Modernités/Parisiennes/Amour pur

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E. Giraud et Cie, éditeurs (p. 21).


AMOUR PUR


Elle est rousse, un peu maigre : un glauque caftan vert
Aux grands plis moirés d’ombre, ainsi qu’une eau dormante
De sa cheville grêle à sa nuque charmante,
Suaire étroit, l’étreint, à l’aisselle entr’ouvert.

Dans la fraîche harmonie adoucie et calmante
Des peupliers feuillus, dressés sur un ciel clair,
Pieds nus dans l’herbe haute, elle pose en plein air
Devant l’heureux rapin, qui la croit son amante.

L’homme est joyeux, ravi : l’ombre d’un vieux bouleau
La baigne en avivant le rose de sa peau :
Elle songe à Montmartre où, sous le froid qui tue,

Chétive, en waterproof, en souliers prenant l’eau,
Elle faisait le quart, adorée et battue
Par la Terreur d’Ivry, Rouquin dit Bonneteau