Monographie de l’abbaye de Fontenay/2-29

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Librairie Saint-Joseph (p. 184-187).

28e abbé

Jean Frouard de Courcelles-Grignon, 1459-1493

Jean était simple religieux à Fontenay à la mort de Simon. Il fut établi comme abbé par Humbert, général de Cîteaux et par le Chapitre général, contre Jean de Baigneux, à qui il fut défendu formellement de faire de nouvelles tentatives pour solliciter la dignité d’abbé. Cette nomination extra-régulière, la défense intimée à Jean de Baigneux, annoncent qu’il y avait au couvent quelques intrigues ou tiraillements intérieurs. La sagesse de Jean sut bientôt les apaiser et se concilier tous les cœurs[1].

Jean Frouard obtint de Sixte IV la permission pour ses moines de gagner l’indulgence du Jubilé sans aller à Rome. Cette faveur leur était accordée, à cause de la misère occasionnée par les guerres qui sévissaient toujours dans nos pays[2].

Charles VIII prend Fontenay sous sa protection et ordonne à tous ses débiteurs de payer promptement ce qu’ils devaient, s’ils ne voulaient pas encourir la colère royale. Cette ordonnance est datée de Dijon, 1482[3].

Jean était à peine installé qu’il intenta procès à deux habitants de Saint-Remy, Claude Aubry et Jean Cantat pour les obliger à restituer un cerf qu’ils avaient tué sur les terres de l’abbaye, près du rupt de Fontenay, et qu’ils avaient emporté au château de Montbard, afin d’échapper à la justice de l’abbé[4].

Il eut aussi un démêlé avec Jean de Pontailler, seigneur de Courcelles et Nogent, héritier de Dame d’Anglare de Coureelles. Il ne voulait pas permettre aux moines de réparer l’écluse qui conduisait l’eau au moulin Colle du Fain, malgré le droit qui avait été stipulé dans l’acte de donation[5].

Comme Jean Odinot et Mougenot des Morots fermiers (le Fontenay ne pouvaient plus ou ne voulaient plus cultiver les terres de l’abbaye, Jean Frouard les amodia à Jean Gradelet. Cette amodiation fut soumise au Chapitre général de Cîteaux qui délégua les abbés de Longuaï, de Quincy près de Tanlay, pour examiner si cette concession n’était pas contraire aux intérêts du couvent. Il amodie aussi à Simon Susseret et à Jean, hommes du couvent quelques terres sur Marmagne ; à Adam Leclerc, curé de Duesmes pour 12 gros tournois toutes les dîmes qu’il levait à Quemignerot ; à Pernot Linotte pour 29 ans le moulin et le foulon de Choiseau contre 13 setiers de froment, une pinte d’huile, et vingt-cinq livres de chanvre à fournir à la Purification. Il donne aux habitants de St-Remy et Blaisy le droit de pêcher dans la rivière et le ruisseau de Fontenay pour 12 livres tournois qui sont destinées à couvrir la grange du Château. Cet acte fut collationné en 1750 et porte l’empreinte d’une image de la Sainte Vierge, d’un saint de l’Ordre et au bas deux barbeaux adossés l’un contre l’autre. (Archiv. de St-Remy.)

En 1485, Fontenay donna l’hospitalité au cardinal Anchet qui venait du concile de Lyon et qui apportait les reliques de saint Urse, patron de Montbard. Saint Urse était un prêtre Écossais qui s’était retiré dans la cité d’Aoste où il mourut en odeur de sainteté. Ces reliques reposèrent quelque temps dans l’église abbatiale, et ensuite furent portées solennellement à Montbard par Antoine de Chalon, évêque d’Autun, accompagné de plusieurs autres évêques qui accordèrent une indulgence de 40 jours à tous ceux qui les visiteraient aux grandes fêtes de l’année. (Arch. de Montbard.)

Sixte IV, en 1475, permit au général de Cîteaux de dispenser les religieux de son ordre de l’abstinence de viande plusieurs jours de la semaine à condition qu’ils ne mangeraient pas de poisson tous les jours. Cette restriction ne serait-elle pas l’origine de la défense d’avoir poisson et viande au même repas du carême ?

Jean Frouard, avec les autres abbés de la Bourgogne, assistait à l’entrée de Charles le Téméraire à Dijon, le 23 janvier 1473. (Courtépée. 1. vol. 213.) Peu d’abbés ont su mériter un éloge aussi pompeux que Jean Frouard : « L’an de grâce 1492, 26 du mois d’août, frère Jean de Courcelles, abbé de Notre-Dame de Fontenay, en son vivant, était aimé des plus grands seigneurs de France et de Bourgogne et généralement de tout le monde. 1o Il a mis en bon état et réparation les étangs et moulins de la dite église, et après il a mis sus le dortoir qui avait été brûlé, et après il édifia les belles chambres de l’abbé, et plusieurs autres grands édifices qu’il serait trop long de raconter : 2o Touchant ses frères et ses enfants, il les a entretenus toujours en bonne paix et amour, comme un chacun le sait, et sans aucune rudesse. Je prie Dieu qu’il veuille mettre son âme en la gloire et la joie du Paradis. » (Bigarne, notaire de la maison.) Ceci est tiré du manuscrit de Châtillon.

Jean était docteur en théologie.

Multa ad utilitatem Fonteneti fecit, jacet in capitulo. Vir nunquam satis laudandus, obiit 1492.

  1. Gall. Christ. Série des abbés.
  2. Cart. de Font. 37.
  3. Cart. de Font. 11.
  4. Cart. de Montbard, 62.
  5. Cart. du Fain, 208. passim.