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Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 8/T3/ch. 4

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome cinquièmep. 95-504).
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CHAPITRE IV. — Taille et conduite des arbres fruitiers.

Lorsqu’on a parcouru les vergers des Belges, des Allemands, des Anglais, cultivés dans des conditions de sol et de climat généralement moins favorables qu’en France, on s’étonne et l’on s’afflige de voir chez nous, sauf de bien rares exceptions, les arbres à fruit tellement négligés que des régions tout entières n’offrent pas un seul fruit mangeable, tandis que dans d’autres, les arbres à fruit sont mutilés plutôt que taillés, ou bien, ce qui ne vaut pas mieux, abandonnés à eux-mêmes. La production abondante, le volume et la saveur du fruit, sont, si l’on peut s’exprimer ainsi, le résultat d’un système hygiénique imposé par l’homme aux arbres fruitiers ; la greffe, qui le force à vivre sur un autre arbre souvent d’un tempérament contraire, est une interversion des lois naturelles. L’homme, pour utiliser les végétaux, modifie la nature ; la nature tend constamment à reprendre ses droits, à diriger la végétation, non pas vers la satisfaction des goûts et des besoins de l’homme, mais vers la conservation des individus, et la perpétuité des races ; les végétaux appropriés à nos usages, les arbres fruitiers surtout, ne peuvent donc pas être abandonnés à eux-mêmes ; de là, la nécessité de tailler et de conduire les arbres fruitiers.

Les principes de la taille, appropriée à chaque espèce d’arbres fruitiers, reposent sur le mode de végétation qui lui est propre. Quoiqu’un traité de jardinage ne soit point un livre de physiologie végétale, nous avons cru devoir appuyer nos conseils de l’exposé des principes sur lesquels ils sont fondés ; nous l’avons fait avec d’autant plus de soins que nos conseils diffèrent sous plusieurs rapports essentiels de ceux qu’ont donné nos devanciers. Nous regardons la taille et la conduite des arbres fruitiers comme des objets tellement importants dans la pratique de l’horticulture, que nous les isolons entièrement du chapitre consacré à la plantation et à l’entretien des vergers, que nous traiterons séparément (voir Jardin fruitier).

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. I. Taille et conduite du pécher ; principes généraux.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 96
2. 
Principes de la taille du pécher 
 97
3. 
Branches du pécher en espalier : nomenclature 
 98
A 
Tronc 
 ib.
B 
Branches-mères 
 ib.
C 
Membres 
 ib.
D 
Branches à bois 
 ib.
E 
Bourgeons 
 ib.
F 
Bourgeons anticipés 
 ib.
G 
Gourmands ou branches gourmandes 
 ib.
H 
Branches à fruit 
 99
I 
Branches de remplacement 
 ib.
J 
Bouquets ou cochonnets 
 ib.
4. 
Coupe : emploi des instruments 
 ib.
5. 
Conduite et taille du pécher en plein rapport 
 100
A 
Pincement 
 101
B 
Ébourgeonnement 
 102
C 
Palissage 
 103
6. 
Conduite d’un jeune pécher 
 104
A 
Forme en V ouvert 
 ib.
B 
Forme à la Dumoutier 
 ib.
C 
Forme carrée 
 ib.
D 
Forme en cordons 
 105
E 
Forme en palmette à double tige 
 ib.
F 
Forme en U 
 ib.
7. 
Taille d’un jeune pécher 
 ib.
8. 
Rajeunissement d’un vieux pécher 
 108
9. 
Pécher en plein vent 
 ib.
Sect. II. Taille et conduite de la vigne.
 
§ 1. 
Végétation naturelle de la vigne 
 ib.
2. 
Multiplication de la vigne 
 109
3. 
Choix et préparation du terrain : plantation 
 ib.
4. 
Formation de la tige et des cordons 
 110
5. 
Ébourgeonnement 
 112
6. 
Pincement 
 ib.
7. 
Palissage 
 113
Sect. III. Taille et conduite de l’abricotier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 ib.
2. 
Caractères des branches 
 ib.
3. Abricotier
en espalier 
114
4. ——
en plein-vent 
116
Sect. IV. Taille et conduite du prunier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 ib.
2. 
Prunier en espalier 
 ib.
Sect. V. Taille et conduite du cerisier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 117
2. 
Cerisier en espalier 
 ib.
Sect. VI. Taille et conduite du poirier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 117
2. 
Productions fruitières 
 118
3. 
Taille 
 119
4. 
Pincement 
 120
5. 
Chargement et déchargement 
 121
6. 
Poiriers conduits en espalier 
 ib.
A 
Palmette simple et double 
 ib.
B 
Poirier en éventail 
 122
7. 
Poiriers conduits en pyramides, quenouilles, vases et girandolles 
  
A 
Poirier en pyramide ou cône 
 123
B 
Poirier en quenouille 
 124
C 
Poirier en vase 
 ib.
D 
Poirier en girandole 
 125
8. 
Recépage et restauration d’un vieux poirier 
 ib.
Sect. VII. Taille et conduite du pommier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 126
2. 
Pommiers nains 
 ib.
Sect. VIII. Taille et conduite du groseillier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle
 
Groseillier à grappe 
 127
2. 
Taille et ravalement 
 128
A 
Groseillier à fruit noir, cassis 
 129
B 
Groseillier épineux 
 ib.
Sect. IX. Taille et conduite du framboisier.
 
§ 1. 
Végétation naturelle 
 ib.
2. 
Taille et élagage 
 ib.
3. 
Framboisier des Alpes 
 130
4. 
Arbres fruitiers que l’on ne taille pas 
 ib.

Section 1re. — Taille et conduite du pécher ; principes généraux.

§ 1er. — Végétation naturelle.

La taille et la conduite propres à chaque espèce d’arbre fruitier ne peuvent avoir qu’une seule base rationnelle : l’étude de son mode particulier de végétation. Plusieurs particularités propres au pêcher établissent des différences importantes entre sa manière de végéter et celle des autres arbres à fruit. Pour nous en former une juste idée, considérons d’abord ce que deviendrait un pêcher greffé, puis livré à lui-même. Pendant les deux ou trois premières années, il poussera des branches vigoureuses, plus ou moins divergentes, dont les rameaux supérieurs, à l’exclusion des autres, finiront par se charger de fleurs et de fruits tout en continuant à s’allonger. Si après la première récolte nous examinons les parties de ces rameaux qui auront porté fruit l’année précédente, nous n’y trouverons ni bourgeon, ni bouton à fruit ; nous verrons toute la sève se porter vers le haut des branches, dont le bas se trouvera dégarni pour toujours. Dans une branche de pêcher, la partie qui a porté fruit n’en portera plus jamais, quelle que soit la durée de l’arbre, c’est la loi dominante et invariable de sa végétation. Au bout de quelques années, il n’a plus à nous montrer que des bouquets de rameaux verts supportés par des montants aussi dépouillés, aussi complètement nus que des manches à balai. Tel serait donc l’aspect d’un pêcher en espalier qu’on se bornerait à palisser contre un mur, et qui serait ensuite abandonné au cours naturel de sa végétation ; il s’élancerait vers le haut de la muraille qu’il dépasserait presque toujours ; sa partie supérieure se couvrirait seule de feuillage, et porterait çà et là quelques fruits ; le bas n’offrirait que des branches lisses, entièrement nues, sans apparence de fruit, ni même de feuillage.

Ces faits constatés, il en ressort ce principe, que toute branche de pêcher ayant porté des fruits ou seulement des fleurs, ne pouvant plus jamais en porter, doit être supprimée, et que pour pouvoir espérer une succession de récoltes annuelles, il faut provoquer la formation annuelle des branches à fruit. Il en résulte aussi la nécessité de combattre constamment le penchant du pêcher à lancer sa sève vers ses rameaux supérieurs, au détriment des autres, et de le forcer à la distribuer également dans toutes ses parties, afin d’y produire des branches à fruit en remplacement de celles qui, chaque année, deviennent improductives après avoir porte une seule récolte.

Une autre particularité propre au pêcher n’est pas moins digne de notre attention. Les yeux à bois ou à fruit existant sur une branche de pêcher se développent tous, sans exception, à l’époque où il commence à végéter ; il est donc impossible de compter, pour les remplacements, sur les yeux qui pourraient se montrer plus tard ; l’existence de ces yeux latents, si précieux pour d’autres espèces d’arbres fruitiers, est incompatible avec le mode de végétation du pêcher ; c’est sur la branche à fruit de l’année, et parmi les yeux à bois de cette branche, qu’il faut chercher les moyens de la remplacer pour l’année suivante ; il n’y a pas d’autre ressource. Les arbres francs obtenus de noyaux ont seuls la faculté de se rajeunir quelquefois par des yeux latents qui percent le tronc ou les grosses branches supprimées ; mais cette chance n’existe même pas pour les pêchers greffés qui garnissent nos espaliers.

Remarquons en outre que, tandis que chez beaucoup d’autres arbres, la sève éprouve au milieu de la saison un temps d’arrêt qui permet de distinguer la sève d’août de celle du printemps, chez le pêcher, la sève ne suspend pas un instant son activité, depuis les premiers jours du printemps jusqu’à l’entrée de l’hiver.

Tout le système de la taille du pêcher repose sur ces observations. Nous ne pouvons mieux faire ressortir la nécessité de surveiller sans cesse l’équilibre de la sève entre toutes les parties du pêcher, qu’en citant ces paroles si justes et si vraies de M. Lelieur.

« La sève peut être considérée comme un torrent qu’il est aisé de maintenir dans le lit que la nature ou la main de l’homme lui a tracé ; il faut seulement se porter à temps aux endroits où elle veut faire irruption, la prévenir, obstruer les passages, en même temps qu’on lui laisse dans le voisinage assez de canaux libres pour s’écouler ; alors elle portera l’abondance et la vie dans ces mêmes canaux qu’elle eût abandonnés, et qui se fussent desséchés si on lui eût laissé la liberté de s’en frayer de nouveaux selon son caprice.» Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/109 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/110 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/111 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/112 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/113 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/114 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/115 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/116 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/117 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/118 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/119 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/120 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/121 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/122 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/123 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/124 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/125 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/126 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/127 l’abricotier, au moment du palissage, un certain nombre de jets on avant des branches principales, pourvu qu’ils ne dépassent pas 0m,08 à 0m,10 ; ce sont toujours ceux qui portent les plus beaux et les meilleurs fruits ; ils représentent tout à lait pour l’abricotier les bouquets du pêcher qui sont aussi sur cet arbre les productions fruitières les plus précieuses. Ces jets, tant qu’ils n’atteignent pas au-delà de la longueur désignée ci-dessus, ne doivent point être taillés-, on ne taille pas davantage les lambourdes ou branches fruitières latérales qui s’arrêtent d’elles-mêmes à 0m,20 ou 0m,25 de longueur ; les autres se taillent plus ou moins longues en raison de leur force relative et du nombre d’yeux à fleur dont on les voit chargées. On reproche à l’abricotier de se prêter mal à la conduite en espalier, parce qu’il se dégarnit promptement du bas et laisse de place en place des vides nombreux dépourvus de productions fruitières ; on peut juger par ce qui précède si ce reproche est mérité ; on ne doit s’en prendre qu’à la négligence du jardinier lorsqu’un arbre aussi docile que l’abricotier, aussi prompt à rejeter du bois jeune et fertile partout où il est convenablement taillé, laisse des vides improductifs sur le mur d’espalier.

§ IV. — Abricotier en plein-vent.

L’abricotier en plein-vent n’exige pas moins de soins que l’abricotier en espalier, lorsqu’on veut en obtenir des récoltes abondantes et assurer la longue durée des sujets. Après l’avoir greffé à la hauteur de deux mètres, on lui forme, d’après les principes que nous venons d’exposer, quatre membres principaux dont on dirige la végétation par le pincement et l’ébourgeonnement. Pendant les deux ou trois premières années, il est bon de palisser ces branches au moyen d’un cerceau, afin de les maintenir à égales distances entre elles ; on aura soin à la taille de ne pas laisser l’intérieur de la tête ainsi formée s’encombrer de branches superflues ; on préviendra la perte des branches épuisées en les rabattant dès que leur fertilité commencera à diminuer ; on surveillera toutes les productions fruitières pour leur ménager des branches de remplacement. L’abricotier en plein-vent se rajeunit et renouvelle sa charpente aussi facilement que l’abricotier en espalier ; il veut être débarrassé avec encore plus de soin des branches mortes ou malades, parce que la position presque verticale du jeune bois y rend la propagation du mal bien plus rapide que dans les branches de l’abricotier en espalier dont la position se rapproche toujours beaucoup plus de la ligne horizontale. Dans les pays exposés aux vents violents, on conduit souvent l’abricotier en corbeille ou en vase, après l’avoir greffé tout près de terre. Dans ce cas, on le taille exactement comme nous venons de l’indiquer pour l’abricotier en plein-vent à haute tige, en ayant soin seulement de ne pas lui laisser prendre un trop grand développement, afin qu’il puisse être plus facilement protégé par une haie ou par un abri quelconque contre le vent dominant, seul but qu’on se propose d’atteindre en donnant cette forme à l’abricotier.

Section IV. — Taille et conduite du prunier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

Si toutes les fleurs du prunier venaient à bien, l’arbre ne pourrait nourrir tous ses fruits, tant sa floraison est abondante ; sa végétation naturelle offre cette particularité que les boutons à fleur s’y forment d’eux-mêmes sur toute la longueur des branches à fruit (fig. 262), sans qu’il soit jamais nécessaire de provoquer par la taille le changement des yeux à bois en boutons à fruit, comme on le fait pour le poirier et le pommier, qui, sans celte précaution, seraient très peu productifs. Si l’on ajoute à cette propriété naturelle des yeux du prunier celle de former sans aucun secours artificiel une tête gracieuse où les branches sont distribuées souvent avec autant de régularité que si le jardinier avait mis tout son savoir-faire à les disposer par le palissage, on doit en conclure que le prunier sous le double rapport de la production et de la forme, est dô tous nos arbres à fruit celui qui à le moins besoin d’être taillé. En effet, le prunier en plein-vent à haute tige, forme qu’on lui donne le plus souvent, ne se taille presque point. Le jardinier, après l’avoir établi sur quatre membres, comme nous l’avons indiqué pour l’abricotier, peut le laisser aller ; il n’a plus qu’à le débarrasser du bois mort, et à supprimer au besoin les bourgeons qui menaceraient de s’emporter en branches gourmandes. Si la suppression d’une branche gourmande ou la mort d’une bonne branche laisse un vide dans la tête du prunier, il suffit de tailler sur un bon œil à bois deux ou trois des bourgeons de l’année les plus voisins du vide à remplir ; il en résultera des bifurcations qui ne tarderont point à produire l’effet désiré.

Fig. 262.

§ II. — Prunier en espalier.

La prune, quelle que soit son espèce, mûrit plus tôt à l’espalier qu’en plein-vent ; elle est sous ce rapport le contraire de l’abricot, qui pourtant offre avec la prune de nombreuses analogies. Les jardiniers de profession cultivent peu la prune en espalier, ils trouvent un meilleur emploi de leurs murs bien exposés, en les garnissant de pêchers et d’abricotiers. Cependant, on obtient un prix fort avantageux des belles prunes précoces récoltées sur les arbres en espalier : la reine-claude et la mirabelle sont les prunes les plus recherchées et les plus avantageuses pour le jardinier. L’amateur ne doit point dédaigner de leur consacrer une partie de ses murs au midi, s’il tient à les récolter de bonne heure, et au nord-ouest s’il veut prolonger sa jouissance. La conduite du prunier en espalier diffère peu de celle de l’abricotier ; seulement, les branches à fruit étant en grand nombre sur le prunier en espalier, et constituant presqu’à elles seules les productions fruitières, on peut sans inconvénient multiplier les membres plus que dans l’espalier d’abricotier, et laisser conséquemment un peu moins d’intervalle entre elles. La fig. 263 montre la forme la plus convenable sous laquelle le prunier puisse être conduit en espalier ; c’est une forme en éventail un peu serré ; on peut laisser prendre aux membres AA une longueur indéfinie, pourvu qu’on maintienne l’égalité de végétation entre les deux côtés qui se correspondent. Les bouquets du pêcher sont, comme nous l’avons vu, terminés par un œil à bois qui ne donne que des feuilles et ne se prolonge pas ; les bouquets du prunier, bien qu’ils offrent exactement la même disposition, et que leur œil à bois terminal ne s’ouvre d’abord qu’en feuilles, durent néanmoins plusieurs années, pendant lesquelles ils deviennent successivement des brindilles, puis des branches, qu’il est nécessaire de rabattre sur un œil à bois. Les productions fruitières du prunier sont fertiles comme celles de l’abricotier pendant six ou huit ans ; on pourvoit à leur remplacement dès que leur fertilité diminue. Toute petite branche ou brindille B placée sur le devant d’une branche principale de l’espalier peut être convertie en un bouquet ; il suffit pour cela de la rabattre très court ; on la traite ensuite comme les autres bouquets formés naturellement.

Fig. 263.

Le prunier se prête également bien à prendre à l’espalier la forme en palmette à tige simple (voir Pêcher, fig. 245), et en plein-vent la forme en quenouille ou pyramide (voir Poirier, fig. 278). Ces dernières formes sont celles sous lesquelles on conduit les pruniers nains élevés dans des pots et forcés dans la serre pour figurer au dessert à l’époque de la maturité des fruits, qui ne perdent rien de leur volume ni de leur qualité, quelque petits que soient les arbres qui les portent. Il n’est point d’amateur ayant une serre qui ne puisse, avec quelques soins, et presque sans dépense, donner cet ornement à ses desserts.

Section V. — Taille et conduite du cerisier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

Le cerisier a encore moins besoin que le prunier d’être taillé. La taille, sur quelque arbre qu’on opère, a pour but de donner au sujet une forme convenable et de provoquer sa mise à fruit. Le cerisier se met à fruit de lui-même, et prend naturellement la forme qui convient le mieux à son mode de végétation ; comme il est encore plus sujet à la gomme que l’abricotier et le prunier, il craint le fer comme ces deux arbres, et ne doit être privé de ses grosses branches qu’en cas d’absolue nécessité. Lorsqu’on relève en plein-vent, une fois que sa tête est commencée sur quatre bonnes branches, il n’y a plus à s’en occuper ; toute branche morte ou endommagée peut être remplacée par le développement des yeux qui ne manquent jamais de percer l’écorce, quel que soit l’âge du bois.

§ II. — Cerisier en espalier.

Les cerisiers d’espèces précoces se plantent avec avantage à l’espalier ; ils y sont dune fertilité prodigieuse ; leur produit n’est guère moins lucratif que celui d’un bon espalier de pêcher ou d’abricotier. Rien n’est plus agréable à conduire qu’un espalier de cerisiers ; ces arbres sont d’une docilité parfaite : leurs jets, longs et souples, peuvent être palisses très près les uns des autres, de sorte que le mur est parfaitement couvert en très peu de temps ; on n’a point à craindre, comme pour le pêcher, que les branches palissées dans une situation verticale s’emportent aux dépens du reste de l’arbre ; rien ne s’oppose à ce que le cerisier en espalier soit conduit avec la plus régulière symétrie. Les yeux à fleurs du cerisier mettent trois ans à se former ; mais une fois la mise à fruit bien établie, ils se succèdent sans interruption, et donnent tous les ans. Les productions fruitières du cerisier sont des lambourdes (fig. 264), dont la taille prévient le prolongement excessif ; on en provoque le remplacement avant qu’elles soient épuisées. Les cerisiers nains, greffés sur mahaleb, cultivés en pots, se conduisent d’ordinaire en quenouille ; cette forme n’offre d’autre avantage que celui détenir peu de place sur la table où ces cerisiers sont destinés à figurer au dessert avec leurs fruits mûrs ; le cerisier ne se plaît pas sous cette forme, trop contraire à sa libre végétation.

Section VI. — Taille et conduite du poirier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

Les arbres à fruits à pépins, moins capricieux que les arbres fruitiers à noyau, quant à la régularité des récoltes, sont beaucoup plus lents à se mettre à fruit ; livrés à eux-mêmes, ils s’y mettraient fort tard ou même ils ne s’y mettraient pas du tout ; les bons fruits à pépins sont, plus que tous les autres, des conquêtes de l’industrie humaine, conquêtes que l’homme ne peut conserver qu’à force de soins. Le poirier est, par le nombre, la variété et les qualités précieuses de ses fruits, le premier d’entre nos arbres fruitiers à pépins. Avant de nous occuper des moyens d’en obtenir par la taille des récoltes régulières, abondantes et durables, nous devons étudier son mode particulier de végétation.

Fig. 265

Toute branche de poirier se termine par un œil à bois ; cet œil s’ouvre au printemps pour former un rameau semblable en tout à celui qui l’a porté ; la branche, livrée à elle-même, continue à croître ainsi par son extrémité supérieure. Tous les yeux des pousses de chaque année sont à bois sans exception. Suivons sur un rameau de trois ans (fig. 265) la destinée de ces yeux, en commençant par les derniers. Les traits AA divisent la branche en trois sections, 1, 2, 3, dont chacune représente le produit d’une année de végétation. Les yeux de la troisième section n’ont subi que des modifications peu apparentes dans le cours annuel de la végétation ; quelle que soit leur destinée ultérieure, ils ne représentent pour le moment que des yeux à bois. Ceux de la deuxième section sont plus sensiblement modifiés ; nous n’en voyons cependant pas un qui soit devenu bouton à fruit ; quelques-uns seulement sont en train de le devenir, transformation très lente chez le poirier. De plus, nous remarquons vers le haut de la seconde section plusieurs productions BBB, en tout semblables à la première section, sauf les dimensions ; ce sont des yeux à bois qui se sont ouverts en bourgeons ; ils sont situés immédiatement au-dessous de l’origine de la troisième section ; ils suivaient avant son développement l’œil terminal, duquel cette section est sortie. Au-dessous de ces bourgeons, nous trouvons, sur la deuxième section, des yeux plus avancés vers l’état fertile ; plus bas, la place des yeux inférieurs est à peine visible ; ils ne se sont point ouverts ; ils existent cependant, mais dans un état de sommeil végétal ; la sève, attirée trop puissamment par les bourgeons situés au-dessus d’eux, a passé à côté d’eux sans qu’ils aient pu en profiter. Les derniers, placés tout près du talon, sont tout-à-fait oblitérés. Ceux de la première section ont suivi exactement la même marche, seulement, comme ils ont végété un an de plus, les bourgeons sont plus forts et peuvent avoir déjà eux-mêmes des bourgeons développés ; les yeux fertiles sont plus avancés vers le moment où ils porteront leurs premières fleurs, bien que ce moment ne soit point encore venu. Enfin le bas de la branche est complètement nu ; on n’y distingue aucun des yeux inférieurs, qui, lorsque cette section était encore à l’état de bourgeon, se voyaient aussi apparents que ceux dont est garnie la troisième section dans toute sa longueur. Tels sont les faits qui s’offrent à nous au premier aspect. Un examen plus attentif nous fera reconnaître, à côté de tout œil à bois ou à fruit, un sous-œil, souvent très peu distinct, mais très vivace, et qui devient un bourgeon vigoureux en fort peu de temps, lorsque son compagnon vient à périr ou à être retranché. Cette ressource précieuse d’un sous-œil dormant, qu’on peut toujours éveiller à volonté, n’existe que dans les arbres à fruits à pépins. Ces arbres ont encore une autre ressource ; les yeux du talon ne sont oblitérés qu’en apparence ; ils sont toujours prêts à percer l’écorce. On peut toujours compter sur eux lorsque, par une taille courte, on force la sève à se porter de leur côté.

Après avoir vérifié cette marche constante de la végétation du poirier, nous sommes en état déjuger en quoi elle contrarie nos vues dirigées vers la production du fruit, et nous pouvons entrevoir par quels moyens il nous sera facile de favoriser le développement des productions fruitières ; nous n’en voyons encore aucune bien formée sur la branche que nous venons d’étudier (fig. 265) ; cette branche est trop jeune.

§ II. — Productions fruitières.

Fig. 268, 270.

Fig. 266, 267, 269.

Les boutons à fruit mettent souvent plus de quatre ans à passer de l’état de boutons à bois à celui de production fruitière. La fig. 266 représente un bouton à fruit parvenu à sa perfection et prêt à s’ouvrir. Les rides de son support sont les traces laissées par les pétioles des feuilles qui l’ont protégé pendant le cours de son existence, et sans lesquelles il n’aurait pu attirer la sève nécessaire à son accroissement. Tout œil à bois, quelle que soit sa place sur le poirier, peut, dans des circonstances données, devenir un bouton à fruit ; s’il n’est point oblitéré comme ceux du bas des rameaux, s’il ne s’ouvre point en bourgeon comme les yeux voisins de l’œil terminal, il grossit peu a peu, prenant tous les ans une ou deux feuilles de plus que l’année précédente, feuilles dont la base du bouton tout formé conserve la trace. L’œil qui doit fleurir au bout d’un an ne porte pas moins de cinq feuilles ; le plus souvent, il en porte sept.

Les bourses (fig. 267) sont des productions fruitières qui naissent à la place d’un bouton, soit qu’il ait porté fruit, soit qu’il se soit seulement ouvert en fleurs stériles ; elles se couvrent d’yeux, qui, selon le cours naturel de leur végétation, se changent tous, au bout d’un temps plus ou moins long, en boutons à fruit : les yeux dont se chargent les bourses sont dus aux feuilles qui les ont nourris dans leurs aisselles. Les bourses ne naissent que sur une branche qui a montré ses premières fleurs.

Les lambourdes (fig. 268) sont des branches à fruit qui naissent sur des bourses, soit naturellement, soit par suite d’une taille ayant pour but de provoquer leur développement ; elles dépassent rarement la longueur de 0m,50 et n’atteignent quelquefois pas celle de 0m,05 ; elles se couvrent d’yeux à fruit sur toute leur longueur ; elles peuvent néanmoins être provoquées, par la taille, à fournir des rameaux en cas de besoin.

Les dards (fig. 269) doivent leur nom à la forme pointue et presque épineuse de l’œil qui les termine ; cet œil devient toujours un œil à fruit ; il ne saurait par conséquent s’allonger. Il se présente quelquefois, dès la première année, sous la forme d’un bouton arrondi (fig. 270), qui fleurit au bout d’un an ou deux. Le dard du poirier est dépourvu de rides circulaires à sa base, parce qu’il n’a point été protégé, comme la bourse, par des feuilles tombées successivement ; il ne se développe jamais que sur un rameau ; il ne dépasse point la longueur de 0m,07 ; il n’a le plus souvent pas plus de 20 à 25 millimètres de long.

Fig. 271.

Les brindilles (fig. 271) diffèrent des lambourdes en ce qu’elles sont toujours plus minces, plus grêles et moins garnies d’yeux dans leur longueur ; elles naissent, non pas comme les lambourdes, sur les bourses, mais sur les rameaux qui n’ont point subi de retranchement à la taille. Quand leur naissance n’a point été provoquée, elles n’offrent point de rides à la base ; elles en ont au contraire un bourrelet bien marqué, lorsque, disposées dans l’origine à devenir des boutons à fruit, la taille du rameau qui les porte a fait refluer la sève vers elles et leur a permis de se prolonger ; dans ce dernier cas, elles sont toujours plus productives que les brindilles développées spontanément ; leurs yeux à fruit mettent moins de temps à se former.

Telles sont les productions fruitières du poirier : les plus précieuses sont, sans contredit, les bourses, quelquefois réunies en assez grand nombre ; elles présentent alors l’aspect représenté fig. 272. Les arbres qui contiennent le plus grand nombre de productions fruitières de ce genre ne sont pourtant pas toujours les plus fertiles ; souvent un arbre, près de sa fin, se couvre d’une multitude de bourses ainsi groupées, dont les boutons fleurissent, mais ne portent point de fruit ; pour que les fleurs nouent, que le fruit tienne et qu’il puisse arriver à parfaite maturité, il faut qu’un certain nombre de lambourdes parmi les bourses, et de brindilles parmi les rameaux, attirent sur les boutons à fleur la sève, faute de laquelle la floraison est toujours stérile.

Fig. 272.

§ III. — Taille.

Le but de la taille se montre à nous maintenant clair et distinct ; il s’agit de forcer les rameaux à se couvrir de productions fruitières sur toute leur étendue, de maintenir parmi ces productions assez de lambourdes et de brindilles pour attirer la sève vers les fleurs et le fruit, afin de prolonger les rameaux, méthodiquement, prudemment, ayant soin qu’ils croissent en grosseur en même temps qu’en longueur, et que la sève ne se perde pas à produire une confusion de branches inutiles.

La taille du poirier peut être considérée indépendamment de la forme à donner à l’arbre, objet dont nous parlerons plus bas. Les principes de la taille s’appliquent à toutes les formes qu’on peut donner au poirier, soit en espalier, soit en plein-vent. Si nous nous reportons au rameau de trois ans représenté (fig. 265), tel que la nature l’a fait croître sans le secours de la taille, nous remarquons d’abord combien les productions destinées à porter fruit y sont rares et peu développées ; la faute en est au prolongement excessif du bourgeon terminal et au développement trop rapide des bourgeons latéraux immédiatement au-dessous de la naissance de chaque section ; ces pousses ont fait l’office de branches gourmandes ; elles n’ont presque rien laissé pour les yeux à fruit. Si chaque pousse eût été contenue par une taille raisonnée, et que le bourgeon terminal eût été raccourci à 0m,10 ou 0m,15 de son point de départ, tous les yeux situés au-dessous en auraient profité ; à fa vérité, les yeux les plus voisins de la taille, plus favorisés que les autres, auraient eu plus de pente à s’emporter ; mais, arrêtés par des pincements donnés a propos, ils auraient formé la base de branches Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/132 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/133 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/134 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/135 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/136 continuent leur prolongement ; on a soin, à mesure qu’elles s’élèvent, de leur faire porter, ainsi qu’aux quatre membres inférieurs, autant de ramifications ou bifurcations qu’il est nécessaire pour que le vase soit garni jusqu’au sommet. Chacune des branches qui le composent ayant été originairement palissée pendant qu’elle était encore souple et flexible, a pris sans peine sa place sur le vase ; il faut toujours se reporter, pour leur taille et leur développement successif, à la branche de poirier représentée fig. 273. Les jardiniers n’aiment pas la forme en vase, qui permet difficilement de tailler les arbres en dedans ; ils préfèrent de beaucoup les pyramides, qui sont en effet à tous égards les meilleurs de tous les poiriers, bien entendu après les plein-vent.

D. — Poirier en girandole.

On donne quelquefois au poirier la forme dite en girandole, représentée (fig. 280) ; c’est une véritable pyramide interrompue par des intervalles dégarnis. La manière de l’établir ne diffère en rien du procédé que nous avons décrit pour la formation des pyramides ; on a soin seulement de supprimer tous les bourgeons qui pourraient naître sur les parties de la flèche qui doivent devenir sur le tronc des intervalles vides. Quelques espèces de poiriers, dont le fruit a besoin de beaucoup d’air et de lumière pour parvenir à parfaite maturité, se conduisent sous cette forme moins usitée qu’elle ne devrait l’être si l’on en appréciait mieux les avantages. Celte forme, de même que la pyramide, ne peut se maintenir qu’en surveillant avec un soin extrême l’équilibre de la sève ; ainsi, toutes les branches trop vigoureuses qui sembleraient disposées à s’emporter seront taillées court, sur un œil inférieur peu développé ; toutes les branches minces et délicates seront taillées long sur leur meilleur œil. La sève, trouvant issue dans plusieurs yeux bien conformés, s’y portera de préférence, et rendra bientôt ces branches faibles capables de faire équilibre aux rameaux plus forts rabattus sur un œil faible ; tout dépend de l’observation rigoureuse de ce précepte (voir Jardin fruitier).

Fig. 280.

§ VIII. — Recépage et restauration d’un vieux poirier.

Il n’y a aucun profit réel à user les arbres jusqu’au bout. On peut bien, pendant un temps plus ou moins long, prolonger leur âge fertile en renouvelant les rameaux fatigués ; mais, en définitive, ces rajeunissements ont un terme : la sève finit par ne plus trouver de passage dans les rameaux épuises ; les racines, affaiblies par l’âge, ne peuvent plus envoyer une sève suffisante à la charpente à demi desséchée ; les extrémités meurent les premières ; la vie se retire peu à peu vers la partie inférieure de l’arbre qui finit par mourir. Longtemps avant sa fin, il n’a plus la force de produire : s’il fleurit encore, la fleur ne noue pas, ou s’il en noue quelqu’une, le fruit tombe avant maturité. Quelquefois, quand le sol est bon et que l’arbre appartient à une espèce vigoureuse, les yeux qui sommeillaient à la base des branches s’ouvrent en bourgeons ; c’est un effort de la nature vers la rénovation du poirier ; le jardinier doit suivre cette indication. Dès qu’un poirier donne des signes évidents de décadence, il faut, sans balancer, quelle que soit sa forme, le recéper. On nomme recépage un ravalement sur le tronc ou sur les branches -mères, qui ne laisse à l’arbre rien de sa vieille charpente. Voyons de quelle manière on peut lui en former une nouvelle. Si la terre est très fertile et que le poirier ait été recépé dans un âge qui lui laisse encore de la vigueur, il suffira d’unir avec la serpette ou le planeur les plaies des amputations, et de les recouvrir d’onguent de Saint-Fiacre ou de cire à greffer. Dès que la sève entrera en mouvement, les racines n’ayant plus à nourrir que les yeux latents, leur enverront une telle abondance de sève qu’il en résultera des bourgeons vigoureux, lesquels se mettront promptement en équilibre avec les racines ; il n’y aura plus dès lors qu’à traiter ces bourgeons exactement comme ceux d’un jeune arbre, selon la forme qu’on lui destine ; l’arbre se refera promptement. Quand les choses se passent ainsi, la besogne est fort simple ; la place laissée vide par le recépage du vieil arbre est bien plus tôt remplie que si l’on eût mis un jeune arbre à la place de l’ancien. En général, à moins de changer le sol, ce qui dans une grande plantation est toujours très dispendieux et quelquefois impossible, rien n’est plus difficile que de faire pousser d’une manière satisfaisante un jeune arbre dans la terre où un autre arbre de la même espèce vient d’achever le cours entier de sa végétation. Mais, le plus souvent, le recépage tel que nous venons de l’indiquer, ne réussit pas : les bourgeons provenant d’yeux longtemps endormis n’ont pas une vigueur suffisante ; après avoir langui quelque temps, ils se dessèchent et meurent. Si l’on arrache un de ces poiriers qu’on aurait ainsi essayé de rajeunir, on voit que les jeunes rameaux, avant de mourir, ont essayé d’envoyer dans le sol de jeunes racines, et qu’ils sont morts dans ce travail trop fort pour eux, sans pouvoir l’accomplir. Si l’on sacrifie un des arbres dont le recépage a réussi, l’on peut suivre les traces visibles de la formation des racines par les branches rajeunies ; la vie de l’arbre n’est restaurée que parce qu’il s’est refait des racines en rapport avec sa nouvelle charpente. Quant aux vieilles racines, elles se détruisent, et leurs débris décomposés servent de nourriture aux jeunes racines : telle est la marche du rajeunissement du poirier. Ainsi, au bout de quelques années, il ne reste plus rien du vieil arbre, ni racines ni branches ; la souche seule sur laquelle on a recépé subsiste comme souvenir de l’arbre renouvelé. Rien ne montre mieux que ce lait intéressant et peu connu la nécessité de maintenir l’équilibre entre les diverses parties d’un arbre ; car toutes les fois qu’un arbre s’emporte d’un côté, les racines correspondantes s’emportent de même sous terre ; on a beau ensuite rapprocher et rogner les branches gourmandes, on n’ôte rien à la force des racines qui tendent toujours à envoyer plus de sève au côté qui les a formées. En un mot, si les racines font les brandies, les branches font les racines.

On vient de voir que quand on s’en remet à la fertilité du sol et à la vigueur de l’arbre, du soin de lui refaire à la fois une charpente et des racines, le succès du recépage est très aventuré ; le plus souvent, l’opération est manquée. On est au contraire certain du succès lorsque, au lieu de laisser la souche développer en bourgeons ses yeux latents, on pratique sur le tronc ou les grosses branches recépées la greffe en couronne (voir greffe, fig. 200). On place dans ce cas autant de greffes que la circonférence du tronc recépé en comporte ; il n’en faut pas moins de six sur une branche-mère de 0m,08 de diamètre. Dès que ces greffes ont repris, elles poussent avec une énergie extraordinaire, parce qu’elles ont pour se nourrir toute la sève que leur envoie un système de racines tout formé et encore vivace. Mais, peu à peu, les greffes qui sont de véritables boutures sur bois prolongent, sous l’écorce, des racines qui, plongeant dans le sol, déterminent successivement la mort de toutes les vieilles racines. L’arbre renouvelé complètement a plus de force qu’un jeune sujet ; ce sont plusieurs boutures vigoureuses qui, se soudant l’une à l’autre par leurs racines, mettent en commun leur énergie vitale. De toutes ces greffes on n’en laisse pousser que ce qu’il on faut pour rétablir la charpente du poirier ; les autres, conservées d’abord pour attirer la sève, mais pincées pour arrêter leur croissance, sont supprimées plus tard, lorsque celles dont on a besoin ont décidément pris le dessus.

Nous ne saurions assigner de limites à la durée des arbres rajeunis par le recépage ; nous en connaissons en Belgique, où ce système est pratiqué de toute antiquité, qui ont été recépés au moins quatre fois, et qui sont certainement plus que séculaires ; ils paraissent fort en état de supporter encore au moins un renouvellement. Dans les contrées de l’ouest, où la culture des arbres fruitiers pour la production du cidre est considérée comme un objet de la plus haute importance, c’est toujours par le rapprochement, suivi de la greffe en couronne, que les arbres épuisés, soit pommiers, soit poiriers, sont rajeunis ; cette coutume est générale dans la Beauce, la Normandie et la Bretagne ; elle paraît s’y être perpétuée depuis les Romains, qui la connaissaient. Les auteurs anglais sont unanimes pour conseiller le rajeunissement partiel des vieux poiriers ; selon Rogers, dont les ouvrages sur la culture des arbres à fruit sont très estimés dans toute la Grande-Bretagne, l’opération doit durer quatre ans ; on retranche chaque année le quart de la charpente qu’on renouvelle par la greffe en couronne. Les Anglais trouvent dans l’emploi de cette méthode un avantage réel, en ce que les récoltes ne sont pas interrompues. Il est probable que les succès qu’ils en obtiennent sont dus à la nature du sol et du climat de la Grande- Bretagne. Nous avons fait plusieurs fois, en France et en Belgique, l’essai du renouvellement partiel du poirier ; le résultat a été constamment inférieur à celui du rajeunissement général par un recépage complet.

Section VII. — Taille et conduite du pommier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

La végétation naturelle du pommier est de tout point semblable à celle du poirier ; comme lui, le pommier ne développe au sommet de chaque section de ses branches que des bourgeons à bois ; comme lui, il ne donne ses productions fruitières que sur la partie intermédiaire de chaque section, entre le sommet qui ne porte que du bois et le bas qui ne porte rien, parce que ses yeux sont endormis ou oblitérés. Tout ce que nous avons dit des productions fruitières du poirier, lambourdes, dards, bourses, bouquets, s’applique mot pour mot aux productions fruitières du pommier. La taille de ces deux arbres repose donc sur des principes absolument identiques, et nous avons peu d’espace à accorder à la taille et à la conduite du pommier, après ce que nous avons dit du poirier ; en un mot, les titres de ces deux sections pourraient être transposés sans inconvénient. Nous croyons donc devoir nous abstenir de reproduire, dans de nouvelles figures, les branches à fruit et les rameaux du pommier ; l’inspection des figures analogues pour le poirier suffit pour s’en former une idée exacte.

§ II. — Pommiers nains.

Les pommiers greffés sur franc et sur doucain, se taillent et se conduisent en plein vent, en pyramide, en vase et en espalier, comme les poiriers de même forme ; ils ont seulement moins de propension à s’élever et beaucoup plus de souplesse, ce qui tient à la nature moins rigide de l’écorce et à la plus grande abondance du liber. C’est pour cette raison que deux branches de pommier croisées l’une sur l’autre, soit qu’elles appartiennent au même arbre, soit qu’elles vivent sur des arbres différents, s’anastomosent inévitablement, et cela pour ainsi dire à tout âge, ce qui rend le pommier très propre à la greffe en approche, dont nous avons donné, pour le pommier, l’une des plus utiles applications (voir Greffe, fig. 189). La seule forme qui mérite une mention spéciale, parce qu’elle est particulière au pommier, c’est celle de buisson nain (fig. 281). Ce buisson se prépare sur deux branches dont chacune porte trois yeux bien conformés, comme le poirier en vase, forme que le pommier sur doucain prend également avec la plus grande facilité. Mais comme il est dans la nature des sujets de paradis de ne jamais former qu’une petite quantité de racines presque à fleur de terre, ils ne sauraient être en état de nourrir une tête aussi forte que celle qu’exige la forme en vase ; les trois yeux de chaque membre sont donc maintenus à peu près à la même hauteur ; l’arbre, à aucune époque de son existence, ne doit s’élever au-delà d’un mètre 50 cent. Les pommiers sur paradis, ou, comme disent les jardiniers par abréviation, les pommiers-paradis, ont pour mérite essentiel de se mettre à fruit immédiatement et de porter les plus beaux fruits de leur espèce (voir Jardin fruitier). Les pommiers ne se prêtent point, comme le poirier, au rajeunissement par recépage, pas plus les arbres sur franc et doucain que les pommiers-paradis ; mais comme ils meurent ordinairement par parties, en conservant toujours une portion, ou tout-à-fait saine, ou du moins plus vivace que le reste, ils se maintiennent longtemps par le rajeunissement partiel. Les pommiers-paradis n’ont jamais une longévité bien grande, défaut largement compensé par leur étonnante fertilité et la promptitude de leur mise à fruit ; ils montrent toujours à deux ans leur premier fruit ; à trois ans, c’est-à-dire trois ans après leur mise en place, ils sont en plein rapport. Dans la plupart des jardins fruitiers, les pommiers-paradis ne meurent avant le temps que

parce que le jardinier n’a presque jamais le courage de leur retrancher une partie des boutons à fruit pour leur faire pousser de bonnes branches à bois ; ceux qui savent se contenter d’une production modérée, en rapport avec la force des sujets, n’y perdent rien, caries arbres durent plus longtemps et les fruits plus beaux ont plus de valeur. Les branches qui, sur le pommier-paradis, exigent lors de la taille la principale attention du jardinier, sont les brindilles et les lambourdes. Les brindilles du pommier, toujours terminées par un bouton à fruit, ne se taillent pas avant que ce bouton n’ait produit une récolte ; on les rabat ensuite sur un bon œil, dans le seul but de maintenir la production des fruits le plus près possible des branches principales ; plus le fruit naît loin de ces branches, moins il doit avoir de volume et de qualité. Les lambourdes n’ont jamais besoin d’être rabattues sur leur œil inférieur ; ayant pris naissance sur une bourse, elles ne peuvent donner, quand on les taille, que des rameaux de dimensions moyennes, toujours plus disposés que les autres de même force à se charger de boutons à fruit. Pour tous les autres détails de la taille et de la conduite du pommier, nous ne pouvons que nous en référer à ce que nous avons dit de la taille et de la conduite du poirier.

Fig. 281.

Section VIII. — Taille et conduite du groseillier.
§ 1er. — Végétation naturelle.
Groseillier à grappe.

Fig. 282.

Le groseillier à grappe est un arbrisseau tellement fertile, qu’on lui fait rarement l’honneur de raisonner sa taille, attendu que, de quelque manière qu’on le gouverne, il rapporte toujours ; il peut cependant y avoir d’énormes différences dans la quantité et la qualité des produits, selon la manière dont le groseillier a été traité. Dans quelques communes voisines de Paris, la culture du groseillier, menée de front avec celle des arbres fruitiers en plein-vent à haute tige, sur le même terrain, donne des produits fort importants avec la plus grande régularité. La groseille est un si bon fruit quand, par la culture, on sait la conduire à sa perfection ; elle se vend d’ailleurs toujours avec tant d’avantages, que nous croyons devoir indiquer ici les moyens très simples de l’obtenir en abondance et de première qualité.

Considérons d’abord le mode de végétation du groseillier. A l’époque de la chute des feuilles, le bourgeon de l’année, A (fig. 282), porte à la fois des yeux à bois et des yeux à fruit ; les uns et les autres ont été formés pendant l’année dans l’aisselle des feuilles ; l’œil terminal est toujours à bois. Les sections B et C de la même branche nous montrent des groupes d’yeux presque tous à fruit ; ils sont plus nombreux sur la section B que sur la section A ; ils le sont plus encore sur la section C. Quant à la section D, il est facile de voir qu’ils ont été sur cette partie de la branche en aussi grand nombre que sur celle qui la précède immédiatement ; niais elle a commencé à se dégarnir. Plus bas, la section E qui a passé par tous les états représentés par l’état actuel des sections supérieures, et qui était à la fin de la première année de son existence un bourgeon semblable de tout point à la section A, est totalement dégarnie d’yeux ; c’est une section épuisée qui ne peut plus se remettre à fruit ; seulement, il en pourra sortir quelque bourgeon adventif, sur lequel on pourrait la rabattre dans le but de la rajeunir. L’examen des différentes sections de cette branche nous montre clairement la marche de la végétation du groseillier à grappe. Les boutons à fruit s’y façonnent dans les aisselles des feuilles pendant la première année de l’existence du bourgeon ; durant la seconde année, le bourgeon terminal prolonge la branche et commence une nouvelle section. Le bois de deux ans a formé, toujours à l’abri des pétioles des feuilles, des yeux groupés en assez grand nombre, surtout vers le bas de cette section. Il en est de même du bois de trois ans ; c’est sur lui que la récolte promet d’être le plus abondante. Il y a encore beaucoup de bons yeux sur le bois de quatre ans ; mais comme l’abondance des fruits qu’il portait quand il était comme celui qui le précède, à sa troisième année, s’est opposée à la naissance des feuilles, il n’a rien laissé pour l’année suivante, il est épuisé ; car, pour les rameaux du groseillier à grappe, on peut poser comme une règle qui n’admet point d’exception : Pas de feuilles, pas de fruit.

§ II. — Taille et ravalement.

La connaissance de ces faits montre le but de la taille et de la conduite du groseillier ; prolonger les tiges autant que possible en lignes droites, les remplacer par un bourgeon sorti d’une des sections inférieures quand ce bourgeon peut être provoqué à sortir, sinon les sacrifier à la cinquième ou au plus tard à la sixième année de leur existence. En effet, parvenues à cet âge, les tiges du groseillier ont encore deux sections en plein rapport ; mais elles en ont deux épuisées, une trop jeune pour produire, et une autre dont les produits sont encore faibles. Si l’on conservait cette branche pour attendre la pleine mise à fruit des sections supérieures, on n’y gagnerait rien, parce que, d’une part, les pousses annuelles diminuent considérablement de longueur en s’éloignant de la souche, et que de l’autre, elles portent un moins grand nombre de boutons à fruit. C’est donc le moment de les rabattre ou de les sacrifier. Les tiges du groseillier n’ont pas toujours sur leurs sections inférieures un bon bourgeon de remplacement sur lequel on puisse les rabattre, et le ravalement de la branche ne provoque pas toujours la naissance île ce bourgeon ; c’est par ce motif que dans les plantations de groseilliers, les cultivateurs qui traitent cet arbuste en grande culture, au lieu de le planter par pieds isolés comme on le fait dans quelques jardins, pour lui établir une tête, forme à laquelle il se prête avec beaucoup de docilité, plantent trois ou quatre groseilliers ensemble dans la même fosse ; sur ce nombre, il s’en trouve toujours assez qui donnent des bourgeons inférieurs, pour que la touffe, sans cesser d’être productive, ne soit jamais dégarnie.

Pendant la saison de la maturité des groseilles, la population ouvrière de Paris se porte en foule le dimanche et même le lundi vers les communes peuplées de guinguettes où le groseillier à grappe se traite en grande culture pour la consommation de la capitale, et on voit souvent le soir revenir des milliers de femmes et d’enfants portant à la main de grosses branches de groseillier garnies de leur fruit mûr. Ce sont des branches qui, à la taille prochaine, devraient être supprimées comme ayant fait leur temps ; elles se vendent de 5 à 15 centimes ; celles qui avaient des bourgeons de remplacement ont été rabattues sur ces bourgeons, qui par ce moyen profitent d’autant mieux de la dernière sève ; on ne remarque point que les groseilliers souffrent de cette taille donnée au moment de la maturité des fruits ; cependant, hors ce cas exceptionnel justifié par un motif d’intérêt, il vaut mieux tailler en hiver, pendant le repos de la sève.

La taille qui suit immédiatement la plantation consiste à rabattre sur trois ou quatre bons yeux qui donneront naissance à autant de branches destinées à parcourir les phases que nous venons de décrire. Afin d’assurer aux bourgeons qui sortiront de ces yeux une végétation vigoureuse, on supprime avec soin tous les yeux qui pourraient exister sur la souche au-dessous des trois qui suivent la taille, ou qui viendraient à s’y développer plus tard. Les bourgeons de prolongement qui doivent chaque année former successivement les sections de chaque branche ne doivent point être livrés à leur végétation naturelle ; il ne faudrait même pas les tailler trop long, pour ne pas donner trop d’élévation au groseillier tout formé, et aussi pour éviter d’avoir dans chaque section un trop long espace vide de boutons à fruit.

Lorsqu’une branche forme la sixième pousse et qu’on prévoit la nécessité de son ravalement pour la remplacer par un bourgeon inférieur, on ne laisse pas la sève se perdre dans les deux sections supérieures qui ne sont pas destinées à vivre ; dès que la floraison est terminée et que le fruit est noué, on taille dans le bois de deux ans, un ou deux centimètres au-dessus de la grappe la plus rapprochée du haut ; le fruit de cette branche qu’on n’a aucun intérêt à ménager puisqu’elle est condamnée, profite de cette suppression ; elle sert aussi à préparer le bourgeon de remplacement.

Les indications qui précèdent se rapportent exclusivement au groseillier à grappe, à fruit rouge, couleur de chair, et blanc ; les autres espèces de groseillier ont une végétation différente et demandent d’autres soins, quoiqu’en France on soit dans l’habitude de ne leur en donner aucun.

A. — Groseillier à fruit noir, cassis.

Ce groseillier végète tout autrement que le groseillier commun à grappe ; les yeux à fruit existent tout formés sur le bois de l’année ; tous les yeux sont à fruit excepté le terminal d’un bout à l’autre du bourgeon. Les branches du cassis sont épuisées à la quatrième année ; elles fournissent à volonté des bourgeons de remplacement : elles n’ont pas besoin d’être raccourcies comme celles du groseillier commun ; on peut les livrer au cours naturel de leur végétation.

B. — Groseillier épineux.

L’emploi des fruits verts de ce groseillier pour l’assaisonnement du maquereau lui a fait donner le surnom de groseillier à maquereau, sous lequel il est connu dans nos jardins. Sa végétation, suit la même marche que celle du cassis ; l’œil terminal est seul à bois ; tous les yeux le long du bourgeon de l’année sont des yeux à fruit, quelquefois doubles, le plus souvent simples. Quand l’extrémité des rameaux très flexibles de cet arbrisseau arrive à terre, elle s’y enracine pour peu qu’elle y rencontre un peu d’humidité. La multitude de jets épineux chargés de fruits que ce groseillier pousse dans tous les sens quand il est livré à lui-même , rend sa touffe impénétrable, ce qui nuit à la qualité du fruit en le privant d’air et de lumière, et occasionne la perte d’une partie de la récolte qu’il devient impossible de cueillir. Les branches qui ont fructifié pendant trois ans ont besoin d’être rajeunies ; les touffes doivent toujours être élaguées pour que la main pénètre sans piqûre dans leur intérieur.

Section IX. — Taille et conduite du framboisier.
§ 1er. — Végétation naturelle.

Le bois du framboisier est à peine du bois ; son canal médullaire, très large par rapport à la grosseur des tiges, occupe plus de la moitié de leur diamètre ; aussi le framboisier quoiqu’il puisse dépasser la hauteur de deux mètres, n’est-il en effet qu’un sous-arbrisseau. Ses drageons prennent en un an toute la longueur qu’ils doivent avoir ; l’année d’ensuite ils fleurissent, fructifient et meurent. Il ne reste de vivant qu’une souche garnie de nombreuses racines traçantes ; le framboisier se continue ainsi d’année en année par ses drageons toujours surabondants ; rien ne peut empêcher le framboisier de doux ans de mourir. Telle est la marche invariable de la végétation du framboisier. Les productions fruitières sont des brindilles ordinairement fort courtes, quoique dans des circonstances très favorables, elles puissent atteindre une longueur de 0m,15 à 0m,20 ; elles naissent toujours dans les aisselles des feuilles, comme le montre la fig. 283 ; tous les yeux du framboisier sont à fruit. Le framboisier présente en outre un phénomène très remarquable et qui lui est propre, il peut donner des fruits sur une tige encore herbacée ; son bois, pour porter fruit, n’a pas besoin d’être aoûté ; il fait exception à la règle qui veut que le bois et le fruit mûrissent ensemble, et qu’il ne puisse se trouver des boutons à fruit que sur du bois parfaitement mûr.

Fig. 283

§ II. — Taille et élagage.

La taille est nécessaire au framboisier pour faire naître les fruits sur la partie de la tige la plus capable de les porter et de les nourrir ; s’ils n’étaient point taillés, les jets de l’année ne fleuriraient qu’à leur extrémité supérieure ; les yeux du bas et même ceux du milieu de la tige ne s’ouvriraient pas ; le fruit, à l’époque de la maturité, ayant fort peu d’adhérence à son support, serait presque entièrement perdu, le moindre balancement suffisant pour le détacher. Si l’on donnait au contraire une taille trop courte, le framboisier ne fleurirait que du bas de sa lige ; le fruit trop près de terre serait sali par le rejaillissement de la pluie ; il importe donc de faire ouvrir et fructifier de préférence les yeux le plus favorablement placés. On taille le framboisier à 1m,30 du sol ; les tiges les plus fortes peuvent se tailler à 1m,50 et les plus faibles à un mètre seulement. Lorsque l’état de la température fait craindre des gelées tardives, on peut différer la taille du framboisier jusqu’à l’époque où les reprises du froid ne sont plus à craindre ; le framboisier ne gèle jamais que par le sommet des tiges ; la taille enlève la partie endommagée. Il ne faut cependant recourir à ce procédé qu’en cas de nécessité ; une taille tardive fatigue beaucoup les souches de framboisiers ; on s’en aperçoit à la faiblesse des rejetons et à la diminution des produits de l’année suivante. Il est remarquable que le framboisier gèle assez fréquemment en France, tandis qu’en Laponie, son pays natal, il ne gèle jamais. C’est qu’en Laponie, quoiqu’il gèle huit mois de l’année, une fois le dégel venu, le froid ne reprend plus jusqu’à la fin de la saison ; le framboisier supporte impunément le froid le plus intense quand il ne végète pas ; mais une fois entré en végétation, quelques degrés de froid détruisent tous les yeux ouverts.

Les souches de framboisiers seraient promptement épuisées si l’on laissait fructifier tous les jets de chaque année ; le fruit serait petit et de mauvaise qualité ; pour l’obtenir dans toute sa perfection, il ne faut laisser à chaque souche qu’une quantité modérée de pousses annuelles ; les jets doivent être éclaircis de manière à n’en laisser que quatre ou cinq au plus sur les plus fortes souches et deux ou trois sur les autres.

§ III. — Framboisier des Alpes.

Cette variété peu cultivée porte le nom de framboisier des quatre saisons, bien qu’elle ne produise que deux fois l’année ; elle n’est cependant pas remontante dans le vrai sens du mot ; seulement les jets de l’année, qui dans le framboisier commun ne fleurissent que l’année suivante, devancent dans cette espèce l’époque habituelle de la floraison du framboisier ; les yeux du sommet s’ouvrent en brindilles et portent fruit avant l’hiver qui les surprend toujours chargés de fleurs. On les raccourcit à la longueur ci-dessus indiquée dès que leur végétation paraît suspendue ; ils portent une seconde récolte au printemps et meurent aussitôt après avoir donné leur fruit plus petit, mais plus parfumé que la grosse framboise rouge et jaune des jardins.

§ IV. — Arbres fruitiers qu’on ne taille pas.

Nous avons à dessein rejeté à la fin de ce chapitre les arbres à fruit, soit à noyaux, soit à pépins qu’on ne taille point et qu’il suffit d’abandonner à leur végétation naturelle en les débarrassant du bois mort ; ce sont l’amandier, le cognassier, le néflier et le noisetier.

L’amandier végète absolument comme le pêcher ; lorsqu’on l’élève en espalier pour en obtenir des fruits précoces destinés à être mangés verts, on le conduit exactement d’après les principes que nous avons indiqués pour le pêcher. Ces deux arbres sont d’ailleurs tellement identiques au fond, qu’il n’est pas rare de voir les fruits de l’amandier-princesse raccourcir leur noyau, arrondir leur pulpe, et présenter tous les caractères d’une véritable pêche. L’amandier en plein-vent ne se taille point ; on se borne à lui enlever le bois mort.

Le cognassier ne peut être taillé, par la raison qu’il fleurit exclusivement par l’extrémité des branches dont l’œil terminal se façonne en œil à fruit accompagné d’un sous-œil à bois ; il forme sa tête de lui-même et a rarement besoin d’être éclairci.

Le néflier fleurit comme le cognassier et ne se taille point, pour la même raison.

Le noisetier n’a besoin que d’être débarrassé tous les ans des drageons dont les souches s’entourent chaque année pendant tout le cours de leur existence. L’enlèvement des drageons suffit pour forcer la sève à se porter sur la tige principale qui forme naturellement sa tête sans avoir besoin d’être taillée ; livré à lui-même, le noisetier croîtrait en buisson, comme le coudrier dans les bois, mais il serait moins fertile.