Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/42

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times n’étaient pas tout à fait mortes. Et maintenant existe-t-il encore un aveugle qui puisse douter de leur résurrection ? Tous les laquais de plume qui répétaient après Gambetta : « Il n’y a pas de question sociale ! » ne sont-ils pas les mêmes qui reprennent les paroles de l’empereur Guillaume, comme ils saisiraient au vol les crachats du Grand Lama, pour crier : « La question sociale nous envahit ! La question sociale nous assiège ! » Dans toutes les assemblées, les ouvriers se prononcent à l’unanimité pour l’appropriation du sol et des usines, considérée déjà comme le point de départ de la nouvelle ère économique. L’Angleterre, les États-Unis, le Canada, l’Australie retentissent du cri : « Nationalisation du sol », et les grands propriétaires affolés s’attendent à ce que le peuple entre en chasse contre eux. Est-ce que toute la littérature spontanée des chansons et des refrains socialistes n’a pas déjà repris en espérance tous les produits du travail collectif ?

Nègre de l’usine,
       Forçat de la mine,
       Ilote des champs,
Lève-toi, peuple puissant :
Ouvrier, prends la machine !
Prends la terre, paysan !

Et la compréhension naissante du travailleur ne s’évapore pas toute en chansons. Les grèves prennent un caractère agressif qu’elles n’avaient jamais eu. Ce ne sont plus seulement des actes de désespoir passif, des promenades mornes de faméliques demandant du pain ; elles commencent à prendre des allures de revendication fort gênantes pour les