Odes (Horace, Leconte de Lisle)/IV/1
Traduction Leconte de Lisle, 1873
u excites de nouveau, Vénus, une
guerre longtemps interrompue. Épargne-moi, Je t’en supplie, je t’en supplie ! Je ne suis plus tel que j’étais
sous le règne de la bonne Cinara.
Cesse, mère cruelle des doux Désirs, de soumettre
à ton mol empire un cœur endurci qui touche à son dixième lustre. Va où t’appellent les tendres
prières des jeunes hommes. C’est plutôt dans la
demeure de Paulus, ou dans celle de Maximus,
qu’il faut te rendre voluptueusement sur l’aile des
cygnes pourprés, si tu cherches un cœur facile à
brûler. Car il est noble, beau, éloquent en faveur
des accusés inquiets ; il possède cent talents, et il
portera loin tes enseignes de guerre. Si, plus
aimé, il se rit des riches présents d’un rival, il
te dressera, en marbre, sous des poutres de
citronnier, près des lacs Albains. Là tu respireras des parfums abondants ; et les lyres et les
flûtes de Bérécyntia et le chalumeau te charmeront de leurs sons mêlés. Là, deux fois le jour,
les adolescents et les jeunes vierges loueront ta
divinité, et, d’un pied blanc, selon le rite Salien, frapperont trois fois la terre. Pour moi, ni femme,
ni adolescent, ni le crédule espoir d’un attachement mutuel, ni les combats du vin ne me plaisent, ni de ceindre mes tempes de fleurs nouvelles.
Mais, pourquoi, hélas ! Ligurinus, une larme furtive coule-t-elle sur mes joues ? Pourquoi un brusque silence interrompt-il mes paroles commencées ?
Dans mes songes nocturnes je te tiens embrassé,
je te poursuis quand tu voles sur les herbes du
Champs de Mars, et dans les eaux qui t’enveloppent, cruel !