Chapelet musulman fait de graines diverses
qui sentent l’Arabie, et l’Égypte, et la Perse,
tel ces serpents du Nil insidieux et froids
glissez, ô chapelet, glissez entre mes doigts.
Graine à graine, évoquez les choses une à une
parmi de vains reflets d’aube ou de clair de lune :
évoquez la chaleur et la sérénité
du magique désert où s’attarde l’été ;
évoquez des soirs bleus et des nuits transparentes,
et l’éphémère halte à l’abri d’une tente ;
des fleuves limoneux, des fleuves charriant
le trône d’Osiris, vieux prince d’Orient ;
au seuil d’une oasis, évoquez des mirages,
et les villages blancs jonchant le bord des plages ;
évoquez des palmiers bercés à l’unisson,
et des vasques de stuc où nagent des poissons ;
des harems paresseux clos sur des prisonnières,
et l’humble marabout qu’embaument nos prières ;
l’appel d’un minaret au minaret voisin,
et la terrasse étroite où mûrit le raisin ;
évoquez la fontaine inquiète ou profonde,
des roses, des parfums, des mandarines rondes ;
la longue caravane errant à l’horizon,
et la moucharabieh de la blanche maison ;
l’aigre cri des marchands dans la lumière intense ;
le café du bazar et la femme qui danse ;
les yeux cernés de khôl des visages voilés,
et les turbans nombreux autour des narghilés ;
et l’obsédant écho d’un tam-tam qui bourdonne,
triste, voluptueux, bizarre, monotone…
Tel ces serpents du Nil insidieux et froids
glissez, ô chapelet, glissez entre mes doigts !
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