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comme carrier : il extrait les matériaux, mais ce n’est pas lui qui les emploie ; c’est au peuple qu’il appartient d’élever l’édifice. Si l’instruction ne se donnait que dans l’école, les gouvernements pourraient espérer encore de maintenir les esprits dans la servitude, mais c’est en dehors de l’école que l’on s’instruit le plus, dans la rue, dans l’atelier, devant les baraques de foire, au théâtre, dans les wagons de chemins de fer, sur les bateaux à vapeur, devant les paysages nouveaux, dans les villes étrangères. Tout le monde voyage maintenant, soit par luxe, soit par nécessité. Pas une réunion dans laquelle ne se rencontrent des gens ayant vu la Russie, l’Australie, l’Amérique, et si les circumnavigateurs de la terre sont encore l’exception, il n’est pour ainsi dire aucun homme qui n’ait assez voyagé pour voir au moins les contrastes du champ à la cité, de la montagne à la plaine, de la terre terme à la mer. Les riches, cela va sans dire, ont de tout autres facilités que les pauvres pour parcourir le monde, mais ils voyagent d’ordinaire sans méthode et comme en surface ; en changeant de pays, ils ne changent pas de milieu ; ils sont toujours chez eux pour ainsi dire ; le luxe, les jouissances des hôtels ne leur permettent pas d’apprécier les différences essentielles de terre à terre, de peuple à peuple ; le pauvre qui se heurte aux difficultés de la vie, est celui qui, sans cicerone, peut le mieux observer et retenir. Et la grande école du monde extérieur ne montre-t-elle pas également les prodiges de l’industrie humaine aux pauvres et aux riches, à ceux qui ont produit ces merveilles par leur travail et à ceux qui en profitent ? Chemins de fer, télégraphes, béliers hydrauliques, perforatrices, jets de lumière s’élançant du sol, le malheu-