Odes (Horace, Leconte de Lisle)/III/6

La bibliothèque libre.
1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
◄  III, 5 III, 6 III, 7   ►




Ode VI. — AUX ROMAINS.


Innocent, tu expieras, Romain, les fautes des aïeux, jusqu’à ce que tu aies reconstruit les temples et les autels croulants des Dieux, et leurs images souillées d’une fumée noire.

Soumis aux Dieux, tu commanderas au monde. L’origine et la fin sont en eux. Les Dieux négligés ont accablé de maux l’Hespéria lamentable.

Déjà deux fois, Monœsès et Pacorus ont rompu nos efforts non approuvés par les auspices, et ont ajouté une riche dépouille à leurs colliers étroits.

Le Dace et l’Æthiopien ont presque ruiné la Ville en proie aux séditions, celui-ci formidable par sa flotte, l’autre par le jet de ses flèches.

Des siècles féconds en crimes ont d’abord souillé les mariages, la race, les familles, et de cette source les calamités ont coulé pour la patrie et pour le peuple.

La vierge nubile se réjouit d’apprendre les danses Ioniques et d’y ployer ses membres, et, dès l’enfance, elle méditait d’incestueuses amours.

Bientôt, aux repas de son mari, elle cherche des amants plus jeunes ; et elle ne choisit pas celui à qui elle donnera furtivement, et les lumières éteintes, des joies interdites ;

Mais, obéissante, elle se lève devant tous, et non à l’insu de son mari, soit qu’un marchand l’appelle, ou le maître d’une nef Hispanienne qui achète à grand prix son déshonneur.

Elle n’était pas née de tels parents, la jeunesse qui souilla la mer du sang Punique, qui défit Pyrrhus, et le grand Antiochus, et le terrible Hannibal ;

Mais c’était la mâle race de soldats rustiques, instruite à retourner la glèbe avec les houes Sabines, et, sous la discipline d’une mère sévère,

À porter les bois coupés, à l’heure où le soleil, changeant l’ombre des montagnes, ôtait le joug aux bœufs fatigués, et, par la fuite de son char, amenait le moment du repos.

Que n’altère pas le temps destructeur ? Nos pères étaient pires que leurs aïeux, nous sommes plus méchants que nos pères, et notre postérité sera plus dépravée encore.