la préparation du macaroni.

Art. vii. — Conservation des fromages ; accidens auxquels ils sont sujets.

La conservation des fromages est un point des plus importans, surtout pour ceux qui sont destinés à être embarqués. Leur consistance et leur état de fermentation plus ou moins avancé dans les magasins ou chambres à fromage, doivent servir de guide. Le mode de fabrication entre aussi pour beaucoup dans leur durée. Les fromages qui ont reçu de la présure trop fraîche, et dont le petit-lait n’est pas totalement séparé, sont sujets à lever, et conservent dans leur intérieur des trous ou larges réservoirs d’air, qui donnent à la pâte un aspect spongieux et désagréable. Lorsque cet accident arrive pendant la fabrication, et si la fermentation est considérable, on place le fromage dans un lieu frais et sec, on le perce avec des brochettes de fer dans les endroits où il lève le plus ; l’air ou les gaz s’échappent par ces ouvertures, le fromage s’affaisse, et l’intérieur présente moins de cavités. — Pour prévenir cet accident, les Anglais se servent d’une poudre, qui se vend sous le nom de poudre à fromage ; elle se compose d’une livre de nitre et une once de bol d’Arménie en poudre, et intimement mélangés. Avant de saler le fromage, et lorsqu’on est sur le point de le mettre en presse, on le frotte avec une once de ce mélange ; une dose plus forte produirait un mauvais effet.

Le rôle que joue le sel est fort important. Nous avons vu en effet que le caséum à l’état sec se conservait indéfiniment, mais il ne possède alors qu’une saveur fade, insipide et peu agréable. L’addition du sel d’un côté et la préparation ou maturation en magasin de l’autre, opérations qui demandent le plus de soins et de surveillance, ont pour but de procurer une fermentation lente ou une réaction graduelle entre les principes élémentaires du fromage. Cette réaction marche d’autant plus rapidement que le fromage est plus mou, et que le local est plus chaud et humide. Plus la fermentation a été lente, plus la saveur du fromage est franche, douce et agréable. C’est au moment précis où cette réaction entre les élémens a produit des combinaisons agréables au goût qu’il faut consommer le fromage : plus tôt, il n’est pas fait ; plus tard, il est dans un état plus ou moins avancé de décomposition. Lorsque le fromage est suffisamment passé, on le met dans un endroit frais et pas trop humide, dans une bonne cave qui ne contient aucune liqueur en fermentation ; celles où le vin se garde bien conservent également bien le fromage, mais celui-ci et le vin s’excluent réciproquement.

Quelques fromages à pâte molle et affinés, comme ceux d’Epoisse, de Langres, de Brie, les Géromé, etc., se mettent dans des boîtes de sapin ou de hêtre. En fermant ces boîtes complètement, et leur donnant une couche ou deux de peinture à l’huile, les fromages se conserveraient plus long-temps et en meilleur état. Chaptal prétendait qu’il en est du Roquefort comme du vin de Bourgogne, qu’on ne peut se faire une idée exacte de l’excellence de ce fromage que dans le pays même, au moment où il sort des caves. Il se décompose, en effet, facilement dans le transport, et c’est pourquoi on le met en vente avant sa parfaite maturité. Ne pourrait-on pas conserver à ces fromages les qualités qui en font le mérite, en les enfermant isolément dans une boîte vernie ou peinte, et exactement fermée ?

Les fromages de Hollande sont généralement enduits d’une couche de vernis à l’huile de lin : cette préparation est sans doute une des principales causes de leur inaltérabilité dans les voyages de long cours ; leur petit volume y entre peut-être aussi pour quelque chose. — En faisant les fromages de Gruyères moins gros, et en les couvrant du même vernis, ils tiendraient tout aussi bien la mer. Le vernis forme une couche unie, solide et sèche qui s’oppose à l’accès de l’air et de l’humidité qui sont les agens les plus actifs de la fermentation. Quant à l’action de la chaleur, on peut s’en garantir en couvrant le fromage avec une couche de charbon en poudre. Telles sont les précautions que je crois convenables pour conserver et faire voyager les fromages. En général, ceux qui font le commerce des fromages doivent les examiner souvent pour ne pas éprouver des pertes plus ou moins considérables.

Les insectes qui attaquent les fromages sont :

1o Le ciron ou mitte des fromages (Acarus siro), qui les dévore lorsqu’ils sont à demi secs. Ces animaux sont d’autant plus dangereux qu’ils éclosent sous la croûte, puis se répandent dans l’intérieur où ils causent des pertes considérables. Quand on a soin de brosser souvent les fromages avec une vergette, de les essuyer avec un linge, de laver à l’eau bouillante les tablettes sur lesquelles ils reposent, on parvient à se débarrasser des cirons. Mais le plus sûr moyen est, après avoir frotté les fromages avec une saumure, de les laisser sécher et de les enduire avec de l’huile ; c’est ainsi qu’on traite le Gruyères lorsqu’il est attaqué par cet insecte destructeur.

2o Les larves de la mouche vert doré (Musca cesar), de la mouche commune (Musca domestica), de la mouche stercoraire, et surtout de la mouche de la pourriture (Musca putris). Ces larves s’introduisent dans le fromage, et y font beaucoup de dégâts. La présence de ces animaux vermiculaires, qui annonce un état avancé de putréfaction, cause beaucoup de répugnance à la plupart des consommateurs ; quelques personnes, au contraire, préfèrent le fromage dans cet état, parce qu’il est plus fort ou d’une saveur plus relevée.

On fait périr tous ces animaux par le vinaigre, la vapeur de soufre brûlé, le chlore, et des lavages au chlorure de chaux. Lorsque le magasin contient ces insectes en abondance, on enlève les fromages, on gratte, et on lave les tablettes avec de l’eau tenant en dissolution du chlorure de chaux ; on rince de même le plancher, et on blanchit les murs à l’eau de chaux. On recommande aussi une fumigation de chlore ; mais nous pensons que les lavages sont suffisans. Lorsque les casiers sont secs, on replace les fromages, qui ont été préalablement lavés avec une eau légèrement chlorurée, sèches, essuyés avec un linge, ou grattés au besoin, et ensuite frottés, comme il a été dit, avec un drap imbibé d’huile.

Si les fromages sont trop passés, c’est-à-dire sont parvenus à un état de décomposition très avancée, on les met dans la poudre de chlorure sec ou dans du charbon en poudre imbibé d’une petite quantité de chlorure de soude qui enlève leur mauvaise odeur, et on se hâte de les livrer à la consommation avant qu’ils soient complètement pourris. Quant à la moisissure, il suffit, pour s’en délivrer, de râcler le fromage, de l’essuyer et le frotter d’huile.

Pour donner au fromage de Gloucester nouvellement fabriqué le goût et l’apparence de fromage ancien, on enlève avec la sonde, sur les deux faces et dans le centre, et en pénétrant jusqu’au milieu, des cylindres de fromage, qu’on remplace par de semblables cylindres pris dans un fromage passé et de bonne qualité ; on tient le fromage ainsi préparé au magasin, et dans peu de jours il a acquis la saveur du vieux Gloucester.

Ce procédé est applicable à tous les fromages veinés, tels que le Sept-Moncel, le Roquefort, etc. M. Girou de Buzareingues condamne avec raison le mélange de pain moisi que quelques fabricans mettent au centre de la pâte pour avancer les fromages en cuve ; une pelote d’ancien fromage remplirait mieux l’objet. Ce pain donne aux fromages un goût tout-à-fait désagréable.

Art. viii. — Conclusion.

On peut se convaincre par tout ce qui a été exposé dans cette analyse des meilleurs travaux sur les fromages, et notamment de la collection de Mémoires publiés par M. Huzard fils[2], que la fabrication des fromages n’offre aucune difficulté que les fermiers ne puissent surmonter ; mais les établissemens les plus importans. ceux que nous recommandons surtout aux montagnards, sont les fruitières, ou associations pour la fabrication du lait. Celui qui possède un trop petit nombre de vaches participe à tous les avantages de la fabrication en grand des fromages. Plus d’un pays a besoin de cette branche d’industrie pour faire sortir les habitans des campagnes de la misère et de l’état de malpropreté dans lesquels ils végètent.

Rien ne s’oppose donc à ce que chaque nation cherche à s’affranchir de l’étranger pour cette denrée, et dans peu sans doute chacune pourra soutenir la concurrence. C’est principalement sur la fabrication des fromages de Hollande, de Chester et de Parmesan, que nous nous plaisons, avec la Société royale et centrale d’agriculture, à attirer l’attention des fermiers. Ceux qui suivront les préceptes qui ont été exposés dans ce précis seront certains de réussir, au moyen de quelques tâtonnemens, qui leur donneront par la suite ce tact, cette habitude que, dans cette industrie comme dans toute autre, on ne peut obtenir que par une pratique raisonnée. Que l’habitant des campagnes ne perde pas de vue les préceptes suivans, qui renferment tout le secret de la fabrication des fromages.

Fabrication, autant que possible, en grandes masses, parce que le fromage a une qualité moyenne et marchande, qu’il est sujet à moins d’accidens, qu’il se dessèche moins vite, et se corrompt plus difficilement. — Emploi d’un lait de bonne qualité, et sans altération. — Usage d’une présure non altérée et d’une force constante, autant que possible. — Coagulation du lait à une température de 27° à 29° cent. (23 à 24 R.), selon la saison, avec une dose de présure convenable, ni trop forte, ni trop faible. — Division exacte du caillé avec les précautions nécessaires, soit pour un fromage à froid, soit pour le fromage cuit. — Séparation, aussi complète que possible, du petit-lait, au moyen d’une pression graduée, et plus forte sur la fin. — Salaison du fromage, après sa pression et sa dessiccation, avec du sel pur et sec. — Soins attentifs dans le magasin pour faire passer le fromage et le faire arriver à point. — Surveillance de tous les jours. — Et par-dessus tout, la plus grande propreté de tous les vases et ustensiles, et de l’opérateur lui-même.

Masson-Four.

Section. iv. — Emploi des résidus du laitage.

Les divers résidus qu’on obtient dans les laiteries sont du lait écrêmé, du lait de beurre, du petit-lait et des eaux de lavage

1o Le lait écrêmé peut être débité dans les environs ou à la ville, employé à la ferme pour la nourriture des serviteurs, ou bien servir à celle des veaux ou des porcs, ou bien enfin converti en fromage maigre ou en serai. En Flandre, près des grandes villes, le lait aigre, battu en masse et dont on a extrait le beurre, est vendu aux blanchisseurs.

2o Le lait de beurre sert, avec les assaisonnemens convenables, à faire de la soupe aux gens de la ferme ; on l’ajoute quelquefois au lait écrêmé pour l’employer dans la fabrication du pain ou celle du serai ; ou bien on en humecte le son, les grains, etc., qu’on donne aux oiseaux de basse-cour. On le distribue aussi aux porcs avec le précédent.

3o Le petit-lait, après qu’on en a extrait le beurre et le serai, qu’on nomme cuite, sert de boisson, comme on le voit dans plusieurs montagnes de la Suisse, ou en médecine, surtout dans les affections de poitrine et les maladies inflammatoires. On en fait encore l’aisy ou petit-lait aigri, qui sert à séparer le serai. On l’emploie pour préparer et délayer la présure, laver les ustensiles dans quelques cas de la fabrication du fromage, pour faire un vinaigre faible employé dans les usages culinaires dans quelques pays ; pour le blanchiment des toiles fines de lin, pour la nourriture des cochons, enfin pour obtenir par son évaporation le sucre de lait impur du commerce.

4o Les eaux de lavage des ustensiles et du beurre ne sont bonnes qu’à être données aux cochons.

Section. v. — Des fruitières ou associations rurales pour la fabrication du lait.

Les habitans des parties montueuses de la Suisse ont imaginé et perfectionné des espèces de sociétés entre cultivateurs qui s’associent pour apporter, tous les jours, dans une laiterie commune le lait produit par leurs troupeaux, et faire transformer ce lait en beurre, fromage et serai. Ces sociétés, qui sont connues sous le nom de Fruitières, ont été également établies dans les villages de la plaine, et se sont introduites en France dans quelques cantons voisins de la Suisse, où elles se sont promptement multipliées.

Dans les Fruitières suisses, suivant M. C. Lullin, à qui nous empruntons ces détails, chaque associé apporte soir et matin son lait à la laiterie commune. Le fruitier le mesure, et tient note de la livraison sur un bâton fendu en deux, dont une moitié reste à la fruiterie, et l’autre est emporté par l’associé. A la fin du mesurage de la seconde traite, le fruitier additionne les livraisons de chaque associé ; celui qui a livré le plus de lait a le produit en fromage de la fabrication de ces 2 traites. On additionne toutes les livraisons ; on soustrait de cette somme le lait fourni par celui qui a eu le produit, et il doit le reste à la société. Chaque jour le lait qu’il apporte est reçu en déduction de sa dette, et lorsqu’il a payé cette dette il redevient créancier de la société. Sa créance s’augmente tous les jours de chacune de ses livraisons, et le jour où sa créance est plus forte que celle d’aucun des autres associés, il a de nouveau le produit de la fruitière, et ainsi de suite ; chaque associé étant alternativement débiteur et créancier de la société, et celle-ci cheminant, en payant chaque jour son plus gros créancier.

Ce mode de comptabilité simple et commode, et qui a été adopté après avoir successivement employé sans succès différentes méthodes, deviendra plus facile à saisir par le tableau suivant du compte d’une fruitière de 10 associés pendant 3 jours.

associés. 1er jour. 2e jour. 3e jour.
1re traite. 2e traite. Somme. Doit. Avoir. 1re traite. 2e traite. Somme. Doit. Avoir. 1re traite. 2e traite. Somme. Doit. Avoir.
Joseph. 4 5 9   9 8 10 18   27 9 9 18   45
Jacob. 7 8 15   15 7 8 15   30 7 8 15   45
Etienne. 3 4 7   7 2 3 5   12 3 3 6   18
François. 1 2 4   4 2 2 4   8 2 2 4   12
Pierre. 8 9 17   17 7 8 15   32 8 9 17   49
Ami. 1 1 2   2 1 1 2   4 1 1 2   6
Jacques. 9 10 19   19 8 11 19   38 10 11 21 129  
André. 14 16 30   30 13 15 28 122   14 15 29 93  
Moïse. 3 4 7   7 4 5 9   16 4 5 9   25
Robert. 30 35 65 110   29 36 65 45   30 37 67   22
Tour dévolu à Robert
qui reçoit 175 lit.
A déduire sa livraison 65
Il redoit 110 lit.
à André. . 180 lit.
à déduire. 58
Redoit. 122 lit.
à Jacques.
à déduire. 59
Redoit. 129 lit.

Un acte de société, fait sous seing privé quand tous les associés savent écrire, et dans le cas contraire devant un notaire, lie ces associations et impose à chaque associé des règles et des devoirs réciproques sous des peines pour ceux qui les enfreindraient. — Dans ces actes il est généralement stipulé que les intérêts de la société sont administrés par une commission composée d’un certain nombre de membres et d’un président, élus par les associés. Cette commission répartit les frais d’établissement et de fabrication, fait les conventions avec le fruitier, surveille l’exécution des clauses de la société, prononce sur les violations du règlement, inflige les peines de ces violations, et prononce sans appel dans les discussions entre co-associés.

Un règlement arrêté par la commission indique les conditions et soins à observer pour la livraison de tout le lait récolté par chaque associé, sauf la quantité nécessaire à son ménage. Il fait connaître les moyens employés pour le mesurage, pour le compte journalier, et pour reconnaître les mélanges avec de l’eau, ou fraudes quelconques, et indique le mode de répartition des produits ou fruits de la vache entre les associés. Enfin il énumère les peines contre toute violation, et ajoute plusieurs dispositions utiles pour la durée de la société, la rigoureuse exécution de ses clauses et les avantages qu’elle promet à chacun des sociétaires.

Le fruitier est ordinairement un homme aux gages de la société, qui souvent est chargé de payer certains objets, tels que toiles, torchons, tabliers, lumière, etc., dont des soins intéressés peuvent diminuer la consommation sans nuire an succès du travail. Quelques fruitiers demandent à être payés à tant la livre de produits qui sortent des ateliers ; mais cette méthode ne parait pas être la meilleure.

Les fruitières sont d’autant plus avantageuses que le nombre des associés est plus considérable, et en les établissant on cherche à y réunir 300 ou 400 lit. de lait par jour dans la bonne saison. Quand on dépasse beaucoup cette quantité, on est obligé de faire 2 fromages par jour pendant l’été, ce qui ne peut avoir lieu avec un seul homme que pendant un temps très-court de l’année.

Le nombre des vaches des fruitières varie de 50 à 100, suivant les localités, c’est-à-dire par la distance des hameaux et la facilité des routes.

Le produit des vaches en fruitières paraît dependre des soins qu’on a d’elles et de la qualité et quantité des fourrages ; mais, généralement, ce produit est assez considérable, et supérieur à celui qu’on peut retirer d’un petit nombre de vaches, dont il est difficile de transformer le lait en produits d’un écoulement facile et avantageux.

Ces associations rurales sont surtout utiles dans tous les pays, et les avantages qu’elles procurent sont fondés sur les faits suivans : 1° le beurre est d’autant meilleur que la crême avec laquelle on le fait est plus fraîche ; 2° le fromage n’est bon que lorsqu’il est fabriqué en grandes masses, et qu’il n’entre pas dans sa composition de lait altéré ; 3° il est d’autant meilleur qu’il est conservé dans un lieu adapté à cet usage, et soigné dans ce lieu avec intelligence ; 4° le travail sur de petites quantités de lait permet difficilement d’obtenir le serai ; 5° les manipulations y sont confiées à une seule personne, qui, par une fabrication journalière, est dispensée des soins minutieux qu’exige la conservation du lait et de la crème ; 6° en opérant sur de grandes masses, on emploie des procédés perfectionnés inapplicables à de petites quantités, et qui fournissent des fromages d’excellente qualité ; 7° la fabrication est dirigée par des hommes qui en font leur unique occupation, et qui acquièrent dans les procédés de leur art une grande pratique et du discernement.

Ces associations, qu’il serait à désirer de voir établir dans un grand nombre de cantons de la France, ont aussi pour résultat de faire participer la plus mince quantité de lait aux avantages des manipulations en grand, de convertir les produits des troupeaux en un comestible d’un transport et d’une vente faciles, de débarrasser du soin des laiteries, de laisser beaucoup de temps pour les autres travaux de la ferme, d’augmenter le nombre des vaches ainsi que leur grosseur, de provoquer des progrès sensibles dans tous les genres de culture, enfin de procurer des gains considérables par la qualité supérieure des produits qu’on y fabrique.

Section vi. — Produits et profits de la laiterie.

Il y a trop de différence, dit Thaer, dans les races de vaches et dans les individus, trop d’inégalité dans la nourriture et l’entretien, trop de variations dans la manière de traiter les produits de la laiterie et d’en tirer parti, ainsi que dans leur prix, pour qu’on puisse rien dire de général sur le produit, et moins encore sur le profit en argent qu’on peut retirer d’une vache à lait. Il y a des exemples de vaches qui, par une laborieuse activité, dans le voisinage des villes populeuses, ont produit une recette annuelle de plus de 600 fr., d’autres où le produit en lait d’une vache ne s’est peut-être pas élevé à 10 fr.; et nous pouvons ajouter aux observations du savant agronome, qu’il est même des cas où la laiterie peut ne laisser aucun produit net, et constituer le fermier en perte.

§ 1er. — Produit de la laiterie.

I. Lait. La quantité de nourriture que consomme une vache à lait dépend de la race, de l’âge, de l’individu, etc., et ne peut être déterminée d’une manière générale, Pour une vache adulte, de taille moyenne, la ration la plus convenable paraît être de 9 à 10 kil. (18 à 20 liv.) de bon foin sec, ou l’équivalent en fourrage vert, graines, tourteaux, tubercules, résidus de brasseries ou distilleries, etc. En partant de cette donnée, fournie par l’observation, nous avons réuni dans le tableau suivant la quantité de lait fournie par des vaches de divers pays, soumises à des régimes très-variés, de tailles et de races fort différentes, mais généralement consistant en animaux de choix, en bonne santé, et dirigés avec intelligence. Nous avons à ce tableau ajouté une colonne qui fait connaître le nombre de litres fournis par chaque espèce de vaches pour 100 kilog. de foin sec consommé, ou pour toute autre nourriture équivalente, avec indication de l’agronome à qui nous empruntons ces documens.

  Quantité de lait
fourni
en une année
en litres.
Litres de lait
fournis
pour 100 kil.
de foin sec
consommés.
Belgique (environs d’Anvers), vaches hollandaises de haute taille ; bonne nourriture à l’étable avec des soupes, équivalant approximativement à 13 kilog. de foin sec (Schwerz). 2557 .60 52.08
Belgique, en moyenne, vaches de tailles diverses ; pâturages gras, bonne nourriture à l’étable, équivalant à 12 kilog. 40 de foin (Schwerz). 2254 49.55
Saxe (Moosen), vaches de Voigtland du poids vivant de 235 à 280 kil.; nourriture à l’étable, verte en été, variable en hiver, égale en moyenne à 9 kil. 40 de foin (Dr Schweitzer). 1527 .20 44.51
Autriche (Carinthie), vaches de Murzthaler de 375 kil. poids vivant ; bonne nourriture à l’étable (Burger). 1564 42.85
Hollande (dans le bas pays), vaches de grande taille ; riches pâturages d’été et bonne nourriture d’hiver à l’étable, estimée à 12 kil. 40 de foin (Schwerz). 1932 42.45
Prusse (Mœglin), vaches de race indéterminée ; nourriture à l’étable, verte en été et égale à 10 kil. de foin sec ; sèche en hiver et égale à 9 kil. 40 de foin (Thaer). 1505 .50 41.82
Suisse (Hofwyll), vaches de la plus grosse taille, de 600 kil. et plus poids vivant ; nourriture à l’étable à discrétion, évaluée à 17 kil. 5 de foin sec (d’Angeville). 2662 41.00
Suisse (Hofwyll), vaches de 600 kil. poids vivant ; nourriture à l’étable équivalant à 14 kilog. foin sec (Schwerz). 2097 .60 40.75
France (Lompnès, Ain), vaches de petite taille, de 275 kil. poids vivant ; nourriture à l’étable, bon foin à raison de 6 kil. 31 par jour (d’Angeville). 915 39.60
France (Roville, Meurthe), vaches du pays, de moyenne taille ; nourriture, 10 kil. de foin par jour (Mathieu de Dombasle). 1416 38.80
Saxe (Altenbourg), vaches du pays, de forte taille ; nourriture à l’étable équivalant à 14 kil. de foin (Schmalz). 1950 .40 37.80
Suisse, terme moyen, vaches de 450 à 500 kil. poids vivant ; nourriture à l’étable, 12 kil. 50 de bon foin (d’Angeville). 1700 37.30
 
Moyenne 
1840 42.43

D’après ce tableau on voit : 1o que, terme moyen, une vache choisie, bien soignée et nourrie convenablement au pâturage ou à l’étable, quelle que soit sa race ou sa taille, doit rendre environ 40 lit. de lait pour 100 kilog. de bon foin sec consommé ou l’équivalent en autre nourriture ; 2o qu’une vache de taille moyenne, bonne laitière et bien nourrie, doit donner environ 1800 lit. de lait pendant le cours de l’année. Or, on sait que, terme moyen, les vaches ne fournissent guère du lait de bonne qualité que pendant 40 semaines ou 280 jours ; ce qui donne 45 lit. par semaine ou près de 6 litres et demi par jour.

Cette quantité de lait fournie journellement varie beaucoup avec le pays, le climat, la nourriture, la race et surtout la saison. Thaer, par exemple, estime que les vaches des environs de Berlin, et dans les établissemens ruraux les mieux dirigés, ne donnent que 4 lit. 68 de lait par jour. Les vaches des environs de Londres en moyenne en fournissent 5 lit.; et, suivant M. Grognier, celles des montagnes du Lyonnais, qui ne reçoivent qu’une chétive nourriture en hiver, 2 lit. seulement, quoique de race bressane. Dans d’autres localités les vaches rendent moins encore quand elles ne reçoivent pas des soins attentifs et une nourriture saine et abondante. D’un autre côté, dans les pays les plus favorables à la santé de ces animaux, dans ceux où on les choisit de bonne race et féconds, où on leur donne une nourriture abondante et de bonne qualité, et où ils sont dirigés et soignés avec sagacité, on obtient, surtout dans la saison la plus favorable, des produits bien supérieurs. Les meilleures vaches laitières des environs de Paris, Lyon, Londres, etc., donnent par jour 8 à 10 lit. de lait au moins ; celles de la Campine, 14 à 15 (Schwerz). Les fermiers flamands, qui procurent à leurs vaches en hiver une bonne nourriture cuite, ou des résidus de brasseries en quantité convenable, et de bons pâturages en été, obtiennent de chacune 18 à 21 lit., et au-delà (Aelbroeck), M. d’Angeville cite des vaches suisses qui donnent 22 lit., et M. Aiton assure que les bonnes vaches hollandaises, du poids de 275 à 350 kil., donnent 10 à 12 lit. 2 fois par jour, et davantage quand elles sont nourries avec des résidus de distilleries. Les bonnes vaches normandes du même poids donnent, dans les bons herbages de la vallée d’Auge, 24 lit. et au-delà depuis le commencement de mai jusqu’à la fin de juillet, et 16 lit. depuis cette époque jusqu’à la fin d’octobre. M. W. Cramp, dans le comté de Sussex, a possédé une vache qui pendant 8 années a fourni, terme moyen, 5,540 lit. de lait par an et jusqu’à 25 lit. par jour pendant les mois d’avril et de mai. La race anglaise de Teeswater donne communément 30 lit., et dans le comté de Suffolk les vaches, qui sont de petite taille, mais excellentes laitières, donnent pendant 2 ou 3 mois 22 à 23 lit., les bonnes 27 et les meilleures 36 lit. au commencement de juin (Arth. Young). Thaer croit que 28 lit. est la plus grande quantité fournie par des vaches nourries à l’étable. M. de Crud fait mention de vaches qui à l’étable ont atteint 40 lit., mais qui étaient des individus remarquables par leur haute stature et leur fécondité. Enfin Thaer dit que des personnes dignes de foi lui ont assuré que certaines vaches rendaient dans les meilleurs pâturages des contrées basses, de 42 à 47 lit. dans le moment de la plus grande abondance.

Une brebis de 2 à 3 ans, soumise 2 fois par jour à la mulsion, donne journellement du 20 avril au 18 juillet 375 à 400 grammes de lait par jour, et en moyenne pour l’année 36 à 40 lit. (Schwerz). — Les bonnes chèvres bien nourries au vert peuvent, pendant 4 à 5 mois, donner 2 à 3 lit. de lait par jour.

II. Beurre. — La quantité de lait nécessaire pour faire un ½ kilog. de beurre, dépend de la richesse du lait, de la manière de former et de recueillir la crème, et de la méthode adoptée pour le battage. Nous consignerons ici les résultats obtenus dans divers pays par les méthodes les plus usuelles.

  Litres.
Salzbourg, dans les Alpes (Burger), 9.  »
Suisse, Hautes-Alpes (Hæpfner). 9. 75
Angleterre,bonnes vaches de Devonshire, 10.  »
France, Roville, vaches nourries de regain et 2 livres de tourteaux de graine de lin, 10 à 11 lit. moyenne (Mathieu de Dombasle), 10. 50
Angleterre, Sussex (W. Cramp), 11. 35
Suisse, Hofwyll (Schwerz), 13.  »
Suisse (Dick), moyenne, 13. 25
Saxe, Altenbourg (Schmalz), 13. 30
Weimar (baron de Reidesel), 14.  »
Wurtemberg (Pabst), moyenne, 14.  »
Prusse (Thaer), moyenne, 14. 05
Voigtland (Schweitzer), 14. 50
Holstein (Lengerke), moyenne, 14. 70
Saxe-Basse (Meyer), moyenne, 14. 70
Belgique (Schwerz), moyenne, 15.  »
Angleterre, Gloucester, moyenne, 15.  »
Flandres (Aelbroeck), 15 à 16, moyenne, 15. 50
France, Roville, vaches nourries au foin et 30 kil. de résidus de distilleries de pommes-de-terre (Mathieu de Dombasle) 16 à 18, moyenne. 17.
Suisse, Claris (Steinmuller). 17. 60
Saxe, Mark (Gérike). 18. 40
Suisse, Hofwyll (Schubler). 19. 50
 
Moyenne, 14 lit.

Ainsi terme moyen on doit compter que 14 lit. (15 pintes) de lait sont nécessaires pour obtenir 500 grammes de beurre délaité convenablement. Un lait dont il ne faut que 9 à 10 lit. pour faire la même quantité de beurre est d’une très-grande richesse, et on en rencontre plus communément qui en exigent 16 à 17 litres.

Plusieurs agronomes ont fait connaître la quantité de beurre fournie par jour par les vaches. Ainsi, dans le Devonshire, on estime terme moyen que les vaches ordinaires donnent 226 gram. (7 onces 3 gros) de beurre par jour ; à Epping, dans le Sussex, cette quantité varie suivant la saison, de 258 à 389 gram. (8 onc. 3½ gros à 12 onc. 6 gros), et en moyenne s’élève à 343 gram. (11 onces). Dans la Campine une vache bien nourrie donne 430 gram. (14 onces) par jour (Schwerz). Chaque vache hollandaise au pâturage donne près de 500 gram. (1 liv.) (Aiton). Une vache normande dans les bons herbages en donne autant, et les meilleures jusqu’à 4 ½ kil. (9 liv.) par semaine. Quelques cultivateurs flamands évaluent à 650 gram. (1 liv. 5 onces 2 gros) le beurre qu’une bonne vache peut produire en un jour, et il y en a qui en donnent 860 gram. (Aelbroeck). M. Schwerz cite une bonne vache hollandaise qui pendant 6 jours qu’il l’observa donnait 1 kil. de beurre par jour.

Cette manière d’estimer le produit d’une vache est peu rigoureuse, parce que le produit par jour varie avec la saison, l’état de santé de l’animal, la température, etc., et bien d’autres circonstances imprévues. Il y a plus d’exactitude à faire connaître le produit annuel, ainsi que plusieurs praticiens instruits en ont donné l’exemple. — Dans les environs de Berlin les vaches rendent terme moyen par année 44 kil. de beurre (Thaer) ; celles du Holstein, 37 à 52 kil. (Langerke) ; à Roville, environ 50 kil. (Mathieu de Dombasle) ; les vaches de Suffolk, dans la laiterie du duc de Richmond, 60 à 67 kil.; en Angleterre, terme moyen 68 kil., et les bonnes vaches 82 kil.; en Hollande 70 kil.; en Flandre, terme moyen avec une nourriture peu abondante, 65 kil., avec une nourriture plus copieuse et meilleure, 86 kil.; à Epping, des troupeaux mélangés de vaches des races de Devon, Suffolk, Leicester, Holderness et d’Ecosse, 96 kil.; savoir, 70 kil. 70 pendant 26 semaines, et 25 kil. 80 pendant 14 semaines. Dans les Polders de la Belgique et de la Hollande, les bonnes vaches donnent jusqu’à 130 kil. de beurre par an (Schwerz). Enfin M. W. Cramp de Lewes, dans le comté de Sussex, a eu une vache qui pendant l’espace de 8 années a donné 1952 kil. de beurre, ou 244 kil. par an, terme moyen.

En calculant sur 1800 lit. de lait comme produit moyen d’une vache, et 14 lit. pour produire 500 gram. de beurre, on voit qu’en moyenne une bonne vache doit donner environ 64 kil. de beurre par an.

III. Crême. La quantité de crême contenue dans le lait est extrêmement variable, et nous avons fait connaître les causes des variations qu’elle présente. La pesanteur spécifique ne peut donner aucun indice à cet égard, et Schubler a trouvé, par exemple, qu’un lait de 1,031 de pesanteur spécifique contenait 19 pour cent de crême, tandis qu’un autre lait qui pesait 1,034 n’en contenait que 7 pour cent. Cette crême elle-même, prise à différentes époques de l’année, chez divers animaux, dans divers pays, est bien loin de posséder la même richesse. M. Berzélius n’a retiré en Suède que le tiers du beurre recueilli en Suisse par Schubler d’une même quantité de crême. En moyenne, on peut estimer à 15 pour cent en volume la quantité de crême fine qu’on récolte sur le lait de vaches de bonne race et bien entretenues, et que 15 lit. de cette crême donnent 3 kil. 57 de beurre, c’est-à-dire qu’il faut 2 lit. 08 de crême pour obtenir 500 gram. de beurre. Dans les expériences sur la température la plus convenable pour battre le beurre, de MM. J. Barclay et Al. Allan, on a trouvé que 68 lit. 15 de crême, du poids spécifique de 811 gram. au litre, ont donné 13 kil. 375 de beurre, ou que 2 lit. 04 de crême ont fourni 500 gram. de beurre. Dans d’autres expériences faites par miss Bradshaw dans le comté de Sussex, 1 lit. 50 de crême a suffi pour donner 500 gram. de beurre.

IV. Fromage et serai. — Pour produire un poids donné de fromage, on emploie des quantités très-diverses de lait. Cette quantité dépend des animaux, des soins qu’on leur donne, de la saison, des herbages, de la qualité de la nourriture qu’on leur administre, du mode de fabrication des fromages, de leur état, leur nature, leur espèce, et de beaucoup d’autres circonstances d’autant plus difficiles à apprécier qu’on manque d’expériences précises sur cette partie de l’industrie agricole.

En Suisse, on calcule ordinairement qu’il faut pour fabriquer 1 kil. de fromage, façon Gruyères, de
9 à 12 lit. de lait pour le fromage gras ;
12 à 16 ———— pour le fromage mi-gras ;
15 à 18 ———— pour le fromage maigre ;
20 à 30 litres de petit-lait pour 1 kilog. de serai (Pabst). — 1998 lit. de lait envoyés en fruitière ont produit 135 kil. de fromage (14 lit. 80 de lait pour 1 kil. de fromage), 38 kil. de beurre et 88 kil. de serai (C. Lullin).— 915 lit. de lait mis en fruitière à Lompnès, départ. de l’Ain, représentent 89 kil. de fromage gras (10 lit. 28 de lait pour 1 kil. de fromage), façon Gruyères, poids de vente, et 22 kil. de serai pesé à un mois de la fabrication. — Dans le comté de Gloucester, on calcule que 454 lit. 34 de lait frais donnent 50 kil. 82 de fromage dit double Gloucester, 1re qualité (8 lit. 94 de lait pour 1 kil. de fromage), et 2 kil. 27 de beurre de petit-lait, ou bien 15 kil. 41 de beurre, et 33 kil. 55 de fromage de 2e qualité (13 lit. 75 de lait pour 1 kil. de fromage). — Un litre de lait donne un peu moins d’un fromage et demi de Neufchâtel salé de 120 à 130 gram. (Desjoberts). — Le lait de brebis du Larzac donne 20 p. % de fromage, et 20 kil. de lait donnent un fromage de Roquefort du poids de 4 kil. (Girou de Buzareingues). Quant au poids total de fromage qu’une vache peut donner annuellement, il varie suivant la proportion et la richesse du lait qu’elle fournit et par les mêmes causes. Le poids total en moyenne du fromage donné par chaque vache sur les montagnes d’Aubrac (Aveyron) est de 62 kil., celui du beurre de 3 kil. 5 (Gibou). Nous avons déjà vu que les petites vaches de M. d’Angeville, dans le départ. de l’Ain, ne donnent en fruitière que 89 kil. de fromage et 22 de serai. — Dans le Jura, on calcule que pendant les 6 mois d’herbe les vaches procurent 90 kil. de fromage façon Gruyères, et M. Bonafous dit que 100 kil. sont le produit annuel moyen de chaque vache dans le pays de Gruyères. — Dans un troupeau des mieux soignés, qui ne faisait pas d’élèves, et ne se recrutait que de bêtes achetées, et par conséquent choisies, qui était abondamment nourri à l’écurie de fourrage de 1re qualité, M. C. Lullin a trouvé, en Suisse, que chaque vache en fruitière a rendu 2,219 lit. de lait, qui pouvaient fournir 150 kil. de fromage façon Gruyères, 42 kil. de beurre et 100 kil. de serai. — Dans le Cantal, la belle race des vaches de Salers donne au moins 100 kil. de fromage, et on en voit qui en donnent 150 kil. et même davantage. Les autres vaches du Cantal, étrangères à cette race, donnent de 65 à 70 kil.; les moindres de toutes, celles de Murat, en donnent à peine 60, et très-peu n’en fournissent que 50 kil. (Grognier). — En Angleterre, cette quantité varie suivant les districts à fromages ; quelques fermiers considèrent 125 kil. comme le produit annuel et moyen ; d’autres le font monter jusqu’à 200 kil. M. Rudge, dans son rapport sur l’agriculture du Gloucester, établit que dans ce comté le produit annuel est de 175 à 225 kil., et que le produit moyen d’un troupeau de 20 bêtes est 200 kil. par tête. D’un autre côté, Marshall assure que dans les contrées du centre de l’Angleterre ce produit ne dépasse jamais 150 kil. quand le lait est écrêmé, et qu’en moyenne on ne compte guère que sur 100 kil. — Dans les fermes du comté de Chester qui ont 25 vaches, on fait pendant les mois de mai, juin et juillet, un fromage de 27 à 28 kil. par jour. — En Hollande, suivant les fermiers, chaque vache donne 1 kil. 50 à 2 kil. de fromage de Gouda par jour, et 30 vaches fournissent environ 150 kil. de fromage de lait écrêmé de Leyde par semaine (J. Mitchell). — On évalue, dans le Larzac, à 8 ou 9 kil. la moyenne du fromage fourni par chaque brebis (Girou). — Les chèvres du Mont-d’Or donnent pendant 6 à 7 mois de l’année au moins 2 fromages de ce nom par jour (Grognier). Tandis que les chèvres laitières du dép. des Hautes-Alpes, qu’on ne trait que dans la saison opportune, ne donnent, l’une portant l’autre, que 7½ kil. de fromage chacune par an (Ladoucette).

V. Beurre de petit-lait. — Il n’est pas facile de déterminer la quantité de beurre que peut donner le petit-lait, parce qu’elle dépend de la nature du lait, des soustractions de matière butireuse et des transformations que les manipulations lui ont fait subir avant d’être transformé en sérum. Suivant Twamley et d’autres agronomes, en Angleterre et en quelques localités de la France, etc., on a remarqué qu’il fallait 100 lit. de petit-lait vert pour donner 1 kil. de beurre.— En Hollande, on compte que chaque vache donne 448 à 672 gram. de ce beurre par semaine ; et, suivant M. Desmarets, 20 vaches, en Auvergne, donnent environ 50 kil. de beurre de petit-lait dans l’année. — Dans des expériences faites avec soin en Allemagne, et rapportées par M. Pabst, on voit que 30 lit. de petit-lait n’ont donné en hiver que 117 gram. 50 de beurre (260 lit. pour 1 kil. de beurre), mais qu’en été on a retiré 176 gram. (170 lit. pour 1 kil.) de la même quantité de petit-lait.

VI. Quelques autres faits observés, et qui se lient à l’économie de la laiterie, serviront peut-être à faciliter les calculs de cette branche de l’industrie agricole, et à leur donner plus de précision. — En Angleterre, on a reconnu que 725 lit. de lait produisent dans un veau une augmentation de poids de 50 kil. Cette augmentation a lieu en 7 semaines, époque à laquelle on le livre ordinairement au boucher, et sa consommation en lait a lieu dans le rapport suivant : 1re semaine, 45 lit.; 2e, 72 ; 3e, 90 ; 4e, 110 ; 5e, 125 ; 6e, 137 ; 7e, 146 : total, 725. On considère également, dans le même pays, que l’étendue en prairies ou en herbages ordinaires nécessaire pour ajouter 50 kil. en viande au poids d’un bœuf, employée à nourrir une vache, fournirait 1500 lit. environ de lait, qui, convertis en fromage, en donneraient 95 kil., indépendamment de la quantité de chair qu’on obtiendrait en nourrissant les cochons avec le petit-lait. — Le nombre des porcs qu’on peut engraisser avec les résidus d’une laiterie dépend de la nature de ces résidus, et suivant que c’est du lait écrêmé aigri, du lait de beurre ou du petit-lait. On a trouvé par expérience, en Angleterre, que 2 vaches suffisent pour entretenir un porc de 2 ans de lait aigre écrêmé, jusqu’à ce qu’il soit mis à l’engrais, et qu’il en faut 4, dans la saison favorable, pour porter un porc de 20 kil. à 120 kil., ce qui fait 25 kil. par vache, qui allaite en outre son veau. Quand on ne donne aux porcs que le lait de beurre ou le petit-lait, on leur en administre 10 à 12 lit. par jour. En Auvergne, on entretient avec le petit-lait un nombre de porcs égal au tiers de celui des vaches (Grognier), et dans les fruitières suisses, 12 porcs pour 100 vaches (C. Lullin), etc. D’après les résultats d’essais nombreux, on peut admettre en principe que le poids du foin et de la paille consommés en nourriture, et celui d’une litière qui, en absorbant toute l’urine, n’excède cependant pas les besoins, sont doublés dans leur transformation en fumier. (Thaer.)

§ II. — Profits de la laiterie.

Avant de donner des exemples de la manière dont doivent être calculés les dépenses et les profits d’une laiterie, nous rappellerons ici en peu de mots quelques principes généraux qui servent à les assurer ou à les étendre, ou à faire mieux apprécier ceux qu’on est en droit d’attendre d’une bonne administration.

Pour retirer des bénéfices d’une laiterie, on aura donc égard aux conditions suivantes :

1o La localité. Nous avons déjà dit (p. 1re) que c’était elle qui servait à déterminer sous quelle forme il était le plus avantageux de débiter les produits de la laiterie. Mais cela ne suffit pas encore, et il faut de plus que, dans cette localité, il y ait pour ces produits un marché toujours ouvert, placé à une distance modérée, d’un accès facile, où l’on trouve en tout temps un écoulement prompt des denrées de ce genre, à un prix satisfaisant et qui ne subisse pas des variations trop étendues dans le cours de l’année.

2o Des animaux de choix. C’est une condition fort importante ; et un fermier soigneux doit bannir impitoyablement de ses étables toute vache qui n’est pas bonne laitière, qui consomme au-delà de ce qu’elle rapporte ou ne paie pas sa nourriture. Il en fera de même pour celles qui donnent des produits de mauvaise qualité ou peu riches en principes.

3o La perfection des produits. En général on doit s’efforcer de fabriquer des produits excellens, parce que, sans coûter beaucoup plus de travail, ils peuvent se débiter à un prix bien plus élevé, et que leur réputation peut les faire rechercher au loin, c’est-à-dire dans un marché beaucoup plus étendu. Néanmoins il faut souvent consulter à cet égard le goût et les caprices des pays environnans où s’écoulent ces denrées ; mais il est toutefois certain qu’une bonne fabrication étend toujours la consommation.

4o Le bon marché de la nourriture. Il faut s’efforcer, par tous les moyens, de diminuer le prix de la nourriture, qui ne doit pas toutefois cesser d’être saine et abondante. C’est ainsi qu’on doit rechercher avec empressement les résidus des féculeries, des fabriques de sucres de betteraves, des distilleries, etc., dont le bas prix procure une nourriture économique aux animaux et favorable à la production du lait.

5o La condition de l’éducateur. Le fermier doit être propriétaire ou au moins locataire des pâturages ou terres qui servent à la pâture des vaches ou à la production des denrées qu’elles consomment ; et il doit s’acheter à lui-même l’herbe, le foin, ou autres denrées consommés par ses animaux, au prix de la ferme ou de revient, et non pas au prix du marché, comme on le fait généralement par erreur quand on établit le compte des frais et recettes de la laiterie. — Ceci demande une explication. Un cultivateur ne retire généralement de bénéfice des produits de son exploitation que lorsque ceux-ci, portés sur le marché, passent dans d’autres mains. Or, le foin consommé chez lui ne doit pas, quand il se l’achète à lui-même, lui procurer ce bénéfice ; et s’il vend son foin au prix du marché, puis qu’il vende ensuite son lait avec avantage, il aurait eu un double bénéfice de ses avances, ce qui est difficile, ou au moins ce qui arrive rarement. Il faut donc qu’il choisisse entre le bénéfice qu’il peut faire sur le foin ou celui que lui procurera le lait, après que le foin aura été vendu au prix de la ferme ou de revient et converti en lait ; en un mot il ne doit réaliser des profits qu’après que les produits de sa ferme, soumis par lui à diverses transformations, auront été apportés sur le marché, et passeront dans d’autres mains qui le rembourseront avec avantage de toutes ses avances. Cette observation mérite attention, parce que, faute d’y avoir eu égard, plusieurs agronomes ont à tort constitué en perte le compte de la laiterie dans les établissemens ruraux dirigés, du reste, avec sagacité.

6o Consommation sur lieu. Il y a presque toujours beaucoup d’avantage à faire consommer dans la ferme, surtout par la famille et les serviteurs, la plus grande quantité possible de laitage, qui remplacera avec avantage d’autres objets de consommation d’une valeur plus grande, ou qu’on ne peut se procurer qu’à un prix plus élevé et argent comptant.

Nous allons présenter ici, pour exemple, le détail des dépenses fixes et des profits, pendant une année, dans un établissement de laiterie aux environs de Paris, où tout est conduit avec économie et intelligence, et qui débite journellement son lait dans la capitale.

Dépenses.

20 vaches du poids moyen de 300 kil., à raison de 250 fr., prix moyen par tête, au total 5,000 fr.

1o Intérêt de cette somme à raison de 5 p. % par an 
 250
2o Intérêt de cette même somme pour chances, maladies, épizooties et dépérissement annuel à raison de 10 p. % par an 
 500
3o Nourriture tant en foin qu’en fourrage vert, racines, tubercules et résidus de fécalerie à raison de 53 c. par jour et par tête de vache 
 3,869
4o Paille consommée et litière, à raison de 3 kil. par jour et par tête, et au prix de 18 fr. les 500 kil. 
 784
5o Loyer de la vacherie, de la grange, de la laiterie, impôt compris 
 450
6o Ustensiles divers pour la laiterie, à raison de 300 fr., intérêt de cette somme à 20 p. % pour détérioration, casse, etc. 
 60
7o Un taureau coûtant annuellement en nourriture, intérêt du prix d’achat compris 
 160
8o Un vacher et une servante pour la laiterie à raison de 150 fr. chaque par an 
 300
9o Nourriture de ces deux serviteurs sur le pied de 70 c. par jour 
 511
10o Soins du vétérinaire, médicamens, etc. 
 120
11o Sel pour les vaches à raison de 30 gram. (1 once) par jour et par vache 
 110
12o Frais de transport du lait 
 226

Total des dépenses 
 7,340
Par tête de vache 
 367
Recettes.
200 voitures de fumier frais de 600 kil. chaque à raison de 1 fr. 75 c. 
 350
20 veaux vendus après leur naissance à raison de 10 fr 
 200
37,234 litres de lait débité à Paris à raison de 30 c. le litre 
 11,170
Total des recettes 
 11,720
Dépenses 
 7,340

Profits 
 4,380
Par tête de vache 
 210

Nous puisons un second exemple dans l’excellent mémoire que M. Grognier a donné sur le bétail de la Haute-Auvergne, et particulièrement sur la race bovine de Salers. Ces animaux, généralement d’une belle taille, sont dirigés sur les montagnes ou pacages vers la fin de mai, et en descendent vers les premiers jours d’octobre. Après y être restés ainsi pendant environ 160 jours, ils redescendent dans les plaines et sont introduits dans les prés, où ils restent la nuit comme le jour pendant environ un mois. Ils rentrent ensuite à l’étable, où l’hivernage dure 4½ à 5 mois, au bout desquels ils sortent pour pâturer pendant un mois les mêmes prés qu’à l’automne avant de se rendre sur la montagne.

Une bonne vache de montagne, à Salers, vaut 130 fr., dont l’intérêt à 10 p. %, y compris les chances et non-valeurs, est de 
 fr.
13
25 quintaux métriques de foin pour l’hivernage, récoltés sur les propriétés du pasteur, à 2 fr. le quintal métrique 
 50
Estivage ou pâture sur la montagne, sur la propriété du pasteur 
 13
Dépaissance dans les prés pendant environ 50 jours aux mêmes conditions 
 14
Sel 
 10

Total des déboursés 
 100
Produits.
Un quintal métrique de fromage produit sur la montagne 
 90
Un veau que la vache nourrit seule jusqu’à 2 mois 
 30
Plus-value du veau que 2 vaches nourrissent sur la montagne tout en faisant du fromage, 40 fr.; pour chacune 
 20
Beurre de montagne ou de petit-lait. 6 Nourriture d’une portion des cochons attachés à la vacherie 
 6
Fumier pendant l’hivernage 15 Production du lait pendant l’hivernage 
 5
Lait qu’on tire avant la mise-bas à l’étable 
 5

Total du produit 
 177
Déboursés 
 100

Balance en bénéfice, ou produit net d’une vache à Salers 
 77
F. M.

  1. a et b Cet instrument est décrit et figuré dans le chap. 1er, livre 1er.
  2. Art de faire le beurre et les meilleurs fromages, etc. In-8o, 1833.