tenir de parler ! Est-ce que je m’occupe de vous, moi ! » Coquelin passait en discourant au milieu d’amis qui l’écoutaient et faisait avec la main, à des personnes en voiture, un large bonjour de théâtre. Mais je ne pensais qu’à Mme Swann et je faisais semblant de ne pas l’avoir vue, car je savais qu’arrivée à la hauteur du Tir aux pigeons elle dirait à son cocher de couper la file et de l’arrêter pour qu’elle pût descendre l’allée à pied. Et les jours où je me sentais le courage de passer à côté d’elle, j’entraînais Françoise dans cette direction. À un moment en effet, c’est dans l’allée des piétons, marchant vers nous que j’apercevais Mme Swann laissant s’étaler derrière elle la longue traîne de sa robe mauve, vêtue, comme le peuple imagine les reines, d’étoffes et de riches atours que les autres femmes ne portaient pas, abaissant parfois son regard sur le manche de son ombrelle, faisant peu attention aux personnes qui passaient, comme si sa grande affaire et son but avaient été de prendre de l’exercice, sans penser qu’elle était vue et que toutes les têtes étaient tournées vers elle. Parfois pourtant, quand elle s’était retournée pour appeler son lévrier, elle jetait imperceptiblement un regard circulaire autour d’elle.
Ceux même qui ne la connaissaient pas étaient avertis par quelque chose de singulier et d’excessif — ou peut-être par une radiation télépathique comme celles qui déchaînaient des applaudissements dans la foule ignorante aux moments où la Berma était sublime — que ce devait être quelque personne connue. Ils se demandaient : « Qui est-ce ? », interrogeaient quelquefois un passant, ou se promettaient de se rappeler la toilette comme un point de repère pour des amis plus instruits qui les renseigneraient aussitôt. D’autres promeneurs, s’arrêtant à demi, disaient :