Nouvelles poésies (Van Hasselt)/Le Torrent
Le torrent.
Au ciel les étoiles sans nombre
Ouvrent leurs yeux de diamant.
L’oiseau dort dans la forêt sombre,
Et les feuilles du bois plein d’ombre
Vont chuchotant plus doucement.
Mais là-bas tes ondes obscures
Tes flots, ô torrent ténébreux,
Avec de sinistres murmures
Dans ton lit voilé de ramures
Roulent et se brisent entre eux.
Ils roulent en masses énormes
À travers les blocs de granit,
À travers les roches difformes
Où pendent les branches des ormes
Que le vent d’automne jaunit.
Que le jour commence ou s’achève,
Que l’aube succède à la nuit,
Que l’étoile du soir se lève, —
Ils vont murmurant sans trêve
Leur plainte qu’on prend pour du bruit.
Aux rayons de la lune blonde
Quand s’éteint le dernier aboi,
Ni le soir ni la nuit profonde,
Ô torrent dont l’eau toujours gronde,
N’ont, hélas ! de repos pour toi.
Pas plus que ton onde inquiète
Mon cœur ne trouve le repos,
Ni le jour ni la nuit muette.
Dieu n’a-t-il donc pour le poëte
Que l’obscur sommeil des tombeaux ?