Odes (Horace, Leconte de Lisle)/IV/9

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode IX. — À LOLLIUS.


Ne crois pas qu’elles mourront les paroles que, par un art non encore connu, je chante, accompagnées des cordes lyriques, moi qui suis né près de l’Aufidus qui retentit au loin.

Si le Mæonien Homérus tient la première place, les Muses Pindariques et Céænnes, les Muses menaçantes d’Alcæus et terribles de Stésichorus ne sont point oubliées.

Le temps n’a point détruit les vers où se joua autrefois Anacréon ; l’amour de la vierge Æolienne respire encore, et ses ardeurs confiées à la lyre vivent toujours.

La Lacænienne Héléné n’a pas seule brûlé pour les cheveux parfumés d’un adultère, admirant ses vêtements à trame d’or, son luxe royal et ses compagnons.

Le premier, Teucer n’a pas lancé des traits d’un arc Cydonien ; la seule Ilios n’a pas été saccagé ; le grand Idoméneus et Sthénélus n’ont point combattu seuls

Des combats dignes d’être dits par les Muses ; le fier Hector et l’ardent Déiphobus n’ont pas reçu les premiers le coup mortel pour leurs chastes épouses et leurs enfants.

Bien des hommes vaillants ont vécu avant Agamemnon, mais tous sont ensevelis, non pleurés et inconnus, dans une nuit éternelle, parce qu’ils ont manqué d’un poëte sacré.

La vertu cachée diffère peu de la lâcheté ensevelie. Je ne me tairai pas sur toi dans mes livres ; je ne souffrirai pas que tant de travaux

Restent impunément, Lollius, en proie au livide oubli. Tu possèdes un esprit sage, toujours droit dans les temps heureux ou adverses ;

Châtiant la fraude cupide, s’abstenant de la richesse qui s’attribue tout, consul, non pour une seule année, mais autant de fois que, juge bon et fidèle,

Il préfère l’honnête à l’utile, il rejette d’un front altier les dons des coupables et montre ses armes victorieuses à la multitude qui l’arrête.

Ne nomme pas heureux celui qui possède beaucoup. Le nom d’heureux appartient mieux à qui use sagement des dons des Dieux,

Qui est accoutumé à subir la rude pauvreté et qui craint l’opprobre plus que la mort. Celui-là n’hésitera point à mourir pour ses chers amis ou pour la patrie.