Occupe-toi d’Amélie !/Acte II
ACTE DEUXIÈME
Sa chambre à coucher, de construction et d’ameublement
anglais. À gauche, large fenêtre à caissons et à
quatre vantaux, très élevée de soubassement, ce qui permet
de mettre une large banquette à dossier en dessous
sans gêner la manœuvre des battants. À chaque vitre, un
rideau de vitrage fixé, haut et bas, sur tringle et serré
au centre par un nœud de ruban. Au sommet de cette
sorte d’alcôve, au fond de laquelle est enchâssée la fenêtre,
grosse barre de bronze dorée sur laquelle glisse
les larges anneaux des rideaux qui, fermés, doivent
recouvrir la banquette qui est juste de la dimension de
l’alcôve en question. De chaque côté, une embrasse-cordelière
à deux gros glands. Au deuxième plan, grand panneau
en pan coupé, auquel s’adosse le lit en cuivre, ayant
à sa tête à gauche un fauteuil, à droite une table de nuit.
(Ce panneau en pan coupé est indispensable pour permettre
au pied gauche du lit d’être plus à l’avant-scène que
celui de droite et d’arriver juste en regard de la porte
de droite premier plan qui sera indiquée plus loin.)
À droite du pan coupé, le mur tourne à angle droit sur
une longueur de vingt-cinq à trente centimètres pour se
briser encore une fois à angle droit et se continuer alors
face au public en un large panneau mural à gauche duquel,
et non au milieu, est une porte à un seul vantail
donnant sur le vestibule. À droite de la porte, contre le mur, une large console avec un fauteuil de chaque côté.
Nouvelle brisure à angle droit de vingt-cinq à trente
centimètres, parallèle à celle indiquée plus haut. Aux
deux extrémités de ce petit renfoncement de construction,
une colonne de soutènement. Puis à droite : pan
coupé, au milieu duquel est la cheminée surmontée d’une
étagère au centre de laquelle est enchâssée soit une
glace, soit une gravure anglaise. Enfin, pan droit jusqu’à
l’avant-scène avec porte au milieu. À droite de la
scène, un peu au fond, de façon à conserver libre de tout
obstacle l’espace qui sépare le pied gauche du lit de la
porte de droite premier plan, une table-bureau placée de
biais ; adossé a la table et à sa gauche, un canapé ; à
droite de la table un fauteuil de bureau. Au-dessus de la
table de nuit, fixée au mur, un peu plus haut que la tête
du lit, une lampe veilleuse en forme de potence et éclairée
à l’électricité. Cette lampe est actionnée directement
par un commutateur fixé au mur un peu au-dessus et à
droite de la table de nuit, et par une poire qui pend à
la tête du lit. Au-dessous du commutateur indiqué plus
haut, un bouton de sonnette électrique fonctionnant
directement, et, au-dessous enfin de ce bouton, autre
commutateur actionnant censément le lustre de bronze qui
pend au milieu de la pièce. À droite de la cheminée, à
proximité de la porte, un cache-pot monté ou posé sur
pied ; (dans ce cache-pot, mettre un peu d’eau). Sur la
console du fond un chapeau de femme et un masque grotesque
à mâchoire mobile. Sur la table-bureau, un bougeoir,
un buvard, un classeur, et ce qu’il faut pour écrire.
Sur le fauteuil de bureau, une robe de soirée très élégante.
Sur la table de nuit, une bouteille de champagne
vide.
Scène PREMIÈRE
M’ssieur l (Marcel ne répond pas. — Un temps. — Élevant légèrement la voix :) M’ssieur ! (Nouveau temps.) Eh !… M’ssieur !…
Hoong !
Il est midi trente-cinq !
Hoong !
Il-est-mi-di-trent’-cinq !
Je m’en fous !…
Ah ?… Oh ! à ce compte-là, moi aussi !… (Haut, revenant à la charge.) J’apporte le chocolat. (Pas de réponse. Un temps.) Le cho-co-lat !
Enfin, quoi ?… Qu’est-ce que vous voulez ?
Le cho-co-laaat !
J’en ai pas !… Fichez-moi la paix !
Ah ?… Bon !
Quelle heure est-il ?
Il est midi trente-cinq.
Eh ! bien, je m’en fous !
Oui ! j’ sais !… M’sieur me l’a déjà dit !… Seulement, alors, pour quelle heure faut-il faire le déjeuner ?
Pour huit heures ! Zut !
Bien, m’sieur ! (Fausse sortie.) Je ferai seulement remarquer à monsieur…
Oh !
que c’est lui, en me prenant à son service, hier matin, qui m’a donné l’ordre de le réveiller tous les jours à neuf heures !…
Eh ! bien, il est midi trente-cinq ! Il y a encore huit heures vingt-cinq !
Ah ? bon ! Je ne savais pas que c’était neuf heures du soir !
La barbe !
Oui, m’ssieur !
Je la ficherai à la porte, moi, cette bonne !… ça lui apprendra à me réveiller… (Il retourne son oreiller.) quand elle voit que je dors !… (Il baille.) Ah ! que je suis fatigué !… (Après réflexion.) Tout de même, il est midi !… Et midi, c’est une heure !… (Comme se répondant à lui-même.) Non, c’est pas une heure ; c’est midi !… Ah ! Je ne sais plus ce que je dis !… Je dors à moitié ! Et dire… (Il baille.) Et dire que si Paris était aux antipodes, il serait seulement minuit !… Je pourrais dormir encore sept heures, et je passerais pour un homme matinal !… Quel est l’idiot contrariant qui a fichu Paris de ce côté-ci du globe ?… (Sortant ses jambes du lit.) C’est égal ! y a pas, il faut que je me lève !… (Il descend du lit ; il est en chemine de nuit et pieds nus.) Mes chaussettes ! Qu’est-ce que j’ai fait de mes chaussettes ?… Ah ! les voilà ! (Tout en passant ses chaussettes puis ses pantoufles, tout cela sans s’asseoir ; adossé seulement contre le pied du lit.) Midi et demi !… J’ai un rendez-vous à onze heures !… Si je veux y être… ! Je sais bien que c’est avec un créancier !… et, un créancier, ça peut attendre !… Il attend depuis six mois, il attendra bien une heure de plus… D’autant que je compte ne rien lui donner !… alors !… il le saura bien assez tôt !… (Avec effort.) Allons, du courage ! (Tout en parlant, il s’est dirigé vers la fenêtre aux rideaux de laquelle il passe les embrasses — pleine lumière au dehors — projection de soleil sur le lit.) Oh ! Comme il fait déjà jour !… à midi et demi !… (Repassant devant le lit.) Eh ! bien ?… Et la bonne ? Qu’est-ce qu’elle fait, la bonne ?… Qu’est-ce qu’elle attend pour m’apporter mon chocolat ! (Il va sonner au bouton électrique. Peu à peu, le doigt sur la sonnette, il s’en dort debout, tandis que le carillon continue longuement. Soudain il perd à moitié l’équilibre. Se réveillant.) Quel est l’animal qui sonne comme ça ? (Revenant à la réalité.) Eh ! je suis bête ! c’est moi ! Brrrou ! nom d’un chien ! qu’il fait froid !… Ah ! et puis zut ! (Retirant ses pantoufles.) Je déjeunerai dans mon lit !… et je me lèverai après !… (Il se refourre dans son lit avec ses chaussettes. Au moment d’enfoncer ses jambes, il sent un obstacle qui l’arrête.) Hein ?… Eh ! ben, qu’est-ce que c’est que ça ? (Il ramène ses jambes à lui pour les renfoncer de nouveau.) Mais qu’est-ce que c’est que ça ?… (Même jeu.) Enfin, qu’est-ce qu’il y a donc ? (Intrigué, il se met à genoux sur le lit, rejette les couvertures et ne peut réprimer un cri en apercevant Amélie qui, ayant glissé vers le pied du lit, dort du sommeil du juste.) Ah ! (La saisissant par le poignet et la redressant tout endormie sur son séant.) Amélie !
Brrou !… J’ai froid.
Amélie ! C’est Amélie !
Hoong !
Comment es-tu là ?
Hein ?… Ah ! Zut !
Mais non ! mais non ! il ne s’agit pas de dormir ! Amélie !… Amélie !… (Entendant Charlotte qui ouvre le porte.) Non ! bouge pas !…
C’est monsieur qui a sonné ?
Oui ! Foutez-moi le camp !
C’est pour ça que monsieur a sonné ?
Allez-vous me foute le camp, n… de D… !
Ah ! Quel drôle de service !
Vite, Amélie !… Amélie !… Au nom du ciel !
Hoong !
Mais réveille-toi ! Nom d’une brique !
Qu’est-ce qu’il y a ? Quoi ?
Amélie, nom de nom !
Hein ?… Ah !… Tiens ! Marcel !
Eh ! Oui, Marcel !… Oui, Marcel !
Ah !… Comment es-tu là, toi ?
C’est toi !… C’est toi à qui je le demande ?
Quoi ?
Qu’est-ce que tu fais chez moi ? dans mon lit ? avec une chemise de nuit à moi ?
Je suis chez toi ?… Tiens, c’est vrai ! Comment que ça se fait ?
Mais c’est ce que je te demande, cré nom !…
Est-ce que… ?
Quoi ?
Est-ce qu’on aurait couché ensemble ?
Eh ! Cochon de sort ! Ça m’en a tout l’air !… C’est pas une farce que tu m’as faite ?… Non ?… Tu n’es pas venue tout à l’heure ?
Mais non !
Alors, y a pas ! On a bel et bien couché ensemble !
Mais oui !
Mais c’est épouvantable !… C’est un abus de confiance ! Je t’ai reçue en dépôt !
Eh ! bien, mon colon… !
Mais qu’est-ce que je dirai, moi, à Étienne, quand il me le demandera ?
Oh ! mais, tu ne lui diras pas !
Je sais bien ! Mais ce sera un poids d’autant plus lourd pour ma conscience !… Au moins, en avouant tout…
Tu ferais de la peine à Étienne !
Oui, mais elle serait soulagée !
Qui ?
Ma conscience !… Oh ! Comment avons-nous fait ça !
Mais je ne sais pas ! Je ne me rappelle pas !
Étienne ! mon meilleur ami ! Lui qui m’avait si affectueusement dit en partant : « Occupe toi d’Amélie ! Je te la confie !… parce qu’avec toi, au moins, je suis sûr d’elle !… »
Oui !… ce qui, d’ailleurs, est un peu mufle !… Ça prouve qu’il n’avait pas grande confiance en moi !
Et comme il avait raison !
Je ne te dis pas ! Mais ce n’était pas à lui à le prévoir ! Cela me justifie jusqu’à un certain point !
Toi, peut-être ! mais pas moi ! Ah ! pourquoi est-il mon meilleur ami ?… (S’asseyant sur le lit près d’Amélie.) Car enfin, il ne serait pas mon meilleur ami, regarde comme ce serait simple : je ne serais plus qu’un monsieur, qui a passé la nuit avec une dame… et ça, ça se voit tous les jours !…
Sans compter qu’on ne l’aurait pas passée ensemble, la nuit !
Ah ?
Car, n’étant pas le meilleur ami d’Étienne, il ne t’aurait pas dit : « Occupe-toi d’Amélie !… »
Mais oui !… (Changeant de physionomie.) Mais alors… ! (Descendant du lit.) au fond, c’est sa faute, tout ça !
Mais absolument ! Est-ce qu’on confie sa maîtresse, quand elle est jolie et jeune, à un monsieur…
Jeune et joli !…
Enfin… pas mal !…
C’est ce que je voulais dire ! Et il aurait le droit de se plaindre ?… Allons donc !…
Un homme qui te dit : « Surveille-la ! »
Ah ! Non !…
C’est dégoûtant !
Non, non !… Il faut être juste ! il m’a dit : « Occupe-toi d’Amélie ! », il ne m’a pas dit : « Surveille-la ! »
Oui, mais il t’a dit : « Avec toi, au moins, je suis sûr d’elle !… » Ce qui revient au même ! Oh ! Je me vengerai !
Oh !… Ça y est !… Ah ! et puis zut, aussi ! Est-ce que j’ai une gueule de tuteur !… Pour qui me prend-il ?… pour un eunuque ?… Est ce qu’il s’imagine que je n’ai pas un tempérament tout aussi bien que lui ?… Est-ce qu’il n’a pas couché avec toi, lui ?…
Tout le temps !
Eh ! ben, alors ?
Eh ben, alors ?
Pffu !
Pffu !
Oui, oh ! tout de même, c’est dégoûtant !…
Oui.
On a beau se donner de bonnes raisons, tout ça n’excuse pas… ! (Remontant vers Amélie…) Un homme qui m’a donné un témoignage absolu de confiance ! qui m’a dit…
« Occupe-toi d’Amélie !… »
Oui !… Oh ! Comment avons-nous pu en arriver là ? sans même nous en rendre compte !
Y a de ces choses, dans la vie !…
Voyons, hier… hier soir, qu’est-ce qu’on a fait ?
Comment, « Ce qu’on a fait » ? Eh bien, on a été à la foire de Montmartre avec les copains : Bibichon et la bande.
Oui… Ça, c’est net dans ma mémoire…
On a monté sur les cochons.
Ah ! oui, les cochons ! ce qu’ils m’ont fichu le mal de mer ! ah ! cochons de cochons !
Et on a lancé des serpentins !
Comme tout foireman qui se respecte.
Puis, on s’est baladé en faisant du chahut avec des masques en carton !…
C’est idiot !… Et on a rigolé à faire peur aux gens, en les poursuivant avec des allumettes-feu d’artifice !
Oui ! pschiii !
Ah ! Ça te fait rire ! C’est stupide ! Non, faut il en avoir une couche !… le soir !
Après quoi, on a soupé à l’Abbaye de Thélème ; après quoi on a resoupé au Rat mort ; après quoi, on est allé boire du champagne au Pigalle…
Après quoi, pour les kummels à la glace, en est allé au Royal.
Après quoi… ! après quoi… ! Ça devient plus vague… J’entrevois des bars, des lumières ! et encore du champagne !…
On commençait à être un peu bu !…
Plus que bu, oui !… Tout ça m’apparaît à travers un brouillard ! et, quand on est parti, on s’est aperçu que la terre tournait.
Comme quoi, il faut être pochard pour constater les lois de la nature !
Alors, je t’ai dit : « Ça va pas ! Je ne pourrai jamais monter mon escalier dans cet état ! »
Oui !… Et moi, je t’ai répondu : « Passons chez moi… J’offre l’ammoniaque !… »
L’ammoniaque, oui !
Oh ! parole imprudente !
D’autant que t’as jamais pu le trouver, l’ammoniaque !…
Jamais !
et qu’on l’a remplacé par du champagne !
Ce qui n’a pas dû produire le même effet.
Non ! Car après ça, plus rien ! L’obscurité noire !
Le néant !… (Répétant tristement en balançant mollement la bouteille goulot en bas.) le néant !… (Relevant la tête.) Mais alors… le reste ?… Le reste ?…
Quel… reste ?
Comment ! quel reste ? mais le reste !… (Saisissant Amélie par les poignets.) Enfin cette nuit… tous les deux… est-ce… qu’on a ?… ou… est ce qu’on n’a pas ?
Ensemble ?
Oui !…
Ah !
Comment « Ah » !… C’est pas possible ! Voyons, tu ne te rappelles pas ?
Rien du tout !
C’est trop fort !
Eh ! bien, et toi ?
Mais moi non plus !
Eh ben ! alors ?
Ah ! mais, c’est que tout est là : Avoir ou n’avoir pas !… comme dit Shakespeare ! Il est évident, parbleu, que si on n’a été que frère et sœur… ! Mais voilà !… l’a-t-on été ?
Dieu seul le sait !
Et je le connais !… il ne nous le dira pas !
Non !
Enfin, n’importe ! Avant tout, l’essentiel est qu’Étienne fasse comme nous : qu’il ignore !
Et comme c’est pas nous qui irons lui dire…
Par conséquent, il n’y a rien de fait !
Y a rien de fait !…
Voilà ! y a rien de fait !
Ah ! ce pauvre Étienne !
On se met martel en tête et, puis somme toute, y a rien de fait !
Non, ce que j’ai la flemme !
Ah ! non ! non !… C’est pas le moment !… Tu vas te lever, hein ?
Oh ! déjà !
Oui, déjà ! je te crois, déjà ! je vais te porter tes vêtements dans le cabinet de toilette, et tu iras t’habiller par là ! Allez, grouille, grouille !
Oh ! grouille, grouille !
Oui, grouille, grouille ! Ta robe ? ou est ta robe ?
Est-ce que je sais, moi.
Allez, debout !… debout-debout-debout !
Oh ! que c’est embêtant !… (Poussant un cri de surprise.) Ah !
Quoi !
J’ai couché avec mes bottines !
Oh ! que c’est drôle !… Mais ris pas, voyons ! ris pas !
J’ris pas, mon vieux ; je suis épatée.
Si c’est permis… ! Enfin, ta robe ? où as-tu fourré ta robe ?
Mais j’sais pas, j’te dis !
Ah ben ! tiens, v’là déjà ton chapeau… Ah ! et ton masque d’hier qui est resté accroché après.
Non ?
Tiens vois (Il met le masque[1] sur sa figure et le chapeau d’Amélie sur sa tête. Il descend ainsi à l’avant-scène en faisant avec son menton mouvoir les mâchoires articulées du masque. Amélie rit. Apercevant la robe sur la table.) Ah ! ta robe !… sur la table !
Sur la table ?
Alors, tu trouves qu’une table c’est un endroit pour mettre une robe, toi ?
Oh ! mon chapeau !
Je te demande pardon.
Marcel ! Marcel ! mon chapeau !
Ah ! t’as de l’ordre, toi ! (Il prend la robe des plis de laquelle tombe une petite boîte longue.) Qu’est-ce que c’est que ça ? (Il ramasse.) Ah ! la boîte d’allumettes-feu d’artifice ! Quel fourbi, mon Dieu, quel fourbi !… (À Amélie.) Allez ! houste ! grouille-grouille ! (S’empêtrant les pieds dans la robe en s’en allant. — Furieux.) Allez ! voyons donc !
Scène II
Grouille-grouille ! il est bon, lui ! j’ai aucune envie de grouillegrouiller. (Sortant les jambes du lit.) Ah ! j’ai les jambes en coton ! (Sautant hors du lit.) Allons, un peu de courage !… (Passant devant le lit.) Où est mon jupon ?… (À ce moment entre Charlotte qui descend carrément en scène.) Oh !
Oh !… Pardon !
C’est moi !… Je… je venais…
C’est… c’est M. Courbois que madame attend ?
Hein ? Oui… Oui, précisément !
Je ne sais pas si monsieur est visible ; je vais m’en assurer.
Oh ! bien non, ne le dérangez pas, je repasserai, mademoiselle !… je repasserai !
Là, maintenant, si tu… (Apercevant Charlotte et passant vivement au 2 entre Amélie et Charlotte.) Ah !… Eh !… bien, qu’est-ce que vous faites-là, vous ?
C’est… c’est madame, qui…
Madame ?
… qui demandait si monsieur était chez lui !…
C’est encore vous !… Voulez-vous me fiche le camp !… Qui est-ce qui vous a permis d’entrer ?…
C’est le courrier que le concierge vient d’apporter.
Eh ! bien, est-ce que c’est une raison pour entrer comme dans un café ? Allons, donnez moi ça !…
Et puis voilà le papier à lettres !… et la pelote de ficelle qu’hier monsieur m’a dit d’acheter.
Eh bien ? vous ne pouvez pas poser ça sur la table de nuit ? vous ne voyez pas que j’ai les mains embarrassées ?
Oui, monsieur.
Et emportez la bouteille de champagne.
Oui, monsieur.
Espèce d’oie !
Oui, monsieur !
Espèce d’oie !
Avec malice.
Dis donc… ! Je crois qu’elle m’a vue !
Oui, ah ! C’est malin !… Je vais la flanquer à la porte, moi !
Pourquoi ?
Ça lui apprendra… à t’avoir vue !
T’as tort, elle est gentille, ta soubrette.
Ah ! si tu crois que je l’ai regardée.
Comment s’appelle-t-elle ?
J’en sais rien ! je ne le lui ai pas demandé.
Comment, tu ne sais même pas le nom de ta bonne ?
Mais non ! Elle s’est présentée hier matin, je dormais, je l’ai engagée dans l’obscurité… C’est la première fois que je la vois.
Ah ! ben ! si j’étais ta maîtresse, tu sais… ! une bonne comme ça !… elle est bien trop jolie pour un homme seul !
Ah ! tiens, va t’habiller, tu dis des bêtises ! Si tu crois que je suis pour amours ancillaires ! (L’entrainant par le poignet.) Va ! tes frusques sont par là !
T’as raison… (Lui faisant brusquement lâcher prise.) Ah ! Mais au fait !…
Quoi ?
C’est idiot, je peux pas la mettre, ma robe !
Pourquoi ?
Mais parce que ! C’est une toilette du soir, décolletée et toute pailletée. Je ne me vois pas rentrant dans cette tenue en plein midi.
Eh ! ben, tu prendras le Métro.
Mais non ! mais non ! rien que pour mon concierge !… et pour moi-même, c’est ridicule !… Non, je vais écrire un mot à papa, pour qu’il m’apporte un costume tailleur, tu feras porter la lettre par ta bonne ! Maintenant qu’elle m’a vue, il n’y a plus à se cacher.
Comme tu Voudras !… Mais ce que tu perds un temps !
Là ! voyons…
Oh ! là ! Oh ! là ! Quoi ? qu’est-ce que tu veux, mon petit ! demande-moi ! demande-moi !
Du papier !
Oui, eh ! bien, ne casse pas tout pour ça.
Du papier !
Eh bien ! oui, voilà ! voilà !
Allez ! grouille-grouille.
« Grouille-grouille » ! En voilà des expressions !
Je te ferai remarquer que c’est toi qui, tout à l’heure…
Oui, c’est bon ! Tiens ! attrape.
Merci !
Ah ! « Bercy » ! Charenton, oui !
Petit père ! je suis rue Cambon, chez Courbois, qui m’a logée cette nuit. Viens me prendre et apporte-moi un cos.. (Elle prend de l’encre.) tume tailleur. Je t’embrasse, Amélie.
Pas d’h.
Quoi ?
Pas d’h, à tailleur.
Ah ?… Oh ! Ça fait rien ! c’est pour papa.
Ah ? bon !… bon bon ! moi ce que j’en faisais c’était pour tailleur !
L’adresse, à présent : « Monsieur Pochet… »
Ah !
Rue de Rivoli… Qu’est-ce qu’il y a ?
Ah ! nom de nom !
Mais quoi ?
Le parrain ! le parrain qui rapplique à Paris !
Qui ? Van Putzeboum ?
Oui ! Ah ! cochon de sort ! Mais qu’est-ce qu’il vient faire ? Il était si bien parti pour ne plus revenir !
Nous allons encore l’avoir sur le dos !
Mais oui ! Tiens, v’là la lettre : (Lisant.) « Écoute, filseke !… » (Parlé.) Parce qu’il est d’Anvers. (Lisant) « Écoute filseke !… » (Parlé.) Il habite la Hollande…
Mais il est d’Anvers.
Ah ! ah ! tu sais ?
Oui… oui, je sais !
« Écoute, filseke, je te fais la surprise. Je suis à Paris depuis ce matin ; j’espère que je vais savoir te voir cet après-midi. Ton parrain qui t’aime. » (Se levant et gagnant jusqu’au pied du lit — entre chair et cuir :) Cochon, va !… Ah ! elle est jolie la surprise !
Ah ! oui !
« Post-scriptum : « Nous te faut… » (Parlé.) Quoi ? (Lisant.) « Nous te faut… » ? (À Amélie.) Qu’est-ce que tu lis là ?
« Nous te faut… »
Nous te faut, oui !
« Nous te faut dîner ce soir avec ta fiancée et son père, M. d’Avranches. »
Ah ! ça va bien. (À Amélie.) Nous te faut dîner avec lui ce soir !
Ce soir ! Mais je ne peux pas.
Ah ! y a pas ! Nous te faut, nous te faut !
Mais ce soir je dîne avec…
Ça m’es égal ! Décommande-toi. Il n’y a pas : Nous te faut ! nous te faut ! Ah ! le crampon ! le crampon !
Ah ! oui, alors !… C’est gai d’être obligée de tout chambarder ! Enfin, qu’est-ce que tu veux, je vais écrire. Mais si tu crois que ça m’amuse.
Ah ! quoi, mon petit ! Nous te faut !
Oui, oh ! c’est gai.
Mais qu’est-ce qu’il vient faire, mon Dieu !… Je croyais si bien en être débarrassé ! il devait partir pour l’Amérique !…
Ah ! bien, c’est peut-être ça !
Quoi ?
S’il part pour l’Amérique…
Eh ! ben ?
Il doit s’embarquer au Havre…
Alors ?
Alors, il est tout naturel qu’il passe par Paris.
Enfin ! Dieu t’entende ! (Changeant de ton.) Eh ! bien ça y est, ? (Amélie, occupée à écrire, ne répond que par un imperceptible signe de la tête. Plus fort.) Ça y est ? (Même Jeu.) Ça y est ?
Mais oui, ça y est.
Eh ! bien, on le dit !
Eh ! bien, je l’ai dit !
Toi !
Je l’ai dit de la tête !
Ah ! « de la tête » !
Attends ! c’est pas sec !
Eh ! ben, souffle ! (Il descend extrême gauche. Amélie souffle alternativement sur les deux enveloppes, qu’elle tient chacune par une main ; après quoi, dans chacune d’elle, pendant ce qui suit, elle introduit une des lettres qu’elle vient d’écrire.) Entrez !
Scène III
On… on peut tout de même ?… Oui ?
Quoi ?
Bien que monsieur ait sonné, on peut tout de même entrer ?
Est-ce que vous vous payez ma tête ?
Non, monsieur.
Espèce d’oie !
Oui, monsieur.
Allez ! madame a une commission à vous donner.
Oui, tenez, ma fille ! Ce n’est pas loin… cette lettre à porter à l’hôtel Continental…
Oui, madame.
Attendez ! attendez ! Et puis cette autre : rue de Rivoli, à côté.
Ah ?… Ah ! ben, alors, c’est pas une commission.
Comment, c’est pas une commission ?
C’est… deux commissions !
Dites donc ! Voulez-vous me foute le camp ?
Oui, monsieur.
Voulez-vous me foute le camp ?
Oui, monsieur !
Espèce d’oie !
Ah ! zut, moi je gèle comme ça !
Vous m’entendez : Espèce d’oie ! (Il referme la porte et, se dirigeant vers la table où il croit trouver encore Amélie.) Non, on n’a pas idée, ma chère… (L’apercevant dans le lit.) Hein ! Ah non, non ! tu ne vas pas te recoucher !
Oh ! mais, je suis gelée, moi ! et en attendant papa…
Il n’y a pas d’ « en attendant papa » ! Allez ! Allez ! Debout !
Oh ! mais voyons…
Debout-debout-debout !
Chut ! (Tous deux restent coi, l’oreille tendue.) On a sonné !
Oui.
Qui est-ce qui vient nous embêter ?
Mais qui demandez-vous, madame ?
Est-ce que monsieur est là ? Oui ?
Nom d’un chien, Irène !
Quoi ?
Ma maîtresse, fous le camp !
Hein ! C’est madame ?
Mais fous donc le camp, n… de D… ! Cache toi !
Mais où ? Mais où ?
Mais je ne sais pas ! Là, sous le lit ! Dépêche-toi, sacrebleu !
Ah ! bien, je m’en souviendrai de cette matinée !
Mais vas-tu te dépêcher, nom d’un chien !
On peut entrer ?
Qui… ? Qui est là ?
Oh ! qu’il fait noir !
Mais qui… qui est là ?
Ton cœur ne te le dit pas ?
Ohohoh ! Irène !
Ah ! Son cœur le lui a dit ! (S’élançant vers le lit à tâtons.) Ah ! Chéri !… Mais où es-tu donc ?
Mais là ! (La main d’Irène, dans l’obscurité, vient cogner le visage de Marcel.) Oh !
Oh ! Je t’ai mis le doigt dans l’œil ?
Non ! c’est ma bouche !
Oh ! mon chéri !
Oh ! ma Rérène !
Oh ! ce qu’on est mal là-dessous !
Mais pourquoi es-tu dans le noir, comme ça ? Attends !
Qu’est-ce que tu cherches ?
Le bouton de l’électricité.
Oh ! tu veux allumer !
Mais oui, c’est triste, ici ! On ne se voit pas ! (Avec coquetterie.) et on y perd !… Moi, du moins !
Oh ! mais moi aussi.
Oh ! tu dis ça, pour ne pas être en reste.
Mais non, j’y perds bien plus que toi !
Oh ! t’es gentil !
Non. mais ils n’ont pas fini au-dessus !
Enfin ! où est-il donc le bouton ?
Près du lit, au-dessus de la table.
Au-dessus de la table, bon ! (En tâtonnant, elle fait tomber la pelote de ficelle, qui roule sous le lit[2].) Oh ! qu’est-ce que j’ai fait tomber ? C’est sous le lit ! attends !
Fichtre !
Laisse donc ! Laisse donc !
Mais c’est là… !
Mais laisse donc, voyons !… Ça n’a pas d’importance !… C’est une pelote de ficelle ! On la ramassera plus tard.
Ah ! Et puis, comme tu voudras.
Oh ! c’est dommage ! on aurait reçu une visite !
Je le tiens. Ah ! voilà ! (Elle tourne le commutateur, le lustre s’allume.) Ah ! à la bonne heure ! on se voit, à présent !
Ah ? tu trouves ?
Oh ! ça te fait mal aux yeux ?
C’est parce que je viens de me réveiller, n’est-ce pas ? alors…
C’est moi qui t’ai réveillé !… Oh ! je suis désolée !
Mais non ! non ! mais tu as bien fait ! il est temps de me lever.
Comment as-tu dit ça ?
Oui, tu comprends, n’est-ce pas ?…
Mais rien du tout ! Tu me parles de te lever, quand j’arrive ! Eh ! bien, c’est encore gentil, ça !… Quand je suis là, près de toi, tout heureuse, tout frémissante du désir de toi !
Hein ?
Eh ! bien, mon colon !
Du tout, du tout ! Tu étais en train de dormir, eh ! bien, on va dormir tous les deux !
Aha ?
Comme un petit mari et une petite femme !
Aha !
T’es pas content ?
Oh ! Si ! si ! Ah ! ben !
Eh ! ben, on va rigoler là-dessous !
Et puis tout, comme un petit mari et une petite femme !
Aha ?
Et tout ça sur ma tête ?
Oh ! mon chéri-chéri !
Oh ! ma Réré-Réreine !
Ça y est ! on entame l’ouverture !
Ce que c’est gênant de sentir un tiers sous soi, dans ces moments-là !
Et maintenant, sois heureux ! J’ai toute ma journée à toi.
Hein !
Aha ?
Il va falloir que je reste toute la journée la dessous, moi ?
Toute… toute la journée ?
Tu n’as pas l’air ravi.
Moi ! Ah ben ! ah ! là là !
Non, vraiment, écoute ! quand je suis là, près de toi… !
Tu as raison ! Tiens ! J’ai un bain à prendre ! Viens ! Viens ! dans la salle de bains…
Hein ! mais non ! mais non ! En voilà une idée !
Tu ne veux pas venir dans la salle de bains ?
Mais non !
Ah ! ça serait pourtant si bien, si elle allait dans la salle de bains !
Quand on a une bonne chambre, aller dans la salle de bains ! Ah ! non ! non, merci ! (Revenant à Marcel.) Tu vas me faire une place dans ton dodo ; et moi, je vais me déshabiller.
Aha ?
Hein ! ces femmes honnêtes ! Et ça vous traite de haut en bas !
Oh ! cette agrafe !… (Sentant assise sur le lit et présentant sa nuque à Marcel qui, tout occupé à monologuer en lui-même, semble ne pas l’entendre.) Tiens, Marcel, veux-tu… ? (Voyant que Marcel ne lui répond pas.) Marcel ! (Descendant du lit, puis saisissant Marcel brusquement par le menton et lui faisant ainsi tourner la tête de son côté.) Non, mais quoi ? Qu’est ce que tu as ?
Hein ?
Ça ne te va pas ?
Oh ! mais si !
Non, non ! Tu as l’air de faire une tête ! Ah ! ça, dis donc, est-ce que, par hasard, depuis que tu fréquentes mademoiselle d’Avranches… ?
Moi !
Oh ! quoi ? quoi ? Qu’est-ce que tu vas t’imaginer ?
Ah ! C’est que je suis bonne personne ; j’ai bien voulu me prêter pour ton parrain… ! mais peut-être qu’à jouer comme ça à la fiancée et au fiancé… qui sait ? il a bien pu arriver que… Ah ! mais c’est que ça ne m’irait pas !
Oh ! moi, moi ! avec Amélie ! Ah ben ! Ah ! là. là, tu ne m’as pas regardé !…
Non, mais dis donc ! Dis donc, là-haut !
Ah ! J’espère ! D’ailleurs, ce n’est pas une femme pour toi, cette petite ! Évidemment, elle a une frimousse.
Ah ! ça oui, oui, elle a une frimousse.
Merci, trop aimable !
Aha !… aha !
Eh bien, qu’est-ce que tu as ?
Bien ! Bien !… C’est le matelas qui dégouline !
Oh !
Oh !
Quoi ?
Rien, rien ! j’ai fait « oh ! »
Non, mais, qu’est-ce que c’est, cette Amélie ! une ancienne femme de chambre ! Un torchon !
Non, mais entrez donc !
et vulgaire !… sans race !…
N’en jetez plus, la cour est pleine !…
C’est comme ses mains ! Tu n’as pas vu ses mains ?
Non ! Non, je…
Quoi ? Qu’est-ce qu’elles ont, mes mains ?
C’est une bonne fille, mais pas soignée…
Ah ! mais elle m’embête, madame !
Elle s’ondule avec de la vanille, mon cher ! le figures-tu ça ?
Et je resterai là-dessous pour entendre ça ! Ah ! non, alors !
Vois-tu, mon chéri, la vraie femme qu’il te faut, c’est moi.
Comment donc ! c’est ça !
Qu’est-ce que tu fais ?
Il y a des moments où je préfère l’obscurité.
Oh ! la pelote de ficelle !… Attends un peu !
Oh ! Chéri ! Chéri !
Oh ! Réré-Réreine !
On est bien sur ton lit !… Ah ! si tu savais comme j’ai mal dormi cette nuit !
Ah ! pas plus que moi ! J’ai travaillé tard !
Moi, j’ai eu des cauchemars !… Figure-toi : je somnolais ; j’ai été réveillée en sursaut par une longue forme blanche, qui, à la lueur de la veilleuse, agitait de grands bras… (Sans transition, l’embrassant.) Je t’adore.
Oui, oui !… C’était quoi ?
Mon mari, qui passait sa chemise de nuit ! Crois-tu ! C’est tout simple, mais quand on ne s’attend pas !… Toute la nuit, ça m’a poursuivi ! (Apercevant le couvre-pied qui dégringole du lit, tiré d’en bas par Amélie.) Tiens, ton couvre-pied qui est tombé.
Oui. ça ne fait rien.
Et tout le temps, il me semblait voir les objets s’agiter, les meubles marcher… (Poussant un grand cri en apercevant le couvre-pied, sous lequel est cachée Amélie, avancer dans la chambre avec des soubresauts comiques.) Ah !
Aaaah !
Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Là !… là !… ton couvre-pied qui marche !
Ah ! chameau d’Amélie, va ! (Haut, faisant l’innocent.) Où ça ? Je ne vois rien !
Mon Dieu ! C’est mon cauchemar qui me reprend… Oh ! Marcel, j’ai peur !
Allons, voyons ! voyons ! pour un couvre-pied qui marche ! mais ça se voit tous les jours. Faut être au-dessus de ça ! faut être au-dessus de ça !
Aaah !
Quoi !
Là ! Là ! le voilà qui revient !
Hein !
Là ! Là !
Mon couvre-pied qui revient tout seul !
Ah !…
Allons, voyons ! Allons, voyons ! Mais du calme… du calme, quoi !
Marcel ! Marcel ! N’y va pas !
Allons ! Allons ! Qu’est-ce que tu penserais de moi si !… Ce n’est pas au moment du danger qu’un homme se dérobe !
Marcel ! Marcel ! prends garde !
Ah ! là ! voyons ! (Comme précédemment, il gagne prudemment vers le couvre-pied. Arrivé auprès, le considère de l’œil, risque un ou deux coups timides de la pointe du pied dans la couverture, puis voyant que rien ne bouge, après un peu d’hésitation, la saisit par un des coins et, triomphant, la ramène en courant vers Irène qui, pendant ce jeu de scène, est descendue à l’avant-scène droite, à distance respectable de Marcel.) Là !… tu vois ! petite peureuse !
Ah ! Tu en as du courage,
Un homme ne recule pas, même devant un couvre-pied !
Ah !
Ah ! mon Dieu ! Au secours ! Au secours !
Mais ne crie donc pas ainsi à la fin ! Ça finirait par me gagner !
La couverture est enchantée ! Je ne veux pas rester une minute de plus !
Mais ne crie donc pas comme ça ! Ne crie donc pas comme ça !
Ah ! Au secours ! Au secours !
Qu’est-ce qu’il y a ? qu’est-ce qu’il (Poussant un cri.) Ah ! Au secours ! Au secours
Mais taisez-vous donc ! Mais taisez-vous donc !
Eh ! bien, je crois que c’est mené… ça !
Hein ! C’est toi ! C’est toi qui nous fiches des venettes pareilles ?…
Eh ! oui, faut bien que les masques et les allumettes-feu d’artifice servent à quelque chose !
Ah ! non, écoute, c’est idiot !… Tu as vu dans quel état tu as mis ces malheureuses femmes.
Plains-toi, je t’ai sauvé la partie avec madame ; sans cela, elle serait encore là, et tu étais plutôt empêtré !… Elle a eu un peu le trac, hein ? Ah ! bien, ça lui apprendra à me chiner ! Après l’accueil que je lui avais fait chez moi ! Non, « mes mains » ! Mais, qu’est-ce qu’elles ont, mes mains !
Allons, voyons ? (Changeant de ton.) Ah ! parbleu, quand j’ai vu le couvre-pied filer, j’ai bien pensé que tu étais dessous !… Mais, quand je l’ai vu revenir tout seul… ! Ah ! ça, par exemple… !
T’as eu la frousse.
Oui !… (Vivement) Hein ! non !… Non mais, en fin, je n’y étais plus ! je ne… Comment diable as-tu fait ça ?
Oh ! que c’est malin ! Madame m’avait envoyé de la ficelle, n’est-ce pas ? Alors, moi, avec une épingle à cheveux, j’ai relié la corde au couvre-pied, j’ai passé autour du pied du lit… et, une fois dans le cabinet de toilette, aie donc ! je n’ai eu qu’à tirer pour que le couvre-pied revienne en place.
Ah ! que c’est bête ! Veux-tu que je te dise ? c’est enfantin !
Ben oui ! C’est l’œuf de pigeon ?
Quel œuf de pigeon ?
Ben, je ne sais pas ! C’est toi qui disais ça l’autre jour !
Moi ?
Enfin quoi ? il fallait le trouver.
Ah ! l’œuf de Colomb, tu veux dire.
Oh ! bien, oui, quoi ! Colombe, pigeon, c’est toujours le même animal.
Le même animal ! évidemment, évidemment ! (Répétant en riant sous cape.) L’œuf de pigeon !
Voilà comme je suis, moi ! Je suis inventive !
Ah ! grande gosse, va !… (Se retournant et apercevant Amélie dans le lit.) Ah ! non, non, tu ne vas pas te recoucher. Allez ! debout-debout-debout !
Oh ! mais enfin… !
Allez deb…
On a sonné.
Oui.
Scène IV
Alleï ! alleï ! laissez, puisque je vous dis que je suis le parrain.
Nom d’un chien, le parrain ! Allez ! Fous le camp n… de D… ! fous le camp.
Mais où ça ?
Mais sous le lit, donc !
Ah ! non, zut ! j’en ai assez !
Mais vas-tu fiche le camp. (Au moment on voit tourner le bouton de la porte du fond.) Non, trop tard.
Attends un peu donc !
On n’entre pas !
Mademoiselle Amélie d’Avranches !
Hein ! oui !… oui, je passais.
Ah ! Tiens ! c’est vous ! Oh ! comment ça va ?
Quelle charmante surprise !
Et dans le lit donc, ensemble !
Oh ! Si on peut dire !…
On passait ! On passait !
Oui ! Oui !… Eh ! hé ! Eh ! hé !
Quoi ?
Ça va bien, pour une fois !
Mais pas mal, mon parrain ! Vous aussi, je vois !
Vous avez eu bon ? Oui ? Oui ?
Oh ! mon parrain !
Ah ! Godferdeck ! Tu ne l’as pas encore mariée, ta femme, et tu profites déjà sur !
Hein !
Eh ! bé, filske !
Mon parrain, je vais vous expliquer…
Je vous assure, monsieur, que…
Hou là ! Mais qu’est-ce que c’est donc ? C’est votre affaire, savez-vous !
Redescendant no 3.
Hein ! Oui, je sais bien.
Ça est comme qui dirait une avance sur titre… Tu touches avant ; ça te regarde ! (Allant au lit.) Et ça va, la jeune fiancée ?
Mais vous voyez… le parrain !
Ouyouye ! Ah ! tout de même, le garnement !… Quand c’est que je pense que vous étiez si innocente donc il y a quinze jours !
Moi !
Comme on dit à Paris… il a fait vite de vous déssalei.
Oh !
Être de perdition, va !… Et le papa, alors ? M. d’Avranches ? ça, qu’est-ce qu’il dit donc ?
Oh ! il ne sait pas ! il ne faut pas lui dire… ni à personne ! hein ?… Surtout… surtout à personnel…
Alleï ! Alleï ! Qu’est-ce que tu penses, hein ! Est-ce que ça est même_à dire, ces choses-là.
D’ailleurs, il n’y a rien, vous savez !… On… on dormait.
Ouie ! ouie ! Ça, je me doute… Ah ! Tout de même, non ! écoutez ; je vous demande une fois pardon d’être entré… comme ça jusque dans le lit, mais ça, je ne savais pas, n’est-ce pas ?
Oh ! mais…
Je voulais seulement faire la surprise de mon retour.
Ah ! le fait est que je ne m’attendais pas !… Vous êtes de passage à Paris ? Oui !… Évidemment.
Espère donc ! Ca est la surprise justement. Je me suis dit : « Vraiment, en souvenir de son père, et pour son amitié, je ne sais pas laisser faire le mariage pour que je n’y sois pas. »
Hein !
Alors, je me suis arrangé ! J’envoie mon fondé de pouvoir pour qu’il me remplace en Amérique et je vais une fois le rejoindre après la noce. Que tu saisis, fils ?
Ap… ap… ap…
Ap… ap… ap… Tu broubelles (broubeulles) à présent ?
Quoi ?
Tu broubelles ?… Tu es bègue ?
Non, je dis : « Ap… après la noce ? »
Oui… Comme ça, je pourrai te remettre de la main dans la main ta fortune, que je suis dépositaire.
Aha ? Ah ! ben, voilà une surprise !
Le fait est que pour une surprise !
Ça, c’est une surprise !
Oui ? Ça te plaît, ça ?
Oh ! je suis radieux !
Eh hé, ça te faut dire, savez-vous !… car, quand je te regarde, ce que tu peux, une fois, avoir l’air lugubre, quand tu es radieux !
Qu’est-ce que vous voulez, ça dépend des natures.
Oui, ça, je sais ! J’en ai eu un comme ça, quand il était joyeux… Ça était triste ! missait, il gémissait !
Là ! ben, vous voyez !
Et il me léchait ! il me léchait !
Hein !
Qui ?
N’poleion premier donc ! Mon bouledogue. (Caressant machinalement la nuque de Marcel.) Si vous aviez vu la gueule qu’il avait !
Allons ! voyons donc !
Ah ! C’était ça une bonne bête !
Je suis vraiment heureux de vous l’avoir rappelé.
Mais je bavarde, je bavarde, ça est pas tout ça, filske ! Maintenant que je t’ai vu… ta fiancée se faut s’habiller, n’est-ce pas ? et moi, je gêne !
Oh ! vous partez !… déjà ! Oh ! vraiment !
Oui ! En attendant, je vais savoir faire une course ou deux, et je passe dans la demi-heure vous reprendre tous les deux. On fera la pormenade jusqu’au dîner, hein, donc ?
C’est ça ! bon ! c’est ça !
Vous nous gâtez vraiment ! Vous nous gâtez !
Alleï ! Alleï !… Ça est pour moi le plaisir !… Et alors on prévient le papa, hein donc ? qu’il dîne avec nous !
Entendu, entendu !
Alleï ! Ne vous dérangez pas ! s’il vous plaît !
C’est ça ! Au revoir ! au revoir ! (Lui fermant la porte sur le dos, puis à Amélie.) Eh ! bien, nous sommes propres !
Comment vas-tu sortir de là, maintenant ?
Eh ! C’est fini ! Ma combinaison est dans l’eau ! C’est la catastrophe !
Allons, allons ! s’agit pas de se démonter !
Quoi ! il veut assister au mariage… Je ne peux pas le lui donner, moi, le mariage ! c’est au-dessus de mes moyens.
Ah ! oui, dame, ça !
Le papa ! Voilà le papa !
Quoi ?
Quel papa ?
Ton papa à vous ; il monte l’escalier !
Eh ! bien, après ?…
Mais alleï, cachez-vous !
Moi ?
S’il vous voit comme ça, il va se douter… Cachez-vous.
Hein ! Ah ! Oui ! oui !
C’est vrai ! Ah ! malheureuse que je suis !
Non ! non ! ne soyez pas désoléï ! Ça n’est pas le moment, savez-vous ! Alleï, alleï, entrez là !
Oh !… Vieille colle, va !
Scène V
Ah ! je vous trouve.
Vous !
Ma fille ?… ma fille est ici ?
Amélie… ?
Non, monsieur, non ! elle n’est pas là !
Comment, elle n’est pas là ?
Non, j’ai visiteï ! tout l’appartement ; elle n’est pas là !
Oui, en effet, elle…
Ah ! par exemple !… mais où est-elle ?
Ah ! Ça, on ne sait pas dire, savez-vous !… (Posant sa main gauche sur l’épaule de Marcel.) Mais Marcel ça est un galant homme, tu sais ! et il n’oublie pas qu’une file est une file.
Quoi ? Quoi ? « Une file est une file ? » (À Marcel.) Enfin, n’importe, il faut que je vous parle.
Ah ? Ah ?… Eh ! bien alors, mon cher parrain… !
Quoi ?
Vous aviez une course à faire, n’est-ce pas ? Je crois que maintenant…
Oh ! prends garde, tu sais !… le vieux, il a flairé le vent !… Si je te laisse… !
Non, non ! n’ayez pas peur !
Au moins, je vais la faire filer, que le père ne la voie pas.
Non, non ! ne vous inquiétez de rien, je réponds de tout.
Allons ! Ça te regarde hein ! donc !… Moi ! c’était pour toi.
Oui, oui, je vous remercie bien.
Au moins tâche un peu de savoir mentir.
Oui, oui, soyez tranquille !
Au revoir alors !… à tout à l’heure, donc !… (Se dégageant de Marcel et descendant un peu vers Pochet qui est devant le pied du lit.) Monsieur d’Avranches, on dîne ensemble ce soir, n’est-ce pas ?
Moi ?
Oui ! Ça est convenu avec Marcel et votre file.
Hein ? Ben… vous l’avez donc vue ?
Hein ! non, non ! Mais je suppose, n’est-ce pas ? puisque le fiancé il dîne, la fiancée doit faire avec.
Ah ! oui.
Oh ! je m’en vais, moi ! Ça est plus sûr.
C’est ça ! C’est ça ! Allez !
À tout à l’heure.
Eh ! bien, qu’est-ce que ça veut dire ? Il est revenu, lui ?
Ah ! il m’est retombé sur le dos !
Pour longtemps ?
Eh ! jusqu’au mariage ! il vient pour y assister.
Non ? C’t averse ! Comment allez-vous faire ?
Ah ! est-ce que je sais !
Ah ! c’est embêtant !… oh ! c’est embêtant !… Sans compter que cette situation-là, c’est bon un moment ! mais à trop durer… ça finirait par compromettre Amélie.
En quoi ?
Dame ! si on croit vraiment qu’elle est fiancée, ça décourage !
Oh !
Croiriez-vous qu’elle n’est pas rentrée cette nuit, cette petite !
Non ?
Comme je vous le dis ! Ah ! je ne suis pas content !
Scène VI
Bonjour, papa !
Ah !… eh ! bon, mais… ! tu es ici, toi ?
Mais oui, quoi ? tu le sais bien.
Mais non ! (À Marcel.) Ah ça ! qu’est-ce que vous me disiez ?
Mais c’est pas moi ! C’est le parrain !
Comment, « tu ne sais pas » ? mais je t’ai écrit !
À moi !
Mais oui ! Alors, quoi ? tu ne m’apportes pas mon tailleur ?
Je devais t’apporter un tailleur ?
Oui, enfin, un costume tailleur… Je n’ai qu’une toilette de nuit.
Oh !… je vois !… Mais je n’ai rien reçu… On a dû porter ton mot comme j’étais déjà sorti pour venir.
Alors, qu’est-ce que tu viens faire ?
Mais vous prévenir, donc ! pour le cas où il aboulerait ici.
Qui ?
Mais Étienne !
Étienne !
Il a fini ses vingt-huit jours.
En quinze jours !
Son régiment est licencié ! il y a une épidémie d’oreillons !
Oh ! nom d’un chien.
Alors, au débotté tout à l’heure, il est tombé à la maison.
Oh ! ma mère ! ma mère !
Et qu’est-ce que tu as dit ?
Eh ! naturellement, j’ai dit n’importe quoi !… J’ai dit que tu étais sortie de bonne heure…
Bon ça !
Qu’est-ce que tu voulais ! il fallait bien sauver la face. Ah ! c’est chic de me mettre dans des situations pareilles !… Obliger ton père à mentir !…
Oh ! ben !…
Moi ! un ancien assermenté !
Une fois n’est pas coutume.
Ah ! non, non ! je ne suis pas content ! Ça n’est pas sérieux ! Découcher maintenant !…
Oh ! papa : on n’a rien à se reprocher ! J’ai couché ici, mais… !
C’est très bien ! Je ne veux pas le savoir ! (À Marcel sévèrement.) Je ne veux pas le savoir !
Mais je vous dis rien, moi !
Tu reconnaîtras que je ne me mêle jamais de tes affaires. Il y a certaines choses dans la vie où un père qui se respecte doit garder ses distances… Je n’ai donc jamais voulu être pour toi, ni un juge ni un ascenseur !… C’est-y vrai ?
C’est vrai.
Mais je tiens à te dire ceci : C’est que moi, qui suis un homme ! jamais, tu entends, de toute ma carrière — en dehors des jours… où j’étais de nuit — jamais, je n’ai découché !… (À Marcel.) jamais !
Mais encore une fois je vous dis rien, moi !
Que ton père te serve d’exemple ! (Dégageant.) Quand je défaillais, moi… c’était l’après-midi.
C’est vrai, papa ; c’est plus convenable !
Ah !
Mais je vais te dire aussi, pour notre excuse : Ce n’est pas entièrement de notre faute ; hier soir, on avait tellement fait la bombe ; on était tellement ronds !…
C’est-à-dire que, si on n’a pas la gueule de bois…
C’est un miracle.
Mais oui ! Mais oui ! Mais je ne doute pas que tu n’aies d’excellentes raisons ! mais c’est tout de même des choses qu’on ne peut pas expliquer au concierge ! Alors !…
Ben, oui ! je sais bien.
Ah ! (Il embrasse sa fille : instinctivement se tourne ensuite vers Marcel, fait le mouvement de l’embrasser et s’arrête en route.) La jeunesse est légère !
Logeur, s’il vous plaît.
Qu’est-ce que c’est que ça ! Qui est-ce qui crie comme ça dans l’antichambre ? (Ouvrant la porte du fond et la refermant aussitôt.) Sapristi ! le prince ici, chez moi !
Le prince ici !
Oh ! et je suis en chemise !
Nom d’un chien !… le bougeoir !… le bougeoir !…
Oh ! que de monde !…
Sire !
Ah ! monsieur le père ! oui ! Encore avec une bougie !
Excusez-moi, Majesté ! je n’ai pas eu le temps d’allumer.
Mais qu’est-ce que vous faites donc toujours avec une bougie ? C’est donc une manie ? un tic ? Dites-moi quoi ?
Mais non, sire !…
Et puis, je vous prie ! je ne suis pas sire ! Je suis Monseigneur, Altesse ! Donc votre sire et votre bougie, vous pouvez laisser ça ensemble.
Pour que ça fonde.
Quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
C’est un mot pour faire rire Votre Altesse : « Sire… bougie… la cire dans la bougie… la bougie dans la cire… ça fond !… »
C’est idiot !
Ah ?
Et je vous ai décoré !
Commandeur, oui, Altesse ! (Tirant à moitié le brevet de sa poche.) J’ai même reçu le brevet !
Oui, oui… enfin !… C’est au titre étranger !
Croyez bien, monseigneur… !
Oui, assez ! merci !
Bon !
Ah çà ! qu’est-ce qu’il vient faire chez moi ?
Mais quoi ? Je ne vois pas mademoiselle d’Avranches !
Amélie ! Amélie ! Son Altesse t’appelle !
Ah ! non ! non !
Mais viens donc, voyons ! Quand un roi commande !… (Au prince, qui est à droite du lit.) Elle se cache, la chère enfant !
Oh ! mademoiselle d’Avranches, je vous en prie !
Oh ! Monseigneur !…
Allons, voyons ! (Au prince.) Elle… elle s’habille.
Oh ! Monseigneur… vraiment !… je suis en chemise.
Oh ! très bien, je vois ! vous m’attendiez.
Moi !…
C’est un amour, cette petite !… Ah ! je comprends qu’une tête couronnée…
Oui ! Eh bien ! comprenez !… mais en silence.
Ah ?… pardon.
Vous m’avez écrit de venir, je suis venu.
Moi !
Le général me suit !… avec les costumes tailleur.
Hein !
Je lui ai dit de prendre un choix… (Sur un ton de regret.) n’ayant pas la mesure !
Oh ! mais, Monseigneur, il y a erreur !… Je ne vous ai jamais écrit ça.
Comment donc ? mais tenez ! (il tire de sa poche la lettre qui lui a été portée ; il la déplie pour la lire ; Pochet curieusement s’est approché les deux mains dans les poches et jette les yeux sur la lettre par-dessus l’épaule du prince ; ce que voyant, celui-ci toise avec hauteur Pochet, qui se le tenant pour dit, pivote sur les talons, les yeux au plafond, et s’éloigne de l’air le plus innocent du monde ; dès lors, le prince entame la lecture de la lettre.) « Petit père… »
Oh !… et vous admettriez !…
Mais comment ! C’est très drôle ! J’aime ça ! (lisant) « Je suis rue Cambon, chez Courbois, qui m’a logée cette nuit. » (Parlé) Courbois, quel drôle de nom !
Oui, hein ?
C’est monsieur !
Oui, c’est… (À Marcel.) Hep !
Monseigneur !
Encore la bougie !
C’est M. Courbois.
C’est… c’est Courbois.
Aha !… C’est vous le logeur ?
Hein ?
C’est très bien !
Comment, « le logeur » ?
Chut, pas de rouspétance.
Où en étais-je ? Ah ! oui. (Lisant.) « Viens me prendre et apporte un costume tailleur. »
Oh ! Monseigneur. Mais ce n’était pas à Votre Altesse que j’écrivais ainsi.
Hein !
C’est à papa.
Mais comment ?
Je ne sais pas ! Je me suis trompée d’enveloppe !
J’y suis ! C’est moi, alors, qui recevrai la lettre que tu écrivais à Son Altesse.
Ah !… ah !… ah !… (Un temps. Pochet s’arrête court.) Mademoiselle expliquera tout aussi bien.
Mais Monseigneur, je ne vous aurais pas appelé « petit père ! »
Elle n’aurait pas tutoyé Votre Altesse.
Ah !… ah !… ah !
Pardon !
De quoi vous mêlez-vous… le logeur ?
Ah ! zut !
Évidemment, voyons ! On m’adresse pas la parole à un prince royal avant qu’il vous parle. (Au prince, dont il est tout près.) Pas vrai ?
Eh bien ?… puisque vous le savez !
C’est pour ça que je lui dis.
Faites-le.
Ah ? bon !
Au contraire, c’est charmant de m’appeler petit père ! C’est tendre, c’est affectueux ! C’est slave ! C’est charmant de me tutoyer, moi que j’ai tant horreur de l’étiquette, du protocole.
Là, tu vois !
Ah !… ah !… ah !…
Oui !… Oui, oui !
Je suis un bon garçon, à la bonne franquette, comme vous dites !… j’aime à rire, à m’amuser, à faire des farces. Vous verrez, je suis très farceur !… À la cour de Palestrie, je suis connu pour…
Vraiment !
Oh ! que je vous comprends !
Ah !… ah !
Ah !
Ainsi, tenez, dernièrement : vous connaissez le gros Patchikoff ?
Non.
Non, nous ne…
Je demande ça à mademoiselle.
Non, mais je sais, elle ne le connaît pas.
Ah !… ah !… ah !
On ne parle pas à un prince royal, avant qu’il vous adresse la parole.
Ah !… ah !… ah !
Patchikoff, c’est un chambellam de la cour. Eh bien ! l’autre soir, après le dîner, nous l’avons empoigné, avec quatre de mes officiers, par les jambes et par les bras, et nous l’avons plongé dans une baignoire d’eau glacée.
Non ?
Il était furieux ! Il n’osait rien dire, mais il était furieux ! Nous avons ri ! Nous avons ri !… (Changeant de ton et le plus naturellement du monde.) Et il est mort !… d’une congestion !
Non ?
Ah !… Ah ! que c’est drôle !
Ce prince est décidément idiot !
Que c’est drôle ! Que c’est drôle !
Écoutez, le papa !… Je vous fais grand offier !… mais par Dieu le Père, foutez-nous la paix. (On sonne.) Tenez, la sonnette… Ça doit être le général !… Voyez donc, logeur !
Non mais, c’est ça ! il me prend pour son larbin. (À ce moment la porte du fond s’ouvre et l’on voit Charlotte introduire le général suivi d’un commis de magasin portant une caisse. Le général entre ; trouvant Marcel à droite de la porte, il lui remet, sans même le regarder, son chapeau entre les mains et descend un peu en scène. Marcel considérant le chapeau.) Oh ! charmant !
Scène VII
Eh ! entre donc, général !
Altessia !
Et alors ?… Tu apportes les costumes ?
Voilà tout ce que j’ai pu trouver, Monseigneur… (Brusque, au commis.) Mettez là, subalterne ! (Au prince.) On m’a donné plusieurs, à condition, comme ils disent. (Au commis.) Allez, l’employé ! vous ferez reprendre ! je vous prie.
Bien, monsieur ! Au revoir, messieurs, dame !
Tenez donc ! si vous voulez voir… ?
Oh ! Monseigneur, vraiment… ! (Toujours la main dans celle du prince, ayant décrit un demi-cercle autour de lui qui l’a amenée au 2, faisant une nouvelle révérence.) Oh ! vraiment, Monseigneur… !
Oh !
Ça n’est rien !
« Trois Quartiers. » Z’est-ce que c’est bien ?
Mon Dieu !… ce n’est pas là où je m’habille !… mais enfin !…
Si vous voulez essayer, celui qui vous va ?…
Volontiers ! Alors, si on veut m’apporter ça par là…
Ah !… ah !… ah ! (Pochet interdit lâche la caisse qui tombe avec fracas devant lui de toute sa hauteur. Le prince faisant alors un signe impératif au général.) Koschnadieff !
Oh ! prince ! le général !…
Laissez ! Il est fait pour ça ! Un général doit servir à quelque chose !
Oh ! je suis confuse !
Je vous prie !
Alors, par ici, général.
Non, jamais comme ça, général ! Dans l’autre sens !
Kolaschnick ! Euh ! Merci.
Dites donc, Pochet…
Kolaschnick !
Scène VIII
Et Vous, alors ? quoi ?
Moi ? Mais rien, monseigneur ! je regarde ; parce que moi, dans tout ça, n’est-ce pas… ?
Évidemment !
Je vais même, si Votre Altesse le permet, aller m’habiller.
Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?
Non ! C’est parce que Votre Altesse me demande…
C’est drôle ! Je connais… votre figure !
Ah ! vraiment, monseigneur ?
Où donc… ?
Mon Dieu que c’est désagréable !
vous ai-je vu ? Vous n’avez pas servi… ?
Dans l’infanterie, à Compiègne.
Non !… Non !
Ah ! pardon !
… à Monte-Carlo !… hôtel de Paris ?
Moi ? Ah ! non ! non, c’est pas moi.
Ah ? je confonds, alors ! il y a un sommelier qui vous ressemble.
Très flatté, monseigneur ! mais c’est un autre !
Et alors, dites-moi ! c’est votre logement, ça ?
Mon Dieu, oui.
Oui !… Il est laid.
Ah ?
Oui !
Non, mais, est-ce qu’il est venu ici pour chiner !
Très laid !
Mon Dieu, monseigneur, je ne dis pas ; mais, n’est-ce pas, étant donné ce que je le loue…
Ah ?… et… qu’est-ce que ?
Monseigneur ?
Et… qu’est-ce que ?
Ben, vous savez, mon Dieu… ! hein ?
Qu’est-ce que vous louez ça ?
Ah ! qu’est-ce que je loue ça !… Dix-huit cents francs !…
Par jour ?
Par jour. (Se reprenant.) Hein ? non, par an.
Ah ! à la bonne heure !
Alors, n’est-ce pas ? pour dix-huit cents francs…!
Et qu’est-ce que ça vous fait, chaque jour ?
Quoi ? Oh ! !… Ça m’embête un peu au moment du terme ; mais sans ça !…
Non !… Chaque jour, combien ça vous fait ?
Ah ! ce que ça me fait par jour !
Oui !
Oui ! oui… oui !… (À part.) Est-il curieux !
Eh ! bien ?
Diable ! c’est que c’est tout un calcul à faire !
Eh ! bien, faites le !
« Faites-le » ! Oui, évidemment ! c’est… c’est une solution ! (À part) On n’a pas idée d’être curieux comme ça ! (Commençant le problème.) Dix huit cents francs par an, qu’est-ce que ça fait par jour ? (À part) Si je m’attendais à faire des mathématiques aujourd’hui !… (Haut) Dix huit cents… (À part) Il faut bien que ce soit pour une Altesse Royale ! (Haut) Étant donné qu’il y a douze mois dans l’année, si c’était cent francs par mois, n’est-ce pas ?… si c’était cent francs par mois…
Allez ! prenez votre temps.
Ah ! là, voyons ! (Reprenant) Si c’était cent francs par mois, ça ferait cent multiplié par douze ; égal euh… ? égal douze cents ! c’est très simple !… J’ai déjà douze cents francs, je les mets de (Il fait la mimique de ramasser avec les doigts douze pions imaginaires et de les fourrer dans les poches de côté de son pyjama) Ça va ! ça va ! Bon ! de douze, aller à dix-huit… reste… reste…
Huit !
Mais non, six !
Ah ! douze, dix-huit ! oui six ! six !
Je vous en prie, monseigneur ! je ne tiens pas à faire le calcul, mais du moment que vous me le demandez, ne vous en mêlez pas ! sans ça nous n’en sortirons pas !
Allez ! allez ! ne vous troublez pas !
Oh ! c’est pas moi qui me trouble ! (Reprenant) Six ! bon ! reste donc six cents ! six cents par douze, ça fait… ?
Six cent douze !
Ah ! là, monseigneur ! voyons ! par notre Père !
Allez ! allez ! ne vous troublez pas !
Étant donné que six cents est la moitié de douze cents et que douze cents font cent francs, six cents feront donc moitié moins ; soit : cinquante francs ! c’est logique.
Eh ! ben, ça y est ?
Ça va ! ça va ! (Reprenant) Je reprends tous les cents francs que j’ai mis dans ma poche ; avec les cinquante que j’ai là ! ça fait cent cinquante ! Ça y est ! (Au prince.) Monseigneur, ça y est ! ça fait cent cinquante francs ! Ouf !
Par jour ?
Par jour. (Se reprenant.) Non, par mois !
Ah ? et qu’est-ce que ça fait par jour ?
Qu’est-ce que ça… ? (Il regarde le public avec découragement, puis au prince.) Vous y tenez ?
Évidemment ! Je me moque, moi, par mois !
Aha ?… tandis que par jour… ?
Évidemment !
Oui, oui ! il aime mieux ça par jour ! c’est une question de goût !… soit ! allons !… (Il se lève, résigné.) il me fera avoir une congestion, ce prince-là ! (Reprenant) Voyons, nous disons : cent cinquante francs par mois, qu’est-ce que ça fait par jour ? — c’est très simple ! — Comme il y a trente jours dans le mois, ça fait cent cinquante divisé par trente.
Oui !
Merci !… En quinze combien de fois trente ?… En quinze combien de fois trente, il y va deux fois !… Voilà ! je pose deux !… et je retiens trente ! (À part.) Mon Dieu, que c’est dur quand on n’est pas entraîné ! (Calculant de tête.) Deux fois trente, soixante ; de quinze… ? soixante de quinze… ?
Eh ! bien, ça y est !
Ah ! là… ! Ah ! c’est malin ! il faut que je re commence, maintenant !
Enfin, quoi ? vous n’avez pas encore trouvé !
Mais si ! j’allais ! j’allais ! et puis vous me coupez ! Attendez ! attendez ! je retrouve le fil ! Oui !
Quel fil ?
Chut… (Comptant) Cinq, oui, neuf, sept, zéro, zéro… Voilà ! Je trouve vingt-cinq mille francs.
Vingt-cinq mille francs ? par jour !
Il doit… il doit y avoir une erreur !
Sûr !
Mon Dieu ! quand je pense qu’il y a des gens qui gagnent cent sous par jour ! cent cinquante francs par mois ! et qui…(Brusquement, avec un cri de victoire.) Ah !… Je l’ai ! (Au prince.) Je l’ai, monseigneur ! « Cent cinquante francs par mois, cent sous par jour » ! Quel éclair ! Ça fait cinq francs ! Cinq francs par jour !
Cinq francs par jour !
Tout rond ! (À part) Oh ! comme on arrive mieux à un résultat quand on ne procède pas par le calcul.
Cinq francs par jour, Vous louez ça !
Oui !
Évidemment, pour cinq francs par jour on ne peut pas avoir le palais des doges !
Non. Et puis, qu’est-ce que j’en ferais ?
Cinq francs par jour, c’est très bien !… (Tout en gagnant la gauche)… Vous direz ça au général, n’est-ce pas ?
Au général ?… Quoi ?
Que ça fait cinq francs par jour.
En quoi ça peut-il l’intéresser ?
Il s’occupe de ces choses-là.
Il faut vraiment qu’il ait du temps à perdre !
Scène IX
Voilà ! elle a choisi.
Ah ! très heureux ! (Koschnadieff à ce moment sort de la chambre de droite.) Ah ! Koschnadieff !
Altessia ?
Moïa marowna ! Tetaïeff polna coramaï momalak scrowno ? (Avance un peu ! À t’on trouvé le costume voulu ?)
Stchi ! A spanié co ténia. Monseigneur, co rassa ta swa lop ! (Certes ! un costume tailleur, Monseigneur, qui lui va comme un gant).
Très bien !
Swoya Altessia na bouk papelskoya mimi ? (Votre Altesse n’a plus besoin de moi ?)
Nack. (Le général s’incline et remonte chercher son chapeau au fond.) Ah ! (Le général redescend.) (2) Woulia mawolsk twarla tschikopné, à le logeur là, euh !… (Voulez-vous donner au logeur, là, euh !…)
Ça y est ! v’lan ! « le logeur » !
… Quantchi prencha. (Vingt francs !)
Oh ! stchi ! (Oh ! oui !)
Qu’est-ce qu’il dit encore de moi ? Qu’est-ce qu’il dit ?
Quantchi, prencha ; voilà !
Qu’est-ce que c’est que ça !
Prenchi, prencha ; c’est un louis.
Un louis ! (Au Prince.) Eh ! ben, qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ?
Pour le logement donc !
Comment, pour le logement ! Ah çà ! Son Altesse plaisante ?
Quoi ? quoi ? C’est cinq francs, je vous donne vingt !
On vous donne vingt !
Hein ? Mais justement ! mais pas du tout !… je ne veux pas ! en voilà une idée.
Comment ! Quoi ? Qu’est-ce que ?
Mais je ne suis pas tenancier ! reprenez ça !
Eh là ! eh là !
Quelles sont ces façons !… Quand Son Altesse… !
Eh ! Ne compliquez pas !…
Mais je ne veux pas de son louis, moi !
Eh ! bien, ce n’est pas une raison pour faire tant d’histoires. (Au prince, la main qui tient le louis tendue vers lui comme pour le lui rendre.) Excusez-le, monseigneur !… ce manque d’usages… ! (Il met le louis dans son gousset.) Ah ! là, là !
Je suis très mécontent, vous savez ! Jamais, entendez-moi ! jamais, je ne reviendrai plus chez vous.
Là !…
Tu parles !
Et maintenant, allez ! je vous ai assez vu !
Que je m’en aille ?
Oui, allez-vous-en ! ça vaut mieux. (Au prince.) N’est-ce pas ?
Oui !… Et vous aussi.
Ah ? et moi aussi ?
Allez ! tous les deux !
Bon !… bon, bon !…
Aha ! C’est le comble !… il me fiche à la porte de chez moi !…
Allons-nous-en alors, puisqu’y dit… !
Non !
Quoi ?
Pas par là !… j’ai loué !…
Il a loué ! Ça devient comique ! Ma parole, ça devient comique !…
Où va-t-on alors ?
Je ne sais pas !… Allons à la lingerie.
Allons à la lingerie !…on comptera le linge !..
C’est ça ! on comptera le linge.
Swoya Altessia na jabo dot schalipp as madié ? (Votre Altesse n’a pas d’ordres à me donner ?)
Nack. (Non.)
Loyo, sta Swoya Altessia lo madiet, me pipilski teradief. (Alors, si Votre Altesse le permet, je vais me retirer.)
Bonadia Koschnadieff ! (Bonjour, Koschnadieff.)
Arwalouck, Motjarnié ! (Au revoir, Monseigneur.)
Scène X
Vraiment, cette Amélie est charmante, mais je ne sais donc pas pourquoi elle a choisi ce logeur ! (Il s’assied sur le lit, côté droit. Au même moment on frappe à la porte du cabinet de toilette.) Entrez ! (Entre Charlotte portant sur les bras une paire de draps pliés.) Ah !… la. camériste !… Qu’est-ce que vous voulez ?
J’viens faire le lit !
Ah ? (Considérant Charlotte.) Montrez-vous un peu !.. soubrette !
Non : Charlotte !
Oui ! « Soubrette », c’est un nom générique.
J’sais pas ce que c’est.
Bien ! ça n’a aucune importance. (L’attirant tout contre lui.) Vous êtes très jolie savez-vous bien !… pour une camériste !
Ben oui ! mais si vous restez sur le lit, je ne pourrai jamais mettre les draps.
Je suis le prince Nicolas de Palestrie !
J’vous dis pas ; mais j’pourrai pas les mettre davantage.
Venez un peu là, qu’on vous regarde.
Ah ! ben, vous avez une façon d’entendre le service !
Alors, mon bébé, quoi ?
Il est rigolo, l’vieux !
Quoi, alors, mon bébé ?
Ehé ! Nicolas !
Aha ! très drôle ! j’aime dans ces moments là qu’on me manque de respect ! (Se renversant en arrière et entraînant sur lui Charlotte.) Charlotte !
Nicoo-las !
Scène XI
Oh ! monseigneur ! je vous demande pardon !
Hein ?… du tout, du tout ! (Du ton le plus naturel en indiquant de la main droite, comme une justification, Charlotte qu’il tient toujours enlacée.) Je… je vous attendais. (Faisant pivoter Charlotte, et lui donnant une bonne claque sur la hanche.) Allez ! déguerpis !… la bonne !
Ah !… eh bien, en voilà une girouette !
Amélie !
Je crains, monseigneur, de vous avoir dérangé.
Du tout ! du tout !… Comme vous dites en France : je pelotais !… en attendant partie.
Bravo ! Votre Altesse possède notre langue !
Ah ! taisez-vous ! ne me dites pas des choses ! (Toujours assis sur le lit, tendant la main gauche vers Amélie.) Tenez ! venez là !
Par obéissance, monseigneur !
Oh ! mais pourquoi avez-vous mis ce costume !
Il ne me va pas très bien.
Mais pourquoi ?
Mais, monseigneur, c’est vous qui m’avez dit… !
Eh ! Pour l’essayer, donc ! mais ensuite… ! Ah ! Vous étiez plus confortable tout à l’heure ! Enfin !… mieux vaut peut-être progressivement !… (Brusquement, la faisant asseoir sur son genou gauche.) Oh ! mon bébé ! alors, quoi ?
Mais, monseigneur… rien !…
Je suis le prince de Palestrie.
Je sais.
Alors, quoi ? mon bébé !…
Eh ! ben… voilà. !
Elle est charmante ! Elle est charmante ! (Changeant de ton.) Qu’est-ce que je disais donc ?
Monseigneur disait : (Imitant l’accent et la grosse voix du prince.) Alors quoi ? mon bébé !
Ah ! Oui ! Mon bébé, alors quoi ?
Scène SCÈNE XII
Vite ! vite !…
Putzeboum ! voilà Putzeboum !
Hein !
Putzeboum !
Eh ! bien, quoi, Putzeboum ? Qu’est-ce que c’est encore, Putzeboum ? On ne peut donc jamais être tranquille ?
Putzeboum ! mais comment savez-vous ?
Je me disposais à partir ; je l’ai vu dans l’escalier.
il monte ; dans une seconde il sera là.
Ah ! nom d’un chien !
Eh ! bien, ça nous est égal…
Oh ! non, monseigneur, non ! Il ne faut pas qu’il vous voie.
Pourquoi ? C’est un terroriste ?
Non ! Non !
Alors, je m’en moque !
Ah ! oui, mais pas nous !
Tenez, on sonne ! C’est lui !
ENSEMBLE. |
POCHET.
Venez ! venez ! AMÉLIE.
Vite, monseigneur, vite ! MARCEL.
Vite, allez par là ! Allez par là ! |
Oh ! mais, c’est très désagréable ! Si c’est une farce, je la trouve mauvaise.
Monseigneur ! monseigneur ! je vous en prie.
Venez ! Venez !
Vous voyez ! vous voyez ce que nous faisons pour vous !
Oui ! bon ! nous parlerons de ça plus tard… (Entendant parler au fond à la cantonade, il pousse vivement Pochet dans le cabinet de toilette.) Vite donc !
Scène XIII
Ah ! C’est bien ! Entrez, monsieur, puisque vous êtes le parrain !
Qui donc !… (Entrant et croyant trouver tout son monde.) Alléï là ! Est-ce qu’on est prêt ? (Ne voyant personne.) Eh bé !… Ma où sont donc ?… (Appelant.) Eh ! la file !
Monsieur ?
La file de quartier !
Comment est-ce qu’il m’appelle ?
Où sont donc, qu’il y a personne ?
Ah ! Tiens ?… on était là tout à l’heure !
Ma ne sont plus donc !
Je vais voir par là !… (On sonne.) Oh ! pardon ! on a sonné !
Bon ! Oui ! Allez !… (Une fois Charlotte sortie, au public.) Qu’est-ce que tu paries qu’il est encore quéqué part à faire caresse à sa fiancée, donc ! Ah ! ça est un homme de tempérament, mon fileul ! Ça on sait dire !
Mais oui… mais oui !… inutile de m’annoncer !…
Mais, monsieur !…
Qu’est-ce que ça est, hein ? cette voix, je connais !
Bonjour, Marcel ! (Ne rencontrant que Van Putzeboum.) Ah ! je vous demande pardon !
Monsieur Chopart !
Quoi ?… (Se rappelant.) Ah ! oui !…
Et qu’est-coque vous faites là ? Je vous croyais une fois militaire ?
Libéré ! je suis libéré !… Cause d’oreillons !…
Tiens ! Tiens !
Ah ! la belle maladie !
Oui… et vous venez voir alors votre futur cousin.
Mon fut… ? Ah ! oui, oui !… Il n’est pas là ?
Si donc ! qu’on a dû le prévenir.
Mais, vous-même ? Amélie m’avait écrit que vous étiez reparti en Hollande.
Oui ! parti, ça j’étais !… mais aussi revenu, ça je suis.
Ah !
Oui… Ça me cause une fois beaucoup de dérangement hein, donc ! mais j’ai pensé que ça ferait peut-être de la peine à Marcel si je n’assistais pas pour son mariage…
Hein ?
Et alors, en souvenir de son père donc, je me suis arrangé pour ; et alors, voilà : pour le mariage je reste.
Oh ! nom de nom de nom ! (Haut.) Et Marcel ! Marcel, qu’est-ce qu’il a dit de ça ?
Marcel ? Oh ! Ça l’a profondément touché, savez-vous !…
Ah ? Aha !
Oui ! Ça j’ai senti !
Oh ! le malheureux ! Quel pétrin, mon Dieu ! quel pétrin !
Et c’est dans trois semaines le mariage, il paraît.
Aha !
Oui. (Avec malice.) Et même que je pense que ça n’est pas trop tôt, donc… (Riant.) parce que…
ÉTIENNE, dressant l’oreille. Parce que quoi ?
Hein ? Non, rien… Ça te dire, je sais pas !…
Quoi ?… Mais si, mais si, quoi ?
Non, non ! Je sais pas ! Il m’a fait promettre que je dise à personne.
Oh ! oui, oui !… Mais, voyons ! à moi…
Oui, ça est vrai !… À toi… Toi tu n’es pas tout le monde ! Je sais ! Tu es son meilleur ami ; il te vous dit tout ; alors… comme il te vous le dira aussi bien, n’est-ce pas ?
Mais évidemment, évidemment !
Oui, mais seulement tu promets que tu le dis à personne ?
Mais oui ! mais parbleu, voyons !
Ah ! Parce que, tu comprends, ça ferait des ruses avec Marcel, et moi je ne veux pas des ruses, hein donc !
Bien oui ! Bien oui !
Eh ! bé… Ça je te dis bien entre nous : je crois qu’il est assez bien temps qu’on les marie !…
Hein ?… Pourquoi ?
Mais parce qu’il ne peut plus attendre, donc ! et la petite aussi !… (Ravi.) Et que les tourtereaux, ils ont déjà profité sur !
Qu’est-ce que vous dites ?
même que tout à l’heure je les ai trouvés couchés dans le lit, là !…
Dans le lit !
Oui !… elle est fameuse ! hein ?
Ah ! n… de D… !
Qu’est-ce qu’il y a ?
Vous les avez trouvés couchés dans le lit ?… Vous les avez trouvés couchés dans le lit ?…
Hein ! Mais laisseï-moi !…
Vous les avez trouvés…
Mais qu’est-ce que ça vous fait donc ?
Ah ! les cochons ! les cochons ! les cochons !
Mais puisqu’ils font mariage, alleï ! Qu’est ce que ça sait une fois te faire ?…
Quand je pense que j’avais confiance en lui !… Que je lui avais laissé Amélie en me disant : « Avec lui je peux être tranquille !… »
Ah ! Godferdom ! Ah ! bien, si j’avais su savoir !
Et voilà !… voilà ce qui se dit un ami !…
Chopart ! voyons Chopart !
Ah ! fichez-moi la paix avec votre Chopart ! Il n’y a plus de Chopart ! (Arpentant la scène.) Ah ! les cochons ! les cochons ! les cochons !
Mais comme il est pointileux pour sa cousine, donc !
Je n’ai pas plutôt le dos tourné qu’on les trouve cou-chés-en-semble !
Non… écoute donc ! écoute !… Il ne faut pas tout de même juger comme ça…
Ouais ! Ouais !
Après tout s’ils étaient couchés, peut-être que…
Que quoi ? que quoi ?
Mais, je ne sais pas dire ! Ils étaient peut être fatigués !…
Fatigués ! fatigués !… Ah ! Ah ! C’est vous qui m’avez l’air fatigué !… Oh ! mais ça ne se passera pas comme ça !… Oh ! ils me le paieront !
Hein ? Ah ! non ! non ! écoute ! ça, non !… Ah ! bien ! Si j’avais su !… Écoute ! qu’est-ce que tu m’as promis ; que, si je te disais, tu ne dirais à personne !…
Ah ! ah ! c’est ça qui m’est égal !
Ah ! non ! non ! Ça ! elle est mauvaise !… Ça est me mettre dans les patates, tu sais ! et ça, je veux pas !…
Oh ! les cochons ! les cochons !
Écoute, Chopart ! ça tu ne sais pas faire !… J’ai fait un pataquès… j’aurais pas dû te dire… mais toi aussi, tu sais, tu m’as promis…
Ouais ! ouais !
J’ai ta parole, Chopart… ça tu dois pas faire… ça tu dois pas, Gotferdom !… Et puis enfin, puisqu’ils font mariage !
mariage !… mariage ! mais espèce de c… (Brusquement, d’un mouvement sec imprimé au revers du veston, envoyant, comme avec un ressort, pirouetter Van Putzeboum au loin, — puis comme frappé d’une idée lumineuse.) Oh ! qu’elle serait pommée, celle-là !
Chopart ! Voyons ! Réponds !
Soit ! vous avez raison ! Je vous ai promis ! c’est bien ! je ne dirai rien.
Ah ! À la bône heûre !
Mais comment donc !
D’autant que je te répète, il n’y a peut-être rien eu !
Mais oui ! mais oui !… À la réflexion, parbleu !… Ils n’étaient peut-être que fatigués !
Mais absolument donc !
Mais c’est évident, ces chers petits !
Ouf ! Je suis tout en chaud, moi !
Ah ! saligauds !… Ah ! vous me le paierez ! et… bien !
Heureusement qu’au fond il est gôbeur !
Scène XIV
Qu’est-ce qu’on me dit, mon parrain… !
Eh ! le voilà !
Nom d’un chien ! Étienne ! (Haut et allant à lui.) Toi ! toi ! ici !
Oui, moi ! moi !
Étienne !
Vous !
Moi !
Ah ! mon Étienne !
Ma petite Amélie ! (Baisers, puis, à part.) Petite traînée !… (À Marcel.) Ce bon Marcel !
Et ça va bien ?
Si ça va !… Ah !
Ah ! je suis bien content !
Et moi donc !… (Entre les dents.) Salaud, va !…
Vous êtes heureux de vous revoir ?
Moi ? aux anges !
Surtout à lui, pas un mot ! pas un mot de ce que vous savez !
Hein ? Ah ! la, mais oui, voyons… Est-ce que ça est même à dire ces choses-là ?
Oh ! oui, hein ?
Est-ce que tu me crois assez bête pour aller lui raconter… !
Ah ! est-ce qu’on sait jamais ! (À part.) Ouf ! ça me tranquillise !
Et dis-moi, elle ne t’a pas trop ennuyé ?… elle a été bien sage ? bien raisonnable ? oui ?
Si elle a été sage !
C’est-à-dire qu’ils ont été tout le temps ensemble.
Ainsi, voyez !
Ils ne se sont pas quittés… alors !
Mais, comment donc, évidemment ! (Les dents serrées.) ces chers amis !
Écoutez, mes enfants, j’étais revenu pour vous chercher, mais je vois que Marcel n’est pas encore habilé…
Excusez-moi ! j’ai eu du monde tout le temps ; mais ça ne sera pas long !
Laisse donc ! laisse donc ! D’autre part, Amélie, elle doit assez bien désirer qu’elle reste un peu avec son cousin, qu’elle n’a pas vu depuis quinze jours !…
Évidemment, ça… !
Oui !… alors qu’est-ce que je sers, moi ? Je sais pas aider Marcel à s’habiler, et je sais encore moins pour vos épanchements cousinaux !… Alors, comme je suis de trop…
Oh ! Oh !
Si ! Si ! Ça est devinable ! Eh ! hé, juste ça se trouve que je voulais passer chez le perruquier !… pour ma barbe, donc !
Ah ! oui !… la barbe !
La barbe, oui ! J’avais dit que je remettrais pour demain, mais, puisque ça est ça, j’ai le temps, hein ?… Et, alors, je vous retrouve dans la demi-lyheure chez Amélie… ça va une fois ?
Comment donc ! c’est ça, c’est ça !
Alleï ! Alleï ! Ne me reconduisez pas… (À Marcel.) Toi, tu t’habiles… et vous autres, vous épanchez ! À tout à l’heure !
À tout à l’heure ! À tout à l’heure !
Dites donc, il n’y a pas un raseur près d’ici ?
Oh ! pas loin !
Tenez, en face ! il y en a un en face.
Ah ! bon ! bon ! À cette heure-ci, il y sera, oui ?
Oui, oui ! allez toujours ! S’il n’est pas là, il y en aura toujours un quand vous serez là, je vous le garantis.
Parfait ! Merci ! À tout à l’heure !
Scène XV
Ouf ! crampon, va ! (À Étienne (2).) Hein, crois-tu ?
Le v’là revenu !
Mais oui, j’en suis baba ! Qu’est-ce qu’il fait ici ? Je le croyais en Hollande.
Ah ! mon ami, ne m’en parle pas !
Il rapplique pour notre mariage.
Qu’est-ce que vous dites ?
Et il vient assister à la cérémonie.
Oui !
Oh ! nom de nom ! Oh ! mes pauvres enfants ! (À Marcel.) mais alors tu es flambé ?
Ah !… à moins d’un miracle… !
… c’est dans le lac !
Oh ! mais pas du tout ! Il ne s’agit pas de se laisser abattre. Il faut trouver une solution ! ce miracle, il faut l’accomplir !
Mais quoi ? quoi ?
Comment veux-tu ?
Ah ! je ne sais pas ! Mais il ne sera pas dit que je laisserai un ami… (Avec intention.) un bon ami comme toi dans l’embarras.
Aha ! (Tout en faisant manœuvrer ses phalanges endolories.) Ce cher Étienne !
Oui ! mon vieux !… (Changeant de ton.) Bien, ma foi, je ne vois qu’une chose : Il veut assister au mariage. Eh bien ! ce mariage… (Avec énergie.) il faut le lui donner !
Hein ! Tu veux que j’épouse Amélie ?
Tu veux me marier à Marcel ?
Ah ! non ! J’aime bien Amélie, mais de là à l’épouser… !
Quoi ! J’ai bien épousé sa mère !
Ah ! Je ne vous dis pas, mais Amélie… ! ah ! non !
Mais, là ! là ! il ne s’agit pas de ça ! Ah ! bien, merci ! te donner Amélie ! elle, si bonne !… si droite !… si fidèle !…
Tais-toi ! Tais-toi !
Oui, tais-toi !
Non, non ! je tiens à le dire !… Eh ! bien, de quoi s’agit-il ? de rouler ton parrain ? Eh ! bien, on le roulera ! (Prenant Amélie et Marcel par la main et les faisant descendre quelque peu.) et voici… ! ce que je propose :
Quoi, quoi ?
Nous allons a la mairie avec Putzeboum, de façon qu’il assiste à tout ; nous publions les bans.
Pour de vrai ?
Pour de vrai.
Mais alors… c’est le mariage.
Mais non ! c’est les formalités… obligatoires du mariage, mais ça ne le rend pas obligatoire pour ça ! ton parrain est convaincu : désormais il est à nous.
Oui !
C’est épatant !
Quoi ?
Hein ?… Je ne sais pas !… ce qu’il a trouvé.
Ah ! là !…
Voyons, papa !
Allez, circulez !
Suis-moi bien !… À la mairie même, pour la date fixée, je loue la salle des fêtes.
Oui.
Bon ! J’ai loué ; je suis chez moi ; je fais ce que je veux !
Oui !
Bien ! Je prends un ami à moi ; tiens : un de la Bourse ; Toto Béjard, par exemple.
Toto Béjard ?
Oui ! tu ne connais pas ; (À Pochet et Amélie.) vous ne connaissez pas.
À la Bourse, je connais Cheminot.
Oui, eh ! bien, c’est pas lui. (Reprenant son exposé.) Je dis à mon Toto Béjard, qui est un blagueur à froid… je lui dis : « Tu vas être le maire ! » Il ceint l’écharpe ; et dès lors, devant ton parrain réuni, nous célébrons ton mariage avec mademoiselle Amélie d’Avranches ici présente et couverte d’oranger.
Ah ! Ah ! Ah ! bravo !
Oui, mon vieux ! Danse ! danse !
Ah ! Étienne, tu me sauves la vie ! Quel ami ! ah ! quel ami !…
Mais… autant que tu en es un, toi-même.
Ah ! comment te remercier !
Laisse donc !… Tu me remercieras plus tard !
EXPLICATION DU TRUC DE LA COUVERTURE
Ce truc pourrait s’exécuter ainsi que le personnage
l’explique lui-même, mais cela aurait plusieurs inconvénients
dont le plus grave serait, étant donné l’angle aigu
que fermerait la ficelle autour du pied du lit, de voir
cette ficelle se rompre sous l’action du frottement, ce
qui rendrait la continuation de l’acte impossible.
Voici donc comment il s’effectue :
Dans le décor, sous le lit, à gauche (dans l’angle formé par le pied et le cadre du lit), percer deux trous horizontalement parallèles, distants de cinq ou six centimètres l’un de l’autre et a une hauteur du sol égale à celle du dessous du lit qui doit être de trente-cinq centimètres environ.
— En regard de ces trous, à chaque traverse du sommier (qui doit être en bois et creux), visser deux pitons.
— À l’envers du couvre-pied ouaté (côté tourné vers la tête du lit), à dix centimètres du bord et bien au milieu de ce bord, coudre solidement deux languettes d’étoffe bien résistantes, longues de huit centimètres sur quatre de large et placées parallèlement à cinq ou six centimètres de distance dans le sens de la longueur du couvre-pied. À chacune de ces languettes fixer solidement deux anneaux de rideau (cela fait quatre en tout), le second cinq centimètres au-dessous du premier.
— Avoir deux pelotes de ficelle solide (fouet), ayant chacune un peu plus que le métrage nécessaire au trajet de la tête du lit au pied du lit et du pied du lit au cabinet de toilette intérieurement.
— De la coulisse, passer chacun de ces fils par chacun des trous percés dans le décor et ensuite par chacun des pitons correspondants du sommier. (Éviter d’emmêler les fils.) Après quoi, contourner extérieurement le pied gauche du lit avec les deux fils parallèles, les faire monter le long du devant du lit, les passer par-dessus la barre de traverse, les glisser sous le couvre-pied et les attacher chacun d’abord au second anneau, puis au premier anneau (pour lequel on a réservé un peu de fil avant de faire le nœud) de sa languette respective. Après quoi, tirer le pied du couvre-pied de façon qu’il retombe en biais sur le devant du lit, de manière à cacher la ficelle au public et en même temps à permettre à Amélie de tirer la couverture à elle quand elle est sous le lit. Pour le reste, l’accessoiriste chargé de la manœuvre n’a qu’à lâcher du fil quand Amélie s’en va avec la couverture, et à tirer le fil a lui quand il s’agit de faire revenir le couvre-pied. S’assurer que tout fonctionne bien avant le lever du rideau, et aussi que les ficelles passées par les pitons ne traînent pas par terre, afin qu’Amélie, quand elle se glisse sous le lit, ne s’empêtre pas dedans.
Nota : Il est préférable aussi bien dans l’intérêt du décor — dont la toile aurait à souffrir par l’usage — que dans l’intérêt même de la manœuvre du fil, de fixer derrière le décor, à l’endroit ou il est percé, une petite armature en bois percée également des mêmes trous dans lesquels on aura serti deux œillets en verre ou en métal, ce qui permettra un glissement plus facile.
- ↑ Pour les masques conformes à ceux de la représentation à Paris, s’adresser à la maison Bérard, 8, rue de la Michodière, Paris.
- ↑ En réalité, elle ne fait pas tomber la pelote : mais, au contraire, pendant les quelques répliques ci-dessus, elle l’a escamotée et glissée sous le traversin sans que le public s’en aperçoive.
- ↑ Toute cette scène doit être jouée par Pochet, toujours près du prince, de façon à recevoir chaque fois les « ah !… ah !… ah ! » presque dans le nez.
- ↑ Van Putzeboum (1), Marcel (2), Étienne (3), Amélie (4), Pochet (5).