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Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/73

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docks, têtes noires, têtes rouges, portant leurs grosses queues courtes pleines de graisse.

Dans le grand port ouvert entre Steamer Point, et Ma’ala, il y a un grand mouvement de navires : les paquebots de la P. and 0., des Messageries Maritimes s’ouvrent une voie dans un taillis de cargos dépeints, de pétroliers, de vedettes, de boutres aux châteaux coloriés comme des caravelles, d’un bleu, d’un vert si beau dont les reflets grouillent sur la mer comme des couleuvres. Sur ces paquebots montent pendant les heures d’escale les femmes et les hommes de la colonie : les femmes vont chez le coiffeur, les hommes vers le bar.

Le pétrole coule entre deux eaux dans de gros tuyaux articulés comme des serpents de mer, les seuls authentiques. Il va nourrir les réservoirs des navires.

Aden, il n’y a pas si longtemps, était une station de charbonnage ; les chaudières à mazout ont amené à leur suite des citernes noires de l’Anglo-Persian et de l’Asiatic Petroleum, des bureaux, des docks, des intrigues qui trouble et le cœur des petits souverains indigènes devenus marchands d’huile et acheteurs d’essence pour autos. Un peu partout se propage une petite guerre pour les concessions.

Dans les entrepôts de Ma’ala et de Somalipura les sacs de sucre et de riz, les balles de cuir de bœuf et de peaux de chèvres, les caisses d’essence timbrées d’un ours, d’une gazelle, montent jusqu’aux toits de tôle ondulée. Les manœuvres arabes travaillent et chantent les airs du travail dans l’étuve calcinée des magasins. Ils ne savent plus leurs gestes si le rythme est absent.

La sagesse des nations approuve tant de détours, de contrats, de pesées, d’esclavages profitables. Mais qu’en pense la Sagesse qui n’appartient pas aux nations ?