Mathématiques et mathématiciens/Chp 1 - Section : Géométrie descriptive

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Librairie Nony & Cie (p. 75-78).


GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE



Une figure plane peut être représentée sur une surface plane sans aucune altération dans les proportions de ses parties.

… Il n’en est pas de même d’un corps à trois dimensions, d’un corps ayant longueur, largeur et profondeur. Sa représentation sur une surface plane est inévitablement altérée. Des lignes qui sur le corps sont égales entres elles, peuvent être extrêmement inégales dans la représentation plane. Les angles formés dans l’espace par les arêtes ou par les diagonales du corps n’éprouvent pas de moindres altérations comparatives, quand elles viennent à être figurées sur un plan.

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Des hommes de génie, Desargues en tête, réussirent enfin à rattacher aux règles de la géométrie élémentaire la plupart des méthodes, des tracés en usage dans la coupe des pierres et dans la charpente. Malheureusement leurs démonstrations étaient longues, embarrassées ; elles devaient toujours rester hors de la portée des simples ouvriers.

À quoi tenaient ces complications ? Elles tenaient à ce qu’on était obligé de créer la science tout entière, à l’occasion de chaque problème. Adopter cette méthode dans telle autre branche quelconque des mathématiques, et la plus inextricable confusion en sera aussi la conséquence inévitable.

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Monge débrouilla ce chaos. Il fit voir que les solutions graphiques de tous les problèmes de la géométrie à trois dimensions se fondaient sur un très petit nombre de principes qu’il exposa avec une merveilleuse clarté. Désormais aucune question, parmi les plus complexes, ne devait être l’apanage exclusif des esprits d’élite ; avec des instruments bien définis et une méthode de recherche uniforme, la géométrie descriptive, dont Monge devint le créateur, pénétra jusque dans les rangs nombreux de la classe ouvrière.

Arago.

Une branche considérable de la géométrie, qui se recommande par des applications nombreuses, et que cultivaient par instinct plutôt que méthodiquement tous les ouvriers employés aux arts de construction, a été réduite en corps de doctrine… On sent qu’il s’agit ici de la théorie et de la pratique des opérations qui résultent de la combinaison des lignes, des plans et des surfaces dans l’espace, et que M. Monge a fait connaître sous le nom de géométrie descriptive. La coupe des pierres, la charpente, certaines parties de la fortification et de l’architecture, la perspective, la gnomonique : en un mot, toutes les parties des mathématiques, soit pures, soit appliquées, dans lesquelles on considère l’espace avec ses trois dimensions, sont du ressort de ce complément nouveau de la géométrie élémentaire qui jusque-là s’était arrêtée à la mesure des aires et des volumes… Ce n’est pas qu’avant M. Monge, les géomètres n’eussent connu la méthode des projections et ne l’eussent employée à la résolution de plusieurs problèmes…, mais cette théorie… n’avait pas encore cette indépendance et cet enchaînement de questions qui en ont fait une véritable science…

Delambre.

La Géométrie descriptive donne des méthodes pour représenter exactement, sur un seul plan, tout corps susceptible d’une définition précise, et pour déduire de cette représentation les véritables grandeurs des diverses parties du corps que l’on considère.

C’est à l’aide de pareils dessins faits sur des aires planes, que les tailleurs de pierre et les charpentiers parviennent à donner aux matériaux solides des formes déterminées.

La Géométrie descriptive est donc aussi utile à l’ouvrier qui exécute un projet qu’à l’ingénieur qui l’a conçu. Ses principales applications sont la perspective, la théorie des ombres, la charpente, la coupe des pierres, le tracé des routes dans les pays accidentés, le défilement dans l’art des fortifications, etc., etc.

Rouché.

Selon la manière dont la position des sommets des angles d’un solide est définie, la construction de leurs projections peut être plus ou moins facile, et la nature de l’opération doit dépendre de celle de la définition. Il en est précisément de cet objet comme de l’Algèbre, dans laquelle il n’y a aucun procédé général pour mettre un problème en équations. Dans chaque cas particulier, la marche dépend de la manière dont la relation entre les quantités données et celles qui sont inconnues est exprimée ; et ce n’est que par des exemples variés que l’on peut accoutumer les commençants à saisir ces relations et à les écrire par des équations. Il en est de même pour la Géométrie descriptive. C’est par des exemples nombreux et par l’usage de la règle et du compas dans les salles d’exercice que l’on peut acquérir l’habitude des constructions, et qu’on s’accoutume au choix des méthodes les plus simples et les plus élégantes, dans chaque cas particulier. Mais aussi, de même qu’en Analyse, lorsqu’un problème est mis en équations, il existe des procédés pour traiter ces équations, et pour en déduire les valeurs de chaque inconnue ; de même aussi, dans la Géométrie descriptive, lorsque les projections sont faites, il existe des méthodes générales pour construire tout ce qui résulte de la forme et de la position respective des corps.

Ce n’est pas sans objet que nous comparons ici la Géométrie descriptive à l’Algèbre ; ces deux sciences ont les rapports les plus intimes. Il n’y a aucune construction de Géométrie descriptive, qui ne puisse être traduite en Analyse ; et lorsque les questions ne comportent pas plus de trois inconnues, chaque opération analytique peut être regardée comme l’écriture d’un spectacle en Géométrie.

Monge.