Odes (Horace, Leconte de Lisle)/IV/4

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode IV. — LOUANGES DE DRUSUS.


Tel que l’aigle porteur de la foudre, à qui le roi des Dieux a permis de régner sur les oiseaux vagabonds, ayant éprouvé sa fidélité par l’enlèvement du blond Ganymédès,

Un jour, la jeunesse et la vigueur de sa race le chassèrent hors du nid, ignorant les travaux, et les vents printaniers lui enseignèrent, tremblant, des efforts inconnus ;

Bientôt, un vol impétueux le jeta dans les bergeries, et le désir de la proie et du combat le poussa contre les serpents irrités ;

Ou tel que le lion récemment privé de la fauve mamelle de sa mère, et qu’une biche voit de ses joyeux pâturages, devant périr sous cette jeune dent ;

Tel, portant la guerre sous les Alpes Rhætiques, Drusus apparut aux Vindéliciens, dont la coutume a été de tout temps d’armer leurs mains de la hache Amazonienne ;

Je n’ai point cherché pourquoi, ne pouvant tout savoir ; mais leurs bandes, longtemps victorieuses au loin, à leur tour vaincues par les conseils d’un jeune homme,

Sentirent ce que pouvait un grand esprit, une nature nourrie en d’heureux sanctuaires, et l’âme paternelle d’Augustus dans les jeunes Nérons.

Les braves sont engendrés par les braves et les bons ; dans les taureaux, dans les chevaux réside la vigueur de leurs pères. Les aigles farouches n’engendrent point la colombe timide ;

Mais la doctrine développe le germe latent, et la droite culture fortifie les âmes. Partout où les mœurs font défaut, les vices déshonorent les mieux nés.

Que ne dois-tu, ô Roma, aux Nérons ? Témoin le fleuve Métaurus, et Hasdrubal vaincu, et ce beau jour qui, dissipant les ténèbres du Latium,

Sourit, le premier, d’une pure gloire, depuis que le terrible Africain poussait ses chevaux à travers les villes Italiques, comme la flamme dans les pins ou comme l’Eurus sur les eaux Siculiennes.

Puis, la force Romaine se releva par de plus heureux travaux, et les temples dévastés par le tumulte Pœnique virent se redresser les Dieux.

Enfin, le perfide Hannibal dit : « Cerfs, proie des loups rapaces, nous affrontons outre mesure ceux que notre meilleur triomphe serait d’éviter et de fuir.

« Cette race qui, s’échappant d’Ilion brûlé, et vagabonde sur les mers Étrusques, emporta ses Dieux, ses enfants, ses vieillards vers les villes Ausoniennes,

« Comme l’yeuse émondée de son noir feuillage par les haches dures, sur le fertile Algidus, au milieu de ses désastres et de ses blessures, tire du fer lui-même la puissance et la vie.

« L’hydre, le corps déchiré, ne renaissait pas plus vigoureuse sous Herculès gémissant d’être vaincu ; ni Colchos, ni l’Échionienne Thebæ n’enfantèrent un monstre plus terrible.

« Plongé dans l’abîme, il en ressort plus beau ; terrassé, il renversera avec gloire son vainqueur, et livrera des combats dont parleront les épouses.

« Je n’enverrai plus à Carthago de fiers messagers. Toute espérance est morte, la fortune de mon nom n’est plus, depuis qu’Hasdrubal a été tué !

« Rien que n’accomplissent les mains des Claudius ; Jupiter les entoure de sa divinité propice, et les pensées prévoyantes les guident à travers les difficultés de la guerre. »