Origine et progrès de la puissance des Sikhs/Chapitre XI

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CHAPITRE XI.


Caractère et politique de Randjit Singh. — Ses revenus. — Force de son armée. — Observations générales[1].


Le caractère personnel du souverain actuel de Lahor peut être apprécié d’après ce que nous venons de rapporter dans les chapitres précédens ; néanmoins, il pourra être utile d’en faire, en quelque sorte, le résumé, et d’exposer l’état présent de son royaume, de ses ressources, de ses moyens militaires.

Nous avons dit que Randjit Singh n’avait reçu aucune instruction. Il ne sait lire ni écrire dans aucune langue, mais l’habitude d’entendre lire des papiers écrits dans des langues de la Perse, du Penjab, de l’Inde, les efforts de son attention qui s’attache même aux détails des affaires, lui ont donné une grande facilité pour suivre et comprendre la plus grande partie des choses qui lui sont soumises. Aussi, bien qu’il soit incapable d’apprécier le mérite du style ou de dicter lui-même ce qu’il voudrait faire écrire, il traite cependant les affaires avec rapidité, il est toujours prêt à donner des ordres précis et décidés sur les mémoires et réclamations qu’on lui lit, et lorsqu’une copie convenablement faite lui a été remise, il sait bien reconnaître si elle remplit parfaitement ses vues. Ses secrétaires particuliers ne le quittent jamais, souvent ils sont réveillés pendant la nuit pour expédier les ordres qu’un souvenir subit ou le caprice du maha-radja lui fait donner. Sa mémoire est excellente, et se rappelle les détails aussi bien que les circonstances les plus importantes. Son esprit est toujours actif, et son œil vif et scrutateur ne laisse rien échapper ; sa perspicacité à apprécier les caractères, à deviner les motifs des actions d’autrui, lui donne de l’empire et de l’influence sur tous ceux qui l’approchent, et n’ont guère été que les instrumens de sa puissance si rapidement accrue. À une grande finesse, il joint une imagination très vive ; et quoiqu’il n’oublie jamais le but qu’il a en vue, il a cependant dans la conversation une franchise et une naïveté pleines de charme. Ses observations et ses remarques, il les présente ordinairement dans une phrase brève, claire, inachevée ou sous forme d’interrogation, mais elles sont toujours si frappantes qu’elles restent fixées dans la mémoire de ceux à qui elles s’adressent, tant elles sont étranges et revêtues d’une séduisante originalité. Il a un grand pouvoir de dissimulation ; sous les dehors de la plus grande franchise et même dans le commerce de l’intimité il sait poursuivre de perfides desseins et des trahisons. Sur le champ de bataille, il s’est toujours montré brave et résolu de sa personne, mais rien dans ses plans n’est abandonné au hasard ou à l’aventure. Il a toujours préféré l’adresse, l’habileté et même la corruption, comme moyen de succès, aux entreprises éclatantes qui excitent l’admiration ou inspirent la terreur. Sa fertilité d’expédiens est vraiment incroyable, et jamais il n’a été embarrassé pour trouver des ressources même dans les plus grands dangers. Cependant quelques-unes de ses actions trahissant le caprice et l’instabilité de ses desseins, car on ne saurait quelquefois en indiquer ou en imaginer les motifs. Sa conduite dans toutes les circonstances de la vie prouve qu’il est intéressé, sensuel, débauché même à l’excès ; sans égard pour aucun lien d’affection, du sang ou de l’amitié dans la poursuite de ses vues ambitieuses ou de ses plaisirs. Démesurément avide, car c’est sans la moindre pitié et sans remords qu’il a ruiné et réduit à la misère des veuves, des orphelins, et des familles qui avaient des droits à sa considération et à son respect, qu’on s’étonne de ne lui avoir pas vu reconnaître, ne fût-ce que par politique. Dans sa jeunesse il se montra prodigue pour ses favoris et libéral dans presque toutes les occasions, mais avec l’âge est venue l’avarice, et le désir d’amasser a étouffé toutes ses autres passions, aussi tout le monde, même les officiers attachés à sa personne et ceux qui sont en faveur, ne l’approchent qu’avec la crainte d’être victimes de quelque exaction, loin d’espérer que sa générosité ajoutera quelque chose à leur fortune. Son tempérament était excellent dans sa jeunesse, et en quelque sorte toujours à ses ordres, mais aujourd’hui la susceptibilité d’une constitution ruinée le domine souvent. On l’a vu transporté de colère, descendre jusqu’à user de violence contre les objets de sa rage ; mais cependant il ne s’est jamais abaissé jusqu’à commettre des actes de cruauté, et jamais la vie de personne n’a payé même les offenses les plus graves.

Il est petit de taille, et la perte d’un œil, par suite de la petite vérole, lui ôte un peu de son apparence qui est loin cependant d’être vulgaire, car sa physionomie est pleine d’expression et de vivacité et s’embellit d’une magnifique barbe blanche qui descend jusque sur sa poitrine. Dans sa jeunesse il dut être très vigoureux et très actif, mais aujourd’hui il est si affaibli qu’il est forcé pour monter à cheval d’avoir recours à un procédé assez singulier. Un homme se met à genoux devant le maha-radja qui passe la jambe sur son épaule, ensuite l’homme se lève en le portant : on fait alors approcher le cheval et Randjit Singh met son pied droit dans l’étrier, il prend la crinière, et passant la jambe gauche par-dessus la tête de l’homme et le dos du cheval, il chausse l’autre étrier. Son amour pour ses chevaux est extrême, et nous avons eu plusieurs fois occasion d’en parler. Ils sont toujours auprès de lui, couverts de bijoux et de riches caparaçons ; souvent il les caresse. Pour lui-même, il est simple dans sa toilette et peu recherché dans toutes ses habitudes ; son régime se compose de stimulans puissans dont il use immodérément. Il aime beaucoup cependant les parades et les spectacles militaires, il emploie près de la moitié du jour à passer des revues, inspecter des équipemens ou à refléchir sur quelque moyen d’accroître la puissance de son armée. Il paraît aussi prendre plaisir à voir ses officiers et ses courtisans couverts de bijoux et de magnifiques parures, et tout le monde convient qu’ils montrent beaucoup de goût, car la pompe du darbar de Lahor est vraiment remarquable.

Quoique péu dévot, et qu’il se soit montré très habile à maîtriser le zèle et le fanatisme des Akalis et autres sectes religieuses, Randjit Singh se conforme cependant avec beaucoup de scrupule à toutes les observances de la foi religieuse des Sikhs ; tous les jours il se fait lire le Granth par les gourous ; il est généreux et charitable pour les faquirs et les hommes qui ont acquis une réputation de sainteté. Enfin il est superstitieux à l’excès, il se livre facilement à de fantastiques imaginations sur sa destinée et sa fortune, et jamais il ne manque de consulter ses astrologues avant de rien entreprendre d’important.

Le fait le plus remarquable de la politique et du gouvernement intérieur de Randjit Singh, c’est le manque absolu de tout ce qui ressemble à un système ou à des principes d’administration. Sa carrière a été celle d’un usurpateur qui empiète sans cesse et s’empare de tout ce qui est à sa portée, mais tout ce qu’il a ainsi gagné il ne l’a soumis à aucun système de gestion. Le tout est confié à des fermiers avec pleine puissance sur la vie et les propriétés des classes productrices, Randjit Singh s’en reposant sur ses forces militaires pour contrôler les comptes de ses fermiers, pour leur faire rendre tous les profits illicites qu’il pourraient faire. Néanmoins ses exactions sont dirigées surtout contre les vieilles familles sikhes et ses propres officiers : les marchands et les voyageurs sont protégés, les droits et les taxes auxquels ils sont soumis sont généralement modérés. Randjit Singh a cependant manifesté l’intention de se réserver le commerce de quelques articles, comme les châles, le sel etc., mais on peut dire que toutés ses richesses lui viennent du monopole, qu’il les a tirées de ses exactions ou de sources impures.

On ne peut dire encore que Randjit Singh ait donné au Penjab une constitution ou une forme fixe de gouvernement. Il n’y a dans ce pays ni loi écrite ou orale, ni cour de justice. Le Gourou-Mata, ou ancien conseil des Sikhs, a cessé d’exister comme toutes les institutions antérieures à l’établissement du pouvoir actuel. La dernière assemblée de ce conseil se tint lorsque Holkat, poursuivi par l’armée anglaise, entra dans le Penjab ; il s’agissait de savoir quel parti les Sikhs prendraient comme nation dans cette circonstance. Randjit Singh, quoiqu’il fût le chef le plus influent, refusa de reconnaître la suprématie de l’assemblée et prétendit que labquestion intéressant tout le corps de la nation, ne pouvait être résolue que par le suffrage universel. Aujourd’hui le gouvernement paraît être un despotisme pur ; l’armée permanente et toujours prête au service actif, la force toujours armée contre les concussionnaires et les prévaricateurs, voilà les seuls ressorts de la machine administrative. C’est ainsi qu’elle remplit le trésor, contrôle les actes des fonctionnaires publics, sujets tout puissans, et enfin gouverne chaque classe de la population. L’influence personnelle et les ordres du chef de l’état, tel est le lien unique de la discipline et de l’affection des troupes. Ainsi tout le pouvoir et toute l’autorité sont concentrés dans les mains d’un individu que la fortune et ses propres talens ont placé à la tête des affaires ; mais lorsqu’il sera éloigné de la scène, à moins qu’un autre ne se présente pour remplir sa place avec une énergie et un empire égal au sien sur les attachemens et les affections des petits princes qui lui sont soumis, ce que, il faut le craindre, on ne saurait attendre du caractère de Kharak Singh, tout devra nécessairement retomber dans la confusion.

Les possessions territoriales de Randjit Singh comprennent aujourd’hui toute la partie du Penjab enfermée entre l’Indus et le Satledj. Il possède aussi le Cachemir et tout le pays des montagnes jusqu’à la chaîne neigeuse et même Ladak au-delà de l’Himalaya : en effet, quoique plusieurs radjas de la contrée aient encore conservé leurs gouvernemens, ils ont été réduits à l’état de sujets, ils paient un tribut proportionné à leurs ressources, envoient lorsqu’ils en sont requis leurs contingens à l’armée de Lahor. Outre cette étendue de territoire, Randjit Singh possède encore environ 45 talouks en personne ou en partage avec d’autres sur le côté anglais du Satledj ; à l’ouest de l’Indus, il occupe Kheïrabad, Akona et Peshaver, Darra-Gazzi-Khan, affermé au nabab de Bahawalpour et Darra-Ismael-Khan assigné, comme nous l’avons dit, à Hafiz Ahmed Khan de Mankera. Il lève encore des tributs sur les chefs Beloutchis de Touk et Sagour au sud. Le capitaine Murray estime que le total du revenu et des tributs levé annuellement sur toutes ces possessions est 12,403,900 roupies.

En outre, les douanes du Penjab rapportent à Randjit Singh 1,900,600 roupies.

Le moharana, droit sur les papiers soumis au sceau de Randjit, 577,000 roupies.

Formant le khalsa ou revenu direct de 14,881,500 roupies.

Le même officier estime que le reste du territoire divisé en djagirs ou fiefs tenus par de vieilles familles sikhes et les établissemens dont les revenus ne sont pas compris dans les khalsa, rapportent 10,928,000 roupies.

Faisant ensemble pour tous les revenus du pays soumis à la domination de Randjit Singh un total de 25,809,500 roupies[2].

Ce chiffre n’est pas loin de celui assigné dans les livres du gouvernement mogol pour le produit du souba de Lahor ; et si l’on considère que le Cachemir et le territoire au sud du Satled y est compris, la correspondance du total fait bien présumer en faveur de l’exactitude de cette estimation, car la province ne peut pas produire sous les Sikhs autant qu’au temps paisible de l’empire mogol.

Randjit Singh a depuis quelques années amassé un trésor, et le fort de Govindgarh, bâti par lui et placé dans une excellente position, est le lieu principal de ses dépôts. Le capitaine Murray, d’après les meilleurs renseignemens qu’il put rassembler, qui doivent cependant être imparfaits et vagues, estime que la valeur des richesses accumulées par Randjit Singh tant en monnaie qu’en bijoux, chevaux, éléphans ne doit pas s’élever à moins de dix crores de roupies ou environ dix millions de livres sterlings (250,000,000 fr.) ; quelques personnes portent cette estimation beaucoup plus haut, mais de tels calculs ne peuvent reposer que sur des conjectures et pèchent généralement par l’excès.

Le même officier nous a donné des détails sur la force militaire de l’état de Lahor, et son autorité est la meilleure que nous puissions suivre.

Troupes régulières.

Cavalerie disciplinée par le général Allard, et troupes spéciales montées aux frais de l’état, Ghourchar et Ghourchar Khas[3]. 12,811 hommes

Infanterie. Bataillons disciplinés, Nadjibs et troupes dressées sous la surveillance du maha-radja. 14,941.

Total des troupes régulières ; infanterie et cavalerie. 27,752

Garnisons, comprenant les troupes employées dans le Cachemir. — Cavalerie. 3,000

Infanterie diversement armée et équipée 23,950

26,950

Contingens de serdars, consistant pour les pays de plaines principalement en cavalerie, et pour les pays de montagnes en infanterie. 27,312

Total des troupes, infanterie et cavalerie. 82,014

L’artillerie de Randjit Singh consiste en 376 canons[4] et 370 tromblons portés sur des chameaux ou des voitures légères appropriées à leur calibre. Il n’a pas de corps d’artillerie enrégimenté et organisé comme dans les armées européennes. Un darogha est à la tête d’un grand établissement qui, si Randjit Singh fait des préparatifs pour un siége, occupe au moins 4 ou 5, 000 hommes. Mais dans le temps de paix, ou quand on ne se prépare pas à de grandes opérations, ce nombre est infiniment réduit. Quelques corps de cavalerie et tous les bataillons d’infanterie ont des compagnies d’artillerie qui leur sont attachées ; le nombre des artilleurs est proportionné à la force des corps respectifs. La djinsi, ou la grosse artillerie seule est distincte du reste de l’armée.

Toute cette puissance et toutes ces ressources sont l’ouvrage du maha-radja. Son père ne lui laissa qu’un corps de cavalerie sikhe, à peine supérieur à ceux de ses voisins qui tous sont réduits maintenant à la condition de sujets. Randjit Singh, dans la création de sa puissance militaire, a particulièrement déployé cette activité curieuse, cette attention qui s’applique aux détails, cette persévérance à poursuivre l’exécution de ses plans, qui distingua à un si haut degré Pierre de Russie. Comparé à tout ce que nous voyons ou entendons dire de tous les princes qui se sont élevés par eux-mêmes à une grande puissance, Randjit Singh doit être placé parmi ceux qui ont employé les moyens les plus honorables pour arriver à leur but ; sa carrière n’a été signalée par aucune exécution sanglante, et par un très petit nombre de ces actions qui s’élèvent contre la mémoire de presque tous les fondateurs de dynasties. Il manque de cet esprit de généralisation qui rapporte les choses à des principes fixes et conduit à concevoir ou adopter un système. Ce vice de l’intelligence, résultat du manque d’éducation et de rapports habituels avec des hommes d’un esprit élevé, est le principal défaut de son caractère, et sera cause que le gouvernement de Randjit Singh, basé sur des formes et des institutions essentiellement imparfaites, trahira tous ses défauts lorsque celui qui dirige aujourd’hui la machine sera éloigné de la scène. Mais n’est-ce pas avoir déja beaucoup fait que d’avoir su en trouver les élémens dans une association de bandits sikhs, formée de tous les rebuts de la société et en particulier de la lie de la classe agricole, poussée par le désespoir et la misère au métier de voleur ? Tout ce qui avait quelque lumière ou quelque éducation avait disparu du Penjab avant la naissance de Randjit Singh. Cependant le résultat naturel de la concentration de l’autorité dans sa personne, a été de créer une cour, où, avec le temps, la science et le bon goût pourront reparaître, dussent-ils y être apportés des pays voisins, lorsque le luxe et les habitudes de la paix remplaceront le bruit et la perpétuelle activité de la guerre et des entreprises militaires.

Que ceux qui sont disposés à accorder à Randjit Singh la gloire due au fondateur d’un empire et d’une dynastie, ne pensent pas que le peu d’étendue de son royaume doive l’empêcher de soutenir la comparaison avec d’autres conquérans. Les circonstances de sa position ; d’un côté, la puissance anglaise que son pouvoir né d’hier n’aurait pu attaquer sans folie ; de l’autre, la population fanatique des Musulmans de l’Afghanistan, sont des barrières qu’il n’a pu passer et qui ont dû lui ôter tout espoir de porter la domination sikhe au-delà de ses limites actuelles. Cependant tout ce qu’il a su déja gagner sur les Afghans, et l’adresse avec laquelle il a régoncilié dans beaucoup de circonstances les braves et bigots Musulmans, à l’autorité d’une secte ennemie et même méprisée ; voilà des titres de gloire assurés pour le gouvernement et la politique de Randjit Singh.

En présence des Anglais, il n’a pas fait preuve dans sa conduite d’une moindre sagacité. Attentif à éviter toute rupture, il a su tirer avantage des circonstances au moment même où le gouvernement anglais lui imposait le Satledj pour limite de son empire, et arrachait à ses lois toute la région comprise entre ce fleuve et la Jumna, occupée alors par les Sikhs et qu’ils regardaient comme leur possession légitime et certaine. Lorsque la défiance et les soupçons excités par notre intervention dans ce pays furent apaisés, et qu’il se fut assuré que le gouvernement intervenant n’avait aucun désir de conquête ou de s’immiscer dans ses affaires avec des vues ambitieuses, Randjit Singh cultiva l’amitié de nos officiers, désira de paraître uni à nous par d’intimes relations et la plus parfaite intelligence. Il semble maintenant bien convaincu que cette amitié et ces engagemens pourraient être encor plus étroits, et on ne saurait douter que si jamais l’occasion se présentait de profiter de cette disposition pour faire des préparatifs contre un ennemi venu de l’ouest, Randjit Singh ne se rangeât sincèrement de notre côté et n’employât toutes ses forces à repousser l’envahisseur. Ses antécédens, ses intérêts, ses inclinations, tout cela est pour nous aujourd’hui ; ajoutons aussi que c’est pour lui un gage de force et de sécurité que de pouvoir dire dans quels termes il en est avec le peuple anglais.

Ayant ainsi fait parcourir au lecteur les degrés pas lesquels la puissance des Sikhs s’est élevée jusqu’à la splendeur dont elle brille maintenant, il nous reste maintenant à lui donner quelques détails sur les habitudes et les mœurs de cette secte, pour le mettre en état d’apprécier le caractère de la nation et les traits qui la distinguent des autres peuples de l’Hindoustan. Cette tâche a été remplie par le capitaine Murray, qui a rassemblé dans un appendice au mémoire qu’il adressa à lord William Bentinck, le résultat de ses observations pendant un séjour de plus de quinze ans au milieu des Sikhs, où il eut de fréquens rapports avec des individus de toutes les classes, où il fut dans la nécessité de s’instruire pour être l’arbitre et le juge de leurs disputes. Les remarques du capitaine Murray, les faits qu’il a réunis, quoiqu’ils laissent quelque chose à regretter sous le rapport de leur distribution méthodique et qu’évidemment ils n’aient pas dû être publiés, sont néanmoins si pleins de science et de renseignemens précieux, qu’on ne nous pardonnerait pas de retoucher à son travail. En passant par une autre bouche, et étant disposés par une autre main pour une forme plus étudiée, les faits pourraient perdre quelque chose de leur autorité. Nous avons donc terminé ce livre par la transcription littérale de l’appendice destiné par cet officier à peindre les mœurs, les lois, les coutumes des Sikhs. C’est une lecture dont l’intérêt paiera la peine du lecteur curieux.

  1. Voir comme complément de ce chapitre ce que dit M. Al. Burnes, vol. I, chap. XIV, pag. 296.
  2. Le général Allard pense que cette estimation est de beaucoup inférieure à la réalité. Il porte les revenus de l’état de Lahor à environ cinq crores de roupies ou 125, 000, 000 fr.
  3. Dix mille, selon le général Allard.
  4. Cent pièces d’artillerie de campagne, complétement armées et équipées ; le reste est employé à la défense des places.