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Malte-Brun - la France illustrée/0/5/2/3/9

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Jules Rouff (1p. xlvii-xlviii).
GUERRES D’ITALIE.

On a appelé guerre folle la révolte des seigneurs au début du règne de Charles VIII (1483). Révolte folle en effet, et qui n’aboutit qu’à un nouvel échec de ceux qui l’avaient faite ; Charles VIII épousa l’héritière de Bretagne et prépara ainsi la réunion de ce grand fief à la couronne. C’était bien. C’était là l’œuvre de la régente Anne de Beaujeu. Mais quand le petit roi put tenir une lance, il voulut comme Charles VI aller faire des prouesses. Il lui souvint qu’il était héritier du royaume de Naples par la maison d’Anjou. Il abandonne follement la Cerdagne, le Roussillon, la Franche-Comté, pour partir plus vite à ses grandes conquêtes. Il se voyait déjà maître de Constantinople. L’Italie fut aisément parcourue, et Naples prise. Une ligue est formée par les Vénitiens derrière les Français ; ceux-ci se rouvrent à Fornoue le chemin de la France, mais perdent tout ce qu’ils ont conquis et voilà tout le fruit de l’expédition (1494-1495).

Louis XII apporta de plus à la couronne des droits sur le Milanais. Conquête du Milanais. Il s’occupe ensuite du royaume de Naples, et le partage par le traité de Grenade avec le roi d’Espagne. Conquête du royaume de Naples. Pour qui ? Pour le rusé Ferdinand, qui se joua du bon Louis XII, et ne tarda pas sous tel et tel prétexte de s’emparer de tout le royaume de Naples. Louis XII était un prince d’une médiocre habileté, mais honnête ; bon pour le peuple, qu’il soulagea, et dont il fut appelé le père. Le roi catholique d’Espagne était un prince excessivement habile, mais malhonnête. Il appartenait à l’école des politiques de ce temps, l’école de Louis XI et des César Borgia, dont Machiavel a écrit la théorie. On rapporta à Ferdinand que Louis XII s’était écrié dans son mécontentement : « Voilà la première fois que le Roi Catholique m’a trompé. — Bon ! reprit-il en riant, il aurait dû dire la douzième. » Son plus habile lieutenant, Gonzalve de Cordoue, voulait « que la toile de l’honneur fût d’un tissu lâche. » Le pauvre Louis XII se laissa tellement envelopper par les ruses du renard espagnol qu’il conclut ce désastreux traité de Blois, lequel, sacrifiant non seulement l’Italie, mais la Bretagne et la Bourgogne, exposait la France à voir un jour sur son trône Charles d’Autriche, Charles-Quint. Heureusement les états généraux mirent leur véto et marièrent bien vite l’héritière de France, Claude, avec François d’Angoulême (François Ier). Louis XII fit une autre faute en suscitant contre Venise la ligue de Cambrai. Sa victoire d’Agnadel (1509) ne servit qu’à tourner contre lui ses propres alliés : Jules II les réunit sous le nom de Sainte-Ligue, et la France fut seule contre tous. Gaston de Foix, jeune et brillant capitaine, nous donna quelque temps la victoire ; mais il est tué à Ravenne, l’Italie est perdue ; toutes nos frontières entamées, et Louis XII n’éloigne les étrangers qu’en abandonnant l’Italie et en donnant beaucoup d’argent. Il épousa par le même traité Marie, sœur du roi d’Angleterre ; faible et maladif depuis son avènement, cette union avec une jeune femme l’acheva. Malgré ses revers, la France fut sous ce règne en voie de prospérité. « La tierce partie du royaume fut défrichée en douze ans, et pour un gros marchand qu’on trouvoit à Paris, à Lyon ou à Rouen, on en trouva cinquante sous Louis XII, et qui faisoient moins de difficulté d’aller à Rome, à Naples ou à Londres, qu’autrefois à Lyon ou à Genève. »