Ode sur Orphée

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Fragment d’une ode sur Orphée
Chapelle


FRAGMENT
D’ODE IMPROMPTU SUR ORPHÉE.

Et du plus pur et du plus beau
De l’essence qui nous éclaire
Un dieu forme un trait de lumière
Dont il pénètre mon cerveau.
Que je sens une pure flamme
Se soulever dans mes esprits ;
Et que le plus beau de mon âme
Va paroître dans mes écrits !

C’est toi, grand et divin Orphée,
C’est toi que ma muse échauffée
Va célébrer dans l’univers.
C’est toi, fils du dieu qui m’inspire,
Pour qui je vais faire des vers
Dignes des accords de ta lyre.

Je sais bien que, lorsque ta voix
Retentit sur les monts de Thrace,
Que tes airs rendent mille fois
Plus célèbres que le Parnasse,
Le rocher sensible te suit,
Les aquilons charmés s’apaisent,
Les eaux s’arrêtent et se taisent,
Pour ne te point faire de bruit.

Aux accents de ta voix divine,
Le chêne, malgré sa racine,
Y court pour t’entendre chanter,
Et nous apprend qu’on peut bien dire
Qu’il a pu parler en Épire,
Puisqu’en Thrace il sait écouter.

Je sais que ton luth autrefois
Sut adoucir l’humeur sévère
Du fier tyran de ces détroits,
Où jamais n’éclaire ton père,
Et qu’attentif à tes merveilles,
Le chien du royaume des morts
Souhaita de se voir alors
Moins de bouches et plus d’oreilles.

Enfin, je sais que les enfers
Te furent autrefois ouverts ;
L’on t’en loue, et moi, je t’en blâme :
Car au fils du plus beau des Dieux
De faire tant pour une femme
Pouvoit-il être glorieux ?