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Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/72

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caffé sans lait ni sucre. Ainsi on n’y a aucune occasion de faire de la dépense ni de s’enyvrer : les Arabes étant aussi sobres dans ces tavernes qu’ils l’étoient anciennement lorsqu’ils ne buvaient que de l’eau… Ils n’aiment pas la promenade et ils restent souvent des heures entières à la même place qu’ils ont d’abord prise sans dire un mot à leurs voisins. Ils s’assemblent par centaines dans ces caffés. J’avoue que j’ai peu fréquenté ces maisons. Les marchands d’Europe qui séjournent dans les villes d’Orient n’y vont pas du tout. Les autres voyageurs ont encore moins envie de passer des soirées entières colés à la même place surtout quand ils n’espèrent pas d’entendre quelque chose qui les amuse. »

Les somalis y font en criant des parties sans fin de dominos : tous les nègres ressemblent aux gens de Marseille.

Les enfants de l’école musulmane crient leurs versets dans leurs classes ouvertes comme des boutiques, ils n’en sont pas troublés. Des mendiants circulent. Partout on conclut des marchés muets : il y a un code de signaux faits par les doigts qui se touchent sous un pan d’étoffe : les cris arrivent après la conclusion de l’affaire.

Sur cette vie s’épanouit l’odeur rance, beurrée, poivrée, parfumée d’encens, de bois aromatiques, cette odeur magnifique, inoubliable de l’Orient.

Les blancs et les banyans cachés dans leurs tanières hygiéniques travaillent sous les ailes des ventilateurs dans leurs bureaux où des indigènes silencieux marchent pieds nus entre les tables ; les machines à écrire inscrivent sans relâche un petit nombre de signes noirs. L’existence des gens de nos pays consiste à les combiner, les défaire, les recombiner. C’est un jeu de fous. Dehors sous les chutes de soleil, des troupeaux de moutons descendent vers les