Nouveaux contes berbères (Basset)/112

La bibliothèque libre.
Ernest Leroux, éditeur (Collection de contes et de chansons populaires, XXIIIp. 147-148).

112

Les paroles énigmatiques (208).
(Oued Righ).

Deux hommes se dirigeaient vers une ville éloignée. Lorsque la route leur parut longue, l’un d’eux dit à son ami : « Porte-moi, je te porterai. »

L’autre répondit : « Je ne puis pas te porter, je suis faible, c’est impossible. »

Ils passèrent près d’une récolte prête à être moissonnée. Le premier dit encore : « Cette récolte a été mangée par ses propriétaires. — Comment ont-ils pu la manger, puisqu’elle est debout et non moissonnée ? »

Ils marchèrent encore un peu et rencontrèrent un mort. « Cet homme n’est pas mort, dit le premier, il est vivant. — Comment n’est-il pas mort ? répliqua l’autre, on le porte sur une litière pour l’enterrer. »

Quand ils furent arrivés à la ville qui était le but de leur voyage, ils se séparèrent, chacun alla chez lui. L’un d’eux raconta à sa fille ce que son compagnon lui avait dit sur la route. « Voici le sens de ses paroles, répondit-elle. Porte-moi et je te porterai veut dire : Parle-moi et je te parlerai (pour nous distraire) ; la phrase : les propriétaires de la moisson l’ont mangée, signifie : ils l’ont vendue et en ont reçu le prix ; enfin le mort est vivant exprime qu’il a des enfants, et que quand on dit par exemple : ’Abd Allah, fils de ’Abd el Qâder, on nomme le père en même temps que le fils, il est donc vivant (209). »