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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/66

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LIVRE iii.

vient d’apprendre d’un des capitaines de vaisseaux qui sont revenus d’Égypte avec vous que vous avez mené un étranger qui passe pour Chyprien : le roi veut qu’on l’arrête et qu’on sache certainement de quel pays il est ; vous en répondrez sur votre tête. Dans ce moment, je m’étais un peu éloigné pour regarder de plus près les proportions que les Tyriens avaient gardées dans la construction d’un vaisseau presque neuf, qui était, disait-on, par cette proportion si exacte de toutes ses parties, le meilleur voilier qu’on eût jamais vu dans le port, et j’interrogeais l’ouvrier qui avait réglé ces proportions.

Narbal, surpris et effrayé, répondit : Je cherche cet étranger, qui est de l’île de Chypre. Quand il eut perdu de vue cet officier, il courut vers moi pour m’avertir du danger ou j’étais. Je ne l’avais que trop prévu, me dit-il, mon cher Télémaque ! nous sommes perdus ! Le roi, que sa défiance tourmente jour et nuit, soupçonne que vous n’êtes pas de l’île de Chypre ; il ordonne qu’on vous arrête : il veut me faire périr, si je ne vous mets entre ses mains. Que ferons-nous ? Ô dieux, donnez-nous la sagesse pour nous tirer de ce péril. Il faudra, Télémaque, que je vous mène au palais du roi. Vous soutiendrez que vous êtes Chyprien, de la ville d’Amathonte, fils d’un statuaire de Vénus. Je déclarerai que j’ai connu autrefois votre père ; et peut-être que le roi, sans approfondir davantage, vous laissera partir. Je ne vois plus d’autre moyen de sauver votre vie et la mienne.

Je répondis à Narbal : Laissez périr un malheureux que le destin veut perdre. Je sais mourir, Narbal, et je vous dois trop pour vouloir vous entraîner dans mon malheur. Je ne puis me résoudre à mentir ; je ne suis pas Chyprien, et je ne saurais dire que je le suis. Les dieux