Manuel-Roret du relieur/II-VII

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CHAPITRE VII

Reliure mécanique.


Au moyen de procédés mécaniques, on est parvenu à diminuer notablement le prix de la main-d’œuvre et la durée des opérations. L’application de ces procédés a donné naissance à la reliure dite industrielle, qui, ne se préoccupant que d’une manière très-secondaire, de la question de solidité, cherche surtout, d’une part, à faire vite et à bon marché, d’autre part, à donner à ses produits un extérieur riche et élégant. On conçoit qu’elle n’est possible que là où l’on a constamment des milliers de volumes semblables à relier à la fois. La reliure sérieuse lui emprunte souvent quelques-uns de ses moyens d’action plus particulièrement ceux qui servent à la dorure et à la gaufrure.

Comme dans toutes les branches de l’Industrie, on a cherché à remplacer la main d’œuvre par des machines, que l’on a perfectionnées avec le temps ; cette partie de la reliure a pris, de nos jours, une importance considérable. Nous devons donc déclarer, avant d’entrer en matière, que notre travail ne peut former un ensemble complet ; à notre grand regret, nous sommes obligé de nous borner à la description des machines-types et des appareils les plus simples, d’après lesquels les constructeurs ont établi des machines plus compliquées et plus parfaites, dont quelques-unes ont été adoptées dans les grands ateliers.

Nous comblerons, à une nouvelle édition, cette lacune excusable dans un travail d’ensemble aussi minutieux, tant au moyen des notes que nous avons déjà prises dans ce but, que par les communications que les industriels voudront bien nous adresser.

§ 1. — machines à battre.

Le battage est une opération trop longue pour qu’on l’effectue dans la reliure industrielle ; on s’y contente de cylindrer légèrement les volumes. On a cependant essayé d’exécuter le battage mécaniquement. Tel a été l’intention de l’inventeur de la machine représentée en perspective par la figure 14. Toutefois, dans l’idée de son auteur, elle était spécialement destinée à préserver les ouvriers du danger des hernies, auquel ils sont exposés quand ils n’ont pas la précaution de rapprocher suffisamment les jambes l’une de l’autre.

« Cette machine, est toute entière en fonte et en fer.

« Elle se compose d’un bâti très-solide sur lequel s’élèvent, au milieu de sa longueur, deux jumelles qui supportent les tourillons de deux forts cylindres roulant sur des coussinets de bronze. Ce grand bâti est désigné par les lettres a, a, etc. Les deux cylindres b b’ sont supportés chacun séparément par de doubles coussinets en bronze, de même que les cylindres d’un laminoir.

« Ces cylindres ont un mètre de longueur, abstraction faite de leurs tourillons ; leur diamètre est d’environ 27 centimètres ou un tiers de la longueur du cylindre. La force motrice ne s’exerce directement que sur le cylindre inférieur ; le cylindre supérieur n’est mis en mouvement que par le contact médiat ou immédiat du cylindre inférieur, comme on va le voir dans un instant.

« Le cylindre supérieur est supporté par ses deux coussinets à l’aide de deux vis o, o, qui s’engagent par une de leurs extrémités dans les écrous taraudés dans ses coussinets. Ces vis sont rivées par leurs extrémités supérieures, au centre de deux roues f, f, à dentures hélicoïdes, dans lesquelles engrènent des vis sans fin, à simple filet et du même pas, portées toutes les deux par le même axe g. Une manivelle h, qu’on tourne à la main, fait monter ou descendre de la même quantité les deux tourillons à la fois, de sorte que les deux cylindres s’approchent ou s’éloignent toujours parallèlement entre eux.

« L’ouvrier qui fait mouvoir la machine s’exerce sur la manivelle i ; il fait tourner l’arbre m, m, en entraînant le volant k, k. L’arbre m, m porte un pignon n qui, engrenant dans la roue p, fait tourner le pignon q, lequel, en même temps engrenant dans la roue r, la fait tourner ; cette roue étant fixée sur le tourillon du cylindre inférieur b, lui imprime un mouvement de rotation très-lent.

« Rarement on a besoin d’employer plus d’un homme pour force motrice, mais dans le cas où un second serait nécessaire, on a ménagé à gauche, au bout de l’arbre m, m une tige carrée sur laquelle on place la manivelle additionnelle l, fig. 15 ; alors on a une force double ; mais jusqu’à présent on n’a pas eu besoin de l’employer.

« Vers le milieu de la grosseur du cylindre inférieur b’, environ à la hauteur du trait s, est solidement fixée sur le bâti, une planche ou tablette que la figure ne représente pas, afin de ne cacher aucune des pièces qui se trouvent dessous, mais que le lecteur concevra facilement. Cette tablette sert de table à l’ouvrier, qui se place de ce côté pour introduire les feuilles entre les deux cylindres, comme on va le voir. Cette planche, qui a 2 1/2 centimètres d’épaisseur, couvre en entier, et excède même de quelque chose toute la surface supérieure du bâti. C’est devant cette table que se place, sur une chaise suffisamment élevée, l’ouvrier qui introduit les feuilles de papier entre les deux cylindres. Cet ouvrier est, par conséquent, placé en X, la face tournée vers les cylindres.

« Sur le côté opposé est fixée, immédiatement au-dessus du bâti, une autre table de même dimension que la première, devant laquelle se place un enfant de dix à douze ans, la face tournée vers les cylindres. Cet enfant, assis en Y, sur une chaise suffisamment élevée, n’est occupé qu’à recevoir les feuilles au fur et à mesure qu’elles s’échappent de dessous le laminoir, et à les entasser dans le même ordre qu’elles tombent.

« La machine bien comprise, voici comment on opère.

« Nous désignerons les deux ouvriers par X et Y. « L’ouvrier X, à qui l’on remet les volumes l’un après l’autre, dont les feuilles sont bien pliées selon leur format, et collationnées, et par conséquent en cahiers, prend un cahier l’un après l’autre, et l’introduit par l’angle du dos entre les deux cylindres, en commençant vers sa droite, et le soutient jusqu’à ce qu’il soit engagé.

« On conçoit qu’avant d’introduire le premier cahier, on a réglé l’écartement des deux cylindres, en tournant plus ou moins la manivelle h, et que cet écartement varie selon l’épaisseur à laquelle on veut réduire le papier.


« Aussitôt que l’ouvrier X a introduit le premier cahier, il en engage un second sur la gauche, puis un troisième, etc., toujours en continuant sur la gauche, jusqu’à ce qu’il ait parcouru et couvert tout le cylindre. Alors le premier cahier qu’il avait introduit est tombé du côté de l’ouvrier Y, dont nous allons bientôt nous occuper. L’ouvrier X continue toujours de même jusqu’à ce qu’il ait terminé ce volume, puis il en commence un autre, et continue toujours de même.

« Pendant ce temps, le petit ouvrier Y ramasse les cahiers au fur et à mesure qu’ils tombent sur la table, et les entasse dans le même ordre, c’est-à-dire en renversant les cahiers sens dessus dessous, afin qu’ils soient dans l’ordre naturel lorsqu’on les retourne. Il sépare les volumes et les pose sur une table à côté de lui.

« La roue r a soixante-douze dents, et pendant qu’elle fait un tour, le pignon q, qui a douze dents, fait six tours. « Le pignon q porte la roue p, qui a quatre-vingt-dix dents, laquelle engrène dans le pignon n, de dix-huit dents, auquel elle fait faire par conséquent cinq tours. Ainsi cinq tours de manivelle font faire un tour à la roue p, mais chaque tour de la roue p fait faire, par le pignon q, de douze dents, six tours à la roue r, et cette dernière roue, de même que le cylindre b ait un tour par chaque trente tours de manivelle.

« Les ouvriers battent à la main deux exemplaires par heure, et la machine en lamine quatorze. Le batteur est payé à raison de 3 francs 25 centimes par jour, et la mécanique emploie trois personnes qui coûtent ensemble 4 francs 50 centimes. Il résulte de là que la mécanique fait pour 4 francs 50 centimes l’ouvrage qui nécessiterait sept ouvriers coûtant ensemble 22 francs 75 centimes ; elle procure donc chaque jour un bénéfice de 18 francs 25 centimes.

« La machine anglaise à battre opère plutôt un satinage qu’un battage proprement dit, et il est présumable que cet effet n’échappe pas à un œil exercé. Dans tous les cas, elle peut très-bien servir à battre des ouvrages courants et où l’on ne cherche pas la beauté du travail, ou bien à accélérer le travail du battage qu’on reprend ensuite à la main pour les objets soignés.

« Dans l’état actuel de la mécanique, rien ne serait plus facile que de construire une machine sur le modèle des marteaux-pilons des forges, ou semblable à celle dont se servent actuellement plusieurs batteurs d’or à Paris, et qui servirait à battre les livres par un procédé tout à fait semblable à celui qui se pratique à la main, avec une perfection remarquable et sans fatigue ni danger pour l’ouvrier.

« Une machine de ce genre expédierait moins d’ouvrage que la machine anglaise, mais aussi le travail en serait plus parfait, elle coûterait moins de première acquisition et ne nécessiterait pour son service qu’un seul ouvrier qui la ferait mouvoir avec le pied.

« Dans les grands établissements de reliure ou dans des ateliers spéciaux de battage, la machine serait manœuvrée par la vapeur, et alors, comme avec le marteau-pilon, on pourrait la faire battre en commençant avec une extrême légèreté, et à mesure que le travail avancerait, augmenter la force des coups jusqu’à ce qu’on aurait atteint le but désiré. »

§ 2. — machines à grecquer.

Ces machines se composent de deux parties principales supportées, l’une et l’autre, par un bâti. L’une consiste en un étau dont les mâchoires peuvent être rapprochées ou écartées au moyen d’une pédale ou autrement. L’autre est formée d’un axe horizontal tournant sur lequel sont montées un nombre de petites scies circulaires égal à celui des grecques que l’on veut produire. Cet arbre peut tourner en dessus, en dessous ou sur les côtés de l’étau. Dans tous les cas, les choses sont combinées de telle sorte qu’une fois le volume placé dans l’étau, et l’arbre tournant mis en mouvement, les scies pratiquent dans le dos du livre, en un temps souvent inappréciable, tant il est court, des grecques d’une régularité absolue et dont la profondeur ne dépasse jamais les limites qui ont été tracées. Il est inutile d’ajouter que le nombre et l’écartement des scies varient, suivant les formats, à la volonté du conducteur de la machine.

§ 3. — machines à coudre.

Sauf pour les ouvrages communs, la couture se fait à la main, sur le cousoir.

Parmi les machines, en assez petit nombre, imaginées pour effectuer cette opération, celle de Th. Richards, relieur anglais, présente quelques dispositions ingénieuses. En l’inventant, cet industriel a voulu atteindre plusieurs buts :

Réunir ensemble par une sorte de tissage des fils de la couture, des feuilles ou des cahiers, pour en former un livre au lieu de les coudre à la main ;

Etablir une combinaison pouvant permettre à une table animée d’un mouvement de va-et-vient, d’alimenter, de feuilles ou de cahiers, les organes couseurs à mesure qu’ils travaillent ;

Disposer des mécanismes propres à mettre en mouvement les aiguilles portant le fil qu’on destine à la couture des feuilles ou des cahiers à mesure que ceux-ci sont présentés ; établir une série de doigts ou pinces pouvant avancer et saisir les aiguilles, les faire passer à travers les cahiers, et les rendre à leurs mécanismes respectifs après la couture de ces cahiers ;

Enfin, établir des espèces de bras ou des leviers pouvant déposer chaque feuille régulièrement sur la pile ou le tas de celles qui ont été assemblées précédemment pour former un volume.

« La figure 17 représente la machine en élévation, vue par devant. La figure 18 en est une section transversale prise par la ligne A B de la figure 17, et la figure 19, une vue en élévation de l’extrémité sur laquelle sont placés les organes de mouvement.

« Deux joues on poupées a, a, boulonnées à une hauteur convenable sur les montants b b du bâti, servent de support aux coussinets des arbres respectifs c, d et e. Parmi eux, c est l’arbre moteur à l’extrémité duquel est calée une poulie f mise en action par une courroie sans fin provenant d’une roue placée à la partie inférieure ou autrement.

« Sur cet arbre sont fixés à clé deux excentriques g, g qui ont pour fonction de lever et de baisser le châssis h, h qui glisse dans des coulisses verticales en V, i, i pratiquées dans les poupées a, a. À ce châssis h est attachée la barre longitudinale k, k sur laquelle sont fixés à vis les ressorts l, l, l qui forment ensemble une série de doigts ou pinces lorsque ces ressorts sont pressés et repoussés sur la barre k, ce qui s’effectue par l’entremise de la came m (fig.18) lorsque l’arbre d fait tourner le rail demi-cylindrique en forme de D, n, n d’une portion de tour par l’entremise des bielles o, o. Ce rail est porté par le châssis h et maintenu en contact parfait avec les doigts à ressort l par les presses p, p.

« Sur l’arbre aux cames e, il y a trois sortes d’organes de ce genre, savoir les cames q et r qui ont pour fonction de faire travailler les barres aux aiguilles s et s, suivant un mouvement alternatif déterminé par la nature du travail, en agissant sur les queues t, t attachées respectivement à ces barres à aiguilles qui glissent dans les coulisses en V horizontales u, u pratiquées dans les poupées a, a, et les lames indiquées par v, v qui ont pour but de lever et abaisser la presse w, w dans laquelle on a découpé des entailles pour permettre aux aiguilles de passer, et qui sert à presser les feuilles sur les pointes des aiguilles, et à les conduire ensuite plus bas par une combinaison de leviers x et x’.

« Un bouton de manivelle y (fig. 19), fixé sur une grande roue dentée z qui tourne sur un bout d’arbre établi sur une des poupées a, fait manœuvrer la table 1, sur laquelle est placée la feuille qu’il s’agit de coudre, suivant un mouvement de va-et-vient sur les rails 2 2, avec l’assistance d’un système de leviers 3, 3, 3 en forme de parallélogramme.

« Tous ces mouvements sont coordonnés symétriquement entre eux, et avec la poulie motrice, au moyen de pignons d’angle 5, 5 et de l’arbre diagonal 6.

« Chacune des feuilles qu’on veut coudre pour former un volume étant pliée suivant le format, on introduit longitudinalement sur la marge de fond un fil gommé dont les extrémités sont ensuite passées à travers le pli et ressortent par le dos à peu de distance du haut et du bas, ainsi que le représente la ligne 7, 7, fig. 20.

« La couture alterne que doit exécuter la machine se fait ensuite de la manière suivante.

« Supposons que la courroie fasse tourner la poulie f dans la direction de la flèche fig. 19. À mesure que cette poulie tourne, le pignon extérieur 4 monté sur l’arbre c, étant en prise avec la roue dentée z, oblige la manivelle y à amener la table 1, avec un cahier contenant dans le pli le fil longitudinal dont il a été question, jusqu’à ce qu’elle rencontre un arrêt, ce qui permet à cette table de placer le dos du pli du papier exactement au-dessus de la série des aiguilles de l’une des barres à aiguilles s (l’autre barre ou série d’aiguilles n’étant pas alors en prise et se trouvant repoussée en arrière), pour qu’en s’abaissant sur le cahier, la barre fixe en même temps le fil longitudinal du pli, ainsi que les fils verticaux piqués par les aiguilles.

« Les cames v, v, en tournant, ont abaissé les leviers verticaux xx, qui sont en contact avec elles, et élevé aussi, par l’entremise des leviers x’ x’, la presse w w exactement au-dessus de la feuille pliée, ainsi qu’on le voit dans la figure 17 ; puis fait descendre cette même presse, et par conséquent presser le cahier sur la pointe des aiguilles et le maintenir fortement sur la barre s, de façon que les aiguilles percent au travers du papier. Au même instant, les excentriques g, g que porte l’arbre c, ont fait descendre le châssis h, h jusqu’à ce que les doigts à ressort l, l viennent saisir les aiguilles. La came m, au moyen du levier o, o, faisant alors tourner le rail demi-cylindrique n, n, celui-ci presse sur les doigts à ressort, les ferme sur les aiguilles, en maintenant toute la série de celles-ci entre les doigts et la barre postérieure x.

« L’action continue des excentriques g, g entraîne alors le châssis h, h avec les doigts qui tiennent fermement les aiguilles, et les soulève ainsi que les fils qui sont passés à travers le cahier, tandis que les ressorts 8, 8, agissant sur les queues t, t, repoussent légèrement en arrière la barre aux aiguille s et la mettent hors de prise avec la presse w. Cette presse descend alors par l’entremise des leviers x, x, en échappant à la grande levée des cames v, v, et par conséquent presse ou abaisse la feuille cousue, en la déposant sur le tas déjà cousu placé au-dessous. La table 9, sur laquelle sont ainsi réunis les uns sur les autres les cahiers cousus, est disposée de telle sorte qu’on peut l’ajuster à la longueur des fils à mesure que les feuilles s’accumulent.

« Le diamètre extérieur des lames r, r ramène alors la barre aux aiguilles s, puis les excentriques g, g abaissant de nouveau le châssis h, h, remettent en place les aiguilles ; le levier o s’échappant de la came m, tourne alors la face aplatie du rail n, n vers les doigts à ressort l, l, leur permettant ainsi de s’ouvrir et de lâcher les aiguilles à mesure que le châssis h, h descend.

« On voit qu’il y a deux barres à aiguilles s et s’, avec une série distincte d’aiguilles pour chacune d’elles, et disposées de telle façon que les aiguilles alternent réciproquement. Cette disposition a été imaginée pour qu’il n’y ait que chaque cahier alterne qui soit cousu au même endroit, et que le cahier intermédiaire soit piqué dans les intervalles. En conséquence, l’une des séries de fils verticaux passe à l’intérieur du fil longitudinal dans le cahier, et l’autre série passe à l’extérieur ou du côté du dos de ce même cahier, et alternativement ainsi pour la couture de tous les cahiers.

« Ce point étant le caractère principal de ce mode de couture, et s’effectuant entièrement par l’action alternative des barres à aiguilles s et s’, on s’en formera une idée plus exacte à l’inspection de la figure 21, dans laquelle a a a indiquent les feuilles pliées de papier, dans le pli desquelles le petit point rond représente le fil longitudinal tel qu’on le verrait en coupe, et qui a été préalablement placé au fond de ce pli, les traits à points longs, la marche de l’un des fils introduits par l’un des systèmes d’aiguilles s, et enfin les traits pleins, la marche de l’autre fil, conduit par l’autre système s’, qui complète une couture altene ou tissée où chaque feuille se trouve assujettie séparément. « À mesure que la table 1 s’avance avec une autre feuille de papier pliée qu’il s’agit de coudre, les cames q et la queue t’ poussent en avant l’autre système de barre aux aiguilles s’, et alors les mêmes opérations s’exécutent sur cette feuille comme sur la première, à l’exception seulement que la série des fils est cousue ou piquée au travers du nouveau cahier dans les intervalles laissés par les piqûres faites dans le précédent, par suite du changement de système de la barre aux aiguilles.

« Lorsque la série d’opérations semblables a été exécutée par la machine sur un certain nombre de cahiers, et que ceux-ci, accumulés sur la table inférieure 99 sont en assez grande quantité pour former un volume, ce volume est enlevé et soumis aux autres opérations du cartonnage ou de la reliure, en laissant les fils d’une longueur suffisante pour remplacer les bouts de ficelle qui, dans la couture ordinaire, servent à assembler le dos du livre avec les cartons de la couverture. »

Une autre couseuse, due à l’allemand Brehmer, coud avec du fil de fer étamé ou du fil de laiton, qui est fourni par une bobine. En pénétrant dans la machine, le fil subit un laminage qui le change en un ruban infiniment mince et flexible, après quoi des organes spéciaux s’en emparent et le découpent en tronçons. Ces tronçons sont repris aussitôt par d’autres organes qui les convertissent en des espèces d’agrafes, lesquelles s’accrochant entre elles finissent par former plusieurs chaînettes dont les maillons emprisonnent tout à la fois des nerfs en ruban de fil et une bande de canevas qu’une couche de colle forte fixera plus tard sur le dos du volume.

§ 4. — machines à endosser.

Nous avons décrit ailleurs une petite machine ou presse à endosser. Parmi celles dont on a encore signalé les bons offices, nous citerons d’abord celle de M. Pfeiffer, mécanicien à Paris.

Cette machine consiste en une large table ou plateau rectangulaire dont on peut régler la hauteur à volonté à l’aide de vis placées à chaque extrémité et qui le supportent, le tout disposé dans un solide bâti en fer.

À la partie supérieure de ce bâti est attaché par des charnières un cadre ou châssis dont les dimensions sont les mêmes que celles du plateau. Ce cadre est luimême pourvu d’une vis à chaque extrémité, en sorte qu’il forme une espèce de presse dans laquelle les livres à endosser sont soumis à une pression.

Pour faire l’endossage, on place entre chaque volume une plaque en tôle de fer, en ayant soin, s’ils sont de dimensions différentes, de faire supporter les plus petits par des cales en bois. On met ensuite le tout en presse, et l’on endosse avec le marteau comme à l’ordinaire.

Le cadre qui contient les livres en presse est muni de charnières, afin qu’on puisse lui faire exécuter un demi-tour et renverser ainsi le système pour présenter tous les dos des livres à un feu léger, dans le but d’obtenir que le collage sèche plus rapidement.


La machine Pfeiffer, malgré tous ses mérites, n’a pas eu le succès pratique de celle des Américains Sauborn et Carter, dont l’invention doit être considérée comme un véritable progrès dans l’art de la reliure, et qui est généralement désignée sous le nom d’endosseuse américaine.

Cette machine (figure 30, planche II) consiste principalement en une presse ou plutôt un étau à longues mâchoires, soutenues par un bâti. Au-dessus de l’étau est un cylindre de fer qui se rapproche ou s’éloigne de lui au moyen de vis, et qui peut obéir à un mouvement d’arrière en avant et d’avant en arrière que lui imprime une poignée verticale.

Quand le premier encollage du volume est sec, le livre est placé dans l’étau, le dos dépassant au-dessus des mâchoires de toute sa hauteur, plus celle qu’on veut donner au mors. Lorsqu’il est fortement serré, le cylindre en est rapproché par les vis, et l’ouvrier saisissant la poignée lui donne deux ou trois mouvements d’arrière en avant. La pression opérée par ce cylindre sur le dos du livre l’arrondit, et, en même temps, écrase suffisamment les bords sur les arrêtes des mâchoires, pour former des mors bien prononcés et bien nets.

§ 5. — machines à couper le carton.

Dans les grands ateliers, le débitage du carton est une opération qui ne manque pas d’importance et pour l’exécution rapide de laquelle on a senti le besoin de machines spéciales. Ces machines sont très-nombreuses et leur construction appartient à différents systèmes. Toutefois, en ne considérant que la disposition de leur outil tranchant, les unes sont des cisailles de dimensions très-variables, tandis que les autres sont des combinaisons de scies circulaires.

Dans tous les cas, une fois qu’on les a mises en mouvement, soit à la main, au moyen d’une manivelle, soit à l’aide de la vapeur, il suffit de leur présenter successivement les feuilles de carton pour qu’elles les coupent pour ainsi dire instantanément et avec une netteté que le travail manuel serait incapable d’obtenir.

Nous décrirons, à titre d’exemple, celle que présente la figure 22, pl. 2 ; elle est tout en fer.

« Sur les deux flasques a, a, qui sont maintenues entre elles par les traverses b et c, est boulonnée une table d, sur le devant de laquelle la presse e est maintenue sur les guides par deux ressorts à boudin disposés sur les côtés et qu’on peut faire descendre au moyen de la tringle g et de la pédale h.

« Sur la traverse c est montée à vis la lame fixe en acier i qui, avec la lame courbe mobile k, dont le point de centre est placé en l, constitue la cisaille ; m est un contrepoids qu’on peut ajuster pour donner plus de mobilité à la lame k et moins de fatigue à l’ouvrier. La traverse b forme coulisse pour recevoir le coulisseau n, qui peut être mu dans un sens ou dans l’autre par la tige o et la roue à manivelle p.

« Sur le coulisseau n s’élève le portant q qui, lorsqu’on tourne la roue à manivelle p, peut se rapprocher ou s’éloigner de la coulisse. Afin de pouvoir disposer bien parallèlement ce portant, on a monté dessus une règle r qu’on peut ajuster à l’aide de vis s.

« Sur la table d sont établies des équerres tt, glissant dans des coulisses qui se croisent à angle droit pour pouvoir ajuster de grandeur le morceau de carton qu’on veut détacher. Enfin les équerres t portent des vis u qui, par un quart de tour, serrent les écrous qui retiennent ces équerres sur les coulisses.

« Pour faire usage de cette presse, on ajuste la feuille de carton sur la table, on élève le portant de manière que ce carton appuie bien exactement sur sa règle, puis on rabat la lame mobile dans l’espace laissé libre entre la lame fixe et la règle, et on sépare ainsi une plaque de carton de la grandeur déterminée par l’ajustement des équerres.


« Nous donnerons encore, mais sans la décrire (fig. 23) tant elle est facile à comprendre, la figure d’un autre modèle de machine à couper le carton construite par MM. Heim, et qui est également toute en fer.


« Les machines à couper le carton sont surtout destinées à couper les cartons épais ; mais comme elles sont d’un prix assez élevé, on peut les remplacer, quand il s’agit de cartons peu épais, par une pointe à rabaisser représentée dans la figure 24. « Cet outil se compose d’une planche aa sur l’un des côtés de laquelle est vissée une coulisse h travaillée avec soin. Dans cette coulisse se meut un coulisseau qui s’y adapte très-exactement, et sur lequel est vissée la pièce c qui est percée d’un trou carré dans lequel glisse une règle d, graduée si l’on veut. À l’une des extrémités e de cette règle, est insérée une lame ou une pointe f qui, au moyen d’une vis de pression i, peut être arrêtée à la distance où l’on veut opérer la section.

« Supposons que le carton doive avoir une hauteur de 15 centimètres, on porte la pointe f à cette distance du bord h de la coulisse, et on l’arrête en ce point par la vis g ; puis on pose le carton sur la planche, un des côtés appuyé sur le bord de la coulisse, on l’y maintient avec la main gauche, tandis que de la main droite on presse sur la pièce c en même temps qu’on la fait glisser dans la coulisse h, ce qui marque, à une profondeur suffisante, la ligne où le carton doit être coupé, et même, en remplaçant la pointe par une lame tranchante, sert à le couper de la grandeur exactement voulue pour en couvrir un livre, lorsque ce carton n’est pas trop épais. »

§ 6. — machines à rogner.

Anciennement, dans toutes les industries qui ont besoin de rogner le papier, on n’employait pas d’autre instrument que le rognoir du relieur. On a vu que, pour se servir de cet outil, le papier est placé verticalement dans une presse, et que l’ouvrier est obligé de tourner à la main le manche de la vis du fût afin de faire avancer le couteau progressivement, de sorte qu’il peut, faute d’habitude ou par distraction, avancer le couteau plus qu’il ne devrait, et qu’alors la résistance que présente le papier est trop grande, ce qui produit des déchirures ou d’autres graves inconvénients.

Dans le rognoir mécanique dont nous allons donner la description, tous ces défauts ont disparu, et le travail se fait avec plus de régularité.

« Les figures 38, 39, 41, 42 et 43 montrent l’instrument dans tous ses détails. Les mêmes lettres indiquent les mêmes objets dans toutes les figures. Sur une table très-épaisse A A, montée sur quatre forts pieds B B, assemblés à tenons et mortaises, sont fixés à pattes, par derrière, deux montants C C, D D, en fer forgé, épais de la moitié de leur largeur.

« Ces deux montants servent de support à la machine. Sur le devant de ces deux montants est solidement fixée une plaque de fonte E E, ouverte de deux grands trous F F, dans la vue de la rendre plus légère.

« En G G et H H, sont rivées deux bandes de fer forgé, parallèlement entre, elles, et présentant sur la plaque E E, une coulisse pour y recevoir le fût (fig. 38), dont nous allons parler dans un instant.

« Au-dessus de cet appareil est une forte pièce de bois J J, dont on voit l’épaisseur (fig. 41), mêmes lettres J J. Cette pièce de bois est traversée, à droite, par le montant D D, boulonné de ce côté ; elle est traversée sur la gauche par un autre montant en fer K L, avec lequel elle est boulonnée.

« Il faut faire attention à la description des pièces qui vont suivre, et qui servent à fixer le papier ou les volumes à rogner. On voit que le montant K L est boulonné d’abord avec la pièce de bois J J, ensuite avec la pièce de fer forgée M N, et enfin avec le levier en fer R, S, I. Ces trois boulons permettent aux trois pièces un petit mouvement de rotation, comme une charnière.

« Le levier R, S, I a son point d’appui sur le boulon l. Il est formé en fourche au point I, et dans l’intérieur de cette fourche, et sur le même boulon, se meut la pièce TI, qui n’est autre chose qu’un cliquet, comme on va le voir. Avant de passer à la description d’autres pièces, voici comment on parvient à fixer le papier ou les livres.

« La barre de fer M N, que la figure 42 représente à part, est formée en fourche au point M, et embrasse la pièce K L ; de même que la pièce K L embrasse en L Ie levier R, S, I. On aperçoit que cette barre de fer MN a en O (fig. 39 et 42), une saillie intérieurement : cette saillie est destinée à appuyer fortement, par le milieu de l’appareil, sur une plaque de bois dur P P, fig. 43, précisément au point Q qui est plus épais, et dont les extrémités Q P, sont en plan incliné, afin que l’effort se distribue sur toute l’étendue de l’objet pressé.

« Lorsqu’on a placé le papier ou les livres sur la table AA, au-dessous du point O, et sur une feuille de carton épais, on met dessus la pièce de bois P, Q, P ; on appuie fortement sur l’extrémité R du levier R S ; il fait descendre tout à la fois la barre J J et la barre de fer M, dont l’autre extrémité N appuie contre le dessous du boulon V. On fait descendre le point M jusqu’à ce que la barre MN soit parfaitement horizontale, et que, par le point 0, elle appuie fortement sur le point Q de la pièce de bois P, Q, P (fig. 43). Alors, en appuyant toujours sur le bras du levier R, sans lui permettre un retour en arrière, on pousse avec l’autre main, le cliquet T I, et on l’engage dans une des dents de la crémaillère S I, qui le retient parfaitement, de manière que rien ne peut bouger.

« Dans le cas où l’on n’aurait pas assez de papier pour remplir l’intervalle entre le point O et la table A A, on y suppléerait par des plateaux de bois plus ou moins épais, de la largeur et de la longueur de la planche P, Q, P, afin d’obtenir une pression suffisante, comme nous l’avons expliqué.

« Voyons actuellement l’action du rognoir :

« Au-devant de la plaque E E est placé le rognoir (fig. 38), dans les coulisses G G, H H. Il est dessiné à part dans cette figure, afin de rendre la figure 39 moins confuse. Les lettres a a indiquent deux anses cylindriques en bois, portées par des armatures en fer m m, dont un seul ouvrier se sert pour faire marcher la machine, en prenant d’une main celle qui lui est la plus commode.

« L’effort à faire est si faible, qu’il ne faut jamais qu’un ouvrier. Au milieu de cette pièce est fixée une boite b, qui contient le couteau f, semblable à celui du relieur, et qui reçoit un mouvement vertical par la vis d, qui est à sa partie supérieure. Le rognoir est retenu dans les coulisses G G, H H (fig. 39) par les parties g g, h h (fig. 38).

« La vis d du rognoir est surmontée d’un chapeau c triangulaire, tel qu’on le voit en c (fig. 41). Au-dessous de la pièce J J (fig. 39) sont fixés deux petits liteaux de bois r s, l’un plus long que l’autre, portant chacun une cheville en fer t, u, qui engrènent avec les trois dents du chapeau alternativement aux deux extrémités opposées du même diamètre, de sorte qu’elles font tourner ce triangle dans le même sens, afin de faire avancer le couteau d’un tiers de pas de la vis, à chaque mouvement de va-et-vient.

« On conçoit actuellement avec quelle régularité s’opère cet enfoncement progressif, et combien de précision et de célérité doit présenter cet instrument, dont le relieur intelligent peut tirer un grand avantage.

« M. Cotte a perfectionné cette machine qui travaille avec une célérité étonnante : il fait marcher le couteau à l’aide d’un engrenage. Une roue placée verticalement à côté de la machine, engrène dans un pignon qui porte un excentrique, et imprime au rognoir un mouvement de va-et-vient. La première roue porte un volant, et est mue par une manivelle ; le pignon porte aussi un volant. Cette machine n’exige qu’une très-faible force. »


Mais la presse à rogner, malgré les perfectionnements de détail qu’on a pu y apporter, ne répond pas aux besoins de la grande industrie. Il a donc fallu imaginer des appareils autrement puissants, et ce sont ces appareils qu’on appelle proprement machines à rogner.

Parmi les machines de ce genre, une des plus populaires en France est celle de M. Massiquot, mécanicien à Paris, dont le nom est même devenu celui des coupeuses construites sur le même principe. Indiquons sommairement en quoi consiste un massiquot. Il se compose des parties essentielles suivantes :

1o Une table en bois sur laquelle glisse un plateau mobile. On fait avancer ou reculer ce plateau au moyen d’une chaîne de Galle fixée en dessous à ses deux extrémités, et venant engrener avec un pignon denté que porte un arbre disposé sur la table et qu’on met en mouvement en tournant une manivelle ;

2o Un bâti en fonte établi à demeure sur la table. Ce bâti se compose de deux pièces symétriques et verticales qui laissent entre elles un espace vide, dans lequel est placé un couteau en fonte garni à sa partie inférieure d’une lame d’acier tranchante. Ce couteau porte deux coulisses inclinées dans lesquelles sont engagés des galets dont les tourillons sont fixés dans le bâti. Ce couteau porte à sa partie supérieure une crémaillère inclinée parallèlement aux coulisses, et avec laquelle vient engrener un pignon qui est actionné par une manivelle montée sur un volant, et par l’intermédiaire de deux pignons et de deux roues.

On multiplie ou diminue le nombre des engrenages selon les dimensions de la machine et la résistance des objets qu’on veut couper.

Au-dessus du plateau mobile se trouve une forte règle en fonte, qui peut recevoir, par le moyen d’un volant, un mouvement de haut en bas ou de bas en haut. Elle sert à presser et à maintenir le papier ou les volumes à couper.

Sur les côtés de la table sont placées deux règles divisées, qui portent, à leur partie inférieure une crémaillère dans laquelle viennent engrener des pignons qu’on met en mouvement avec une manivelle.

Aux extrémités de ces deux règles est fixé un arrêt qu’on peut soulever et mettre de côté quand on le désire, car il est mobile autour de deux articulations. Cet arrêt est indépendant du plateau mobile ; il a pour destination de régler la grandeur des feuilles à couper, grandeur que donnent deux petits indices, et qu’on peut faire varier à volonté en avançant ou reculant les règles.

La manière de se servir du massiquot est des pIus simples. On place le papier on les volumes à couper sur le plateau ; on fixe avec l’arrêt la dimension des feuilles qu’on veut obtenir, après quoi on fait avancer le plateau. Le papier vient appuyer contre l’arrêt, on abaisse la règle, on fait descendre le couteau, et l’on relire le papier coupé en faisant tourner la règle autour de ses articulations. Le papier enlevé, on remet l’arrêt en place, et l’on recommence comme on vient de le dire.

Nous allons maintenant décrire les machines à rogner qui figurent sur les planches.

1o Machine Perkins.

« M. J.-Th. Perkins est inventeur d’une machine à rogner qui coupe, selon lui, avec une telle perfection et donne une tranche si unie et si nette qu’on peut procéder immédiatement à la marbrure ou à la dorure.

« La figure 44, pl. 2, est une vue en élévation de cette machine. La figure 45, même pl., en est une vue en élévation latérale.

« A, A, deux flasques en fonte, reliées entre elles par des traverses horizontales a  ; B, B, montants venus de fonte sur les flasques A A. Au centre de ces montants existe une coulisse b pour recevoir les extrémités du plateau mobile C ; lequel est pourvu d’une vis c, fonctionnant dans un écrou d, établi dans le chapeau ou traverse supérieure D. Un balancier, monté sur la tête de la vis c, sert, en lui imprimant un mouvement de rotation, à faire descendre le plateau C, afin de presser et maintenir en place avec fermeté sur le sommier de la machine le livre qu’on veut rogner.

« EE, consoles boulonnées sur le côté du bâti et destinées à porter l’arbre horizontal F et la manivelle G. Sur l’une des extrémités de cet arbre sont enfilées deux poulies ee, l’une fixe, l’autre folle, et sur l’autre un bras de manivelle f. On peut de cette manière communiquer le mouvement à la Machine soit à l’aide de la vapeur ou de tout autre moteur, soit à bras d’homme.

g, roue dentée, calée sur l’arbre F qui engrène dans le pignon h monté sur l’arbre à manivelle G ; i, volant sur cet arbre pour régulariser les mouvements de la machine.

« L’arbre à manivelle G, au moyen de la bielle K, communique un mouvement horizontal à la scie ou au couteau H, qui fonctionne entre des guides dans les montants BB. De chaque côté de ces guides sont insérées à vis des tiges qui s’avancent dans les coulisses et viennent buter sur la scie ou le couteau H, afin de lui donner un mouvement ferme et régulier.

« I, sommier sur lequel est placée une table pour porter le papier ; ce sommier repose en outre sur un chariot qui glisse sur les deux côtés du bâti. En avant de ce bâti et fonctionnant dans ses appuis propres, est un arbre horizontal k, portant deux segments dentés ll qui engrènent dans des crémaillères verticales qq, glissant sur des barres de guide pp et reliées dans le bas par la traverse rr, aux deux bouts de laquelle sont articulées les bielles ss qui l’assemblent avec le couteau. Au milieu de la longueur de l’arbre k, est calée une poulie à poids m ; sur ce même arbre, il existe une roue à rochet n dans les dents de laquelle tombe, à certaines époques de l’opération, le cliquet n et enfin le levier o pour le service indiqué ci-après.

« Voici comment on fait fonctionnel la machine :

« Avant de placer le livre qu’il s’agit de rogner dans la machine, il faut d’abord relever le couteau H, ce que l’on fait en abaissant le levier o sur l’arbre k qui agit sur les segments l et relève les crémaillères q, la barre r et les bielles verticales, et par conséquent le couteau qui s’y trouve articulé. Le livre est alors placé sur la table, en position convenable sous le couteau ; on abaisse le plateau C sur ce livre et on serre. En cet état, on imprime un mouvement de rotation à la roue dentée g au moyen du bras f ou de la poulie e, et le pignon h engrenant dans cette roue g, fait agir la manivelle G qui communique le mouvement alternatif nécessaire au couteau H.

« Si l’on trouve que le poids de la lame du couteau et des pièces qui en dépendent ne suffit pas pour produire la pression nécessaire pour couper la matière sur laquelle on opère, comme par exemple quand on veut couper du carton, on applique un poids à la poulie m, ainsi qu’on Ie voit dans les deux figures.

« Lorsque la lame a pénétré jusqu’au fond de la masse de papier, on suspend son mouvement alternatif en rejetant la courroie de transmission sur la poulie folle, ou en cessant de tourner le bras f. On relève alors le plateau C en faisant tourner la vis c en sens contraire, on soulève la lame, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, et on la maintient dans cette position à l’aide du cliquet n* qu’on met en prise avec l’une des dents de la roue à rochet m.

« Pour faire avancer le livre ou le papier pour qu’il soit rogné en tête ou en queue ou sur l’autre rive bien parallèlement à la première, on se sert de l’appareil représenté dans la figure 46 et qui consiste en une tringle t montée sur le côté extérieur du bâti, portant à l’une de ses extrémités une petite manivelle u, et légèrement conique à l’autre sur une certaine longueur, afin de pouvoir glisser dans une douille mobile v.

« À cette douille est attachée une barre w qui s’étend sur toute la largeur de la machine et est pourvue à son autre bout d’une autre douille x, au travers de laquelle passe une seconde tringle y fixe sur le bâti et servant de guide pour assurer la marche ferme et correcte de la barre w dans ses mouvements en avant et en arrière.

« À cette barre w est attachée une planchette qui, amenée en avant quand on fait tourner la manivelle sur la tringle t, pousse le livre ou le papier vers la partie antérieure de la machine en la maintenant constamment paralléle au couteau. Arrivé dans la position convenable sur la table, on abaisse le plateau C sur l’objet et ou fait fonctionner le couteau.

« On peut aussi construire la machine, comme l’indique la figure 47, c’est-à-dire monter les montants BB séparément du bâti en les y fixant à charnière. Alors le couteau fonctionne dans des guides distincts des montants et la partie supérieure de la machine, qu’on appelle la presse, peut être rabattue dans une position horizontale aprés que le livre ou le papier a été rogné, afin de pouvoir en marbrer ou dorer la tranche sans l’enlever de dessus la machine.

« La figure 48 représente le couteau le plus propre à rogner le papier ou couper le carton, et la figure 49 celui à tranchant droit qui convient davantage pour couper les peaux ou les matières en laine ou en coton, car la machine peut servir à ces divers usages. »

2o Machine Delamarre.

« La machine à rogner le papier de M. Delamarre, qui a reçu successivement plusieurs perfectionnements, se distingue par plusieurs dispositions heureuses, et en ce que le coupage ou le rognage du papier ou du livre s’y opère non plus dans le sens horizontal, mais dans le sens vertical et par un mouvement angulaire du couteau. Elle est représentée dans son état actuel dans les figures suivantes : fig. 50, vue en élévation de face ; fig. 51, vue en coupe par les lignes 1 et 2 de la figure 50 ; fig. 52, vue en plan du couteau ; fig. 53, vue en coupe verticale de ce couteau, toutes pl. III.

« L’appareil se compose du couteau A fixé par des vis dans un châssis en fonte ou en fer B, lequel se trouve assujetti dans trois de ses points par trois leviers de manœuvre ; le premier C, monté sur l’arbre D, est celui qui reçoit le mouvement ; les deux autres C’C’ sont ajustés sur des goujons aa placés sur une même ligne horizontale. Le bâti en fonte se compose de deux jumelles E E supportant à la fois le mécanisme du couteau et de la commande qui se trouvent suffisamment élevés par un banc ou établi GG en bois ou en fonte.

« Les feuilles à rogner reposent sur le bloc H et y sont pressées par un plateau en fonte I. On peut manœuvrer ce plateau de la partie inférieure, soit par une vis à volant J, faisant monter ou descendre le balancier K et les tringles bb qui le retiennent, soit par une pédale.

« Voici comment s’effectue le coupage ou le rognage des feuilles ou des livres soumis à l’action de la machine de M. Delamarre :

« Supposons que ce soient des livres. Ces livres sont placés sur le bloc en bois qui surmonte l’établi, puis, au moyen de deux ou trois tours du volant J, sont serrés au degré convenable par le plateau I qui est solidaire avec les tringles bb et guidé dans son ascension par les rainures d. On comprend que la vis de ce volant, butant contre le socle ou écrou L, ne peut pas changer de place et par conséquent qu’il force le balancier, dont il a été question, à monter ou descendre et à produire le résultat qui vient d’être annoncé.

« Le serrage des livrés étant ainsi effectué, on fait agir le couteau, qui descend toujours perpendiculairement en affleurant le bord du plateau. On obtient ce résultat en agissant sur la manivelle M, qui commande par son pignon N, la roue P et son pignon Q, montés sur le même axe e ; ce dernier pignon engrenant dans un secteur denté R monté sur l’arbre central D, tend à faire décrire à celui-ci un espace angulaire d’autant plus grand que l’épaisseur des matières est plus considérable, et par suite à entraîner les trois leviers C C’et C’’. C’est le jeu de ce mécanisme qui produit la coupe trés-régulière du papier, car ces leviers se mouvant par leur partie supérieure autour d’un axe fixe, décrivent à leur partie inférieure et font, par conséquent, décrire au couteau un arc de cercle qui est, comme on sait, utile et même indispensable à un rognage propre et satisfaisant.

« La cheville g, qui relie le châssis B et le levier C, fait saillie sur le devant de la machine, pour s’engager dans une coulisse h qui dépend du secteur R et mener le couteau d’une manière plus régulière et plus invariable.

« Afin de pouvoir affûter ou rentrer et fixer la lame A à son châssis B ; on a rapporté sur ce dernier des vis fff qui permettent de la manœuvrer et de la serrer à volonté, suivant l’usure, les cassures ou le gauche qui surviennent assez habituellement. »

3o Machine Pfeiffer.

« La machine à rogner de M. Pfeiffer est très-expéditive. Elle se distingue des autres appareils de ce genre, en ce qu’elle peut aussi rogner la gouttière des livres, en lui donnant la forme concave qu’on a l’habitude d’appliquer à la tranche, opération assez délicate que peu de relieurs pratiquent avec un plein succès, et que cette machine au contraire exécute, d’une manière parfaite et avec célérité. En voici la description, toutes les figures se trouvant sur la même pl. et les mêmes lettres désignant les mêmes parties.

« Fig. 54. Vue de face de la machine.

« Fig. 55. Vue de profil.

« Fig 56. Profil et vue de face partielle du couteau à lame courbe.

« Fig. 57. Détail relatif au mouvement du couteau à lame courbe.

« Fig. 58. Vue debout de la machine.

« Fig. 59. Section verticale perpendiculaire au plan de la figure 54.

« Fig. 60. Profil du couteau à lame droite.

« Fig. 61. Détail relatif au mouvement du couteau à lame droite.

« Cette machine accomplit deux operations distinctes, celle qui consiste à rogner les tranches planes des livres et celle qui a pour but de rogner circulairement la tranche longitudinale, c’est-à-dire de pratiquer ce qu’on nomme la gouttière.

« Chacune de ces opérations étant faite au moyen d’organes spéciaux, entièrement séparés, bien que portés par les mêmes bâtis, il est important de les décrire séparément.

« Les dessins montrant la machine disposée pour la seconde opération, nous décrirons celle-là la première.

« Rognage circulaire. — X X, bâtis en fonte parallèles, supportant tous les organes de la machine ; ils sont reliés par trois tirants boulonnés y ; A table principale sur laquelle se font les opérations ; elle est boulonnée sur les bâtis X. Vi est le volume sur lequel doit être pratiquée la gouttière ; on voit sa position fig. 59. B B, mâchoires entre lesquelles on place plusieurs volumes lorsqu’il s’agit de rogner des tranches planes ; mais, lorsqu’il s’agit ; comme ici, de rogner circulairement, opération qui ne permet d’agir que sur un seul volume à la fois, on ajoute aux mâchoires BB, qui occupent toute la largeur de la table A, de petites mâchoires mobiles bb moins larges, qui s’y adaptent au moyen de goujons se logeant dans des trous correspondants. Pour soutenir la petite mâchoire supérieure’b’, on opère un serrage au moyen de deux petites vis à poignées o, o, fig.58.

« Les mâchoires BB sont montées sur des vis verticales C à filets opposés, disposées de l’un et de l’autre côté de la table A (fig. 56, 57 et 58) et dont le mouvement permet d’éloigner ou de rapprocher à volonté les mâchoires suivant l’épaisseur sur laquelle le serrage doit être opéré. DD, roues d’angle fixées à la partie inférieure des vis C. dd, pignons coniques engrenant avec les roues D et calés sur l’arbre E porté par les bâtis. C’est à l’aide du volant à poignées F qu’on communique le mouvement au système.

« G (fig. 59) est le couteau à lame courbe qui sert à pratiquer la gouttière ; la figure 56 en donne à une plus grande échelle une section verticale et une vue partielle de face. La lame, qu’on peut changer à volonté, forme une portion de cylindre dont le rayon est égal à celui que doit avoir la concavité de la tranche, suivant la dimension du volume. H est le porte-couteau auquel le couteau est solidement vissé (fig. 59). I, secteur denté au centre duquel est fixé le porte-couteau, et servant à imprimer à la lame courbe un mouvement de rotation de haut en bas. j, pignon transmettant le mouvement au secteur I. K, grand volant à poignées commandant le pignon j au moyen des engrenages 1 et 2.

« Le mouvement circulaire n’est pas le seul que le couteau G reçoive ; il doit être animé en même temps d’un mouvement de glissement horizontal, en sorte que la résultante des deux mouvements est, pour ainsi dire, une hélice suivant laquelle le rognage est opéré, condition essentielle pour éviter les bavures. Or, ce second mouvement est obtenu de la manière suivante Le porte-couteau H, se prolongeant du côté du volant K, est relié à un système indiqué en coupe longitudinale, fig. 57, qui se compose d’un arbre L enfermé dans un manchon et forcé de se déplacer horizontalement par suite d’un artifice produisant un mouvement excentrique. Cet artifice est obtenu au moyen d’une vis v, dont la queue est engagée dans une rainure hélicoïdale r. Enfin, l’arbre L porte un engrenage 3 qui reçoit son mouvement de la roue l calée sur l’axe du volant K.

« Par suite de ces dispositions, lorsque le volant K est mis en mouvement, le couteau G est animé à la fois d’un mouvement circulaire et d’un mouvement de translation alternatif horizontal.

« Tout le système que nous venons de décrire est porté par un chariot M pouvant glisser à volonté sur la table A, qu’on approche du volume lorsqu’il s’agit de pratiquer la goultière, et qu’on recule à l’extrémité de la table lorsqu’on doit procéder au rognage des tranches planes. Les dessins représentent l’appareil au moment où la gouttière venant d’être faite, le volume est encore en place et le chariot M a été reculé. Ce charriot est mis en mouvement au moyen, de deux pignons d’angle ii placés à droite et à gauche (fig, 54, 55 et 59), et à l’axe desquels il est relié. Les pignons i engrènent avec d’autres pignons n calés sur un même arbre et commandés par le volant à manivelle SS’. « Rognage des tranches planes. — Supposons maintenant qu’il s’agisse de rogner les tranches planes : ici l’opération peut être pratiquée facilement sur plusieurs volumes à la fois.

« N est une table mobile qui est relevée, ainsi que l’indiquent les dessins (fig. 55 et 59), lorsque le couteau à lame courbe opère et qu’on abaisse, aprés avoir reculé le chariot M, pour venir recevoir les volumes qu’on serre en nombre quelconque entre les mâchoires BB. (Pour cette opération les petites mâchoires bb doivent être enlevées.).

« gg sont deux tringles horizontales placées à droite et à gauche, et qu’on pousse, lorsque la table N est abaissée, jusqu’à ce qu’elles viennent loger leurs extrémités dans des trous correspondants ménagés dans cette table.

« La plaque verticale de fond de la table N est mobile et, par conséquent, peut être avancée ou reculée, suivant la dimension des volumes qui viennent y appuyer la tranche opposée à celle qui doit être rognée. hh (fig. 54 et 58), règles verticales mobiles servant à équerrer les volumes.

« Le mouvement vertical de la table N est obtenu au moyen de deux crémaillères PP qui y sont fixées, et engrènent avec deux pignons pp, placés sur un même axe horizontal. Ces pignons pp sont commandés par un petit volant Q, au moyen des roues d’angle 4 et 5 (fig. 58 et 59). G est une roue à rochet calée sur l’axe du volant Q, avec levier d’encliquetage R, et servant à maintenir la table N à son point d’arrêt lorsqu’elle a été remontée.

« T, couteau à lame droite occupant horizontalement toute la largeur de la machine. Il se compose d’une partie fixe et d’une partie mobile, la lame, laquelle pouvant être changée à volonté, s’adapte dans une rainure de la partie fixe, et y est serrée au moyen de quatre boulons (fig. 54 et 60).

« V V, coulisses jumelles en fonte, assemblées verticalement sur la table A, réunies en une seule arcade, et entre lesquelles glisse le couteau T dans son mouvement de montée ou de descente : Ce mouvement est en outre guidé au moyen de deux règles obliques xx, formant parallélogramme, et reliées, d’une part, à l’arcade V V, et d’autre part, au couteau lui-même.

« Bien qu’il opère toujours dans un plan vertical, ce couteau n’agit pas perpendiculairement à la tranche des livres qu’il doit rogner ; mais il descend obliquement et opère, en quelque sorte, un sciage. Ce résulat est obtenu à l’aide des dispositions suivantes :

« Z est une vis à direction oblique, dont l’axe fait avec l’horizon un angle égal à celui que décrit le couteau T dans sa course. Elle est reliée à ce couteau par deux bras en fonte. Sur l’axe de la vis Z est un écrou u visible, fig. 61, lequel est enfermé dans un manchon qui porte une roue d’angle 7.

« W est un volant à manivelle à l’aide duquel on imprime le mouvement à la roue 7, et par conséquent à l’écrou u par l’intermédiaire des engrenages 8, 9, 10 et 11 (fig. 55). Il suffit donc de tourner ce volant dans un sens ou dans l’autre, pour faire descendre ou monter obliquement le couteau. »

4o Machine à rogner la gouttière.

« On doit à MM. G. Trink et L. Heitkamp, de New-York, l’invention, en 1862, d’une machine à rogner la gouttière des livres dont le croquis, fig. 62, suffira pour donner une idée suffisante.

« Cette machine se compose d’un établi a sur la surface duquel repose une table b qu’on cale au moyen de vis dd, pour lui donner une position bien horizontale. C’est sur cette table qu’on dispose le volume dont on veut faire la gouttière. Une petite presse à vis e qui surmonte la table, maintient fermement ce volume à sa place, et un ais à gorge f qu’on place derrière le dos, et que serrent anssi les vis de calage, contribuent à le rendre immobile. « Dans cet état, on en approche le couteau g, qui a une structure particulière. Ce couteau se compose d’une lame dont le biseau est placé dessous, et dont le dos est arrondi, suivant la courbure qu’on veut donner à la gouttière. Cette lame est arrêtée par des vis sur une monture dont les extrémités présentent la même courbure que le dos de la lame, ou plutôt en sont la continuation.

« En outre le tranchant de ce couteau a une forme un peu courbe d’une extrémité à l’autre, et le dos en est poli avec beaucoup de soin. Ce couteau avec sa monture peut tourner sur un axe qui forme le point de centre de sa courbure, et est manœuvré par un levier h. Enfin il est mobile et en coulisseau, comme le couteau ordinaire, dans des coulisses de la table parallèles à la longueur du volume.

« Pour opérer avec cette presse, on place le volume sur la table, le couteau touchant le point où doit commencer la gouttière. On l’arrête un moment à ce point, comme il a été dit, puis on fait voyager en va-et-vient devant soi le couteau qui commence à en couper les feuillets. Aussitôt que l’ouvrier sent que le couteau ne mord plus, il le fait tourner doucement au moyen du levier h, ou à l’aide d’un autre moyen plus délicat, et continue ainsi jusqu’à ce que le couteau, dans son mouvement partiel de rotation, ait rogné la gouttière sous la forme qu’elle doit recevoir.

« On fera remarquer que non-seulement le couteau rogne la gouttière, mais que, de plus, par son dos parfaitement lisse et uni, il la polit à l’intérieur et lui donne de l’éclat et du brillant.

« Cette machine est fort ingénieuse et mérite qu’on en fasse l’essai en France ; seulement, quand on voudra lui donner toute la précision et l’utilité convenable, il sera peut-être nécessaire d’en compliquer un peu le mécanisme.

« Nous ferons en outre remarquer qu’un seul couteau ne peut pas rogner correctement les gouttières de livres d’épaisseurs différentes, et qu’on est peut-être obligé d’avoir une série de couteaux à lames et montures de courbures diverses pour ces différentes épaisseurs mais dans les cas assez fréquents où l’on a à relier un grand nombre de volumes de même format et de même épaisseur, la machine à un seul couteau peut faire un bon service.

« Il serait possible, il est vrai, de rendre mobile au besoin le point de centre autour duquel tourne le couteau, et de l’ajuster à la courbure qu’on veut donner à la gouttière, et déjà une vis i sert à le mettre de hauteur ; il faudrait en outre qu’on pût faire varier la longueur du bras de levier du couteau. Dans tous les cas, la courbure de la gouttière ne correspondrait plus avec celle du dos, et celui-ci ne lisserait plus bien cette gouttière.

« L’affûtage de ce couteau doit aussi être fait avec un certain soin, pour ne pas altérer la courbure ou le poli du dos.

« Enfin, il nous semble, quoique l’inventeur garde le silence à ce sujet, qu’on peut rogner aussi avec cet appareil le volume en tête et en pied, et qu’il suffirait pour cela, avec quelques légères modifications, de pouvoir rendre le couteau fixe dans une position déterminée, et, au contraire, le volume, bien maintenu, mobile dans deux sens, l’un transversal devant le couteau, et l’autre d’élévation, à mesure que le rognage ferait des progrès. »

§ 7. — machines à dorer et à gaufrer.

Les machines de cette catégorie sont, pour la plupart, des presses à genou ou à balancier, d’une construction particulière, du moins quant aux détails, et qui, suivant les dimensions, sont mues par des manivelles ou par la vapeur. C’est avec elles et des plaques de cuivre gravées en relief, que s’obtiennent ces ornements dorés ou simplement gaufrés, qui décorent la couverture, plats et dos, des ouvrages d’étrennes ou de fantaisie, dont la mode est aujourd’hui si répandue, et qui, presque toujours, seraient d’une exécution radicalement impossible, si l’on en était réduit au travail si lent et si coûteux du doreur aux petits fers.

Quelle que soit la disposition, quant à certains détails, des machines à dorer, la plaque gravée est toujours fixée à la partie inférieure de la vis, sous une boîte creuse dans laquelle circule un courant de vapeur fourni par le générateur de l’atelier. Inutile d’ajouter que lorsqu’on tire à froid, le courant de vapeur est supprimé. Dans ce dernier cas, pour imprimer, en noir ou en couleur, des dessins gaufrés, on se sert d’une machine semblable, mais dont le dessous de la vis est encré par un système de rouleaux encreurs qui, animés d’un mouvement de va-et-vient, vient frotter dessus au moment convenable.

En enlevant la plaque gravée et mettant à la place des fers appropriés, on produit avec la même facilité les nerfs et les titres des livres, et toujours avec une pureté et une précision mathématique. On parvient aussi, en ajustant à la vis une plaque polie, exécuter, dans les conditions les plus favorables, l’opération de la polissure, la pression se trouvant ainsi substituée au frottement.


La figure 102 représente une machine à dorer et gaufrer à balancier. Comme le montre le dessin, elle « repose sur une plaque de fondation boulonnée sur un gros bloc de bois. Sur celle plaque de fondation s’élèvent deux colonnes massives en fonte H H, reliées entre elles dans le haut par une traverse C renflée en son milieu qui est percé et taraudé pour recevoir la vis B qu’on manœuvre à l’aide du balancier AA.

« Cette vis roule dans le bas dans une crapaudine D et porte sur la platine EE, à laquelle elle transmet l’action du balancier. Des tiges FF, qui portent sur cette platine sont, par un écrou e, assemblées avec la vis et le balancier de manière que leur mouvement est solidaire de celui de ce balancier, et pour être certain que la pression sera ferme et s’exécutera bien verticalement, l’inventeur a disposé sur la platine deux guides GG, appliqués très-exactement sur les colonnes H H, et qui, par conséquent, pendant que cette platine monte ou descend, ne lui permettent pas de se déverser soit à droite, soit à gauche, et, au contraire, d’appliquer une pression bien uniforme dans toute son étendue.

« La platine de pression EE opère sur une plaque ou table en fer I, sur laquelle on place l’objet qu’on veut dorer ou gaufrer, et pour fixer cet objet, c’est-à-dire pour pouvoir le placer d’une manière invariable déterminée sur la table I, celle-ci porte de nombreuses chevilles sur lesquelles on arrête les objets au moyen des plaques ou matrices, disposition fort utile, surtout lorsqu’on a un grand nombre de pressions ou de dorures à appliquer les unes après les autres. D’ailleurs, la presse étant établie pour pouvoir tirer en avant la table I, après chaque pressèe, sur les coulisses KK et les guides ff, puis la remettre en place, on conçoit qu’on doit prendre des précautions pour que cette table revienne toujours exactement à sa place.

« Quand on fait usage de cette presse, on introduit dans la platine par les bouches LL, fermées par des tampons, des boulons ou barres de fer rougies au feu, et pour entretenir la température convenable, il suffit de remplacer ces corps chauds toutes les 15 ou 20 minutes. Toutefois, ce moyen de chauffage est aujourd’hui complètement abandonné dans tous les ateliers bien montés. Comme nous l’avons dit plus haut, c’est par un courant de vapeur qu’on chauffe les machines à dorer et à gaufrer.


« La presse de la figure 103 est organisée d’après le même système que la précédente et appliquée plus particulièrement à la dorure et au gaufrage des grandes pièces ; elle en diffère en ce qu’elle est pourvue d’un volant AA qu’on fait tourner à la main au moyen des poignées BB pour donner le coup de balancier, de manière qu’un seul ouvrier peut, sans développer un grand effort, donner une pression très-énergique.


« On fait aussi usage pour la dorure ou le gaufrage de presses à levier établies à peu près sur le modèle de la presse typographique. Nous en avons représenté un modèle, dû à M. Queva, d’Erfurth, dans la figure 104.

« On peut faire sur cette presse, dont il est inutile de donner une description détaillée, les travaux les plus variés en dorure et gaufrage, avec un faible déploiement de force et une précision remarquable. La platine inférieure peut, par une disposition commode, être ramenée aisément et remise en place de manière à enlever la plaque qui la couvre et la remplacer par une autre. Celle du haut ou de pression peut de même être changée d’une manière prompte et simple, et l’on parvient ainsi à dorer ou à gaufrer soit de simples cartons, soit des plats de livres plus ou moins épais. »