considère un bon géomètre ; on estime fort un bon astronome ; on comble de biens un pilote qui surpasse les autres dans sa fonction : on ne méprise point un bon charpentier ; au contraire, il est bien payé et bien traité. Les bons rameurs mêmes ont des récompenses sûres, et proportionnées à leurs services ; on les nourrit bien ; on a soin d’eux quand ils sont malades ; en leur absence on a soin de leurs femmes et de leurs enfants ; s’ils périssent dans un naufrage, on dédommage leurs familles : on renvoie chez eux ceux qui ont servi un certain temps. Ainsi on en a autant qu’on en veut : le père est ravi d’élever son fils dans un si bon métier ; et, dès sa plus tendre jeunesse, il se hâte de lui enseigner à manier la rame, à tendre les cordages, et à mépriser les tempêtes. C’est ainsi qu’on mène les hommes, sans contrainte, par la récompense et par le bon ordre. L’autorité seule ne fait jamais bien, la soumission des inférieurs ne suffit pas : il faut gagner les cœurs, et faire trouver aux hommes leur avantage pour les choses où l’on veut se servir de leur industrie.
Après ce discours, Narbal me mena visiter tous les magasins, les arsenaux, et tous les métiers qui servent à la construction des navires. Je demandais le détail des moindres choses, et j’écrivais tout ce que j’avais appris, de peur d’oublier quelque circonstance utile.
Cependant Narbal, qui connaissait Pygmalion, et qui m’aimait, attendait avec impatience mon départ, craignant que je ne fusse découvert par les espions du roi, qui allaient nuit et jour par toute la ville : mais les vents ne nous permettaient point encore de nous embarquer. Pendant que nous étions occupés à visiter curieusement le port, et à interroger divers marchands, nous vîmes venir à nous un officier de Pygmalion, qui dit à Narbal : Le roi