Notes sur le Grand-Pressigny et ses environs (4)

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Notes sur le Grand-Pressigny et ses environs (4)
Bulletin de la Société archéologique de TouraineVIII (p. 368-384).
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Notes sur le Grand-Pressigny
et ses environs


Commune du Grand-Pressigny


Suite[1]

Lieux divers

Les articles précédents font connaître ce que le bourg, ou, si l’on veut, la petite ville du Grand-Pressigny présente de plus intéressant à signaler. Nous citerons maintenant quelques propriétés rurales, dont l’origine remonte à l’époque féodale, et pour terminer, nous relaterons un certain nombre de faits que les archives locales ou la tradition nous ont révélés.

1. — Saint-Martin

Le petit bourg de Saint-Martin, situé à un kilomètre du Grand-Pressigny, a été chef-lieu de paroisse et de commune. La commune portait le nom de Saint-Martin d’Étableau ; en 1812 elle fut réunie à celle du Grand-Pressigny. La paroisse, qui était anciennement distincte de celle d’Étableau et portait le nom de Saint-Martin de Pressigny, vit s’adjoindre Étableau dans sa circonscription ; elle prit alors le nom de paroisse de Saint-Martin d’Étableau, mais dans ces derniers temps elle fut à son tour supprimée et réunie à celle du Grand-Pressigny.

D’après Dufour[2], Guillaume de Pressigny, à la demande de Rainald ou Renaud abbé de Pontlevoy, fonda à Pressigny un monastère, et comme l’abbaye de Pontlevoy jouissait encore à l’époque de la Révolution du bénéfice curial de l’église de Saint-Martin, il est vraisemblable que ce monastère a dû être placé sur le territoire de Saint-Martin, et que le bourg de Saint-Martin s’est créé à la suite de la fondation de cet établissement religieux.

De ce bourg il ne reste plus que l’église, le presbytère, la propriété des Plantes et celle de la Groitière.

Église. — L’église de Saint-Martin est encore debout. Elle appartient au style roman. Lorsqu’elle cessa d’être affectée à l’exercice du culte, elle devint la propriété de la famille Vigeant qui la convertit en grange. La suppression de son clocher ne fut pas la seule mutilation qu’elle éprouva ; cependant, malgré les outrages que le temps et la main des hommes lui ont fait subir, elle n’en est pas moins intéressante à visiter. Son propriétaire actuel, M.  Breton, arrivera, nous n’en doutons pas, sinon à la restaurer d’une manière complète et à la remettre dans son état primitif, du moins à la réparer et à la maintenir dans de bonnes conditions de conservation.

Ce n’est pas dans l’église de Saint-Martin que les barons de Pressigny avaient leur sépulture, mais bien dans le caveau qui existe au-dessous de leur chapelle seigneuriale dans l’église du Grand-Pressigny.

De notables réparations ont été faites à l’église de Saint-Martin en 1778 ; une note de M.  Drouard, curé de la paroisse, fournit à ce sujet les renseignements suivants :

« Le 16 décembre 1778, M.  Drouet Charles, expert à Loches a fait la réception des réparations faites au chœur et au clocher de cette église, faites par Jean Dubois, adjudicataire des dites réparations suivant l’acte du 21 mai 1778, reçu par Me  Chevrier, notaire royal à la résidence de ce lieu, à la requête des décimateurs de cette paroisse, ainsi qu’il résulte des écrits que j’ai joints aux titres de cette cure. Je souhaite à mes successeurs qu’ils ne se trouvent jamais en pareil cas : le clocher entier était dans une ruine totale ; j’ai fait mon possible pour le faire construire solidement. Quoique je n’en aie pas fait tous les frais il m’en a bien coûté de la dépense extraordinaire et de l’embarras pour y pourvoir. Dieu le conserve ! Il reste maintenant les réparations de l’église et du cimetière qui n’est nullement clos. L’adjudication en est donnée à Dominique Blanchet, charpentier à Pressigny, du 8 mars 1778, ainsi qu’il appert par le procès-verbal d’adjudication. Je n’ai pas voulu comprendre les réparations du presbytère dont les gros murs et la charpente tombent également en ruines, par ménagement pour les habitants[3] ».

Curés. — Nous n’avons que très peu de renseignements sur les curés de Saint-Martin ; nous nous bornerons à citer les suivants :

1738. — Delamotte, curé et bachelier en Sorbonne. Il a commencé le premier à dire la Passion dans cette paroisse en 1738.

1757. — Charles Barat. — Il quitta en 1557 la cure de Saint-Martin d’Étableau pour aller occuper celle de Saint-Venant. Il eut pour successeur M.  Chevalier, chanoine de l’église de Saint-Martin de Tours en 1769.

1774. — Pierre Chevalier, né à Sainte-Maure. Il mourut le 20 décembre 1774, âgé de 70 ans. Son successeur, M. Drouard, laissa sur les registres de l’état civil une note nécrologique que nous transcrivons :

« Le sieur Chevalier, vivant curé de cette paroisse, natif de Sainte-Maure, âgé de 70 ans, a édifié son peuple par les exemples de vertu qu’il lui donna et par les solides instructions dont il le fortifia pendant sa vie. Son corps repose en cette église au bas du... au milieu do la dernière marche, en descendant sous la grosse tombe. Prions Dieu pour le repos de son âme. Il décéda le 20 décembre 1774 à onze heures du matin et fut inhumé le 22 à midi par Messieurs les curés et prêtres du Doyenné, et notamment M.  Ferrand, curé de Ghaumussay, qui en fit la cérémonie. Son zèle pour le salut des âmes, sa patience dans les souffrances, son humilité, sa charité envers le prochain et particulièrement en faveur des pauvres entre les mains desquels il dépensa souvent la plus grande partie de ses propres ressources, sont autant de vertus qui excitèrent le cri public en témoignage de leurs justes regrets au moment de ses obsèques. Fasse le ciel que fidèle à la grâce du seigneur, après avoir été le témoin de ses belles qualités et particulièrement de sa solide piété je ne sois pas l’infructueux admirateur, et que devenant son successeur en vertu de la nomination faite par Mgr  Charles Gilbert de Termont, évêque de Blois, en date du 22 décembre 1774 et la prise de possession le 29 janvier 1775, par Thierry, notaire apostolique à la Haye, je puisse aussi l’imiter dans ses vertus pour le salut de mon âme et le bonheur de ceux qui me sont confiés. Ce sont les vœux, la grâce que demande au Seigneur celui est votre serviteur. » (Signé) « Drouard, curé de Saint-Martin d’Étableau ».

1774. — Louis Jacques Drouard, dont la nomination vient d’être indiquée.

Le Dictionnaire géographique d’Indre-et-Loire[4] indique comme prédécesseurs des curés qui viennent d’être nommés, les suivants :

1579. — Jacques Roy ;

1604. — Noël Moreau ;

1638. — François Auvray ;

1664. — Briu Marchand ;

1692. — Charles Chauvin ;

1705. — Jacques Chevrier ;

1733. — Antoine Mousnier.

Presbytère. — Le presbytère, devenu la propriété et l’habitation de M.  Vigeant-Moreau, a été acquis ensuite par M.  Breton-Dubreuil. Il est situé à côté de l’église.

Il a fait l’objet, de la part des curés de Saint-Martin, de plusieurs notes [5] que nous relevons ici.

I. — Le 18 de juillet 1780, la grange de la cure a été refaite entièrement par Jean Desccoux et Saturnin Robin, maçons au Grand-Pressigny, Dominique Blanchef, charpentier, le tout à mes dépens. Je l’ai fait faire avec plaisir pour moi et mes successeurs curés. Je me suis appliqué à y donner autant de solidité qu’il a été possible et.... » (le surplus rayé et illisible).

II. — « J’ai fait construire à neuf les écuries, cellier, murs de cour et portail, et grande porte de la cure dans le courant de mai et mois suivant 1782, le tout à mes dépens, ainsi que la grange. » (Signé) Drouard, curé.

III. — « Les murs de clôture du parterre ont été faits à neuf en la’présente année 1783, à mes dépens. » (Signé) Drouard.

IV. — « J’ai fait construire à neuf dans le courant du mois d’août et septembre de la présente année 1786, la boulangerie, four et commodités de la cure de Saint-Martin d’Etableau, le tout à mes dépens. » (Signé) Drouard.

V. — « En la présente année 1788 le presbytère de cette cure de Saint-Martin d’Etableau a été construit à neuf par Dominique Blanchet, entrepreneur. »

Cimetière. — L’emplacement qu’occupait le cimetière de Saint-Martin d’Etableau. est resté sans aucun signe qui puisse le faire reconnaître. Des fouilles faites dans la partie occidentale plantée en bois de l’enclos de la Groitière, appartenant à M.  Breton, ont fait découvrir plusieurs tombeaux et ont mis à jour un nombre assez considérable d’ossements humains. Il est probable que le cimetière occupait autrefois ce terrain ; on retrouve aussi quelques vestiges de sépultures dans le voisinage de l’église.

Les Plantes. — La maison située en face de l’église, appelée les Plantes, paraît fort ancienne. Son architecture, sa distribution semblent indiquer qu’elle a dû être habitée autrefois par des religieux.

La Groitière. — Voir plus loin.

2. — Etableau.

Le bourg d’Etableau, dénommé aussi dans certains titres Etableaux, Estableau,et en latin Stabula, Stabulum (gîte, logis, fort, repaire élevé), fait partie maintenant de la commune du Grand-Pressigny ; précédemment il appartenait à la commune de Saint-Martin d’Etableau qui fut supprimée et réunie à celle du Grand-Pressigny.

Autrefois, il était le chef-lieu d’une paroisse qui, plus tard, fut annexée à celle de Saint-Martin ou de Saint-Martin de Pressigny et qui, après cette .annexion, prit le nom de paroisse de Saint-Martin d’Etableau. Il appartient actuellement à la paroisse du Grand-Pressigny depuis que celle de Saint-Martin d’Etableau y a été réunie.

Etableau avait le titre de châtellenie. Ce fief relevait de la comté de Tours et ne devait hommage qu’au roi.

La baronnie du Grand-Pressigny en fit l’acquisition par saisie féodale et adjudication vers le commencement du XVIIe siècle et il en dépendait encore à la révolution.

Il faisait partie au XIIIe siècle du patrimoine de la branche cadette de la maison de Pressigny, ayant pour chef Renaud de Pressigny. Par suite d’alliance, il passa ensuite dans la famille de Linières puis dans celle de Le Maingre dit Boucicault ; puis par concession de Charles VII ou d’Agnès Sorel il devint la propriété d’Antoinette de Maignelais, cousine de celle-ci, et par le mariage d’Antoinette avec André de Villequier Etableau passa à la famille de Villequier pour faire retour ensuite, au XVIIe siècle, à la baronnie du Grand-Pressigny.

Le vieux château d’Etableau, assis sur le sommet d’un mamelon dominant le bourg d’Etableau et placé entre la vallée de la Claise et celle de l’Egronne, devait avoir une certaine importance. En cas de guerre il devait être un allié utile ou un voisin gênant pour les barons du Grand-Pressigny.

Nous ne possédons plus de cet antique château féodal, détruit depuis longtemps, que des pans de murailles, des restes de fortifications et l’emplacement des douves. Le tout est dans un état complet de dégradation. Ces ruines produisent de loin un effet très pittoresque et à leur inspection on reconnaît que l’édifice datait d’une époque fort ancienne.

Il y a tout lieu de croire que la destruction du château d’Etableau s’est accomplie pendant nos guerres de religion ; en tout cas l’histoire nous apprend qu’en 1569 le château d’Etableau, appartenant alors à René de Villequier, et le château de Chançeaux furent pris d’assaut par les protestants sous la conduite d’un chef nommé la Loue ou la Louve.

Cependant, la démolition du château d’Etableau n’a pas eu lieu totalement à l’époque que nous venons d’indiquer. Des réparations importantes ont dû encore prolonger son existence car, à la date du 7 décembre 1684, nous retrouvons une quittance consentie par le nommé Chichery, couvreur, de 1734 livres qui lui étaient dues pour avoir recouvert le château.

Mais en 1728 il n’existait plus ; ce fait est attesté d’une manière précise dans un inventaire fait au château du Grand-Pressigny en cette même année. Au nombre des objets inventoriés on y trouve : « soixante pièces de bois de charpente provenant de la démolition du vieux château d’Etableau. »

Etableau possédait une chapelle située proche le château, placée sous le vocable de sainte Catherine et dont il ne reste plus que quelques vestiges. Elle était desservie par un abbé titulaire.

Un notaire s’intitulant « notaire des châtellenies d’Etableau et de Chanceaux » résidait à Etableau. Le greffe des mêmes châtellenies était affirmé en 1664 à Louis Moreau moyennant 60 livres par an.

Une foire s’y tenait annuellement le 25 novembre, jour de sainte Catherine : elle avait été établie et autorisée par lettres, patentes du roi en 1366, à la demande de Jean Le Maingre, dit Boucicault, seigneur d’Etableau.[6]

D’après Dufour[7] on comptait autrefois à Etableau 116 feux.

Seigneurs d'Étableau

Famille de Pressigny

Renaud de Pressigny, fils de Josbert de Pressigny, épousa Létice de Mauzé, dame de Marans et de l’Aleu, fille pûinée de Guillaume de Mauzé, seigneur de Marans a Jarrie, l’Aleu, etc. La sœur aînée de Létice avait épousé Briant de Varèze qui vivait en 1262.

Chalmel, dans son Histoire de Touraine[8], lui consacre un intéressant article biographique : nous le reproduisons :

« Du Tillet et l’auteur de la nouvelle histoire de saint Louis mettent Renaud de Pressigny au nombre des maréchaux de France ; on sait qu’alors il n’y en avait qu’un seul. Le même historien rapporte qu’en 1270 l’armée chrétienne ayant fait une descente au port de Tunis, les Sarrazins sortirent tout à coup de leurs retranchements et marchèrent en bon ordre de bataille sur le camp des chrétiens en poussant des cris épouvantables, en sorte que ceux-ci se virent obigés d’en venir aux mains avant que d’avoir eu le temps de s’y préparer. Renaud de Pressigny qui depuis peu avait été fait maréchal de France, Hugues de Bauçay et Guy, son frère, gentilshommes tourangeaux se précipitèrent sur les ennemis, firent plier tout ce qu’ils attaquèrent, et portèrent la mort dans les rangs des Sarrazins, mais leur courage les ayant entraînés trop loin, ils se virent bientôt enveloppés malgré les prodiges de valeur qu’ils firent en se défendant. On croit qu’ils furent tués dans la mêlée. Ce ne fut que trois semaines après que l’on fut instruit de ces détails par le rapport de quelques prisonniers qui étaient parvenus à s’échapper. »

« Guillaume Guyard, poète qui vivait dans le même siècle, parle ainsi de ce combat dans son histoire intitulée : Roumans de la branche aux reaux lignages.

« Hue et Guy de Bauçay, deux frères,
« Avea-eux ly fils et ly père
« De Precigny qui les suivirent,
« Entre Sarrazins s’embattirent
« Bruyans comme foudres et acerres. »

De son mariage est né Renaud, qui suit.

Renaud II de Pressigny. Fils du précédent, seigneur de Marans, de l’Aleu, etc. Jeanne, sa femme, du consentement de son mari, donna à l’abbaye et aux religieux de la Merci-Dieu soixante arpents de landes situées entre la maison de l’hôpital appelée l’Espinacerie et la rivière de Claise, par une charte de mai 1267[9].

Renaud III de Pressigny. Fils du précédent, seigneur de Marans, l’Alleu, etc.

Il épousa, vers 1325, Eustache de l’Ile-Bouchard et mourut en 1334.

Sont nés de ce mariage :

a) Renaud IV, seigneur de Marans, qui épousa Isabeau Trousselle et mourut sans lignée. Il fut décapité en 1353 par ordre du roi Jean. Peut-être est-ce à lui que s’applique ce que dit Chateaubriand d’un Renaud de Pressigny, seigneur de Marans, qui se plaisait à arracher la barbe et à crever un œil à tout moine traversant les terres de sa seigneurie ;

b) Marguerite qui suit :

c) Guillaume qui eut deux filles ; l’une, Jeanne, épousa Guichardin d’Angles, et l’autre, Isabeau, fut mariée à Pierre de Sainte-Maure ;

d) Et Jeanne mariée à Geoffroy d’Ancenis.

Marguerite de Pressigny, fille du précédent, épousa Godemar, baron de Linières, qui suit, et par ce mariage elle fit passer la terre d’Etableau dans la famille de Linières, originaire du Berry.

Famille de Linières

Godemar de Linières, baron de Linièi’es, seigneur de Rezai, Mereville, Achères, etc. fils de Jean III du nom, baron de Linières, et de Florie de Jarez. Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/404 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/405 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/406 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/407 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/408 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/409 Page:Bulletin de la Société archéologique de Touraine - 1892 - VIII.djvu/410

  1. Bulletin, t. IV, p. 424 ; t. VI, pp. 343 et 408.
  2. Dictionnaire de l’arrondissement de Loches, t. II, p. 367.
  3. Anciens registres de l’état civil.
  4. III, p. 31 (Mém. de la Soc. arch. de Touraine, t. XXIX).
  5. Ancien registre de l'état civil.
  6. Dom Housseau, no 3639.
  7. Hist. de l'arr. de Loches, t.1, p.238.
  8. T. IV, p. 396.
  9. Dom Housseau, no 3204.