Muses d’aujourd’hui/Jane Catulle Mendès

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Mercure de France (p. 173-188).


JANE CATULLE MENDÈS

PORTRAIT par gustave brisgand

ET AUTOGRAPHE


Autographe
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Portrait
Portrait


La poésie de Mme Catulle Mendès est un jardin plein de clarté, où les sentiments et les émotions de l’heure se dessinent et se détachent nettement dans les paysages, comme des fleurs au bout des tiges et des branches. La vie de cette Muse semble enclose dans ce parc harmonieux où rêvent en jupe courte les tendresses de la jeune fille, et où, demain, s’épanouiront les sensualités hautaines de la femme. La poétesse nous restitue, par ses vers, la lumière qui accompagna chacun de ses gestes, avec les nuances des instants, et cette lumière est la reverbération même de son émotion. Avec quels mots de fraîcheur, et comme mouillés de rosée, elle a su noter une matinée de son enfance : toutes les fleurs du jardin penchent sous les pollens du désir, et toute cette lourdeur d’amour pèse sur elle. C’est le premier poème des Charmes :

Les lilas blancs piqués d’abeilles courageuses
Sentent une tiédeur sur les branches neigeuses
Comme un souffle d’amant sur un cou qui s’incline.
Et les pas de l’enfant qui rêve
S’alanguissent encor, encor
Tandis que sa traîne soulève
Plus doucement le sable d’or.

On dirait un matin de Monet ; mais ici la nature s’éblouit encore du rêve d’une enfant amoureuse et inquiète :

Quelle annonciation, qu’elle attente éperdue
Fait ce silence au cœur des plus vivantes choses ?
Les bourdons sont sans bruit sur les boutons de roses.

La jeune fille entre dans le jardin. Près des lys, les pivoines « semblent de grands péchés au pied de purs autels ». Elle cueille les lys, « parce qu’ils sont plus blancs que la clarté du jour », et les emporte dans ses bras :

Autour d’elle et des fleurs s’épaissit la buée
Et la grosse chaleur des parfums amollis,
Et longtemps, l’espéreuse adore, exténuée,
Le mal du rêve vain et de l’odeur des lys.

Les lys, comme les jeunes filles dont ils symbolisent l’innocence, enferment l’odeur de l’amour. Elle écoute :

Au dehors le jardin et le grêle tumulte
Est une sérénade au balcon déserté,
Et la pièce fermée où le silence exulte
S’emplit de frissons lents et de mysticité.

Mais cette orchestration d’odeurs et de couleurs, ce silence mystique où elle se développe, ne font que préciser le seul désir vivant au cœur des jeunes filles : l’amour. Elle l’attend ; elle sait qu’il va venir, et c’est une peur délicieuse : « Un jour il sera là. » Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/204 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/205 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/206 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/207 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/208 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/209 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/210 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/211 Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/212