Aller au contenu

Nouveaux contes berbères (Basset)/107

La bibliothèque libre.
Ernest Leroux, éditeur (Collection de contes et de chansons populaires, XXIIIp. 115-118).

107

Le roi, l’arabe et le monstre (196).
(Mzab).

Au temps jadis, il existait un roi des At Taberchant (les fils de la négresse) dont la ville était située au pied d’une montagne. Une bête énorme marcha contre eux, entra la nuit dans leur ville et dévora tous les gens. Elle s’établit ensuite dans cette ville et y resta un siècle. Un jour, elle eut faim ; elle sortit dans la plaine, trouva des Arabes avec leurs tentes, leurs moutons, leurs bœufs, leurs juments et leurs chameaux. Elle tomba sur eux dans la nuit, les dévora tous et laissa la terre blanche (de leurs os), puis s’en retourna dans sa ville.

Un seul homme s’enfuit grâce à sa bonne jument ; il arriva dans une ville des At Taberchant et affamé se mit à mendier. Le roi des Juifs lui dit : « D’où viens-tu, dans notre ville, toi qui invoque le seigneur des hommes ? (Moh’ammed). Tu ne sais pas où tu es, nous sommes Juifs ; si tu veux embrasser notre religion, nous te donnerons à manger. — Donne-moi à manger, dit l’Arabe, je te donnerai un bon conseil. » Le roi l’emmena dans sa maison, le fit souper, puis l’interrogea : « Un monstre énorme est tombé sur nous, dit l’Arabe ; il a dévoré tout le monde, je te montrerai sa ville ; elle a deux portes, l’une au nord, l’autre au sud. — Demain », répondit le roi.

Quand il s’éveilla le lendemain, ils montèrent à cheval et suivirent la route jusqu’à la porte de la ville du monstre ; ils regardèrent et s’en allèrent : « Que ferons-nous ? demanda le roi. — Faisons un grand piège de la dimension de l’entrée de la ville à la porte sud ; à la porte nord, nous placerons la charge de soufre jaune de quarante mulets, nous y mettrons le feu puis nous nous sauverons et nous verrons Ce qui arrivera. — Ton conseil est bon », dit le roi.

Ils retournèrent vers la ville des juifs, ordonnèrent aux forgerons de fabriquer un piège et à leurs sujets de leur fournir du soufre. Quand tout fut prêt, ils chargèrent les mulets, allèrent à la ville du monstre, établirent le piège à la porte sud, et à la porte nord, ils placèrent le soufre où ils mirent le feu et s’enfuirent. Le monstre sortit par la porte sud ; la moitié de son corps s’engagea dans le piège que les deux hommes refermèrent ; il fut coupé en deux remplissant les rivières de sang et de pus. Le roi et l’Arabe pénétrèrent dans la ville, trouvèrent un trésor considérable qu’ils firent transporter dans celle des Juifs en quatre vingts charges.

Quand ils furent rentrés dans le palais, le roi dit à son compagnon : « Sois mon khalifah : ma fortune et la tienne seront la même. » Ils s’assirent et soupèrent, le prince mit dans le couscous du poison sous la main de l’Arabe, celui-ci le vit et dit : « D’où vient cet oiseau ? » Le Juif leva la tête, alors l’Arabe tourna le plat et mit le poison devant le roi qui ne s’aperçut pas de cette ruse, mangea et mourut sur-le-champ.

L’Arabe alla à la porte de la ville et dit aux habitants : « Je suis votre roi, vous êtes en mon pouvoir ; celui qui n’acceptera pas ma religion, je lui couperai la tête, » Ils embrassèrent tous l’islamisme et pratiquèrent le jeûne et la prière.