Meuse/p2/s2

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Georges Thone (p. 69-70).

SCÈNE II.


(Devant le rideau.)

LE DIEU TEMPS.

Paysages de grâce et d’équilibre, fleuve aux courbes féminines, que de tristesses sur vous pourtant, à certaines heures !

LA FÉE ESPACE.

Combien de fois fûtes-vous ensanglantés, combien de fois furent rougies vos eaux, ô Meuse, si pleine de paix en apparence !

LE DIEU TEMPS.

Que de martyrs, que de héros, que de ruines, que de morts, que de flammes et de sang et de larmes !


LA FÉE ESPACE.

Mais les villes et les villages renaissent de leurs cendres, les fleurs repoussent sur les berges, les fruits reconquièrent les vergers et les flots apaisés ne sont plus que douceur.

LE DIEU TEMPS.

Car la voie millénaire où passa le barbare à la bouche tordue de fureur, est celle aussi par où s’avança la civilisation une chanson aux lèvres. L’esprit survit à la matière et la grâce renaît triomphante là où crut vaincre, insensée, la violence.