Odes (Horace, Leconte de Lisle)/IV/2

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode II. — À JULIUS ANTONIUS.


Qui tente d’égaler Pindarus, s’élève, Julius, sur des ailes de cire, comme le Dædaléen, et donnera son nom à une mer transparente.

De même qu’un fleuve, tombé des montagnes, que les pluies ont enflé par-dessus ses rives accoutumées, de même l’immense Pindarus précipite sa voix profonde.

Il a droit au laurier d’Apollo, soit qu’il roule des paroles nouvelles en audacieux dithyrambes et qu’il s’emporte en libres mètres ;

Soit qu’il chante les Dieux, et les rois, sang des Dieux, par qui les Centaures tombèrent d’une juste mort, et les flammes de la Chimère terrible ;

Soit qu’il dise ceux que la palme d’Élis renvoie dans leur demeure, tels que des Dieux, ou l’athlète, ou le cheval, et qu’il leur donne un prix plus glorieux que cent statues ;

Soit qu’il pleure le jeune homme ravi à l’épouse désolée, qu’il élève aux astres ses forces, son courage, ses mœurs d’or, et qu’il le dérobe au noir Orcus.

Un souffle puissant, Antonius, porte le cygne Dircæen, toutes les fois qu’il monte dans les hautes nuées. Pour moi, comme l’abeille du Matinus

Contente de cueillir le suc du thym avec beaucoup de fatigue, je compose humblement mes vers laborieux dans les bois et sur les bords du frais Tibur.

D’un plectre plus puissant, poëte, tu chanteras Cæsar, quand, sur les degrés sacrés, couronné d’un juste laurier, il traînera les farouches Sygambres ;

Lui, le plus grand et le meilleur don que les destins et les Dieux bons aient fait et feront à la terre, bien que les temps semblent revenir à l’or antique.

Tu chanteras ces jours heureux, la joie universelle de la Ville au retour très-désiré du grand Augustus, et le forum sans procès.

Alors, ma voix, si elle est digne d’être entendue, se joindra à la tienne : « Ô beau soleil ! ô glorieux jour ! » chanterai-je, joyeux du retour de Cæsar.

Tu cries, pendant qu’il marche : Io ! triomphe ! et chacun de nous crie : Io ! triomphe ! et tous les citoyens offrent l’encens aux Dieux propices.

Tu leur dois dix taureaux et autant de génisses, et moi, je leur réserve un jeune veau qui vient de quitter sa mère, et qui, destiné à mes dons votifs, paît dans les herbages épais.

Ses cornes ressemblent aux feux recourbés de la lune à son troisième lever ; il porte sur le front une tache blanche comme la neige, et le reste est fauve.