Mathématiques et mathématiciens/Chp 1 - Section : Astronomie

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Librairie Nony & Cie (p. 84-89).


ASTRONOMIE



J’ai pensé, puisque d’autres avant moi ont osé imaginer une foule de cercles pour démontrer les phénomènes astronomiques, que je pourrais me permettre aussi d’essayer si, en supposant la Terre immobile, on ne parviendrait pas à trouver, sur la révolution des corps célestes, des démonstrations plus solides que celles qui ont été mises en avant. Après de longues recherches, je me suis enfin convaincu : que le Soleil est une étoile fixe, entourée de planètes qui tournent autour d’elle, et dont elle est le centre et le flambeau ; qu’outre les planètes principales, il en est d’autres de second ordre, qui circulent d’abord comme satellites autour de leurs planètes principales, et avec celles-ci autour du Soleil ; que la Terre est une planète principale, assujettie à un triple mouvement ; et que tous les phénomènes du mouvement diurne et annuel, le retour périodique des saisons, toutes les vicissitudes de la lumière et de la chaleur de l’atmosphère qui les accompagnent sont des résultats de la rotation de la Terre autour de son axe et de son mouvement périodique autour du Soleil

Copernic.

Quand Newton mit au jour cette grande pensée (l’attraction universelle) appuyée sur une géométrie neuve et sublime, l’astronomie changea de face, et les cieux parurent raconter pour la première fois la gloire de leur Auteur : cependant, la théorie n’avait pas rempli toute sa tâche, il s’en fallait bien ; des phénomènes importants lui échappaient ; d’étonnantes exceptions, des désordres inexplicables la troublaient ; la loi mal assurée semblait quelquefois se déconcerter et se contredire. Un siècle s’était écoulé depuis la publication des Principes mathématiques de la philosophie naturelle, et, dans ce siècle, plusieurs générations de grands géomètres, d’observateurs infatigables, avaient réuni leurs efforts gigantesques contre les difficultés, et ils n’avaient pu les vaincre toutes. Il y avait encore, il n’y a pas trente ans, des scandales dans le ciel ; il y avait des planètes réfractaires aux tables des astronomes. Bien plus, en promulguant la loi de gravitation, Newton avait douté qu’elle fût capable de porter ce poids du monde qu’il lui imposait ; il avait pensé qu’elle vieillirait comme les lois humaines, et qu’un jour viendrait, il l’a écrit, où il faudrait que la main du Créateur s’étendit pour remettre les choses en place.

Newton se trompait, Messieurs. Non, pour remettre le système en ordre, il ne sera pas besoin de la main du Créateur ; il suffira d’un autre Newton. M. Laplace est venu, et, par ses immenses travaux, par la puissance et les ressources de son génie, l’astronomie réduite à un problème de mécanique, ne découvre plus dans les cieux que l’accomplissement mathématique de lois invariables. Jupiter et ses satellites, Saturne, la Lune sont domptés dans leurs écarts ; ce qui paraissait exception est la règle même ; ce qui semblait désordre est un ordre plus savant ; partout la simplicité de la cause triomphe dans la complication infinie des effets. Enfin, et c’est le comble de la gloire de M. Laplace, il lui a été réservé d’absoudre la loi de l’univers, c’est-à-dire la sagesse divine, de ces reproches d’imprévoyance ou d’impuissance où le génie de Newton était tombé ; le premier, il a démontré que le système solaire reçoit, dans les conditions qui lui sont imposées, le gage de son imperturbable durée.

Royer-Collard.

L’astronomie, considérée de la manière la plus générale, est un grand problème de mécanique…; sa solution dépend à la fois de l’exactitude des observations et de la perfection de l’analyse, et il importe extrêmement d’en bannir tout empirisme, et de la réduire à n’emprunter de l’observation que les données indispensables.

Laplace.

La plus magnifique confirmation qu’aient reçue les théories astronomiques a été la découverte de la planète Neptune par Leverrier en 1846.

Les observations prolongées de la planète Uranus avaient montré un désaccord constant entre le calcul et les faits. Cette planète pas plus qu’une autre ne décrit exactement l’ellipse de Kepler ; elle éprouve des perturbations de la part des autres astres du système solaire. Mais on avait beau tenir compte de toutes celles qui pouvaient être produites par les planètes connues, on n’arrivait pas à faire disparaître ce désaccord et à pouvoir construire des tables suffisamment exactes ; il subsistait constamment des différences sensibles et inexpliquées. On en vint à penser que la cause de ces différences résidait probablement dans l’existence d’une planète encore inconnue.

Ce fut Leverrier qui eut la gloire de transformer cette supposition en certitude. Renversant le problème ordinaire du calcul des perturbations, il parvint à déterminer la masse et l’orbite de la planète inconnue, d’après les effets qu’elle produisait sur Uranus ; il alla jusqu’à pouvoir assigner la place qu’elle devait occuper dans le ciel à une date qu’il désigna. Il suffit à M. Galle, de Berlin, de diriger une lunette vers cette place pour apercevoir tout près de là un astre, invisible à l’œil nu, qui n’était marqué sur aucune carte du ciel : les observations des jours suivants montrèrent qu’il se déplaçait parmi les étoiles ; c’était donc bien une planète.

Guibaudet.

En réfléchissant au mouvement diurne auquel tous les corps célestes sont assujettis, on reconnaît évidemment l’existence d’une cause générale qui les entraîne ou qui paraît les entraîner autour de l’axe du monde. Si l’on considère que ces corps sont isolés entre eux, et placés loin de la terre, à des distances très différentes ; que le soleil et les étoiles en sont beaucoup plus éloignés que la lune, et que les variations des diamètres apparents des planètes indiquent de grands changements dans leurs distances ; enfin que les comètes traversent librement le ciel dans tous les sens ; il sera très facile de concevoir qu’une même cause imprime à tous ces corps un mouvement commun de rotation. Mais les astres se présentent à nous de la même manière, soit que le ciel les entraîne autour de la terre supposée immobile, soit que la terre tourne en sens contraire, sur elle-même ; il paraît beaucoup plus naturel d’admettre ce dernier mouvement et de regarder celui du ciel comme une apparence.

La terre est un globe dont le rayon n’est pas de sept millions de mètres : le soleil est, comme on l’a vu, incomparablement plus gros. Si son centre coïncidait avec celui de la terre, son volume embrasserait l’orbe de la lune, et s’étendrait une fois plus loin, d’où l’on peut juger de son immense grandeur : il est d’ailleurs éloigné de nous d’environ vingt-trois mille rayons terrestres. N’est-il pas infiniment plus simple de supposer au globe que nous habitons un mouvement de rotation sur lui-même, que d’imaginer, dans une masse aussi considérable et aussi distante que le soleil, le mouvement extrêmement rapide qui lui serait nécessaire pour tourner, en un jour, autour de la terre ? Quelle force immense ne faudrait-il pas alors pour le contenir et balancer sa force centrifuge ? Chaque astre présente des difficultés semblables qui sont toutes levées par la rotation de la terre.

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Entraînés par un mouvement commun à tout ce qui nous environne, nous ressemblons au navigateur que les vents emportent avec son vaisseau sur les mers. Il se croit immobile ; et le rivage, les montagnes et tous les objets placés hors du vaisseau, lui paraissent se mouvoir. Mais en comparant l’étendue du rivage et des plaines, et la hauteur des montagnes à la petitesse de son vaisseau, il reconnaît que leur mouvement n’est qu’une apparence produite par son mouvement réel. Les astres nombreux répandus dans l’espace céleste, sont, à notre égard, ce que le rivage et les montagnes sont par rapport au navigateur ; et les mêmes raisons par lesquelles il s’assure de la réalité de son mouvement nous prouvent celui de la terre.

Laplace.

Pendant des siècles on a fait de la Terre le centre du monde, en obligeant les planètes, le soleil et jusqu’aux étoiles à tourner autour d’elle. Copernic est survenu et dès lors la Terre a pris une place des plus modestes dans le cortège des planètes que gouverne le soleil. Voici maintenant que le soleil à son tour n’est plus qu’une des innombrables étoiles de la Voie lactée…

F. Tisserand.

Toutes nos notions, en fait de distances célestes ou terrestres, reposent, en dernière analyse, sur quelques bases mesurées çà et là, principalement par des Français.

Faye.