Miss Mousqueterr/p1/ch2

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Boivin et Cie (p. 17-26).


CHAPITRE II

LE FIL D’ARIANE


L’horloge extérieure marquait six heures, lorsque Max sortit de la gare de Marseille.

Le docteur Elleviousse lui avait télégraphié sans retard, confirmant la présence, dans sa maison de santé, des deux pauvres démentes, Mona Labianov et Sara de la Roche-Sonnaille, et se déclarant heureux de recevoir le lendemain, à deux heures, M. Max Soleil, dont le beau talent lui était connu.

Sur ce, le jeune homme, après un shake hand cordial à Miss Violet, un secouement de mains à sir John, avait quitté Nice, n’emportant qu’une valise, ses malles devant être expédiées à son domicile, à Paris, par les soins du Mirific-Hotel.

Dans la cour de la gare, il avisa l’omnibus de l’hôtel Cosmopolitan… Il lui remit sa valise, chargeant le valet de pied de lui retenir une chambre.

Puis débarrassé ainsi, Max sauta dans une voiture de place, en lançant au cocher :

— Agence des Messageries Maritimes !

Le véhicule se mit en route.

Insensible au mouvement de la ville affairée, Max réfléchissait.

— Le journal est muet sur un point. Les deux dames sont-elles bien arrivées de Calcutta par le steamer Oxus ? Si oui, je possède un ensemble de faits qui semblent se coordonner normalement, La duchesse et son mari, en voyage de noces sur les bords du Rhin, disparaissent… Dix-huit mois se passent. Elle reparaît à Calcutta, s’embarque sur l’Oxus et rentre à Marseille. Elle explique que de Hollande elle a été entraînée contre sa volonté dans l’Inde… Ce voyage involontaire entre deux voyages voulus, n’a rien d’illogique… Sur toute cette partie de son aventure, Mme  de la Roche-Sonnaille aurait donc dit la vérité… Mais si cela était, il y aurait gros à parier qu’elle a continué à parler sensément pour le reste.

Il hocha la tête :

— Ne nous emballons pas… Vérifions l’affaire de l’Oxus… C’est elle qui déterminera, pour moi, si cette jeune femme jouit de ses facultés ou non.

Max s’appliqua un coup sur la tête.

— Niais ! Si cela était vrai, les magistrats, les policiers enquêteurs n’auraient pas conclu à la folie ? Je suis idiot d’aller aux Messageries Maritimes.

Et déjà il ouvrait la bouche pour ordonner au cocher de le mener tout uniment au Cosmopolitan, quand il se ravisa soudain :

— Non, cela n’est pas un argument… Ils l’ont déclarée folle, tout simplement parce qu’ils n’ont pas conduit leur enquête normalement.

Puis avec un sourire.

— Ces braves gens ne savent pas bâtir un roman. Ils ignorent qu’il est indispensable, pour lui donner une charpente solide, de prendre le fait de début et de s’appuyer sur lui pour aller plus loin. Naturellement, ils ont couru à la maison de la route d’Aubagne, pour arrêter le personnage mystérieux, auquel la duchesse attribuait la folie de sa compagne… Là, ils ont appris que le dit personnage était mort depuis un an, que le bastidou Loursinade n’était point habité… Poussière, humidité, toiles d’araignée, l’affaire a été entendue… ; Ceci était faux ; donc tout était faux… Une fois cette idée préconçue ancrée dans leur cerveau, les enquêteurs se trouvaient dépistés… Si l’on ajoute l’avis du docteur Elleviousse…, les aliénistes voient des fous partout… et je pense que, quand ils se regardent dans un miroir, ils ont envie de s’ordonner la douche et la camisole de force… Leur erreur s’explique ainsi… un point de départ qui a faussé leur jugement.

Ici, le jeune homme ne put se tenir de rire :

— Il me sied bien de critiquer les autres… Je m’évertue à me démontrer qu’ils se sont trompés, alors que je ne suis pas du tout certain que les voyageuses aient pris passage sur l’Oxus.

Et regardant autour de lui.

— Seulement mon incertitude ne sera pas de longue durée.

En effet, la voiture s’arrêtait devant l’office des Messageries Maritimes, que de grandes affiches annonçant les « départs » signalaient à l’attention.

Son cocher soldé, Max entra dans le bureau.

— Monsieur désire, demanda un groom… Passage, fret, renseignement ?

Le romancier mit cinquante centimes dans la main du gamin.

— Puis-je parler au Directeur de l’Agence ?

— M. Ponchel… ; je vais voir… Qui annoncerai-je ?

Pour seule réponse, Max tira une carte de son portefeuille et au-dessous de son nom

MAX SOLEIL

traça cette ligne au crayon :

En train de vivre un roman futur. Désire un renseignement. Deux minutes plus tard, le groom reparaissait, et, avec une nuance de considération, née de l’empressement manifesté par son chef à recevoir le visiteur :

— M. Ponchel attend Monsieur.

Il précédait Max, s’approchait d’une porte close, l’ouvrait et s’effaçait gravement pour laisser passer le jeune homme.

Le directeur vint à lui la main tendue.

— Entrez donc… Très heureux de faire votre connaissance. Ravi si je puis vous être agréable.

— Trop aimable vraiment.

— De quoi s’agit-il ?

— Je viens de vous l’écrire, d’un roman que je prépare depuis ce matin.

M. Ponchel ouvrit des yeux ébahis.

— Ce matin ?

— Oui… Un journal du mois d’octobre dernier m’est tombé sous les yeux… Un mystère admirable, unique, d’une originalité… bref, un quotidien est trop concis en pareil cas, et je me livre à une petite enquête afin d’augmenter mes notes.

— Si je puis vous aider ?…

— Je l’espère. Il s’agit de Mme  de la Roche-Sonnaille et…

— Les deux pauvres folles… Vous avez raison… Avec votre talent… Mais vous souhaitez savoir.

— Si le paquebot Oxus les a bien amenées…

— De Calcutta, certainement… J’ai, vous le concevez, été interrogé à ce sujet.

— Je le supposais… et j’ai pensé que vous consentiriez à m’apprendre ce que vous savez d’elles… Par exemple, à bord, ont-elles donné des marques de dérangement d’esprit ?

— Ah diable ?

Un instant le directeur demeura perplexe, puis se décidant tout à coup :

— Attendez… je vais vous donner connaissance du rapport établi par le lieutenant de vaisseau Allee, capitaine de l’Oxus… C’est une pièce confidentielle, mais du moment où elle peut nous procurer le plaisir d’une œuvre de vous…

Il fourrageait dans un carton.

— Ah ! voici… Les deux voyageuses n’ont donné lieu à aucun trouble à bord. Elles paraissaient cependant étranges. Ainsi, au début de la traversée, elles semblaient très mélancoliques… Elles se montrèrent impatientes d’arriver… Plusieurs fois chaque jour, elles s’inquiétaient de la vitesse de marche, du chemin parcouru… consultant les cartes…

— Avouez que beaucoup de passagers agissent de même.

— Certainement… Mais en entrant à Marseille, elles ont carrément fait preuve de bizarrerie excessive.

— Puis-je abuser de votre complaisance… ?

— Vous n’abuserez jamais… Figurez-vous que, le navire à quai, elles débarquent, laissant leurs bagages à bord… Elles se rendent au tramway conduisant à la route d’Aubagne.

— Où se trouve le bastidou Loursinade ?

— Justement… Le conducteur de la voiture qui les a amenées s’est présenté de lui-même à l’enquête… D’après sa déposition, Mlle  Labianov paraissait assez calme, tandis que la duchesse se montrait au contraire très agitée… Elles s’informèrent du bastidou Loursinade.

— Ah ! ah !

— Oui, l’employé a même supposé qu’elles allaient visiter la villa, avec l’intention de la louer.

— Et elles descendirent… ?

— Au terminus du tram, à huit ou neuf cents mètres de la maison mystérieuse… Alors tout s’embrouille. La duchesse prétend n’être restée que vingt-quatre heures dans le bastidou… Et pourtant on ne les a retrouvées, sur la promenade de la Corniche, que huit jours après l’arrivée de l’Oxus.

Le romancier écoutait de toutes ses oreilles.

— Mais, remarqua-t-il, ces dames connaissaient donc cette propriété ?

Il fourrageait dans un carton.
Il fourrageait dans un carton.

— Je vous ai prévenu qu’ici tout s’embrouille. D’après la version de la malheureuse hallucinée, elles devaient y trouver le docteur mort un an avant leur arrivée à Marseille… C’était un ami à elles qui leur avait donné cette indication dans l’Inde… Il y a une histoire de télégramme…, que sais-je ?… Nous sommes en plein brouillard de folie.

Évidemment, pour le fonctionnaire, l’insanité des pensionnaires de la maison de santé Elleviousse était un article de foi.

Max comprit qu’il n’y avait pas lieu de discuter.

Aussi fut-ce d’un ton indifférent qu’il reprit :

— Et les bagages de ces infortunées, ces bagages laissés à bord de l’Oxus ?

— Ont été remis au docteur Elleviousse…

— Bien… Mais les magistrats les ont examinés ?

— Sans doute… C’est même ainsi qu’ont été découverts les papiers établissant avec certitude l’identité des voyageuses.

— Mais en dehors de ces papiers, rien, aucun objet corroborant leurs dires ?

— Non… De riches étoffes hindoues et chinoises, quelques bijoux précieux… Au demeurant, les curiosités que rapporte toujours un touriste riche, retour d’Asie.

M. Ponchel avait certainement exprimé tout ce qu’il savait. Max se leva. Avec force remerciements, il prit congé de l’aimable homme, puis du pas lent d’un flâneur il se dirigea vers le Cosmopolitan-Hotel.

— Elle a dit la vérité, cette petite duchesse, se confiait-il. Elle n’est point folle du tout… Oui, oui,… Elle savait l’existence du docteur Rodel du bastidou Loursinade… Elle pensait le rencontrer… Qui l’avait envoyée vers lui… ? Son mari…, ou le fiancé de Mona, ces deux hommes disparus… Mais pourquoi ?

Un instant, il demeura sur place, les sourcils froncés, le front barré par un pli annonçant l’acuité de ses réflexions. Enfin, il reprit sa marche :

— Bon ! Je la verrai demain… Elle me le dira… et alors…, j’écris à l’ordinaire mes romans, celui-ci je l’agirai… ; il me passionne vraiment.

Il secoua gaiement la tête :

— Là, à présent, nous allons songer à bien dîner. Il faut nourrir la machine, si l’on veut qu’elle fonctionne bien…

Comme une légère hésitation passa sur ses traits mobiles, bientôt remplacée par un sourire :

— D’ici à demain… J’emploierai le temps à visiter cette maison de la route d’Aubagne… qui sait !…

Sur cette réflexion énigmatique, Max parvint au seuil de l’Hôtel Cosmopolitan.

Au bureau, on lui indiqua la chambre que le valet de l’omnibus lui avait retenue selon ses ordres, et déjà il s’engageait dans l’escalier, quand une voix le fit tressaillir.

— Pardon, Madame, sir John Lobster n’est pas encore arrivé ?

John Lobster ! le romancier se retourna tout d’une pièce.

Un homme assez gros se tenait sous le vestibule, la main appuyée sur le bouton de la porte vitrée du bureau.

Sans doute, on lui répondit d’une voix abaissée qui ne parvint pas jusqu’à Max, car le personnage referma la porte, avec ces mots :

— Grand merci… Je reviendrai demain.

Mais il s’interrompit :

— Hein ? Quoi ? Vous voulez ?

L’écrivain, sautant quatre marches, venait de tomber à côté de lui comme un aérolithe et lui appuyait la main sur le bras.

— John Lobster est mon ami… Il viendra me rejoindre demain. Je l’ai quitté ce matin à Nice.

— Ah ! alors, ce n’est pas un mythe, ce monsieur ?

— Du tout… Ah çà ! vous le demandez et vous ne semblez pas certain de son existence.

— Puisque vous étiez à Nice, vous êtes peut-être au courant… M. Lobster a envoyé au bureau central de police, une dépêche…

— Offrant une prime à qui débrouillerait le mystère de la route d’Aubagne.

— Juste.

— Et vous êtes agent…

— Agent secret, Monsieur…, Landré pour vous servir… Dodo, comme on m’appelle dans la partie… à cause de ma théorie policière… Pour voir dans le jeu des coquins, faut fermer les yeux… le chat qui dort, vous savez… les souris se défient moins.

— Et vous êtes chargé de l’affaire ?

Landré, dit Dodo, se prit à rire.

— Oh ! elle est toute débrouillée, allez, Monsieur… Les pauvres femmes que soigne le docteur Elleviousse sont folles, folles à n’en pas douter.

Max ne sourcilla pas…

— Ah ! vous croyez.

— Parbleu ! J’ai reconstitué l’affaire sans peine : l’habitude des enquêtes, n’est-ce pas… Vous êtes au courant, je suppose.

— Oui, M. John Lobster m’a raconté.

— Très bien… Alors, voilà… La duchesse de la Roche-Sonnaille et Mona Labianov se rencontrent à la Haye.

— Mais il y avait aussi le duc et le fiancé de la jeune Russe.

— Parfaitement !… Les dames n’avaient pas encore perdu la tête… Alors, je ne sais pas pourquoi, mais cela n’a pas d’importance, ils sont allés en Asie, comme le raconte la folle.

Un tressaillement imperceptible courut sur le corps de Max Soleil.

— C’est votre opinion… ?

— Ce n’est pas discutable. Elles sont revenues par l’Oxus… Pour revenir de Calcutta, il faut bien y être allé.

— C’est juste. Mais les deux hommes ?

— Ah voilà !… Ils sont restés là-bas… Un drame quelconque… Suppliciés par des tribus du Thibet…, dévorés par des tigres…, victimes de serpents… Des milliers de gens disparaissent ainsi chaque année, en Asie… Alors les deux dames ont voulu rentrer en Europe, chercher des consolations en famille.

— Alors… en s’embarquant… à votre avis, elles jouissaient encore de leur raison ?

L’agent eut un grand geste :

— Parfaitement… Elles étaient même raisonnables encore en arrivant à Marseille.

— Ah ! murmura seulement le jeune homme.

Cela le troublait de voir le policier adopter la même hypothèse que lui-même… L’erreur de l’enquête n’avait point été aussi absolue qu’il le pensait un instant plus tôt… Et de cette constatation, sa conviction se sentait affaiblie. Cependant, il fit effort pour reprendre :

— Vous inclinez donc, à penser qu’elles ont versé dans… ?

— Dans le détraquement… au bastidou Loursinade, Monsieur.

Et avec autorité, détachant les syllabes comme pour les mieux enfoncer dans l’esprit de son interlocuteur, Landré continua :

— Elles arrivent, fatiguées, les nerfs fortement ébranlés par la catastrophe qui les a séparées de ceux qu’elles aimaient… Elles se rendent chez un docteur Rodel, mort depuis un an… Elles ignoraient cela, puisque leur absence a duré dix-huit mois… C’était un ami sans doute…, un ami d’autrefois. Elles comptent sur lui pour un service,… peut-être tout simplement pour préparer leurs parents à les revoir… Elles trouvent le bastidou vide… Cela n’est rien, mais dans certaines circonstances, un grain de poussière embraie un moteur de 4.000 chevaux… La fêlure se produit…  ; à dater de cet instant, elles divaguent, confondent la réalité et leurs hallucinations…

— Vous l’affirmez ?

— Et je le prouve, Monsieur. De deux de leurs allégations que je pouvais contrôler, j’ai été amené à conclure à la fausseté de toutes les autres.

Le cœur de Max se contracta dans sa poitrine.

L’agent détruisait son rêve. Il ramenait à une chose, banale en somme, une aventure qu’il avait jugée mystérieuse et étrange.

— Quelles allégations ? fit-il d’une voix sourde.

— Celles-ci : La duchesse avait déclaré que la maison était meublée, tendue de riches étoffes, les planchers couverts de moelleux tapis. Elle avait affirmé que le docteur Rodel l’avait reçue ainsi que sa compagne… Pour un homme décédé depuis plusieurs mois, c’était très aimable ; mais parfaitement invraisemblable…

— Un criminel avait pu prendre sa place.

— Bien improbable, Monsieur. J’ai néanmoins procédé comme si cela était. Le docteur Rodel, toujours au dire de la pauvre femme, s’était rendu le jour même à Marseille, et avait expédié de sa part une dépêche en style convenu à un certain M. Dodekhan, à Calcutta. La réponse avait été apportée, le soir même, par un employé télégraphiste. Eh bien, Monsieur… Il a été impossible de retrouver trace du télégramme expédié à Calcutta…, impossible de retrouver l’agent qui a rapporté la réponse. Or, vous admettrez bien qu’un télégraphiste venant au bastidou Loursinade, où, depuis le trépas du vrai Rodel, le service n’appelait évidemment personne, n’aurait pas oublié pareille circonstance et se serait fait connaître.

— C’est vrai, consentit le romancier d’un ton navré.

— De même, poursuivit le policier…, une dépêche, en style convenu, c’est-à-dire bizarre, aurait attiré l’attention du commis qui l’a reçue… En admettant la perte de l’original même…

— Oui, oui.

— Donc, les pauvres petites dames sont absolument toquées… Votre ami, M. Lobster, a promis une grosse prime qui ne lui coûtera pas bien cher… J’espère seulement qu’il m’accordera une petite gratification, s’il est d’avis que mes renseignements offrent bien la physionomie réelle de l’affaire de la route d’Aubagne. Sur ce, Monsieur, à demain…

— Venez vers onze heures, il arrivera par le train de dix heures trente.

— Merci du renseignement, Monsieur… et bien votre serviteur.

Landré salua et gagna la rue. Sous le vestibule, Max demeurait absorbé.

— Oh ! grommela-t-il… Oui… les déductions de ce brave homme sont frappées au coin de la logique…, tout a pu se passer ainsi… et pourtant…

Il frappa du talon le dallage de marbre.

— Pourquoi le duc et la duchesse, nouveaux mariés, partis de Paris pour un voyage de noces sur les bords du Rhin…, ont-ils fait ce crochet formidable par l’Asie… ? Cela vient de Mona Labianov, de son fiancé Dodekhan, c’est un nom asiate, celui-là. La désinence khan semblerait même indiquer un originaire du Turkestan… Le Turkestan, territoire vaste comme quatre ou cinq fois la France, partagé entre l’empire russe et l’empire chinois… Dodekhan ! voilà le lien entre le Rhin et Calcutta…

La cloche l’interrompit, annonçant le dîner.

Tout préoccupé, le jeune homme gagna la somptueuse salle à manger de l’Hôtel Cosmopolitan. Mais, lui qui s’était promis de si bien dîner, absorba distraitement les plats artistement préparés composant un menu de gourmet.

Le repas achevé, Max monta enfin à sa chambre, répara le désordre de sa toilette, puis redescendit.

En remettant sa clef au bureau, il annonça qu’il se rendait au théâtre, où l’attendait un sien ami. Il termina par cette recommandation :

— Que l’on ne m’attende pas. Peut-être ne rentrerai-je que demain matin.

Là-dessus, Max s’en alla, entra au hasard dans le premier music-hall qu’il rencontra sur son chemin, assista au spectacle sans en entendre un mot, et, la représentation terminée, il se retrouva dans la rue.

— Minuit moins vingt, dit-il en consultant sa montre, le dernier tram pour la route d’Aubagne part à onze heures cinquante-cinq, après cela la route sera déserte. Je pourrai sans être remarqué visiter l’étrange bastidou.