Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/264

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saient les passants et qu’elles encombraient la voie publique ; presque partout on les a supprimées, il n’en reste plus que 725, et on les a remplacées par des bouches de lavage qui sont aujourd’hui au nombre de 4 593. Une plaque en tôle couvre l’orifice où apparaît la tête d’un robinet dont le cantonnier à la clef ; il ouvre, l’eau s’écoule de niveau avec le pavé qu’elle baigne, dans le ruisseau qu’elle purifie ; elle est donc immédiatement souillée. Ce système a évidemment des avantages ; mais je trouve que la borne-fontaine était bien plus généreuse, je dirai bien plus humaine ; l’eau en tombait d’une certaine hauteur et gardait toute sa pureté tant qu’elle n’avait pas touché le sol ; les femmes du voisinage venaient avec la marmite, avec la carafe, et avaient là, sans bourse délier, l’eau quotidienne qui est aussi nécessaire que le pain quotidien ; les enfants y buvaient, et plus d’un ouvrier altéré y a trempé ses lèvres. Il n’en est plus ainsi à cette heure : l’eau s’élance de la bouche de lavage pour s’en aller à la bouche de l’égout par un chemin fort sale.

Que de fois je me suis arrêté à regarder de pauvres femmes trop dénuées pour payer la « voie » d’eau, trop occupées à garder la marmaille pour courir jusqu’à la borne à repoussoir, attendre que le ruisseau ait perdu ses impuretés les plus apparentes et se précipiter alors avec une casserole pour ramasser la provision d’eau nécessaire ! Ce spectacle est pénible, et, dussent les bienfaisantes bornes-fontaines d’autrefois obstruer un peu les trottoirs et causer quelques embarras aux piétons, je voudrais les voir rétablir. La ville n’en vendra pas un seau d’eau de moins, et elle aura rendu un sérieux service à la population indigente.

Il ne suffit pas de balayer nos rues et de les « laver à grande eau », il est indispensable par ce temps de macadam d’arroser nos promenades, nos quais, nos boule-