Notice sur Sapho d’Eresos

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NOTICE SUR SAPHO D’ÉRÉSOS.

Par M. le Chever. Allier de Hauteroche.

De tous les noms dont la mémoire s’est perpétuée d’âge en âge, et qui n’ont rien perdu de leur renommée en traversant les siècles, il en est peu dont la célébrité soit devenue plus romanesque, plus populaire, que celui de Sapho. On a long-tems cru qu’il n’avait existé qu’une femme de ce nom. Peu de personnes du moins étaient instruites du contraire ; et aucun savant n’avait encore discuté ce point dé critique d’une manière lumineuse avant M. Visconti, qui, dans son Iconographie grecque, a établi par l’autorité des auteurs anciens, que deux femmes du nom de Sapho, et toutes deux célèbres, quoique d’un genre de célébrité différent, ont existé dans l’île de Lesbos ; que l’une naquit à Mytilène, et l’autre à Érésas.

La première vint au monde, suivant Suidas, 612 ans avant l’ère chrétienne, ce qui est confirmé par les marbres d’Oxford, qui placent dans l’année 596 avant J. C. son exil[1] de Mytilène, sa ville natale. Ainsi elle aurait eu seize ans, lorsqu’elle fut obligée de subir l’exil auquel elle avait été condamnée, pour avoir, comme le poète lyrique Alcée, pris part aux troubles civils dé sa patrie.

L’autre Sapho naquit, selon Athénée[2], à Erésos, autre ville de la même île de Lesbos. On ne sait pas précisément l’époque de sa naissance ; mais on peut inférer du silence que garde Hérodote sur la passion malheureuse de Sapho pour Phaon, et sur le saut de Leucade, quoiqu’il parle avec assez de détails de plusieurs circonstances de sa vie, de sa famille et de ses poésies[3], que la Sapho d’Hérodote est antérieure à celle qu’a chanté Ovide[4] ; et que par conséquent celle-ci est, de plusieurs siècles, postérieure à la première. L’existence de la seconde Sapho remonte pourtant à plus de trois siècles avant J.-C. ; car le poète Ménandre, qui vivait à, la fin du quatrième et au commencement du troisième siècle ayant notre ère, est le premier qui ait parlé du saut de Leucade[5].

Pollux[6] atteste que les Mytiléniens avaient fait graver sur leur monnaie l’image de Sapho. Pollux vivait sous Commode. Cette circonstance est remarquable, par la raison que nous présentons ici une médaille qui a été frappée avec le nom et la tête de Sapho d’un côté, le nom et, la tête de l’empereur Commode de l’autre. En voici la description :

ϹΑΠΦΩ. ΕΡΕϹΙ. Sapho ; les Érésiens. Tête de femme à gauche, le regard élevé, les cheveux noués en houppe par derrière. Revers : ΑΥ ΚΑΙ. ΚΟΜΜΟΔΟϹ. L’empereur César Commode. Tête laurée de cet empereur, à gauche, avec le Paludamentum. Æ. 4. (Voyez la planche.)

Ainsi la médaille confirme l’assertion de Pollux, sinon quant à la ville où elle a été frappée, puisque celle-ci est d’Érésos et non de Mytilène, au moins quant à la contrée, et an personnage qui y est représenté. Elle prouve aussi la coïncidence qu’il y a entre le fait avancé par Poilus, et l’existence du. monument, qui se trouve être précisément contemporain, du rhéteur, puisqu’il porte, avec le nom de Sapho, le nom de l’empereur Commode, sous le règne duquel vivait Pollux. Il était donc de notoriété publique, du tems de cet auteur, ainsi qu’il le dit lui-même, que les Lesbiens représentaient sur leur monnaie l’effigie de Sapho ; et l’on ne peut désormais accuser Pollux d’imposture.

Si les Mytiléniens tenaient à honneur d’avoir sur leur monnaie le portrait du plus célèbre poète lyrique que l’antiquité ait produit, sans en excepter Pindare ; il faut croire que les habitans d’Érésos, voulurent également tirer vanité de leur Sapho, qui avait illustré sa ville natale, sinon par ses écrits, quoiqu’on ne sache rien de positif à cet égard, au moins par ses amours malheureux et sa fin tragique. Ils se décidèrent sans doute par ce motif à placer sur leur monnaie les traits de leur concitoyenne qui, à en juger par la réputation qu’elle laissa et qui a traversé plus de vingt siècles pour arriver jusqu’à nous, méritait bien cette distinction, autant pour le moins que les Julia-Proda et les Nausicaa dont on voit les portraits sur les médailles de Mytilène, où elles sont qualifiées du titre d’héroïnes, ΙΟΥΛΙΑΝ ΠΡΟΚΛΑΝ ΗΡΩΙΔΑ — ΝΑΥϹΙΚΑΑΝ ΗΡΩΙΔΑ[7], quoique l’histoire ne nous ait rien, absolument rien appris de ces héroïnes.

Les noms et les portraits de deux autres femmes, nommées Archédamis et Nicomachis, se trouvent aussi sardes médailles de la même ville. Toutes ces héroïnes dont on ignorerait jusques aux noms sans les médailles, sont la meilleure preuve de la facilité avec laquelle on accordait à Mytilène les honneurs de l’effigie sur la monnaie.

Faut-il, après cela, s’étonner si un nom aussi recommandable que celui de Sapho a reçu les honneurs du culte monétaire ? Il n’y a qu’une chose, à notre avis, qui soit vraiment étonnante ; c’est que, depuis que l’on recueille des médailles, et malgré la quantité qui s’en trouve dans les cabinets des souverains et des particuliers, le portrait bien indubitable de l’une ou de l’autre Sapho ne se soit encore rencontré que sur la seule médaille que nous présentons ici. Je dis la seule, parce qu’elle est la seule où le nom de Sapho se lise à côté de la tête ; et que la médaille que M. Visconti a attribuée à la première Sapho, à celle dont Strabon dit qu’aucune femme ne l’avait égalée pour la gloire poétique[8], ne porte malheureusement pas son nom ; et ce n’est que par induction que le docte antiquaire y voit les traits de la célèbre poétesse Mytilénienne. Il n’y a, dit-il, (Icon. Grecq. t. I, p. 72), presque pas de doute que cette tête sans inscription ne soit celle de Sapho. Ainsi il n’était pas parfaitement convaincu que ce fussent ses traits.

Quoique Strabon ne désigne pas quelle est celle des deux Sapho à laquelle se rapporte le superbe éloge qu’il fait de ses talens poétiques ; comme il est incontestable que c’est de la célèbre, de l’incomparable poétesse qu’il a voulu parler, et que celle-ci était de Mytilène ; il est évident qu’il a voulu parler de la Sapho mytilénienne. Nous faisons cette remarque, parce que M. Visconti (Iconogn gr. tom. Ier. p. 70) a dit : « L’autorité de Strabon serait d’un grand poids, si, en nommant Sapho il eût donné à entendre qu’il voulait parler de la célèbre poétesse de Mytilène ». Et quel besoin avait Strabon de dire que son héroïne était de Mytilène ? Le magnifique éloge qu’il en fait, pouvait-il s’adresser à d’autre Sapho qu’à celle qui était la poétesse incomparable ? Tout le monde savait alors que celle-là était de Mytilène.

Le cabinet royal de Berlin possède une petite médaille en bronze, qui provient de la collection de Pauw, l’auteur des Recherches philosophiques sur les Grecs, etc. ; elle a été publiée par Gessner d’abord[9], et dernièrement par M. Sestini[10], sous le nom de Sappho poetria. Deux choses préviennent contre cette médaille : 1°. son peu de conservation, qui n’a pas permis de lire le nom de la Ville qui l’a fait frapper ; 2°. le nom de Sapho, écrit ΣΑΦΦΩ par deux Φ. Or, ni Hérodote, ni Strabon, ni Athénée, ni Ælien, ni aucun antre auteur grec n’a jamais écrit ce nom autrement que ΣΑΠΦΩ ; et les auteurs latins l’ont tous rendu par Sapphus, ce qui pavait ne laisser aucun doute qu’il a été mal lu sur la médaille de Berlin, ou qu’il est l’ouvrage d’un faussaire mal-adroit. Cette médaille ayant reçu dans plusieurs ouvrages les honneurs de la publication, il est impossible de croire qu’elle soit restée inconnue à MM. Eckhel et Visconti. Elle avait pourtant inspiré si peu de confiance à ces deux illustres antiquaires, qu’ils se sont l’un et l’autre abstenus d’en parler dans ceux de leurs écrits où sa place était rigoureusement marquée. Ce silence équivaut presque à une condamnation ; d’autant plus qu’Eckhel, dans sa Doctrina numorum, à l’article Mytilène, donne à entendre que le portrait de Sapho pourrait bien exister sur une médaille dont il donne la description, et qui est au cabinet de l’empereur, à Vienne. Mais comme la tête n’est accompagnée d’aucun nom, il paraît si peu convaincu d’avoir trouvé le portrait de cette femme célèbre, qu’il termine ainsi son paragraphe : quamquam certiorem ejus (Sapphi) imaginem continuò sumus visuri, « quoique nous en soyons toujours à désirer un portrait plus authentique de Sapho. » (Eckhel, Doctrin. num. vet. tom. 2. p. 503). C’est pourtant la même médaille de Vienne, dont, à défaut d’autre, M. Visconti s’est servi pour nous transmettre l’effigie de l’illustre Mytilénienne.

Dans nos langues modernes, on a généralement adopté pour l’orthographe du nom de Sapho la suppression de la lettre correspondante au Π grec, ce qui en rend la prononciation plus facile et plus douce. C’est ainsi que nous écrivons et prononçons saphir, qui est dérivé du mot grec σάπφειρος. La ville d’Ionie que Xénophon, Strabon, Polyen et Suidas nomment Πῦγελα, Pline et Pomponius-Méla l’appellent Phygela. L’île de Paros en Illyrie, colonie des Pariens, est nommée Pharos dans Strabon (lib. VII, p. 315. B.) ; Φάρος, ἡ πρότερον Πάρος, Παρίων κτίσμα. Ces variantes dans certains noms qui ont de l’analogie avec celui de Sapho, expliquent comment cette suppression a pu s’opérer.

Si l’on pensait que les médailles de Mytilène, sur lesquelles on lit le nom de Procla, de Nicomachis, Nausicaa et autres femmes aussi peu connues, sont d’une époque antérieure à l’empire romain, parce qu’elles ne portent la tête d’aucun empereur, on s’abuserait assurément ; car le style et la fabrique de ces médailles rappellent tellement l’époque des Antonins, qu’il est à peu près hors de doute qu’elles ont été frappées sous le règne de Marc-Aurèle, de ce prince philosophe, qui encourageait l’hommage à rendre à toutes les vertus, à tous les talens, à tous les genres de célébrité. Et nous sommes d’autant plus disposés à embrasser cette opinion, que les têtes de Procla et de Nicomachis sont exactement coiffées comme les deux Faustine sur les monnaies de leur tems ; et que le médecin Sextus représenté au revers de sa femme Nicomachis, avec l’épithète de héros, ϹΕΞϹΤΟΝ ΗΡΩΑ, était contemporain de Marc-Aurèle, (Visconti, Iconogr. grecq. tom. I, p. 312).

Malgré la confusion qu’ont jetée les auteurs tant anciens que modernes sur ce qui distingue les deux Sapho, les uns en attribuant à la première ce qui concerne la seconde ; les autres en réunissant sur la même les caractères distinctifs de chacune, tels qu’Ovide[11], Fabricius[12], Hardion[13], Bayle, Barthélemy et d’autres, qui, de ces deux femmes, n’en ont fait qu’une, étant confondu jusqu’aux époques différentes où elles ont vécu ; ce qu’il y a de très-avéré, c’est que l’une était de Mytilêne, et l’autre d’Érésos, ainsi que l’a très-bien prouvé le savant Visconti.

Persuadé comme il l’était, que les Lesbiens n’avaient accordé sur leur monnaie les honneurs de l’effigie qu’à la femme-poète que toute l’antiquité mettait au-dessus de tous les autres poètes lyriques, et averti par Pollux que le portrait de cette femme célèbre devait se trouver sur quelqu’une des monnaies de Mytilène que le tems n’a pas dévorées, le savant archéologue, après avoir consulté tous les catalogues de médailles, et interrogé tous les cabinets, s’est enfin déterminé à voir le portrait de cette femme si justement célèbre sur la médaille en bronze du cabinet de Vienne, qu’Eckhel, conservateur de ce cabinet, avait hésité de lui attribuer, et qui représente d’un côté une tête de femme, les cheveux enveloppés dans la mitra, espèce de coiffure particulière aux personnes divinisées, mais sans aucun nom à côté de cette tête ; et au revers, une lyre avec les lettres ΜΥΤΙ, initiales de Mytilène. M. Visconti a pensé devoir aussi attribuer au même personnage historique deux autres médailles de Mytilène, qui représentent une femme assise jouant de la lyre, mais toujours sans le nom de Sapho. Ces deux dernières médailles, qui font partie de la collection du roi, sont celles dont on a déjà parlé à l’occasion des héroïnes Procla et Nausicaa, représentées en buste avec leurs noms et qualités, au revers d’une femme assise jouant de la lyre.

Il est facile de voir que l’on ne peut établir que de simples présomptions sur le véritable portrait de Sapho, d’après de semblables médailles. En effet, cette du cabinet de Vienne, dont Eckhel et Visconti se sont servis, ne porte pas le nom de Sapho, et n’a pour tout signe de reconnaissance qu’une lyre qui convient à Apollon, à Orphée et à tous les poètes en général, aussi bien qu’à Sapho. Quant aux deux autres médailles, sur lesquelles une femme est représentée assise ou debout jouant de la lyre il n’y a pas de raison pour y voir plutôt Sapho, que les héroïnes Procla et Nausicaa, dont les têtes sont au revers[14]. D’ailleurs l’extrême petitesse de la figure ne peut fournir à l’iconographie qu’une attitude, une pose, et non un portrait.

Quoiqu’il en soit, il est constant que c’est la Sapho de Mytilène que M. Visconti a voulu rendre à la lumière. Il a grand soin, dans la notice scientifique qui accompagne le portrait qu’il en donne, de distinguer son héroïne de la courtisane du même nom, née à Érésos, et qui n’eut peut-être jamais d’autre célébrité que celle qu’elle reçut des dédains de Phaon et du saut de Leucade. Il ne soupçonnait pas alors sans doute que les habitans d’Érésos auraient jamais osé se vanter de leur courtisane, comme les Mytiléniens de leur poétesse, comme les Corinthiens de leur Laïs, et qu ils eussent poussé l’enthousiasme pour leur concitoyenne, jusqu’à l’apothéoser en quelque sorte, en gravant son nom et sa tête sur leur monnaie. C’est pourtant ce qui ne peut être révoqué en doute, puisque la médaille que nous venons de décrire, et sur l’authenticité de laquelle on peut défier là critique la plus sévère, offre la tête de Sapho d’Érésos, accompagnée de son nom joint à celui de la ville même où elle était née, et q^i a fait frapper la médaille. Les amateurs de l’antiquité peuvent donc être assurés qu’on a maintenant le portrait de la seconde Sapho, de celle d’Érésos, courtisane s’il l’on veut, quoique ce métier ne s’accorde guère avec le désespoir amoureux qui porté à se détruire, mais qui certainement fut célèbre par sa passion pour Phaon, sa fin tout à la fois héroïque et déplorable, et par les vers d’Ovide.

Quand on voit sur les médailles de Corinthe le portrait de la courtisane Laïs, peut-on s’étonner de trouver sur celles d’Érésos les traits de l’amante de Phaon ? Ses yeux levés vers le ciel, et paraissant y chercher des inspirations, semblent annoncer que Sapho la courtisane cultivait aussi les muses.

Il existe dans notre collection une petite médaille rhomboïdale en or, élégante de style, mais anépigraphe, qui d’un côté offre la tête d’une femme coiffée de la mitra, comme la Sapho de M. Visconti, et qui de l’autre côté représente une lyre. Ces deux types nous autoriseraient jusqu’à un certain point à voir sur cette médaille la célèbre poétesse de Mytilène, si des présomptions suffisaient pour rendre incontestable ce qui est purement conjectural ; car la lyre qui, comme nous l’avons dit, convient aussi bien à Apollon qu’à Sapho, convient tout autant à Orphée, dont la tête, jetée dans les eaux de l’Hébre et portée à la mer, aborda dans l’tle de Lesbos, et y rendit aussitôt de » oracles. (Philostrat. heroïc. in Philoctet.)

La lyre d’Orphée, poussée aussi par les vagues, s’arrêta devant la ville lesbienne d’Antissa, où elle fut religieusement recueillie et portée en triomphe au temple d’Apollon. (Nicomachus Gerasen. Enchir. harmonie. lib. II. cap. i.)

Une remarque assez curieuse à consigner ici, c’est que la poétesse Sapho, exilée de Mytilène, se retira en Sicile, comme le prouve la chronique de Paros (marm. oxon. xxiii.) ; et que la courtisane du oléine nom suivit en Sicile Phaon, qui s’y était retiré pour échapper à ses poursuites. Ce seul point de ressemblance entre la vie de ces deux femmes, est peut-être Tunique cause de Terreur où est tombé Ovide (in epist. Sapph.), en accumulant sur son héroïne les ta-Uns poétiques de l’une et les égaremens de l’autre.

On lit dans Cicéron (Verr. IV, 5 7) qu’une statue de Sapho, exécutée en bronze par Silanion, existait dans le prytanée de Syracuse, d’où Verrès l’enleva, L’orateur ne désignant pas laquelle des deux Sapho était représentée par cette statue, laisse un libre champ aux conjectures. Pline aussi fait mention d’un portrait de Sapbo, peint par Léon, mais sans la désigner davantage que Cicéron. (Plin. lib. XXXV, c. xi).


Personnages célèbres nés dans l’île de Lesbos, et mentionnés par Strabon et par divers autres auteurs.

Le musicien Terpandre, qui le premier substitua la lyre héptacorde à la lyre tétracorde. — Arion, poète lyrique. — Le philosophe Pittacus. On a son portrait sur les médailles de Mytilène. — Àlcée, poète lyrique. On a son portrait sur les médailles de Mytilène. — Sapbo, poète lyrique. On croit avoir son portrait sur les médailles de Mytilène. — Le guerrier Antiménidès, frère d’Alcée, et banni avec lui. (Dionys. Halic.) — L’orateur Diopbanès. — Théophraste et Phanias, philosophes péripatéticiens ; tous deux disciples d’Aristote. — Lesbonax, orateur, connu par une médaille qui lui donne le titre de héros, mais dont l’authenticité est douteuse. — Potamon, orateur, fils de Lesbonax. — Crinegoras. — L’historien Théophanès, ami de Pompée. On a son portrait sur les médailles de Mytilène. — L’historien Callias. Il a écrit sur Sapho. — L’historien Hellanicus. — Charaxus, frère de la poétesse Sapho, (dans Hérodote). — La poétesse Erinna, (dans Stobée). — Le poêle Âlphée, (dans l’Anthologie). — La courtisane Sapho, (dans Athénée). — Sextus l’Empirique, (dans l’Iconographie de Visconti).

Personnages connus seulement par les Médailles.

L’héroïne Procia. — L’héroïne Nausicaa. — Àrchédamis, épouse présumée de l’historien Théophanès. — Nicomachis, épouse présumée de Sextus l’Empirique.

5 août

P. S. L’on m’informe aujourd’hui même qu’un vase grec, trouvé dans les ruines d’Agrigente, vient d’être tout récemment publié à Vienne par M. Steinbuchel, directeur du Musée de l’empereur. Il représente Sapho et Alcée, debout, en face l’un de l’autre, et tenant chacun une lyre à la main. L’on ne peut méconnaître ces deux personnages, car leurs noms sont tracés à côté d’eux en caractères grecs, du plus ancien style, ainsi figurés : ΑΛΚΑΙΟΖ. ΖΑΦΟ. La découverte fortuite de ces portraits et de ces noms, est une chose extrêmement curieuse, et ce qui ne l’est pas moins pour nous en particulier, c’est que le nom de Sapho est écrit sur ce vase avec quatre lettres seulement, c’est-à-dire, que la lettre du milieu, le Π grec, est ici supprimé, comme il l’est dans l’orthographe française ; et qu’un omicron, y remplace l’oméga. La comparaison de cette orthographe avec celle employée pour le même mot par tous les auteurs anciens tant grecs que latins, offre une anomalie si remarquable, que l’on doit croire que le vase sur lequel le nom de Sapho se trouve ainsi écrit, est d’un siècle au moins antérieur à Hérodote, et remonte par conséquent à plus de cinq cents ans avant l’ère chrétienne. La forme paléographique de chacune des lettres de l’inscription, concourt puissamment aussi à assigner à ce monument une très-haute antiquité, à moins pourtant qu’il n’ait été servilement copié sur un tableau contemporain des deux poètes. Le règne d’Adrien fournit dans la sculpture plusieurs exemples d’un pareil archaïsme.

La réunion des noms d’Alcée et de Sapho ne permet pas de douter que l’artiste n’ait eu l’intention de représenter sur ce vase la célèbre poétesse mytilénienne, ce qui est assurément une fort belle découverte pour l’iconographie, puisque, d’après la médaille de Vienne, on n’était rien moins que certain de posséder l’effigie de cette Sapho.

Nous nous abstenons de tout autre examen relatif à ce précieux vase, dans la juste confiance où nous sommes, qu’en le publiant, M. le directeur du Musée de Vienne n’a certainement, rien laissé à désirer à ses lecteurs sur un si beau sujet.

  1. Marm. Oxon. XXIII, 51. Le mot φυγοῦσα, fugitive ou exilée, empêche de confondre cette Sapho avec l’amante de Phaon, qui, de plein gré, le suivit en Sicile, ainsi que l’a très-bien observé l’abbé Barthélémy dans la note 11 du chap. iii de son Voyage d’Anacharsis.
  2. Lib. xiii, p. 506, éd. Casaub.
  3. Herodot. L. II, § cxxxv.
  4. Heroïd. XXI.
  5. Ὁ μὲν οὐν Μένανδρος, πρώτην ἁλέσθαι λέγει τὴν Σαπφώ. Menander itaque primam Sapho desiluisse isthinc dicit. Strabo, lib. X, p. 452. B.
  6. Onomasticon, lib. IX, §. 84.
  7. Visconti, Icon. grecq., tom. 1, p. 313 et 314. Pl. 37, nos. 3 et 4. (Note de Wikisource : livre disponible sur Internet Archive).
  8. Οὐ γὰρ ἴσμεν ἐν τῶ τοσούτῳ χρόνῳ τῷ μνημονευομένῳ φανεῖσαν τινὰ γυναῖκα ἐνάμιλλον, οὐδὲ κατὸ μικρὸν, ἐκείνῃ, ποιήσεως χαρὶν. Nam in tali tempore quod memoratum est, nullam novimus mulierem, quoe vel aliquo modo cum ea possit comparari, poëseos causa. Strabo, lib. XIII, p. 617, C.
  9. Viri illustr. Tab. IV, fig. 23.
  10. Letter. Numismatic. Tom. VIII, p. 71.
  11. Heroïd. XXI.
  12. Bibl. gr. Liv. II, cap. 15, §. 24
  13. Saut de Leucade. Mém. de l’Acad. des Inscr. T. VIII.
  14. M. Sestini (Letter. Numismatic. tom. VIII, p. 71) dit qu’Eckhel n’était pas très-éloigné de voir, au revers de la médaille de Procla, une Sapho assise jouant de la lyre. Mais l’auteur italien ne partage pas tout fait cette opinion, et m’exprime par il che può easer controverso.