Noëls anciens de la Nouvelle-France/appendice/2

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Dussault & Proulx, imprimeurs (p. 193-194).
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La seconde photogravure représente une statuette de l’Enfant Jésus appartenant à la chapelle de la Mission huronne de la Jeune Lorette.

Ce bambino a-t-il une histoire ?

Suivant la tradition huronne, cette statuette de l’Enfant Jésus fut apportée de France au Canada par le Père jésuite Paul Le Jeune, en 1632. Quelques années plus tard, 1637, à la fondation de la mission algonquine de St-Joseph de Sillery, le Père Le Jeune en fit cadeau à la chapelle où elle demeura jusqu’en 1673.

Nous connaissons les migrations nombreuses des Hurons. Chassés de leur pays par les féroces Iroquois, ils arrivent à Québec le 23 juillet 1650. L’année suivante, 1651, ils s’établissent à l’Ile d’Orléans. Six ans plus tard, en 1657, ils reviennent à Québec. En 1668, nouveau départ de la tribu qui se rend à Notre-Dame de Foy.

Or, la mission huronne de Notre-Dame de Foy était desservie, en 1673, par les Jésuites qui résidaient à la mission algonquine de St-Joseph de Sillery, comme le prouvent incontestablement les Relations inédites de la Nouvelle-France, 1672-1679 :

“ Vers la fête de la Toussaint, de l’année 1673, les chemins étant très mauvais, et les Pères chargés de cette mission demeurant pour lors à Sillery, qui est à une demi-lieue de Notre-Dame de Foy, avaient bien de la peine à s’y rendre, comme ils y étaient souvent obligés plusieurs fois par jour.”[1]

Cet inconvénient fut peut-être la raison d’une sixième exode de la tribu huronne, qui, cette fois, alla s’installer à l’Ancienne Lorette. Et ce fut probablement à cette occasion que la statuette de l’Enfant Jésus fut donnée aux Sauvages de Notre-Dame de Foy en souvenir des Jésuites de Sillery et des bonnes relations de voisinage établies entre les Algonquins et les Hurons. On était alors bien près du Jour de l’An (la tribu émigra le 29 décembre 1673) et les bons Pères ne voulurent pas laisser partir sans une étrenne leurs chers enfants de la forêt.

Les Hurons vécurent à l’Ancienne Lorette jusqu’en 1699, année où ils déménagèrent, une septième fois, à la Jeune Lorette. Leur installation y paraît bien définitive et permanente, car elle compte aujourd’hui deux siècles révolus. Le bambino historique du Père Le Jeune les y a suivis. Il demeura, jusqu’au 10 juin 1862, dans leur chapelle qu’un désastreux incendie dévora malgré les plus énergiques efforts apportés pour le combattre. Par bonheur, on réussit à sauver le trésor archéologique de l’église, et, avec lui, l’admirable statuette de l’Enfant Jésus, une merveille de sculpture en bois, un pur chef-d’œuvre d’art français. Monsieur le notaire Paul Picard Tsa8enhohi, de la Jeune Lorette, en est actuellement le possesseur. Il la garde avec un soin jaloux. La vigilance du dragon qui défendait les pommes d’or au jardin des Hespérides n’est que de la trahison, comparée à la sollicitude de Tsa8enhohi, l’homme qui voit clair, l’œil de vautour. « Mon frère » Paul justifie son nom de baptême, le nom parlant donné par la tribu.

  1. Vol 1er pagre 299, Douniol, éditeur, Paris, 1861.