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Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/10

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de le partager. D’autres, plus honnêtes ou tout à fait respectables, même vaguement utiles à l’achèvement du grand œuvre, sont ceux qui en effet ne voient, par étroitesse d’esprit, d’autres progrès à accomplir que ceux qu’ils préconisent. La sincérité de leur pensée et de leur conduite les place au-dessus de la critique : nous les disons nos frères, tout en reconnaissant avec chagrin combien est étroit le champ de lutte dans lequel ils se sont cantonnés. Je ne parle pas de ceux qui ont pris pour objectifs soit la réforme de l’orthographe, soit la réglementation de l’heure ou le changement du méridien, soit encore la suppression des corsets ou des bonnets à poils ; mais il est des révolutions plus sérieuses qui ne prêtent point au ridicule et qui demandent chez leurs protagonistes, courage, persévérance et dévouement. Ainsi quand je vois une femme, pure de sentiments, noble de caractère, intacte de tout scandale dans l’opinion, descendre vers les prostituées et leur dire : « Tu es ma sœur, et je viens m’allier avec toi pour lutter contre l’agent des mœurs qui t’insulte et met la main sur toi, contre le médecin de la police qui te fait tenir par des argousins et te viole par sa visite, contre la société tout entière qui te méprise et te foule aux pieds », je ne m’arrêterai pas à des considérations générales pour marchander mon respect à la vaillante révolutionnaire qui s’est mise en lutte contre toute l’impudique société. Sans doute, je n’ignore pas que toutes les révolutions se tiennent, et que la révolte de l’individu contre l’État embrasse la cause du forçat ou de tout autre réprouvé, aussi bien que celle de la prostituée ; néanmoins je n’en suis pas moins saisi d’admiration pour les vaillants qui combattent le bon combat dans leur