Nadine (Masoin)/2

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Henri Lamertin, éditeur (p. 25-39).

CHANT II

LES AVEUX


Le printemps rayonnait, et là haut le soleil
Riait comme un enfant d’un gros rire vermeil
Qu’accompagnaient gaîment les perles des rivières
Et les fleurettes d’or entr’ouvraient leurs paupières.
Les vieilles gens sentaient dans leurs veines couler
Le vin de l’espérance, et leurs rêves ailés
Regardaient se tisser les furtives nacelles
Que suspendait aux toits le bec des hirondelles.
Les étables s’ouvraient, et chèvres, et béliers,
Et vaches au poil roux, suivis de leurs bergers,
Emplissaient les chemins de leurs ombres mouvantes.
Et l’on voyait au loin s’égrener sur les pentes
Les troupeaux qui paissaient l’herbe humide des nuits.
Un murmure confus de chansons et de bruits

Courait, léger, dans l’air, et par-dessus les haies
Les bras des crucifix aux lamentables plaies
Bénissaient le bonheur qui passait dans le vent.
Toute vie espérait comme au soleil levant.

Par les soirs, veloutés comme des fruits d’automne,
Quand les rameaux pensifs de mystère frissonnent
Nadine attendait l’heure où Pierre à son retour
Éveillait le chemin du bruit de son pas lourd.
Et l’entendant venir elle courait, agile,
Au devant de l’ami sur la route tranquille.
Un bonsoir amical tintait comme un baiser,
Et cette vision suffisait à bercer
De bonheurs entrevus le sommeil de ses rêves.
Dans les matins légers, diligente et sans trêve,
Elle ornait la maison des fleurs de son courtil,
Veillait à chaque chose : entr’ouvrait le fenil,
Jetait aux coqs bruyants les graines coutumières
Et sur l’herbe des prés dans des flots de lumière
Alignait au soleil l’éclat des linges blancs.
On entendait son pas, sa voix, ses chants
Dans toute la maison dont elle était la vie ;
Puis elle s’en allait de tendresse fleurie
Porter à sa malade un rayon de bonheur
Dans l’ombre où s’éteignait de ses yeux la lueur.
or, un jour, tristement, sur le toit des chaumines
Descendirent les voix des cloches argentines

Dont les rumeurs disaient que des yeux s’étaient clos,
Fermés à tout jamais dans l’éternel repos.
Nadine accompagna le funèbre cortège
Qui cheminait en paix par les sentiers de neige
Qu’avril avait semée à l’entour des pommiers.
Elle resta longtemps sur la tombe à prier
Et, chaque jour, quand l’aube avait baigné de perles
Les lilas frissonnant de la chanson des merles,
Allant au cimetière où s’étageaient au fond
Les maisons, les coteaux couverts d’un voile blond,
Elle posait près de la croix, entre les herbes
Des fleurs de son jardin une fidèle gerbe.
Quand venait le dimanche aux pieuses candeurs,
Belle comme les lys aux robes de blancheur,
Nadine retirait de l’armoire de chêne
Ses modestes bijoux : la médaille et la chaîne
Qui venaient de sa mère et les mettait au cou,
Puis, ajustant sa coiffe où quelques cheveux fous
S’échappaient en fils bruns ainsi que des brindilles
S’éparpillent aux bords des nids, la jeune fille
Prenait dans le placard le missel à fermoirs
Et partait vers l’église aux parfums d’encensoir.
Tandis qu’elle marchait avec sa vieille tante
Appuyée à son bras, les cloches palpitantes
Bondissaient à l’appel des gars endimanchés
Qui à longs coups de bras, sous le porche penchés,

Tiraient jusqu’au parvis les cordes frémissantes.
Dans l’église de paix, sa tête adolescente
Se courbait sur son livre ainsi que les roseaux
Au souffle des printemps se penchent sur les eaux.
Mais lorsque, du jubé, les mots jetés par Pierre
Chantaient sur tous les fronts leur ardente prière,
Comme un flux balançant de la nef à l’autel
Des fois et des espoirs le murmure éternel,
Alors, fermant le livre et ses yeux pour l’entendre
Cette voix lui semblait du paradis descendre.


Les semaines passaient sans tumulte et sans bruit
Comme des clairs de lune au seuil des pâles nuits.
Toujours tournait gaîment au moulin
la Rilette
La roue éclaboussant de l’or en gouttelettes
Et rythmant, comme un cœur, son tic-tac cristallin.
Et l’on voyait aller dans la cour du moulin
Maître Piquin comptant de ses gros sacs la somme
Rangés contre le mur ainsi que des bonshommes
De neige, tandis que son fils Pierre attelait
Au chariot poussiéreux Bayard, le cheval bai
Qui, d’un pas régulier, menait au voisinage
La farine et le son. On voyait l’équipage
Disparaître bientôt derrière les sapins
Dont les mains se joignaient par-dessus le chemin
Dans l’ombre où mille nids trépignaient de leurs ailes.
Alors, maman Piquin, d’une main maternelle,


Montrait avec orgueil son garçon au meunier
Et disait :
_______— Il est temps de songer à marier
Notre gars. Il faudra qu’on lui cherche une épouse
Puisqu’il n’y songe pas ; à moins qu’on ne l’y pousse.
Sais-tu qu’à la Saint-Jean il aura vingt-trois ans ?
Vois comme il est bâti ! C’est un homme à présent !

— Femme, dit le meunier, ne sois pas inquiète :
L’oiseau vole à son nid, l’eau vient sur la palette,
Le blé court à la meule, et jeunesse à l’amour ;
Notre fils y viendra, comme nous, à son tour.

— C’est vrai, reprit la mère, on va où ça nous pousse
Et souvent sans qu’on aille y aider de son pouce,
Mais la bonne farine est fille de bon grain
Or c’est dans ce sac-là qu’il faut plonger la main
Pour que Pierre ait la femme à tenir son ménage.

— Bah ! repartit maître Piquin, en homme sage
Il ira aux écus. N’est-il pas riche, lui ?
Voyons, nous lui donnons le verger et ses fruits,
Deux prés, nous ajoutons les huit blanches génisses,
Sans parler du moulin dont tout le bénéfice
Lui reviendra plus tard. Va, le fermier Mathot
En lui faisant l’œil doux n’est certes pas un sot !

— Tu as raison, le père, on a de l’expérience
Mais jeunesse aujourd’hui n’a point même prudence

Comme au temps d’autrefois on se croit plus malin
Et que père et que mère, et nos gars sont enclins
À n’agir qu’à leur guise. Aussi veillons que Pierre
Suive nos volontés,
Suive nos volontés, — Ainsi sera, j’espère,
Dit le meunier. Crois-tu qu’il ferait autrement ?

— Je ne sais ; mais on dit qu’on l’a surpris souvent
Jasant avec Nadine et même qu’à la fête
Il se serait vanté d’avoir fait sa conquête.
La fille est fort habile !
La fille est fort habile ! — Ah ! ça ! fit le meunier
Fronçant le sourcil et d’un geste coutumier
De colère, jetant son bonnet sur la table,
Je voudrais bien l’y voir ! Nous croit-elle capables
De la prendre pour bru ? Une fille sans sou
Qui sait à peine lire et qui vit dans un trou !
Ah ! non, mille fois non !… Assez de bavardage
Donne aux poules le grain, je retourne à l’ouvrage.

On entendit son pas sonner sur l’escalier
Tandis que répondant à l’appel familier
Au seuil de la maison accouraient coqs et poules
Caquetant, trébuchant, s’enflant comme une houle.
Ils picotaient les grains, cou tendu, bec hâtif,
Hérissant leurs duvets aux affamés tardifs
Et là-bas ruisselait dans l’or de la lumière
L’éternelle chanson des flots de la rivière.

Dans les prés l’herbe est haute, et ses cheveux épais
ondulent caressés par la brise de mai.
Les faucheurs sont venus ; ils marchent en mesure
Et couchent sous la faux les toisons de verdure.
Ah ! le fermier Martin peut se frotter les mains
À voir le long du pré s’aligner les andains.
Comme une pièce d’or sa figure rayonne ;
Il encourage l’un, il gourmande, il ordonne
Et les faux et râteaux étincellent dans l’air
où passent frémissant leurs rapides éclairs.
Tout se rit de couleurs ! Un rayon d’or voyage
Des faucheurs aux bras nus aux pourpres des corsages.
Il tisse un rideau d’ombre au bord des grands chapeaux
Et taille à sa clarté le geste des râteaux.

Voici qu’au bout du pré, par la barrière ouverte
Soudain paraît Nadine. Elle est toute couverte
De sa blonde jeunesse, et, jalouses, les fleurs
Lèvent toutes le front pour admirer leur sœur
Franchissant les andains elle marchait légère
Vers le fermier Martin, comme une messagère
De printaniers bonheurs, et la voyant venir
Le fermier caressant un rêve d’avenir
Souriait largement en s’avançant vers elle.
Et d’aussi loin qu’il put :
Et d’aussi loin qu’il put :— Bonjour, Mademoiselle,
Cria-t-il. Venez-vous prendre part aux travaux ?
Aucun bras n’est de trop, tant l’herbe par monceaux

Entasse ses toisons.
Entasse ses toisons.— Non, dit la jeune fille,
Vous êtes trop gourmand. Je n’ai qu’une faucille ;
Elle me suffira, si vous le voulez bien
À couper un pied d’herbe, et pour vous, ce n’est rien,
Il m’en faudra si peu pour la pauvre Suzanne !

— Pourquoi, dit le meunier, rester en sa cabane ?
Ne pourrait-elle donc dans mon champ travailler ?
Serait-elle malade ? Ou ses bras sont rouillés ?
Faudrait-il maintenant que j’aille en chaque chaume
Secouer dans leur lit les paresses qui chôment ?

— Non pas, mais un garçon lui est tombé du ciel ;
C’est le sixième. Alors, il est tout naturel
Qu’elle reste au logis… Et sa chèvre plaintive
Bêlait à fendre l’âme en l’étable captive.
N’avez-vous pas de quoi fleurir le râtelier ?

— Brave cœur ! dit Martin, prenez, coupez, taillez,
Tout mon champ est à vous. Comme vous êtes bonne !
Et songeant en lui-même il se disait : Personne
Ne saignerait au cœur si tous étaient ainsi.

Nadine en souriant dit au fermier : Merci !
Puis elle se mêla aux travailleurs rustiques.
Courbée, elle tranchait d’un mouvement rythmique


La verte chevelure, et dociles tombaient
Les touffes sous ses doigts. Elle les étendait
Sur un drap blanc de neige, y entassait les gerbes
Plongeant à pleines mains dans l’arôme des herbes,
Puis ayant pris les bouts joints par un nœud serré
Sur l’épaule elle tint son fardeau assuré
Et s’en fut. Le soleil achevant sa carrière
Allongeait le profil de ses formes légères.

Heure douce et sereine ! Aux rayons du couchant
S’empourpraient les taillis d’où pleuvaient mille chants
Et des rires rosés perlaient de la rivière
Qui bondissait joyeuse au seuil de chaque pierre.
Toute chose exhalait des parfums de bonheur
Et Nadine sentait comme pleurer son cœur,
Et des ailes battaient dans son âme, vibrantes.

Oh ! la mélancolie aux douceurs enivrantes
Qui pèse sur nos fronts couronnés de vingt ans
Quand montent dans le soir les encens du printemps !
Comme elle nous étreint de ses baisers de femme
Sans qu’on sache comment ni pourquoi dans notre âme,
Comme un rayon de lune au sein profond des eaux,
Elle verse son rêve et les désirs nouveaux,
Pourquoi le ciel criblé de paix et de mystère
Vêt-il nos pauvres cœurs d’éternelles chimères ?
Et pourquoi suffit-il d’une étoile aux yeux doux
Pour pleurer de bonheur en tombant à genoux ?


Là-bas dans le couchant, dormaient les toits tranquilles
Leur aile repliée ; un clocher immobile
Trouait les champs d’azur de sa lame d’argent
Et les splendeurs du soir dans la pourpre nageant
Mouchetaient les taillis d’ardentes étincelles
Et tissaient à leur front des trames de dentelle.
Nadine s’avançait. Aulnes et noisetiers
Tendaient leurs bras touffus sur l’ombre du sentier
Dont le fil ondulait comme le cou d’un cygne.
Là-haut se pourchassaient dans les clartés insignes
Les hirondelles, et des vols de moucherons
Palpitaient au plaisir de leurs valses en rond.
Les forêts embaumaient de leur suave haleine
Et d’une immense paix l’heure était toute pleine.
Nadine dans son cœur suivait les voix du ciel,
Du printemps, de la terre ; et des douceurs de miel
Dans son âme coulaient toute heureuse de vivre.
Jamais rêve plus pur n’ouvrait un plus beau livre !

Elle atteignit bientôt les bras du carrefour
Qu’un vieux chêne tordu ombrageait alentour ;
Sous son dôme pleurait la détresse poignante
D’un crucifix de bois aux blessures saignantes.
Ayant posé son faix, Nadine vint s’asseoir
Sur le talus de mousse aux derniers feux du soir.

En ce moment un pas retentit sur la route,
Une lèvre chantonne et Nadine l’écoute.


Elle la reconnaît, c’est Pierre, c’est l’aimé !
Le voici qui s’avance, il paraît tout charmé
De l’heureuse rencontre et vient s’asseoir près d’elle
Et les mots aussitôt volent comme des ailes.
Soudain Pierre se tait, Il veut faire l’aveu
Qui tourmente ses jours, mais les mots sinueux
Comme des oiseaux pris à la glu, s’embarrassent,
Se brouillent dans sa tête, et l’aveu, quoi qu’il fasse,
Des palais de son cœur hésite à s’envoler.
Notre amoureux bégaie, incompris, désolé ;
Il est comme un poète en quête d’une rime
Parmi les mots épars et tous leurs synonymes.
Il s’attarde à l’un, à l’autre, et Nadine rit,
Feint d’entendre autrement le sens des mots meurtris.
Enfin n’y tenant plus, sentant battre en lui-même
Les tambours de l’audace, il lui dit : Je vous aime !

Nadine a frissonné, son front est incarnat ;
Mais le trait est lancé, rien ne l’arrêtera.
Pierre aussitôt reprend d’une voix assurée :
— Je vous aime, Nadine, et la longue durée
D’un amour que j’ai tu doit finir aujourd’hui.
J’ai beau faire, partout votre image me suit
Comme l’ombre le corps ; et tantôt je suis triste,
Tantôt je suis joyeux sans qu’une cause existe.
Si j’entends les ruisseaux chanter dans les roseaux
Les ruisseaux sont ta voix. Si le front des bouleaux


Palpite dans le vent, c’est ton pas que j’écoute ;
Et quand l’aube blanchit les parvis de la route
Ou lorsque le soleil rougit le seuil du soir,
C’est ton front, c’est ta joue, alors, que je crois voir.
Et quand les astres d’or percent la voûte sombre,
C’est encor ton regard que je cherche dans l’ombre.
Ah ! les longs jours d’attente et les nuits sans sommeil !
Si les chemins parlaient à des sources pareils,
Ils te diraient un nom que les fleurs entendirent
Quand l’aurore surgit ou que le soir expire ;
Et c’est pourquoi, sans toi, il n’est plus de bonheur ;
Ma vie est dans tes mains. Tu fus plus qu’une sœur,
Maintenant, le veux-tu, tu seras mon épouse ?

En entendant couler si plaintives, si douces,
Les paroles d’amour, Nadine regardait
Vaguement les taillis profonds de la forêt ;
Mais, plus près de son œil, passaient enchanteresses
De molles visions aux candides jeunesses
Glissant sur des chemins de roses et de lys
Comme des barques d’or sur des flots de rubis
Et tendant à sa lèvre une coupe profonde
Où le bonheur tremblait comme à la brise l’onde.

— Pierre, répondit-elle, il est bien mal à vous
De me parler ainsi. Vous ? devenir l’époux
D’une fille sans dot ? Tant d’autres ont richesse
Et beauté plus que moi. Voyez comme on s’empresse

Partout autour de vous. Quoi ! le fils du meunier
Descendre jusqu’à moi ? M’épouser ! Vous riez ?
Non, Pierre, ce bonheur auquel j’avais pu croire
Et rêver un moment — parfois la vie est noire
Et l’âme s’abandonne aux espoirs les plus fous —
Ce bonheur que je vois posé à mes genoux
N’est pas pour moi. Non, Pierre, il n’est pas pour Nadine !
Voyez donc qui je suis. Sans nul bien, orpheline,
N’ayant d’autre foyer que celui que m’offrit
Une sœur de ma mère ; et puisqu’elle me prit
Près d’elle en sa demeure, abritant mon enfance
Malgré qu’elle fût pauvre, il me reste, je pense,
À suivre à ses côtés le chemin de ses jours,
Afin qu’aux soirs de neige, étant vieille à son tour,
Je lui rende, au seuil de son tombeau, les caresses
Qui furent sans compter les uniques richesses
Dont elle enveloppa le ciel de mon berceau.
Ainsi je coulerai mes jours comme un ruisseau,
Doucement, ne cherchant qu’à semer de la joie
Auprès des pauvres gens que le malheur rudoie ;
Et plus tard, s’il le faut, j’engagerai mes bras.
Vous serez marié ; vous aurez, n’est-ce pas,
oublié votre amie auprès d’une autre femme ?

— Quoi ? Nadine, alors que j’ai versé mon âme
Aux pieds de l’espérance, il n’est point d’autre mot
Que tu puisses trouver ? Te faut-il des sanglots,

Des larmes ou des cris ? Vois donc comme je tremble,
Comme un enfant la nuit ou les feuilles du tremble !
Que m’importent la vie et ses jours de soleil
Si tu n’es pas pour moi leur seul rayon vermeil ?
C’est toi ! toi que je veux. Que me font tes paroles,
Ta fortune, ton nom ? Accorde-moi l’obole
Seulement de ton cœur, c’est assez, et c’est tout !
Ta tante, si tu veux, nous la prendrons chez nous,
Et je serai son fils comme tu es sa fille.
Ne refuse donc pas mon cœur, je t’en supplie,
Car alors je croirais que tu ne m’aimes pas !

— Moi ! ne pas vous aimer ! Dites cela bien bas,
Car vous n’y croyez pas, vous ne pouvez y croire !
Comment serais-je ici, auprès de vous, à boire
La musique des mots si mon rêve amoureux
Sur leur aile d’azur ne volait avec eux ?
Mais ce rêve est trop beau, et les plus beaux des rêves
Sont ceux qui n’ont jamais abordé à la grève…
Croyez-vous amener à votre volonté
Celle de vos parents ? Vous serez rebuté…

— Mais s’ils y consentaient, dit Pierre, est-ce ma vie
Ouverte à l’espérance ?
ouverte à l’espérance ? — oui, dit la jeune fille,
À l’espérance et à l’amour !
À l’espérance et à l’amour ! — Alors, c’est dit,
Tu deviendras ma femme.
Tu deviendras ma femme.Et dans ses doigts il prit


Une petite main et tremblante et craintive
Comme une aile d’oiseau qu’une main tient captive,
Et si la nuit n’avait noyé d’ombre les bois
Pierre aurait vu perler une larme d’émoi.
Ils prirent par les nœuds la charge plus légère,
Entrelaçant leurs doigts ; et puis ils s’en allèrent
Par les chemins heureux aux regards de la nuit
Qui semait le mystère et les astres, sans bruit,
Comme des perles d’or ou des larmes divines
Et le bonheur pleurait dans le cœur de Nadine.