Mathématiques et mathématiciens/Chp 1 - Section : Mécanique

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Librairie Nony & Cie (p. 79-83).


MÉCANIQUE



On connaît la déclaration attribuée à Archimède : « Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde. » Je ne veux pas en contester la beauté littéraire, mais quand on songe au nombre de tentatives insensées dont elle a été la cause, il peut être permis de dire que, pratiquement, elle est absolument vaine.

Privat-Deschanel.

Le monde, il s’agit sans doute de la terre. Comment l’homme pourrait-il prendre un point d’appui extérieur ? Du reste la force d’un homme étant extrêmement petite par rapport au poids du globe, le déplacement de celui-ci serait insignifiant. Le mot célèbre n’exprime qu’une vue théorique.

On ne gagne rien avec les instruments, d’autant que, si l’on applique une petite force à un grand fardeau, il faut beaucoup de temps, et que, si on veut le transporter en très peu de temps, il faut une grande force…

Néanmoins les machines sont utiles, pour mouvoir de grands fardeaux tout d’un coup sans les diviser, parce que l’on a souvent beaucoup de temps et peu de force. Mais celui-là se tromperait qui voudrait abréger le temps en n’usant que d’une petite force, et montrerait qu’il n’entend pas la nature des machines ni la raison de leurs effets…

Il faut conclure de tout ce discours que l’on ne peut rien gagner en force qu’on ne le perde en temps, et conséquemment que ceux qui travaillent à suppléer la force et le temps tout ensemble, ne méritent nullement d’avoir du temps, puisqu’ils l’emploient si mal.

Galilée.

On pousse un corps avec la main, et l’on voit qu’il se meut dans une direction définie. À première vue, il semble qu’il n’y ait pas moyen de douter de la réalité de son mouvement ni de la direction qu’il suit. Cependant il est facile de montrer que non seulement nous pouvons avoir tort, mais que d’ordinaire nous avons tort de porter l’un ou l’autre de ces deux jugements. Voici par exemple un vaisseau que, pour plus de simplicité, nous supposerons mouillé à l’équateur, l’avant tourné vers l’ouest. Quand le capitaine va de l’avant à l’arrière, dans quelle direction se meut-il ? Vers l’est, répondra-t-on évidemment, et pour le moment cette réponse peut passer. Mais on lève l’ancre et le vaisseau vogue vers l’ouest avec une vitesse égale à celle du capitaine qui marche vers l’est. Dans quelle direction se meut à présent le capitaine, quand il va de l’avant à l’arrière de son navire ? Nous ne pouvons plus dire : l’est, comme tout à l’heure, puisque tandis qu’il va vers l’est, le vaisseau l’emporte vers l’ouest ; et réciproquement nous ne pouvons pas dire : l’ouest. Par rapport à l’espace ambiant il ne bouge pas, quoiqu’il paraisse se mouvoir pour tout ce qui est à bord. Mais sommes-nous tout à fait sûrs de cette conclusion ? Le capitaine est-il réellement toujours au même point ? Quand nous tenons compte du mouvement de la terre autour de son axe nous voyons que loin d’être stationnaire, le capitaine voyage vers l’est à raison de 1000 milles par heure ; de sorte que la perception de celui qui le regarde, pas plus que celle de celui qui tient compte du mouvement du vaisseau, ne se rapproche de la vérité. De plus, un examen plus attentif nous fera voir que cette conclusion corrigée ne vaut pas mieux que les autres. En effet, nous avons oublié le mouvement de la terre dans son orbite. Comme il est de 68000 milles par heure, il s’en suit qu’en supposant qu’il soit midi, le capitaine se meut non pas à raison de 1000 milles à l’heure vers l’est, mais à raison de 67000 milles vers l’ouest. Et pourtant nous n’avons pas encore trouvé le vrai sens et la vraie vitesse de son mouvement. Au mouvement de la terre dans son orbite il faut joindre celui du système solaire tout entier vers la constellation d’Hercule, et si nous le faisons, nous voyons que le capitaine ne va ni vers l’est ni vers l’ouest, mais qu’il suit une ligne inclinée sur le plan de l’écliptique, et qu’il va avec une vitesse plus grande ou moindre (suivant l’époque de l’année) que celle que nous avons donnée. À cela, il faut encore ajouter que si les arrangements dynamiques de notre système sidéral nous étaient complètement connus, nous découvririons probablement que la direction et la vitesse du mouvement réel diffèrent encore considérablement des résultats obtenus.

Herbert Spencer.

Nous n’observons que des mouvements relatifs. Lorsque nous croyons marcher en ligne droite dans notre chambre, notre trajectoire dans l’espace est en réalité une ligne courbe compliquée. En effet, la terre se déplace rapidement dans l’espace, en emportant nos maisons.

Si on est fortement penché d’un côté, le corps se porte de l’autre pour faire le contrepoids, et se balance lui-même en diverses manières, pour prévenir une chute, ou pour la rendre moins incommode. Par la même raison, si l’on porte un grand poids d’un des côtés, on se sert de l’autre à contre-peser. Une femme qui porte un seau d’eau pendu à la droite étend le bras gauche et se penche de ce côté-là. Celui qui porte sur le dos se penche en avant ; et, au contraire, quand on porte sur la tête, le corps se tient naturellement droit. Enfin, il ne manque jamais de se situer de la manière la plus convenable pour se soutenir ; en sorte que les parties ont toujours un même centre de gravité, qu’on prend au juste, comme si l’on savait la Mécanique.

Bossuet.

Je me suis proposé de réduire la théorie de cette Science (la Mécanique), et l’art de résoudre les problèmes qui s’y rapportent, à des formules générales. dont le simple développement donne toutes les équations nécessaires pour la solution de chaque problème.

On ne trouve point de figure dans cet Ouvrage (Mécanique analytique). Les méthodes que j’y expose ne demandent ni constructions, ni raisonnements géométriques ou mécaniques, mais seulement des opérations algébriques, assujetties à une marche régulière et uniforme. Ceux qui aiment l’Analyse verront avec plaisir la Mécanique en devenir une nouvelle branche, et me sauront gré d’en avoir étendu ainsi le domaine.

Lagrange.

Dans la mécanique, le calcul différentiel est le passage de l’effet à la cause, de l’espace parcouru dans un temps donné à la vitesse acquise et de cette vitesse à la force accélératrice. Inversement, le calcul intégral est le passage de la cause à l’effet, de la force à la vitesse qu’elle produit, et de cette vitesse à l'espace parcouru en vertu de cette vitesse elle-même.

E. Jacquier.