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Malte-Brun - la France illustrée/0/5/2/3/7

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Jules Rouff (1p. xlvi).
JEANNE DARC.

Une jeune paysanne arriva de la Lorraine, racontant que des voix célestes lui avaient ordonné de se mettre à la tête des guerriers français, de délivrer Orléans et de conduire le roi à Reims pour l’y faire sacrer. Son inspiration, sa pureté, son éloquence décident le roi ; elle entre avec audace dans Orléans à la tête de quelques braves capitaines, relève le courage des habitants, fait merveille elle-même à la défense de la ville, et en huit jours force les Anglais à la retraite (mai 1429). Elle les poursuit et leur fait essuyer à Patay une défaite qui coûta la liberté au fameux Talbot. Puis elle conduit le roi à Reims et le fait sacrer. Là, elle voulait se retirer : « J’ay accomply, disait-elle, ce que Messire (Dieu) m’a ordonné, qui estoit de lever le siège d’Orléans et de faire sacrer le gentil roy ; je voudrois bien qu’il voulust me faire ramener auprès mes père et mère et garder leurs brebis et bétail, et faire ce que je soulois faire. » On ne lui accorda pas cette légitime faveur. La noblesse, jalouse de son ascendant, se réjouit de la voir échouer au siège de Paris, où elle fut cruellement blessée, et enfin une trahison la livra aux Anglais, qui la brûlèrent à Rouen (1431).

Le supplice de cette noble martyre du patriotisme est dans toutes les mémoires. C’était encore une fois le peuple qui recouvrait au prix de son sang l’indépendance nationale, perdue par la faute des grands. Ils abandonnèrent l’héroïne après qu’elle les eut mis dans le chemin de la victoire ; mais l’impulsion était donnée. Le moral de la France était relevé et celui de l’Angleterre abattu. Ce changement changeait aussi toute la face de la guerre. De braves capitaines, les Dunois, les Lahire, les Xaintrailles, n’eurent plus qu’à batailler pendant une vingtaine d’années, et, en 1450 et 1453, les victoires de Formigny et de Castillon avaient consommé l’expulsion des Anglais ; Calais seul leur restait.