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grand trouble moral, et, parmi les nôtres, nous en avons déjà vu beaucoup qui, perdant tout espoir et fatigués avant d’avoir combattu, se croisent les bras et se livrent à leur sort en abandonnant leurs frères. C’est qu’ils ne savent pas, ou qu’ils ne savent qu’à demi : ils ne voyaient pas encore le chemin qu’ils avaient à suivre ou espéraient s’y faire transporter par le sort comme un navire dont un vent favorable gonfle les voiles : ils voulaient réussir non de par une implacable volonté, mais de par leur bon droit et de par la chance, semblables aux mystiques qui marchent sur la terre et veulent se faire guider par une étoile qui brille dans le ciel.


Toutefois la période du pur instinct est dépassée maintenant ; les révolutions ne se feront plus au hasard, uniquement parce que l’oppression est gênante, elles se feront de plus en plus avec un but déterminé et suivant une méthode précise. On croyait autrefois que les événements se succédaient sans ordre, mais on apprend à en reconnaître la logique inexorable. Nous savons désormais qu’il existe une science sociale et nous comptons bien nous en servir contre nos ennemis pour hâter le jour de la délivrance finale.

Le premier fait mis en lumière par cette science est que la société se renouvelle sans cesse, et que toute tentative d’arrêt brusque dans l’évolution ou de conservation de choses déjà vécues, est une utopie ou un crime. Un des coryphées du monde réactionnaire, digne continuateur des académies qui maudissaient les enseignements impies des Copernic et des Galilée et tournaient en dérision la