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Odes (Horace, Séguier)/III/21 - À une amphore

La bibliothèque libre.
Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 123-124).


XXI

À UNE AMPHORE


Amphore, ma sœur, des faisceaux de Manlie
Datant comme moi, que tristesse ou folie
      Gise en toi, que ce soit le courroux,
   L’amour brûlant ou le sommeil si doux,

N’importe à quel titre un massique hors ligne
Réside en ton sein, ce beau jour t’en rend digne ;
      A l’appel de Corvinus, descends
   Lui prodiguer tes nectars vieillissants.

Tout imbu qu’il est des sermons de Socrate,
Sa lèvre pour toi ne sera pas ingrate :

Maintes fois le bon vin, nous dit-on,
   Réconforta l’âme du vieux Caton.

Tu sais imposer à toute humeur sauvage
Ton joug délicat ; et les peines du sage,
      Les secrets enfouis dans son cœur
   Sont dévoilés par ta chaude liqueur.

Tu rends l’espérance aux esprits les plus mornes ;
Tu donnes au pauvre un sang vif et des cornes
      Pour braver les sceptres irrités
   Et des soldats les mille cruautés.

Liber, et Vénus, si son œil est propice,
Les Grâces encore, au lien non factice,
      Te choieront, à l’éclat des flambeaux,
   Jusqu’au retour de Phébus sur les eaux.