Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 8/T3/ch. 5

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome cinquièmep. 130-181).
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CHAPITRE V. — Jardin fruitier.

Nous avons considéré les arbres à fruit depuis leur naissance jusqu’à leur déclin ; nous avons passé en revue les soins qu’ils réclament aux diverses phases de leur existence, en y comprenant les moyens de renouveler ceux qui sont susceptibles d’être rajeunis. Dans tout ce qui précède, nous avons dû ne voir que des arbres isolés, envisagés sous tous leurs aspects en rapport avec l’horticulture. Il nous reste à les introduire dans les jardins : c’est le sujet de ce chapitre.

Les arbres fruitiers, dans la plupart des jardins, sont rarement l’objet d’une culture spéciale ; on ne leur consacre point un local séparé ; les plates-bandes du potager sont garnies d’arbres fruitiers conduits en pyramides, quelquefois en éventail ; les murs à bonne exposition sont couverts d’arbres en espalier. Ajoutez-y un carré de pommiers-paradis, c’est tout ce qu’on accorde aux arbres fruitiers. Pour nous, dans le double but de ne rien omettre dans cette partie de l’horticulture, et d’éviter tout ce qui pourrait détourner vers d’autres objets l’attention du lecteur, nous entendrons toujours par jardin fruitier un local exclusivement destiné aux arbres à fruit, et où, par conséquent, tout est subordonné à leur culture.

Nous aurons d’abord à nous occuper des vergers proprement dits, comprenant sous ce nom les jardins, trop rares en France, où les arbres à fruit à couteau sont conduits en plein-vent, à haute tige, sur un sol ordinairement gazonné ; ils peuvent être protégés par une simple haie vive ; les murs ne leur serviraient que de clôture ; l’ombre projetée par les têtes des arbres rendrait les murailles inutiles comme espalier. (Pour les vergers agrestes plantés d’arbres fruitiers à cidre, voir tome II, p. 145).

Les jardins fruitiers proprement dits, moins étendus quoique pouvant être aussi productifs que les vergers, sont peuplés d’arbres conduits en pyramide, en vase et en éventail ; les murs dont ils sont enclos peuvent recevoir des espaliers.

Les jardins à la Montreuil, coupés de distance en distance par des murs garnis d’espaliers, appelleront ensuite notre attention. Ils auront à nous montrer tout ce que l’industrie horticole peut obtenir de produits par la culture la mieux raisonnée, appliquée aux arbres à fruit en espalier. Nous traiterons séparément de la culture forcée des arbres à fruit, soit dans les serres, soit sous des vitrages mobiles.

Sect. I. Verger.
 
§ 1. 
Choix et préparation du sol
 
A 
Choix du sol 
 130
B 
Exposition 
 131
C 
Préparation du sol 
 ib.
D 
Défoncements 
 ib.
E 
Trous, tranchées, distances 
 132
2. 
Choix des arbres en pépinières, arrachage 
 133
3. 
Habillage des racines 
 134
4. 
Plantation 
 136
5. 
Soins généraux 
 ib.
6. 
Vergers d’arbres à fruits à noyaux 
 139
7. 
Clôtures 
 140
8. 
Frais 
 ib.
A 
Frais d’établissement d’un verger d’arbres à fruits à pépins 
 ib.
B 
Frais d’établissement d’un verger d’arbres à fruits à noyaux 
 142
9. 
Produits 
 143
10. 
choix des espèces 
 146
A 
Fruits à pépins 
 ib.
1. 
Poires en plein-vent, espèces précoces 
 ib.
2. 
Poires d’automne 
 147
3. 
Poires d’hiver 
 ib.
4. 
Poires meilleures cuites que crues 
 ib.
5. 
Poires à cuire 
 ib.
6. 
Pommes hâtives 
 148
7. 
Pommes d’hiver 
 ib.
8. 
Pommes meilleures cuites que crues 
 ib.
B 
Fruits à noyaux 
 ib.
1. 
Pêchers 
 ib.
Pêches en plein-vent (sous le climat de Paris) 
 149
2. 
Abricotiers 
 ib.
3. 
Pruniers 
 ib.
4. 
Cerisiers 
 ib.
Guigniers et bigarreautiers 
 ib.
Sect. II. Jardin fruitier.
 
§ 1. 
Distribution 
 ib.
2. 
Espaliers 
 151
A 
Hauteur des murs 
 ib.
B 
Choix des matériaux 
 152
C 
Chaperons 
 ib.
D 
Treillages 
 152
E 
Palissage à la loque 
 154
F 
Choix des espèces pour espalier 
 ib.
A 
Fruits à noyaux pour espalier
 
Pêches 
 155
1. 
Grosse mignonne 
 ib.
2. 
Pêche bourdine 
 ib.
3. 
Pêche Madeleine à moyennes fleurs, ou Madeleine tardive 
 ib.
4. 
Pêche de Chevreuse tardive 
 ib.
5. 
Brugnons 
 156
6. 
Abricots 
 157
7. 
Prunes 
 158
8. 
Cerises 
 ib.
B 
Fruits à pépins pour espaliers
 
1. 
Poires 
 ib.
2. 
Pommes 
 ib.
§ 3. 
Plantation 
 159
4. 
Préparation du sol et mise en place des arbres en espalier 
 ib.
5. 
Soins généraux 
 160
6. 
Contre-espaliers et éventails 
 162
7. 
Frais et produits 
 ib.
8. 
Maladies des arbres fruitiers 
 163
A 
Maladies des arbres à fruits à noyaux
 
1. 
Gomme 
 ib.
2. 
Blanc 
 ib.
3. 
Rouge 
 164
4. 
Cloque 
 ib.
B 
Maladies des arbres à fruits à pépins
 
1. 
Chancre 
 ib.
2. 
Charbon 
 165
C 
Insectes nuisibles aux arbres à fruits 
 ib.
1. 
Tigre 
 ib.
2. 
Kermès 
 166
3. 
Pucerons 
 ib.
4. 
Chenilles et vers 
 ib.
5. 
Hannetons 
 ib.
6. 
Perce-oreilles 
 168
Sect. III. Jardins à la Montreuil
 ib.
§ 1. 
Construction des murs 
 ib.
2. 
Abris 
 170
3. 
Détails de culture 
 171
Sect. IV. Frais et produits des jardins de Montreuil.
 
§ 1. 
Frais 
 173
2. 
Produits 
 174
Sect. V. Treilles à la Thomery.
 
§ 1. 
Construction des murs 
 175
2. 
Contre-espaliers 
 ib.
3. 
Soins généraux 
 ib.
4. 
Frais et produits 
 176
A 
Frais 
 ib.
B 
Produits 
 177
Sect. VI. Culture forcée des arbres à fruits
 ib.
§ 1. 
Fruits à noyaux hâtés à l’espalier 
 178
2. 
Cerisiers et pruniers nains hâtés 
 ib.
3. 
Vigne hâtée à l’espalier 
 179
4. 
Arbres à fruits forcés dans la serre 
 ib.
A 
Vigne 
 ib.
B 
Pêchers 
 180
C 
Cerisiers 
 181
D 
Figues 
 ib.

Section 1re. — Verger.

§ 1er. — Choix et préparation du sol.
A. — Choix du sol.

Toute bonne terre à blé peut produire de bons fruits ; ce dicton populaire est d’une vérité incontestable. Le meilleur sol pour les arbres à fruits à pépins est une terre à blé où le calcaire n’est point abondant ; le meilleur sol pour les arbres à fruits à noyaux est une terre à blé très riche en calcaire. Il ne faut point espérer de bons fruits à pépins des arbres plantés dans une terre où domine le sulfate de chaux ou gypse (plâtre) ; les terrains gypseux au contraire sont essentiellement propres à tous les arbres à fruits à noyaux. Telles sont les considérations générales qui doivent présider au choix du sol pour rétablissement d’un verger. Mais, en dehors de ces natures de terrains pour ainsi dire privilégiés, on peut, avec quelques soins, obtenir de très bons fruits des terrains plus médiocres, en s’appuyant, pour le choix des espèces, sur les principes que nous venons d’énoncer. Les terres alumineuses et celles où la silice domine, quoique impropres à la culture des céréales, peuvent fort bien nourrir des arbres fruitiers très productifs. Le sous-sol exerce sur la végétation de ces arbres une influence au moins aussi grande que la qualité du sol. Aucun arbre à fruit, soit à pépins, soit à noyaux, ne résiste ni à l’excès de l’humidité, ni à l’excès de la sécheresse ; il est donc absurde de planter un verger dans une terre, assez bonne d’ailleurs, mais dont le sous-sol retenant l’eau est pourrissant en hiver et brûlant en été. C’est presque la seule nature de sol qui soit absolument impropre à la végétation des arbres fruitiers. Les Anglais, chez qui des terrains semblables se rencontrent fréquemment, mais qui ne craignent pas la dépense quand il s’agit de lutter contre la nature, établissent un pavage à un mètre sous terre, au-dessous de la place que chaque arbre doit occuper, remplissent le trou de bonne terre, et plantent par là-dessus. On conçoit que ce moyen de triompher de l’humidité du sous-sol ne saurait être à l’usage de celui qui plante des arbres dans l’espoir d’en porter un jour les fruits au marché. Il y a un autre moyen de préserver les racines des arbres fruitiers de l’influence pernicieuse d’un sous-sol peu favorable : c’est d’empêcher ces racines d’y pénétrer ; il ne faut pour cela que deux choses : ne pas toucher au sous-sol, et rendre la couche supérieure si bonne, si fertile, que les racines, toujours attirées de préférence vers la meilleure terre, au lieu d’aller chercher le tuf pour y périr, s’étendent en tout sens à peu de distance au-dessous de la surface du sol, dans sa couche supérieure.

B. — Exposition.

Toutes les expositions peuvent convenir à l’établissement d’un verger, même celle du nord, pourvu qu’on fasse choix d’espèces convenables. La meilleure exposition est celle du sud-est pour toute la partie de la France où les vents d’ouest règnent habituellement et soufflent avec violence aux équinoxes ; tous les départements voisins des côtes de la Manche et de l’Océan sont dans ce cas. Dans l’est de la France, l’exposition sud-ouest est préférée avec raison. Les pentes bien exposées, quelle que soit leur rapidité, conviennent aux arbres fruitiers, pourvu que le sol soit de bonne qualité. Lorsqu’on plante un verger à l’exposition du nord ou à celle du nord-est, il faut le peupler exclusivement des espèces qui fleurissent tard, afin que les boutons n’aient point à supporter l’effet pernicieux des vents froids, aux approches de la floraison.

C. — Préparation du sol.

La terre où l’on se propose dé planter un verger doit être ameublie par un labour profond, et fumée largement un ou deux ans d’avance. Les racines des arbres fruitiers n’aiment pas le fumier frais en fermentation, tel qu’on le tire de l’étable ou de l’écurie pour l’employer directement à une culture de céréales ou de légumes. Lorsqu’on fume immédiatement avant de planter, il faut que ce soit avec du fumier très consommé, mis d’avance en tas pour cet usage. Si l’on n’a à sa disposition que du fumier très chaud comme celui d’écurie ou de bergerie, dans la crainte que, même à un état de décomposition très avancé, il ne nuise aux racines fibreuses (chevelu), il est bon de le mélanger avec deux parties de terre fraîche de nature argileuse ; la poussière ou la boue desséchée des routes à la Mac-Adam convient bien aussi pour ces mélanges. Nous l’indiquons d’autant plus volontiers qu’on s’en sert très rarement en France, bien qu’elle soit très employée en Angleterre, en Allemagne et en Belgique. Sous tous les autres rapports, il faut considérer la terre d’un verger comme celle d’un jardin potager, et la traiter en conséquence ; lorsqu’elle n’indique pas de traces de chaux, en faisant effervescence avec les acides, il n’y a pas d’inconvénient à lui donner un chaulage ou un marnage modéré, à la dose de 10 à 12 mètres cubes par hectare, pourvu que ces substances soient bien pulvérisées, et mélangées le plus exactement possible avec la couche superficielle du sol, sans être enterrées trop profondément. Une dose médiocre de sable siliceux (10 à 15 mètres cubes par hectare) produit un excellent effet sur un sol compacte, de nature argileuse. Si le climat et les circonstances locales font préférer les fruits à noyaux aux fruits à pépins, les amendements calcaires, surtout le sulfate de chaux, soit cru, soit calciné (plâtre), pourront être employés à haute dose dans les terres qui en seraient dépourvues. Il faut ajouter à ces préparations l’établissement d’un nombre suffisant de fosses et de rigoles d’égouttement, pour peu que le sol montre de disposition à retenir l’eau, disposition, qui, si elle n’est combattue par des soins intelligents, cause infailliblement la perte des arbres à fruit quels qu’ils soient.

D. — Défoncements.

Les opinions sont très divisées quant aux défoncements. Tous les anciens auteurs qui ont écrit sur la culture des arbres fruitiers,

soit en France, soit à l’étranger, et le plus grand Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/144 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/145 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/146 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/147
§ IV — Plantation.

Fig. 285.

Il ne reste plus qu’à mettre en place l’arbre ainsi prépare, en ayant égard à l’orientation du tronc. On brasse avec la terre du trou une brouettée de fumier très consommé, pour chaque pied d’arbre ; on remplit le trou de ce mélange, jusqu’à ce que, l’arbre étant posé à sa place, le collet des racines se trouve à 0m08 ou 0m10 au-dessous du niveau du sol. Avant de recouvrir de terre les racines de l’arbre, on les plonge dans un baquet rempli d’un mélange de bouse de vache et de terre franche délayées avec assez d’eau pour former une bouillie claire. Nous ne saurions trop insister sur cette pratique trop souvent négligée ; elle influe puissamment sur la reprise des sujets. On achève alors de remplir le trou, en ayant soin de l’aire entrer la terre dans les intervalles des racines, de façon à ce qu’il n’y reste pas de vide ; un peu de terreau, lorsqu’on peut s’en procurer, produit un excellent effet. On tasse modérément la terre sur les racines, en appuyant dessus tout autour avec le talon. La terre, fraîchement remuée et fumée, étant plus volumineuse qu’elle ne doit l’être quand elle aura pris son assiette, cette circonstance, jointe au volume des racines, forme toujours autour du tronc un léger talus qui plus tard s’affaisse de lui-même et revient à peu près de niveau avec le sol environnant ; la coupe du terrain (fig. 285) montre la disposition la plus convenable de ce talus ; elle consiste surtout à laisser autour du tronc un léger enfoncement circulaire, en forme de bassin, destiné à faciliter les arrosages, si, par suite d’une longue sécheresse, il devenait nécessaire d’y avoir recours. Dans les pays découverts, exposés à des vents violents, il est bon de donner aux jeunes arbres deux et quelquefois trois tuteurs, ce qui n’empêche pas d’entourer le tronc avec des ronces ou des épines, pour préserver leur écorce de tout accident. Lorsque le verger est dans une situation abritée, un seul tuteur suffit à chaque pied d’arbre : il faut prendre garde, en plaçant. les tuteurs, de blesser les racines. La fig. 286 montre un arbre assujetti à deux tuteurs placés assez loin de lui pour ne pas offenser ses racines. L’usage de brûler à la surface l’extrémité des tuteurs qui doit séjourner en terre les rend plus solides et plus durables. Les liens qui retiennent l’arbre assujetti aux tuteurs ne doivent être ni assez serrés pour le gêner, ni assez lâches pour risquer de nuire à l’écorce par le frottement ; dans ce but, de bons liens de paille tordue, tels qu’on les emploie dans les vergers de la Belgique, sont préférables à des branches d’osier.

Fig. 286.

L’époque la plus favorable pour planter les arbres fruitiers est un point de la science horticulturale sur lequel les auteurs et les praticiens diffèrent d’opinion. Les uns plantent le plus près possible de la reprise de la végétation, par conséquent au printemps, plus tôt ou plus tard, selon le plus ou moins de précocité des espèces ; les autres plantent indifféremment durant tout le sommeil de la végétation ; d’autres enfin pensent qu’on ne saurait planter trop tôt, et qu’aussitôt que la chute des feuilles annonce le sommeil de la végétation, il est temps de planter les arbres à fruit. Nous sommes entièrement de leur avis. En principe, l’arbre qui a le temps avant les grands froids de commencer à former ses racines, en profitant d’un reste d’arrière-saison, est mieux disposé à végéter au printemps de l’année suivante que l’arbre arraché et planté au moment où le travail de la végétation va recommencer. C’est donc, à notre avis, une règle générale qui, pour les contrées méridionales et tempérées de la France, y compris le climat de Paris, ne souffre pas d’exception. Dans le nord de la France, principalement dans le nord-est, où les hivers sont souvent très rigoureux, les jeunes arbres ont quelquefois tant à souffrir du froid, qu’il peut être préférable de les laisser en pépinière jusqu’au printemps ; dans ce cas, on se hâte de planter aussitôt après les fortes gelées, en saisissant un intervalle favorable, lorsqu’à la suite d’un dégel la terre s’est ressuyée et raffermie ; car, s’il fallait attendre la clôture définitive de l’hiver, qui se prolonge le plus souvent jusqu’en avril, on planterait beaucoup trop tard. Nous ajouterons qu’en Belgique, il nous est arrivé bien des fois de planter des arbres fruitiers au mois de novembre, contrairement à l’usage du pays, et que les arbres, après avoir essuyé plusieurs mois de gelées de 15 à 20°, ont végété au printemps avec plus de vigueur que d’autres mis en place au mois de mars. Nous devons donc considérer le mois de novembre comme le plus convenable de tous pour planter les arbres à fruit ; on peut planter dès la fin d’octobre les arbres d’espèces précoces qui perdent leurs feuilles de bonne heure ; car, dès qu’un arbre a perdu ses feuilles, c’est que sa végétation est engourdie ; il n’y a pas d’inconvénient à le déplacer.

§ V. — Soins généraux.

Les arbres du verger réclament peu de soins entre l’époque de la plantation et celle de leur mise à fruit ; si les racines ont clé bien préparées, leur végétation peut être à peu près livrée à elle-même. Nous avons vu comment ils veulent être conduits pour favoriser la formation de leur tête. Les pommiers et la plupart des poiriers forment leur tête naturellement ; le jardinier n’a besoin de s’en mêler que pour supprimer les bourgeons surabondants qui feraient confusion, et tenir toujours l’intérieur assez dégagé pour que l’air y puisse circuler librement. Les arbres à fruits à noyaux ne sont pas tous aussi dociles ; les cerisiers, particulièrement, ont besoin d’être aidés pour prendre une bonne forme ; s’ils ne sont dès l’origine conduits sur trois ou quatre branches tenues à distance convenable au moyen d’un petit cerceau, les cerisiers à fruit ferme, ayant leurs brancbes naturellement redressées, poussent en droite ligne une flèche peu garnie qui prend en peu d’années une élévation telle qu’il faut une échelle de couvreur pour aller chercher les cerises, au risque de se rompre le cou. Cet excès de vigueur, réparti entre trois ou quatre bonnes branches dont on favorise les ramifications, n’a pas d’inconvénient ; les arbres n’en sont que plus productifs.

Les Anglais, dans le but de faciliter l’entretien des arbres et la récolte du fruit, ne laissent jamais prendre aux poiriers de leurs vergers plus d’élévation qu’aux pommiers ; ils ont soin pour cela de former au jeune arbre cinq ou six branches d’égale force, entre lesquelles la sève se partage ; ces branches, placées dès l’origine dans des directions divergentes, ne prennent jamais une très grande élévation.

Tous les arbres du verger, quelle qu’en soit l’espèce, veulent être débarrassés soigneusement des drageons qu’ils rejettent du pied et des pousses qui percent le bois au-dessous de la greffe. Ces pousses, enlevées avant d’être passées à l’état ligneux, ne laissent pas de l"ace ; mais si l’arbre appartient à une espèce dont le bois est sujet à la gomme, et qu’on larde assez à enlever les pousses du sujet pour être forcé de recourir à l’emploi de la serpette tandis que l’arbre est en pleine sève, il en peut résulter un écoulement de gomme, et par suite une plaie très préjudiciable à l’arbre. Quand ces accidents ont lieu, c’est toujours par la faute du jardinier.

La meilleure manière d’utiliser le sol d’un verger, lorsque les arbres ont pris assez de force pour qu’il ne soit plus possible d’y continuer les cultures jardinières, c’est, comme nous l’avons dit, de le convertir en prairie naturelle. Il importe que cette prairie soit maintenue exempte de plantes à racines pivotantes ; la carotte sauvage, la centaurée, la chicorée, les patiences et toutes les espèces de chardons en doivent être soigneusement exclues ; toutes ces plantes, outre qu’elles nuisent à la qualité du fourrage, plongent dans le sol assez avant pour rencontrer les racines des arbres à fruit et leur disputer leur nourriture. On doit à cet effet imiter la sagacité des Belges et des Hollandais qui utilisent, pour nettoyer leurs prairies, l’instinct vorace du cochon. Les prairies arborées de la Belgique offrent des tapis d’un vert aussi uniforme que celui du boulingrin du parc le mieux tenu ; c’est qu’après y avoir fait paître les vaches, puis les moutons qui tondent l’herbe de très près, on y liche des porcs qu’on a laissé jeûner à dessein ; ceux-ci arrachent avec plus de .soin que le jardinier le plus attentif toutes les racines pivotantes, sans en laisser une seule.

La terre au pied des arbres ne doit recevoir que des binages superficiels, donnés avec des instruments à dents émoussées, pour ne pas blesser les racines. Quelques personnes sont encore dans l’usage de fumer de temps en temps le pied des arbres à fruit du verger parvenus à toute leur grosseur. Nous leur ferons observer, selon la remarque du professeur anglais Lindley, que c’est à peu près comme si elles prétendaient nourrir un homme en lui mettant des aliments sous la plante des pieds. L’arbre, on ne peut trop le répéter, ne se nourrit que par les extrémités de ses racines ; les racines n’ont point de spongioles près de leur insertion sur le tronc de l’arbre ; elles ne peuvent donc profiter du fumier qu’on enterre bons de la portée de leurs spongioles. Cependant, une couverture de fumier long, ou bien, à défaut de fumier, une couche épaisse de feuilles sèches ou de litière, est utile aux arbres fruitiers de tout âge, en hiver pour diminuer l’action du froid, et en été pour conserver à la terre un peu de fraîcheur. La véritable manière de fumer les arbres d’un verger, c’est de donner tous les deux ou trois ans à toute la prairie une bonne couverture de fumier à demi consommé ; l’eau des pluies, en délayant les parties solubles de l’engrais, les fera pénétrer dans le sol, et les racines des arbres en prendront leur part. Si l’on juge nécessaire de fumer un arbre fatigué par une production de fruits trop abondante, il faut enterrer le fumier, par un labour superficiel, dans un espace circulaire plus ou moins large en raison de la grosseur de l’arbre, en commençant à 1 mètre ou même à 1m50 de distance, à partir de sa base. Le fumier de porc, pourvu qu’il ait jeté son feu et qu’il ne soit plus en fermentation, est celui de tous qui refait le plus promptement les arbres fruitiers malades ou fatigués.

Lorsque les arbres du verger ont atteint seulement la moitié de leur grosseur, il faut pour les tailler, s’il en est besoin, en faire le tour au moyen d’une échelle double ; le plus souvent on se contente d’appuyer sur les plus fortes branches une échelle simple. De quelque façon qu’on s’y prenne, on détruit ainsi inévitablement beaucoup de productions fruitières, surtout dans les arbres à fruits à pépins dont les boutons à fruit sont placés sur des supports très fragiles. Il vaut beaucoup mieux, lorsqu’il ne s’agit que de supprimer des branches mortes, malades ou superflues, qu’il est facile de distinguer du pied de l’arbre, se servir de l’un des deux instruments représentés fig. 68 et 69 ; ces instruments peuvent s’adapter à des manches aussi longs qu’il est nécessaire ; en appliquant leur tranchant sur le talon de la brandie à supprimer, il suffit de frapper avec un maillet sur le bout de ce manche pour couper la branche aussi net qu’avec la serpette la mieux affilée ; parce procédé, l’arbre se trouve convenablement élagué, sans qu’un seul de ses boutons ait été détaché. On a lieu de s’étonner que cette excellente méthode, connue et recommandée par tous les bons auteurs, soit si peu usitée en France ; elle est généralement en usage en Angleterre, en Belgique et en Allemagne ; on croit qu’elle a été originairement pratiquée dans les vergers de l’Amérique septentrionale.

Les arbres, une fois qu’ils commencent à rapporter, veulent être tous les ans visités et nettoyés de toute branche morte ou mal placée ; ces branches se coupent au niveau des branches latérales auxquelles on ne touche jamais ; on les laisse pousser en toute liberté. Quelquefois les productions fruitières se montrent en si grand nombre, qu’il faut en supprimer une partie ; on retranche alors de préférence celles qui sont placées le moins favorablement pour mûrir leur fruit. On ne doit tailler les arbres fruitiers qu’en hiver, pendant le repos de la sève. Si toutefois on craint de se trouver en retard, on commence toujours par les arbres à fruits à noyaux ; ces arbres étant sujets à la gomme souffrent plus que les arbres fruitiers à pépins d’une taille tardive, qui coïnciderait avec le premier mouvement de la sève de printemps. Parmi les arbres du verger, les moins vigoureux de chaque espèce se taillent aussitôt après la chute des feuilles ; les arbres du verger n’ont besoin que d’une légère taille de rafraîchissement tous les ans, et d’une taille à fond tous les trois ou quatre ans. Lorsqu’on ne laisse pas trop vieillir les branches des arbres du verger et qu’on a soin de pourvoir à leur remplacement par du jeune bois, longtemps avant qu’elles soient épuisées, les récoltes sont plus égales, le fruit est plus beau et de meilleure qualité.

Du moment où les arbres fruitiers ont terminé leur croissance, et quelquefois même beaucoup plus tôt, leur écorce se gerce en tout sens ; les fentes servent d’abri aux insectes ; les portions d’écorces mortes et à demi détachées se pourrissent par-dessous et nuisent à la santé de l’arbre. Il est bon d’en débarrasser le tronc et les branches principales en les frottant avec le dos d’une serpe, avec assez de ménagements pour ne pas attaquer l’écorce vive et le bois. Cette opération doit se faire un peu avant la reprise de la végétation au printemps ; on choisit un temps humide et couvert. C’est aussi le moment d’enlever les mousses et lichens qui s’attachent aux arbres dans les lieux humides. Lorsque par négligence on a laissé cette végétation parasite envahir l’écorce des arbres, le moyen le plus prompt de les nettoyer consiste à les enduire de lait de chaux avec un gros pinceau de badigeonneur : la chaux éteinte, délayée dans l’eau, n’ayant aucune consistance, n’adhère point à la surface du tronc et des grosses branches ; les alternatives de temps sec et pluvieux la font promptement disparaître ; elle entraîne en tombant les lichens et les mousses, en même temps qu’elle sert à la destruction des larves d’insectes.

Un arbre languissant, lorsqu’il n’a pas plus de cinq ou six ans de plantation, peut être arraché en novembre ou décembre sans inconvénient. On le traite alors exactement comme s’il sortait de la pépinière ; on visite avec soin les racines pour en retrancher les parties endommagées qui sont ordinairement la cause de son étal maladif ; on taille les branches assez court pour les mettre en harmonie avec les racines raccourcies ; la terre du trou est remaniée à fond et renouvelée au besoin on s’assure s’il n’existe pas dans le sous-sol quelque infiltration qui aurait causé la pourriture des racines, et l’on a soin d’y porter remède, au moyen d’un lit de gravier et de plâtras. L’arbre est ensuite remis en place ; on redouble de soins envers lui pour qu’il regagne le temps perdu.

Lorsqu’un jeune arbre pousse inégalement avec une vigueur désordonnée, c’est le plus souvent parce qu’une de ses racines, par une cause accidentelle, par exemple, quand elle rencontre une veine de terrain plus fertile que le reste du sol, a grandi outre mesure, ce qui a forcé les branches qui lui correspondent à en faire autant. Dans ce cas, on déchausse l’arbre pendant l’hiver, et on met à découvert les principales racines ; celles qui ont causé le désordre sont retranchées, et par des amendements convenables on empêche que celles qui prendront leur place fassent le même effet.

La récolte des fruits des arbres du verger doit se faire avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas nuire aux boutons à fruit, espoir de la récolte prochaine. Les fruits à noyaux exigent sous ce rapport moins d’attention, parce que les yeux à fruit sont peu développés à l’époque de la récolte. Mais les fruits à pépins veulent être cueillis avec les plus grands ménagements, par la raison que leur pédoncule est entouré à sa base de boutons qui sont ou seront des productions fruitières, et qui, à cause de la nature fragile de leurs supports, se détachent au moindre choc. Le moment favorable pour la récolte n’est indiqué par la parfaite maturité du fruit que pour les fruits à noyaux ; plusieurs variétés de fruits à pépins d’été sont meilleurs lorsqu’on les cueille un peu avant leur maturité complète, pour les laisser achever de mûrir sur une planche ; tous les fruits d’hiver sont dans ce cas.

On ne peut indiquer que d’une manière générale les espèces de fruits convenables pour créer un verger ; chacun se décidera d’après les circonstances locales de sol, d’exposition et de température ; le jardinier de profession plantera de préférence les arbres dont le fruit lui promet un débit plus profitable. Nous Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/151 140

HORTICULTUIIE.

LIVUt VIII.

être d’un produit très avantageux , mOme sous le climat de Paris ; en faisant choix d’une si- tuation i’avoral)le , il est possible , l’expérience le prouve, d’obtenir des pêcbers en plein-vent des fruits, sinon égaux en qualité à ceux des pêchers en espalier, du moins qui en diffèrent très peu. Dans ce but, il ne faut planter que les espèces qui fleurissent tard ; les sujets doivent être ou francs de pied, provenant des noyaux des plus belles pêches de chaque espèce, ou greffés sur franc, à 0"’,50 de terre. On forme leur tête sur quatre branches bien espacées ; on a soin qu’elle s’évase convenablement, qu’elle ne prenne pas trop d’élévation et que les bran- ches intérieures ne forment point confusion pour laisser partout un libre accès à l’air et à la lumière. Ces vergers réussissent parfaite- ment quand , dans une position naturellement abritée, telle que le pied d’un coteau regardant le sud ou le sud-est, on protège en outre les pêchers par des lignes de thuyas ou de cyprès, ou par des haies vives de l’",50 à 2 mètres d’é- lévation. Le pêcher en plein-vent ne conserve la qualité de son fruit que lorsqu’on a soin de ne pas le fatiguer par une production excessive, et qu’on ne lui laisse tous les ans qu’une récolte modérée, proportionnée à la force des sujets.

§ VII. — Clôlures.

Les haies vives épineuses sont les meilleures des cUMures pour les vergers. Lorsque dans les intervalles des arbres en plein-vent on ne plante que des poiriers sur cognassier et des pommiers surdoucain, ces clôtures peuvent être établies par la voie des semis ; la lenteur de ce procédé est dans ce cas sans inconvénient ; les premiers fruits des arbres en pyramide les plus précoces ne paraissent pas avant la quatrième année après la plantation ; on a tout le temps de lais- ser croître la haie ; elle devient de plus en plus défensive à mesure que les arbres deviennent plus productifs. Quand les arbres en plein-vent seront en plein rapport , la haie parvenue de- puis longtemps à toute sa croissance vaudra comme clôture la meilleure muraille. Mais si dans les intervalles des arbres en plein-vent, plantés à 12 mètres les uns des autres, en tout sens, on a créé des lignes provisoires de pom- miers-paradis ou de groseilliers qui rapportent au bout de deux ans , ou bien si , en attendant le fruit des arbres en plein-vent, on emploie le sol du verger à descullures jardinières, il vaut mieux former la haie par plantation que par semis ; le verger sera fermé deux ans plus tôt. Les haies d’aubépine, de houx et de robinia, soit semées, soit plantées, sont les meilleures de toutes comme haies défensives. L’églantier, qui, lorsqu’il est seul, végète trop inégalement pour former de bonnes haies , produit un bon efl’et lorsqu’on en mêle quelques pieds de dis- tance en distance, parmi les autres essences épineuses. Ces haies doivent être tondues deux fois par an, de manière à les maintenir sous la forme que représente la fig. 287. Cette forme est celle de toutes qui s’accorde le mieux avec

la défense du verger, en occupant le moins de terrain possible. Dans la Belgique wallone et dans le nord-est de la France , on plante beau- coup de haies en cornouiller (cornus saw^’umeà) ; elles ont l’avantage de formeravec le temps une clôture très solide, parce que les tiges se gref- fent naturellement en approche à tous leurs points de contact les unes sur les autres ; mais n’étant point épineuses, elles sont faciles à fran- chir. Les haies de charme ou charmilles, fort en usage autrefois pour enclore les jardins et les vergers, ont le défaut de s’arrêter difficile- ment à la hauteur voulue et d’étendre au loin leurs racines, ce qui fait perdre une trop grande largeur de terrain. Les haies d’arbustes de sim- ple ornement ne sont point en usage autour des vergers ; toutefois, il existe à notre connais- sance, dans la commune de la Valette (Var), un verger enclos par une haie de rosiers du Bengale , régulièrement taillés à la hauteur de 1’", 30. Celte haie longe la grande route sur une étendue de près de lOO mètres, et bien qu’elle soit toute l’année en proie aux dévastations des passants et à celles de plusieurs centaines de mille moutons transhumans, sur le passage desquels elle est malheureusement placée, elle subsiste depuis plus de 30 ans. Cet exem- ple montre les services que lerosier du Bengale peut rendre comme clôture dans nos départe- ments du midi.

§VII[.— Frais.

Nous ne pouvons, à moins de multiplier les calculs à l’infini , donner des indications pré- cises que pour une localité spéciale ; nous choi- sissons les conditions ordinaires de la culture des arbres à fruit dans l’un des départements qui avoisinent Paris ; chacun pourra comparer nos chiffres, dont nous garantissons l’exacti- tude, avec ce qui existe dans chaque localité. Nous nous proposons principalement de faire comprendre, par ces chiffres, aux propriétaires placés à portée de Paris ou d’une grande ville, quels avantages ils peuvent obtenir d’une bran- che de culture aujourd’hui trop négligée ; nous voulons leur faire toucher au doigt ces avan- tages, autant dans leur propre intérêt que dans celui du public. Nous considérons à part les frais et produits des vergers d’arbres à fruits à pépins ; nous répétons les calculs analogues pour les vergers d’arbres à fruits à noyaux.

A. Frais d’établissement d’un verger d’arbres

à fruits à pépins.

Lorsque le sol est très fertile et de nature a faire présumer que les arbres y prendront un Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/153 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/154 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/155 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/156 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/157 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/158 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/159

Avec quelques soins, la plupart de ces poires se conservent d’une année à l’autre sans se rider ni s’altérer en apparence ; mais passé le mois de mai elles deviennent pâteuses et n’ont plus de saveur. L’excessive dureté de ces poires au moment où on les cueille fait qu’on s’y prend d’ordinaire avec très peu de soin, et c’est à tort ; l’effet des contusions, peu visible d’abord, ne tarde pas à se manifester ; les poires se gâtent précisément au moment où elles seraient vendues avec le plus d’avantages. Les poires d’automne et les poires d’hiver, tant celles qui se mangent crues que celles qui ne peuvent être mangées que cuites, constituent la partie la plus riche de la récolte du verger ; parmi ces poires, le beurré, le bon-chrétien, le saint-germain et la crassane doivent être les plus nombreuses ; toutes ces poires se cueillent un peu avant leur maturité ; elles offrent l’avantage de mûrir, non pas toutes à la fois, comme les poires d’été, mais successivement, selon l’âge des branches qui les ont portées et leur exposition plus ou moins méridionale. Cette particularité est également précieuse pour l’amateur qui jouit de ses fruits pendant tout l’hiver, et pour le jardinier de profession qui vend quand il veut, et ne se trouve jamais, pour cette partie de sa récolte, à la discrétion des acheteurs.

Les arbres de la dernière liste (poires à cuire) chargent beaucoup et tiennent beaucoup de place ; ils doivent être exclus des vergers où l’on n’accorde que 10 mètres en tout sens à chaque pied d’arbre ; ce n’est pas trop pour eux d’une distance de 12 mètres en tout sens d’un arbre à l’autre.

Nous avons donné (page 79) la liste des espèces qui ne viennent pas bien sur sujets de cognassier ; toutes les poires à cuire sont plus ou moins dans ce cas. Nous croyons inutile de dresser des listes séparées des espèces greffées sur cognassier, qu’on peut planter provisoirement entre les lignes d’arbres en plein-vent ; à l’exception de celles qui ont été signalées comme se refusant à vivre sur des sujets de cognassier, toutes les espèces de poirier peuvent s’élever indistinctement en plein-vent et en pyramide, ainsi qu’en vase ou corbeille ; on peut donc, quant au choix des espèces, être guidé par les considérations que nous venons d’exposer.

6. Pommes hâtives.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Rambour d’été 
août et septembre.
Pomme-framboise 
août et septembre.
Pomme de neige 
août et septembre.
Calville d’été 
fin de juillet.
Passe-pomme rouge 
août.

Toutes ces pommes sont médiocres, à l’exception de la pomme-framboise et de la pomme de neige, parfaites l’une et l’autre, mais qui ont le tort de paraître à une époque où les bons fruits de toute espèce sont dans leur plus grande abondance ; ces fruits sont d’ailleurs comme tous les fruits précoces, ils ne se gardent pas, on doit donc planter fort peu d’arbres appartenant aux espèces hâtives.

7. Pommes d’hiver.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Calville
blanc, ou à côtes 
de décembre en avril.
rouge d’hiver 
de novembre en mars.
Reinette
franche 
d’octobre en octobre.
blanche 
de décembre en avril.
grise 
de janvier en janvier.
dorée 
de décembre en avril.
rouge 
de novembre en mars.
pépin d’or 
de novembre en mars.
d’Angleterre 
de décembre en mars.
de Bretagne rouge 
d’octobre en janvier.
de Portugal 
de janvier en avril.
du Canada 
de novembre en mars.

La liste suivante ne contient que des pommes plus recherchées pour leur beauté que pour leur bonne qualité :

Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Pomme d’api 
de novembre en mars.
D’Astrakan ou transparente 
de février en avril.
D’Eve (monstrueuse) 
de février en mai.
Joséphine 
d’octobre en janvier.
Azérolly 
de novembre en mai.
Des quatre goûts 
d’octobre en décembre.
8. Pommes meilleures cuites que crues.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Rambour d’hiver 
décembre et janvier.
Belle fleur 
de novembre à janvier.
Châtaignier 
de décembre en mars.
Court-pendu (kapendu) 
de décemb. en décemb.
Pomme d’érable 
décembre et janvier.
Pomme de fer 
de novemb. en novemb.

Les meilleures espèces pour greffer sur paradis, sont les calville et les plus grosses d’entre les reinettes, particulièrement celles d’Angleterre et du Canada.

Quelques-unes des pommes que nous avons indiquées comme pouvant se conserver d’une année à l’autre, durent souvent plusieurs années ; mais les plus durables, après une année révolue, restent sans saveur. Les pommes de fer se conservent jusqu’à trois ans ; mais elles sont d’une qualité très inférieure. La reinette grise réunit à une très longue durée une saveur fine et délicate ; elle supporte de longs trajets par mer sans éprouver d’altération.

B. — Fruits à noyaux.

La nomenclature des fruits à noyau n’offre pas plus de certitude et de régularité que celle des fruits à pépins ; ce que nous avons dit des premiers doit s’entendre également des seconds.

1. Pêchers.

Nous n’avons point fait figurer le pêcher dans le compte des frais et des produits d’un verger sous le climat de Paris, parce que l’entrée du verger lui est interdite ; néanmoins, comme dans quelques localités favorables on peut obtenir des produits très avantageux d’un verger de pêchers en plein-vent, nous devons indiquer les espèces les plus convenables pour ce genre de plantation. Ce sont, de préférence à toutes les autres, les pèches à floraison tardive qui craignent moins que les pêches précoces l’action funeste des derniers froids.

Pèches en plein-vent (sous le climat de Paris)
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Belle de Vitry 
du 15 sept. au 15 octob.
Bourdine de Narboune 
fin de septembre.
Téton de Vénus 
fin de sept. et octobre.
Pourprée tardive 
octobre.
de la Toussaint 
fin d’octobre.
2. Abricotiers.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Abricot hâtif (abricotin) 
fin de juin, et juillet.
Abricot commun 
fin de juillet.
Abricot de Hollande 
fin de juillet.
Abricot de Portugal 
15 août.
Abricot-Alberge 
Idem.
Alberge Moutgamet 
Idem.
Abricot-Pêche 
fin d’août.
Abricot royal (nouveau) 
Idem.
Abricot Pourret (nouveau) 
Idem.
Abricot Noor 
fin de juillet.

M. Lelieur conseille de s’en tenir au seul abricot Noor, le meilleur de tous ; cet abricot est en effet excellent, mais il n’a qu’un moment, et tous ses fruits mûrissent à la fois. Pour le jardinier de profession, le meilleur de tous est l’abricot commun, auquel il peut associer dans le verger un ou deux pieds d’abricotier hâtif et quelques abricots-pêches. L’alberge est très peu productive au nord de la Loire ; ce fruit n’est à sa place, sous le climat de Paris, que dans le verger de l’amateur.

Les amandes de tous ces abricots sont amères ; l’abricotier de Hollande est le seul qui donne des fruits à amande douce.

3. Pruniers.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Reine-claude verte 
du 15 août au 10 sept.
Reine-claude violette 
fin d’août.
Monsieur hâtif 
fin de juillet.
Jaune hâtive (de Catalogne) 
du 1er au 15 juillet.
Mirabelle 
du 1er au 15 août.
Double-mirabelle (drap d’or) 
Idem.
Prune d’Altesse (impériale) 
fin d’août.
Perdrigon (de Brignoles) 
août.

Cette liste ne contient que des fruits de table ; les vergers dont nous nous occupons ici n’en comportent pas d’autres. Les pruniers, dont les fruits sont exclusivement destinés à faire des pruneaux, rentrent dans la grande culture. Parmi les prunes de la liste précédente, la jaune hâtive, la prune d’altesse et la prune perdrigon, quoique fort bonnes à l’état frais, font aussi d’excellents pruneaux ; les autres espèces sont exclusivement des fruits de table.

4. Cerisiers.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Montmorency 
juillet.
Gros gobet (courte queue) 
juillet.
Grosse précoce de Châtenay 
fin de juin.
Grosse tardive (de la Madeleine) 
fin de juillet.
Royale 
fin de juin.
Cerise de pied 
fin de juillet.

Toutes ces espèces sont des cerises proprement dites, à fruit plus ou moins acide, plus rond qu’allongé, à chair molle et demi-transparente. La cerise de Montmorency ne se rencontre plus que dans les vergers d’amateurs ; les jardiniers de profession y ont renoncé ainsi qu’a la belle de Choisy, parce que ces arbres chargent trop peu ; ce sont cependant les deux cerises les plus parfaites qui existent.

La cerise de pied est préférée à toutes les autres pour former les vergers de cerisiers et de groseilliers ; l’arbre qui la porte ne se greffe pas et reste toujours fort petit ; c’est un usage que nous rapportons sans l’approuver, car cette cerise, qui à la vérité charge beaucoup, est de qualité médiocre.

Guigniers et Bigarreautiers.
Noms des espèces. Epoque
de la maturité des fruits.
Cerise-guigne (anglaise) 
du 1er juin au 1er août.
Petite guigne rose précoce 
15 juin (15 mai dans le midi).
Grosse guigne noire (mauricaude) 
fin de juin.
Gros bigarreau rouge 
fin de juillet.
Gros cœuret 
août.

Les fruits de tous ces arbres ont la chair ferme et opaque ; le meilleur de cette série est la cerise anglaise , qui joint à une saveur très délicate la propriété précieuse de fleurir tard, lentement, et de mûrir son fruit successivement dans l’ordre de l’âge des branches, de sorte que sur les arbres tout formés, on a des fruits mûrs à cueillir pendant deux mois. Ces motifs la font préférer à toute autre en Belgique, où elle est devenue meilleure que dans son pays natal, l’Angleterre. A Liège, on la nomme en patois wallon tempe et tard (précoce et tardive) ; en effet, lorsqu’elle est à bonne exposition, elle est la première et la dernière sur le marché, ce qui en rend les produits fort avantageux. On en plante beaucoup autour de Paris depuis quelques années ; l’arbre se met vite à fruit, il est très fertile.

Section II. — Jardin fruitier.
§ 1er. — Distribution.

Le jardin fruitier diffère essentiellement du verger en ce qu’il n’admet pas d’arbres à fruits à pépins autres que des vases et des pyramides ; les plein-vents à haute tige en sont exclus, à l’exception de quelques arbres à fruits à noyaux qui ne réussissent pas sous toute autre forme. Il doit être fermé de murs destinés à recevoir des espaliers. Les notions qui précèdent sur le choix et la préparation du terrain, le choix des arbres en pépinière, l’habillage des racines et la plantation dans le verger s’appliquent au jardin fruitier ; nous n’avons point à les répéter.

A moins que le sol n’en soit absolument impropre à la végétation des arbres à fruits à noyaux, le jardin fruitier doit toujours avoir l’un de ses compartiments occupé par quelques abricotiers, pruniers et cerisiers en plein-vent. Le surplus est rempli, moitié par les poiriers, moitié par les pommiers. Les poiriers sont conduits en pyramides et en vases, par lignes alternatives. Quelques arbres des espèces originaires du midi sont taillés en girandoles ; ces arbres sont espacés entre eux de 5 mètres en tout sens. Le compartiment consacré aux pommiers est occupé moitié par des pommiers greffés sur doucain et conduits en pyramide, moitié par des pommiers-paradis. Les pommiers en pyramide occupant moins d’espace que les poiriers, peuvent être plantés à 4 mètres en tout sens ; les pommiers-paradis peuvent se contenter d’un espace de 1m,50 en tout sens dans un très bon terrain ; dans un terrain ordinaire, il leur faut 2 mètres. Cet espacement nous semble le meilleur dans la pratique, pour toute espèce de sol. La partie du jardin fruitier remplie par les pommiers est désignée dans son ensemble sous le nom de Normandie. Le sol du jardin fruitier ne devant pas être gazonné, on le divise, pour la facilité du service, en plates-bandes séparées par des sentiers. Toute cette distribution du jardin fruitier, est indiquée dans le plan, fig. 291. La forme de ce jardin n’étant pas rectangulaire, les compartiments irréguliers sont occupés par des plantations de pommiers-paradis, de groseilliers AA et de framboisiers B. Les plates-bandes du jardin fruitier peuvent être entourées de bordures de fraisiers, non pas en vue d’y récolter des fraises, mais pour préserver les jeunes racines des arbres à fruit des ravages du ver blanc. Ce ver a une telle prédilection pour les racines du fraisier, que, tant qu’il en trouve à sa portée, il est attiré vers elles et respecte celles des arbres. Les meilleurs fraisiers pour cet usage sont les caprons, dont les racines sont très volumineuses. Comme ces fraisiers ne remontent pas et qu’ils ne donnent par conséquent qu’une récolte, aussitôt après cette récolte on peut arracher tous les pieds qui paraissent souffrants et détruire les vers blancs occupés à ronger leur racine. Ces fraisiers sont si robustes, qu’à moins que le ver blanc n’en ait dévoré la racine jusqu’au collet, ils ne meurent pas.

Fig. 291.

Nous avons conseillé de planter, entre les lignes des arbres fruitiers en plein-vent du verger, des lignes alternatives de pommiers greffés sur doucain et de pommiers greffés sur cognassier, arbres destinés à être conduits en vases ou corbeilles et en pyramides. A l’exception d’un petit nombre d’espèces, nous devons insister ici de nouveau sur la nécessité d’exclure du jardin fruitier les poiriers greffés sur cognassier. Ce conseil, nous ne l’ignorons pas, est contraire à la pratique de la plupart des jardiniers ; on ne trouve, pour les formes en vase et en pyramide, dans les pépinières, que des arbres greffés sur cognassier. Mais, appuyés sur l’autorité de M. Lelieur, dont une longue pratique personnelle nous a mis à même de vérifier les assertions, nous sommes convaincus de la supériorité des arbres greffés sur franc, et nous désirons faire partager cette conviction à nos lecteurs. Dans ce but, nous ajouterons quelques développements à ce que nous avons déjà dit sur le même sujet en traitant des pépinières.

En Angleterre, on sème pour sujets propres à recevoir la greffe de toute espèce de poires, les pépins de la bergamotte d’été et ceux de la poire de Windsor (beurré d’Angleterre). « La vigueur relative des sujets, dit J. Rogers, peut influer sur la végétation des greffes et le développement ultérieur des arbres de première, deuxième ou troisième grandeur. Il est probable, ajoute cet auteur, que les sujets obtenus des pépins du petit muscat auraient, à peu de chose près, l’effet des sujets de cognassier pour modérer la végétation des poiriers et hâter leur Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/163 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/164 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/165 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/166 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/167 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/168 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/169 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/170 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/171 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/172 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/173 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/174 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/175 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/176 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/177 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/178 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/179 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/180 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/181 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/182 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/183 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/184 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/185 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/186 mille qui loue à ces conditions deux hectares de jardins vit dans l’aisance et fait des économies qui lui donnent la perspective assurée d’être propriétaire à son tour, et lui permettent de voir arriver sans effroi la vieillesse ; c’est plus que ne peuvent promettre et tenir à l’artisan laborieux des villes la plupart des professions industrielles.

Section V. — Treilles à la Thomery.

§ 1er. — Construction des murs.

La distribution générale d’un enclos destiné à la culture des treilles à la Thomery, est la même que celle d’un jardin à la Montreuil ; les murs intérieurs y sont de même disposés en lignes parallèles entre elles, à 12 mètres les uns des autres ; la direction de ces lignes est celle qui donne l’exposition la plus favorable, sans égard à la direction des murs de clôture ; les contreforts usités à Montreuil, comme brise-vents, ne sont point en usage à Thomery. Dans la plupart des enclos on adopte, comme à Montreuil, la direction du nord au sud, faisant face à l’est et à l’ouest, pour pouvoir utiliser les deux côtés de l’espalier ; mais les jardiniers qui tiennent à donner à leurs produits toute la perfection dont ils sont susceptibles, construisent leurs murs intérieurs de l’est à l’ouest, faisant face au sud et au nord ; le meilleur chasselas est toujours celui qui se récolte à l’exposition du plein midi. Par cette distribution on prend une des surfaces de l’espalier pour la culture de la vigne ; le côté du nord peut néanmoins être garni de poiriers et de pommiers.

Les murs destinés à recevoir les treilles en espaliers n’ont pas plus de 2m,15 de hauteur ; les murs de clôture ont 2m,70. Les chaperons sont en tuile ; ils ont une saillie de 0m,30 do chaque côté du mur. Le plâtre étant moins commun à Thomery qu’à Montreuil, ces murs sont crépis avec un mortier de chaux et blanchis avec un lait de chaux lorsque le crépissage est soc ; on a soin de renouveler ce badigeonnage aussi souvent qu’il est nécessaire ; le crépissage est entretenu avec des soins minutieux. Nous avons décrit le treillage le mieux adapté au palissage des treilles à la Thomery (voir pag. 111, fig. 258).

A Montreuil, les arbres devant être plantés au pied du mur d’espalier, il faut nécessairement que la construction du mur précède la plantation ; à Thomery, la vigne étant plantée en avant du mur, on la laisse végéter pendant trois ans avant de s’occuper d’élever les murailles qui doivent la soutenir ; on épargne ainsi les intérêts d’un capital important qu’il serait inutile de débourser au moment où l’on plante la vigne ; on ne construit les murs que quand la vigne arrive à la place que le mur doit occuper.

§ II. — Contre-espaliers.

L’intervalle de 12 mètres d’un mur à l’autre reçoit plusieurs rangées de contre-espaliers ; la première rangée s’établit à 2 mètres de l’espalier ; les autres se suivent en lignes parallèles, à 2m,50 de distance les unes des autres. Ces contre-espaliers sont ordinairement formés d’un simple treillage en tout semblable à celui de l’espalier, maintenu par des piquets de distance en distance. La promptitude avec laquelle ces treillages se détériorent et les frais continuels qu’entraîne leur renouvellement, ont engagé depuis quelques années les jardiniers de Thomery à leur substituer des montants en fer, soudés dans des grès de forme prismatique ; ces montants percés de trous, supportent des fils de fer disposés comme le montre la fig. 297 ; quoique rétablissement d’un contre espalier ainsi construit coûte le double du prix d’un treillage en bois, sa durée et sa solidité le rendent réellement économique ; il offre d’ailleurs pour la conduite des cordons de vigne les mêmes facilités que le contre-espalier en treillage. Quelquefois, mais rarement, la première rangée de contre-espalier la plus rapprochée de l’espalier est un mur véritable, en maçonnerie très légère de 0m,20 d’épaisseur tout au plus et de 1m,16 de hauteur ; cette hauteur doit être considérée comme un maximum qui ne pourrait être dépassé sans nuire à l’espalier. Les contre-espaliers ainsi construits admettent deux rangs de cordons de vigne dont les produits peuvent être égaux à ceux de l’espalier ; le chaperon du contre-espalier est à un seul versant.

L’intervalle entre les lignes de contre-espaliers est rempli par des rangées de ceps de vigne cultivés isolément, comme dans les vignobles. Il résulte de ce système de culture trois qualités de chasselas ; le meilleur est le produit des espaliers ; les contre-espaliers donnent le raisin de seconde qualité ; les ceps isolés donnent la troisième qualité. Les jardiniers qui comprennent le mieux leurs intérêts ne mêlent pas ces trois sortes de chasselas ; ils les vendent séparément ; le plus grand nombre garnit le fond des paniers avec le raisin de troisième qualité.

§ III. — Soins généraux.

Les détails dans lesquels nous sommes entrés en traitant de la conduite et de la taille de la vigne à la Thomery (voir p. 110) nous laissent peu de chose à ajouter ; néanmoins ce sujet est d’une telle importance, il est si rare de rencontrer du bon chasselas hors des communes voisines de Fontainebleau, que nous croyons ne devoir rien omettre de ce qui peut aider nos lecteurs à obtenir les mêmes résultats.

Ainsi que nous l’avons conseillé pour le pêcher, nous insistons sur la nécessité de dégarnir la treille à l’époque du premier palissage, en ne lui conservant qu’une quantité de raisin en proportion avec sa force et son étendue ; les grappes conservées gagnent en qualité plus que l’équivalent des grappes sacrifiées. Lorsque le raisin approche de sa maturité, il faut écarter ou retrancher les feuilles qui s’opposent à l’action directe des rayons solaires sur les grappes ; il faut beaucoup de discernement pour ne découvrir que les grappes assez avancées, ce qu’on reconnaît à la demi-transparence des grains ; les raisins découverts trop tôt sont exposés à être grillés ; ceux qu’on découvre trop tard, quoique bien mûrs, restent verts, et sont moins avantageux pour la vente ; ils sont en outre réellement moins bons que les raisins dorés par le soleil.

L’épamprement, à Thomery et aux environs, est confié aux femmes ; l’expérience leur a très bien enseigné le moment opportun ; elles s’y reprennent ordinairement à trois fois différentes, parce que toutes les grappes d’une treille ne mûrissent jamais en même temps ; on ferait beaucoup de tort à la vigne en enlevant avec les feuilles les pétioles qui les supportent ; la feuille doit être coupée à la naissance de la queue ; celle-ci reste attachée à la branche et continue à nourrir dans son aisselle l’œil ou bourgeon qui doit s’ouvrir l’année suivante. C’est encore des femmes de Thomery qu’il faut prendre leçon pour l’emballage et l’arrangement du raisin dans les paniers. La fougère (pteris aquilina) qui sert à cet emballage est récoltée avec beaucoup de soin ; dans les années où le raisin est très abondant, les femmes et les enfants de Thomery vont quelquefois à la fougère, comme on dit dans le pays, à 3 et 4 myriamètres de distance. Pour que la fougère ait le degré de souplesse convenable, on enlève les plus grosses tiges, et l’on attache le reste par paquets qu’on fait sécher à moitié à l’air libre ; en cet état, la fougère est très élastique, elle prévient le tassement du raisin dans les paniers, mieux que ne pourrait le faire la paille ou le foin.

Nous ne saurions trop le répéter, la perfection du chasselas récolté sur les treilles de Thomery et des environs ne peut être attribuée à aucune circonstance particulière de sol, de climat, ou d’exposition ; elle est entièrement due aux soins que les industrieux habitants de Thomery donnent à leurs vignes, soins comparables à ceux que les jardiniers de Montreuil prennent de leurs pêchers. L’indigne verjus dont, à l’exception des années extraordinairement favorables, les rues de la capitale sont inondées pour la consommation du peuple qui ne connaît pas d’autre raisin, pourrait être remplacé, pour le même prix, par du raisin analogue à celui de Fontainebleau, si les procédés de culture en usage à Thomery pouvaient être généralement adoptés par ceux qui cultivent le raisin de table. Le produit des treilles de Thomery ne perdrait à ce changement rien de sa valeur actuelle ; ce chasselas d’élite serait toujours réservé pour la table du riche ; mais du moins, le peuple pourrait connaître un raisin mangeable au lieu de ce fruit aigre et malsain, qui cause tant de fièvres et de dyssenteries souvent mortelles. Tout le monde ne peut pas, sans doute, aborder la dépense des murs à la Thomery ; mais il n’est pas de jardinier, pas même de simple vigneron qui ne puisse faire les frais d’un contre-espalier, soit en treillage, soit en fil de fer, sur lequel il pourrait pratiquer la culture à la Thomery ; il ne lui en coûterait pas beaucoup plus que pour les échalas dont il est habitué à se servir ; cela suffirait pour rendre le bon raisin tellement abondant sur le marché que le mauvais n’oserait s’y présenter ; les vignerons insouciants seraient alors contraints à sortir de leur routine, ou bien à se contenter de faire de leur verjus du vin de Suresne.

§ IV. — Frais et produits.
A. — Frais.

La construction des murs est à Thomery, comme à Montreuil, le principal article de dépense. Un enclos d’un hectare exige 400 mètres de murs de clôture, 800 mètres de murs intérieurs, et 3,200m de contre-espalier ; chaque intervalle entre doux lignes de murs admet quatre rangées de contre-espaliers.

Les frais d’établissement d’un enclos d’un hectare consacré à la culture des treilles à -la Thomery peuvent être représentés par approximation par les chiffres suivants :

Murs de clôture de 2m,70 de hauteur, 400 mètres à 15 fr 
 6,000 f
Murs intérieurs de 2,15 de hauteur, 800 m. à 13 fr 
 10,400
Contre-espalier en fil de fer, 3,200 mètres à 1 fr. 50 c 
 4,800
Achat du terrain 
 4,000
Fumier et main-d’œuvre 
 800
—————
Total 
 26,000 f

La plantation se faisant toujours de bouture, l’achat du plant n’est pas porté en compte. Les prismes de grès supportant les montants en fer sont placés à 1m,70 les uns des autres ; ils coûtent à Thomery tout ferrés 1 fr. pièce ; le prix du mètre courant peut varier selon la grosseur du fil de fer qu’on emploie, article dont le prix est lui-même très variable, selon la distance où l’on se trouve des lieux de fabrication. Lorsqu’on se contente d’un treillage en bois soutenu par des piquets, la dépense n’est que de 75 c. le mètre courant, ce qui réduit dans ce cas le total de la dépense à 23,600 fr.

Dans le compte de cette culture, il n’y a point lieu de tenir compte des intérêts pour les trois premières années, puisque les avances pendant ces trois ans se réduisent au loyer du terrain et à la main-d’œuvre. La vigne à la Thomery ne couvre la totalité des murs qu’à sept ans. A cette époque, un enclos d’un hectare dont les murs intérieurs faisant face au levant et au couchant sont utilisés des deux côtés, présente une surface de 4,520m d’espalier, et 3,712 mètres de contre-espalier. Il a coûté pour parvenir à cet état :

Achat du terrain 
 4,000 f
Plantation et entretien pendant trois ans 
 1,600
Intérêts du prix d’achat, à 5 p. 100 
 600

Frais d’établissement des murs et contre-espaliers 
 21,200
Entretien pendant quatre ans, à 400 f. par an 
 1,600
Intérêts à 5 p. 100 des avances antérieures, en quatre ans 
 5,480
—————
Total 
 34,480
B. — Produits.

A partir du moment où la vigne atteint le pied de l’espalier, elle donne des produits qui ne peuvent être évalués avec précision, mais qui vont en augmentant jusqu’à ce qu’à l’âge de sept ans elle couvre tout l’espalier. Dans l’Intervalle, les contre-espaliers et les ceps isolés ont aussi commencé à produire ; on peut, sans exagération, porter ces divers produite pour quatre ans au quart des sommes avancées qui, au moment où l’enclos est en plein rapport, se trouvent, par ces rentrées, réduites à la somme de 26,000 fr.

Le produit brut des treilles peut être représenté par les chiffres suivants :

Espaliers 
Chasselas, 1re
qualité 
 8,000 k
Contre-espaliers 
Id., 2e
qualité 
 6,000
Ceps isolés 
Id., 3e
qualité 
 2,000
—————
Total 
 16,000
—————
Valant au prix moyen de 40 c. le kil 
 6,400 f

Ce produit brut permet au propriétaire d’en obtenir un prix de location de 3,500 fr. en laissant une juste part de bénéfice au fermier ; la valeur foncière de sa propriété a été portée en sept ans, de 4,000 fr. à 70 mille francs, en ne la comptant qu’au taux de 5 0/0, pour les mêmes raisons qui nous ont fait adopter ce chiffre comme base de l’évaluation de la valeur foncière des jardins à la Montreuil.

Nous ferons observer en terminant qu’un propriétaire de moyenne fortune peut, avec une avance qui ne dépasse pas ses facultés, trouver dans la culture du chasselas à la Thomery, seulement en contre-espalier, une ressource très importante qui lui permettrait de se livrer, sans s’obérer, à son goût pour les cultures de pur agrément. Nous citerons parmi les faits à notre connaissance personnelle, un jardin d’un peu moins de 66 ares, au Grand Montrouge ; ce jardin cultivé par M. Roboam, israélite passionné pour le jardinage, est occupé en entier par des lignes de contre-espaliers de treilles à la Thomery ; M. Roboam nous assure qu’il en obtient année commune 2,400 fr., et souvent 3,000 fr. de revenu net ; il est vrai qu’il est à la porte de Paris et qu’on vient lui acheter sur la treille même son chasselas, qui ne le cède en rien à celui de Fontainebleau de seconde qualité, obtenu sur les contre-espaliers.

Nous donnons ici la liste des meilleures espèces de vignes qui peuvent être cultivées en treille pour la table. Il n’y a pas de meilleure vigne sous le climat de Paris que le chasselas de Fontainebleau ; nous pourrions ajouter qu’il n’en existe nulle part ailleurs, en aucun pays du monde, qui soit comparable à ce chasselas comme raisin de table, sans excepter les qualités les plus sucrées et les plus renommées de la Provence, de l’Espagne et de l’Italie. Ainsi, le jardinier de profession n’en doit point admettre d’autre sur ses treilles ; aucune ne lui serait plus profitable. L’amateur, guidé par d’autres considérations, peut désirer réunir sur ses espaliers les meilleures variétés de raisin de table autre que le chasselas ; il pourra choisir dans la liste suivante :

Chasselas 
de Fontainebleau, le meilleur de tous.
violet (du Piémont).
noir (du midi de la France).
rose (du Piémont).
petit hâtif.
doré (de Champagne).
rouge (id.).
musqué.
Muscat 
blanc, ou de Frontignan.
rouge.
d’Alexandrie.
Raisin 
verdal du Languedoc.
colomban de Provence.
de Corinthe blanc.
de Corinthe violet.
de Frankenthal.
cornichon.

Tous ces raisins sont d’autant meilleurs qu’on les place à une meilleure exposition ; le verdal ne mûrit pas tous les ans sous le climat de Paris ; les deux corinthes sont dans le même cas ; le raisin cornichon est plus curieux que bon en lui-même. Il en est de même des variétés très hâtives dont les plus fréquemment cultivées sont les deux variétés de la Madeleine, le blanc et le noir, qui, à part leur précocité, n’ont intrinsèquement aucune valeur.

La collection du Luxembourg à Paris, qui est loin d’être complète, compte plus de 500 variétés de raisin mangeables.

Section VI. — Culture forcée des arbres à fruit.

La culture forcée des arbres à fruit est particulièrement avantageuse dans le nord de la France et chez nos voisins de Belgique et d’Allemagne ; on ne connaîtrait pas ce que c’est qu’une pêche, un abricot ou une grappe de raisin en Hollande et dans le nord de l’Angleterre, si l’on n’y consacrait à la culture de ces fruits de grandes serres (forcing-houses) dont nous avons donné les modèles (voir page 39). Ces fruits paient d’ailleurs largement les frais de leur culture forcée.

Sous le climat de Paris, la culture forcée des arbres à fruit n’offre, comme spéculation, que de médiocres avantages ; aussi n’y est-elle pas pratiquée sur une bien grande échelle. On force principalement des pêchers en espalier, au moyen de châssis mobiles établis temporairement ; on force en même temps, entre le châssis et le mur d’espalier, des arbres nains en pois (pruniers et cerisiers). Ces deux cultures se conduisent simultanément.

Les arbres à huit ne sont forcés, à Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/190 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/191 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/192 construction, elles renferment des arbres vigoureux, chargés d’excellents fruits.

On commence à chauffer la serre à forcer le pêcher vers le 13 février ; si cependant on pratique cette culture en grand, dans plusieurs serres séparées, celles qui contiennent les pêchers les plus précoces peuvent commencer un mois plus tôt à recevoir la chaleur artificielle. La température est maintenue pendant quelques jours à 10 degrés, pour être portée successivement à 15 degrés. Quand les arbres sont en pleine fleur, on commence à introduire un peu de vapeur dans la serre, opération qu’on renouvelle de temps en temps, jusqu’à ce que le fruit soit bien formé ; si la serre n’est point chauffée par la vapeur, on se contente d’arroser fréquemment le feuillage des arbres avec de l’eau dégourdie, que la température de la serre ne tarde pas à convertir en vapeur. Lorsque, par accident, l’air de la serre se trouve tout à coup tellement sec que les arbres puissent en souffrir, ce dont on est averti par l’hygromètre, on fait promptement rougir une pelle, ou le premier morceau de fer qu’on peut avoir sous la main, et l’on produit instantanément, en versant de l’eau dessus par petites portions, autant de vapeur que l’état de l’atmosphère de la serre en exige.

Quand le noyau est formé dans le fruit, il est temps de porter la température de la serre à 15 degrés ; on peut dès lors donner de l’air chaque fois que le temps est favorable. A partir de la fin d’avril, il ne faut plus que très peu de feu, pendant le jour, dans la serre à forcer les pêchers ; on chauffe le soir, pour maintenir une bonne température durant la nuit, et le matin avant que le soleil se fasse sentir.

Les pêchers forcés dans la serre sont fort sujets aux attaques du blanc ou meunier, quand on néglige de leur donner de l’air et qu’on n’a pas soin de maintenir dans la serre la plus rigoureuse propreté.

Nous ferons observer aux jardiniers français combien ils ont tort de négliger, dans les serres à forcer, la culture des arbres à fruit des régions tropicales. En Angleterre, une serre à forcer le pêcher, gouvernée comme nous venons de l’indiquer, sans autres soins que ceux qu’exige la culture forcée du pêcher, donne en même temps des fruits de jambos, ceux de diverses passiflores, des bananes, des mangues, des goyaves, et vingt autres variétés de fruits connus à peine de nom de nos jardiniers ; ces fruits, nous le répétons, ne .sont pas plus difficiles à obtenir que les pêches forcées ; il ne serait pas non plus fort difficile d’y accoutumer les consommateurs, si nous savions, comme les jardiniers anglais, faire venir ces fruits presque aussi bons que dans leur pays natal.

C. — Cerisiers.

La serre à forcer les cerisiers ne diffère de la serre a forcer le pêcher que parce que le devant est occupé par des dressoirs sur lesquels on place plusieurs rangées de pots contenant des fraisiers dont on force les fruits en même temps que les cerises. Les cerisiers sont palissés sur le mur du fond ; on commence à les chauffer au mois de janvier ; ils n’exigent pas une température aussi élevée que celle que réclament les pêchers. Quand le fruit approche de sa maturité, on maintient l’atmosphère de la serre à la température de 18 degrés, le plus également possible. La cerise royale anglaise est celle qu’on préfère pour forcer. Ses fruits paraissent sur la table des riches, conjointement avec les fraises forcées, du 1er mars à la fin d’avril.

D. — Figues.

Ce fruit n’est pas assez recherché en France pour qu’on lui consacre une serre à forcer ; il n’en est pas de même en Angleterre, où le jardin royal de Kew contient une serre de seize mètres de long, exclusivement remplie de figuiers forcés. La végétation des figuiers dans ces serres est conduite de manière à les placer autant que possible dans les conditions de température de leur pays natal ; par ce moyen, on obtient une première récolte au printemps et une seconde à l’automne. Le figuier ne se taille point ; la température de la serre à forcer le figuier est celle de la serre à forcer le pêcher. On se contente le plus souvent de placer dans la serre de la vigne ou dans celle des pêchers quelques figuiers, ordinairement dans des pots. La figue blanche et la petite ligue de Marseille sont celles que les Anglais forcent de préférence. Patrick Neill assure que les figuiers forcés dans la serre de Kew peuvent produire dans les bonnes années, pour les desserts des tables de la cour, 50 paniers de figues au printemps, et 150 à l’automne ; quoiqu’il ne désigne pas la grandeur des paniers, ce chiffre de 200 paniers, pour une serre de seize mètres de long, indique une production très abondante.