Mille et un jours en prison à Berlin/37

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L’Éclaireur Enr (p. 255-ill).


Démêlés du Cardinal avec les Autorités allemandes



Après le voyage à Rome, il sembla que les autorités allemandes eussent reçu le mot d’ordre de créer le plus de difficultés possibles au cardinal Mercier. La presse allemande avait été déchaînée contre lui ; visiblement, elle cherchait à justifier les mesures que le gouverneur général de Belgique pourrait être amené à prendre contre le trop ardent défenseur du bon droit. Elle alla jusqu’à l’accuser d’espionnage et, au mois de mars 1916, on eut la surprise d’apprendre qu’une descente avait eu lieu au Palais archiépiscopal et que le chanoine Loncin avait été arrêté.

Le cardinal, dont la bibliothèque avait été fouillée et la correspondance saisie, adressa sur-le-champ une note de protestation au gouverneur général. Dans cette note, il s’élevait avec vigueur contre la violation du secret que Rome seule peut briser et qui, dans ce cas, fut impuissant à sauvegarder divers cas du forum conscientiae contre l’arbitraire de soldats.

Il signala au Saint-Siège, suprême juge en l’occurrence, cette violation par la force brutale du secret de l’administration et des choses d’Église.

Le Gouvernement allemand répondit par une note où il prétendait que la liberté de l’Église n’a rien à voir dans cette affaire et que c’est en vain que le cardinal, faute d’avoir des sujets de plaintes légitimes, s’efforçait d’inventer une violation des droits ecclésiastiques par l’Allemagne.

Néanmoins, le chanoine Loncin fut relâché.

Vers la même époque, le cardinal Mercier eut encore à se plaindre des procédés allemands à propos d’un mandement de Carême. À la vérité, il n’y avait pour les Allemands rien de particulier à relever dans ce document d’inspiration purement religieuse, mais le mot d’ordre, nous l’avons dit, était de chercher misère. On releva donc une phrase ainsi conque : « Ni le cheval, ni le chevalier, ni la force des armées ne garantissent le succès final. Est-ce que Dieu ne peut pas anéantir en un clin d’oeil les plus telles espérances d’une nation belliqueuse en déchaînant sur elle une épidémie f C’est entre les mains de Dieu que repose le sort de la Belgique. »

Von Bissing écrivit à l’archevêque une lettre grossière où il lui faisait reproche, à l’abri de cette phrase séparée de son contexte, de vouloir soulever la population contre l’occupant.

L’archevêque répondit simplement qu’il n’avait fait, en écrivant ce mandement, qu’exercer son droit d’évêque, et que les Allemands lui avaient déjà, à plus d’une reprise, cherché querelle. Et puis, ajoutait-il, la population belge est toujours restée calme, tout le monde a pu le constater : Que me reproche-t-on de l’exciter ?

Le gouverneur général se tint coi.


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