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capitalistes. N’avons-nous pas vu aux États-Unis les ouvriers, maîtres pendant huit jours de tous les chemins de fer de l’Indiana et d’une partie du versant de l’Atlantique ? Et, lors de la grande grève des chargeurs et portefaix de Londres, tout le quartier des Docks ne s’est-il pas trouvé de fait entre les mains d’une foule internationale, fraternellement unie ? Ainsi l’évolution s’accomplit, la révolution approche. Le socialisme, c’est-à-dire l’armée des individus qui veulent changer l’état social, a repris sa marche. La foule en mouvement se précipite, et nul gouvernement n’ose plus fermer les yeux à la vue de ces masses profondes ! Bien au contraire, le pouvoir s’en exagère le nombre et cherche tantôt à les combattre par des lois absurdes, des vexations irritantes, tantôt par des politesses et des phrases à effet. Depuis qu’un souverain s’est mis en frais de grâces pour le socialisme, la tourbe des « reptiles » se rue derrière lui pour faire assaut de courbettes. Pas un journal qui ne nous offre sa solution de la question sociale ?

Maintenant le bruit de la révolution éclate déjà, ébranlant les usines, les parlements et les trônes. Mais on comprend qu’un sinistre silence se soit fait naguère lorsque « l’ordre régnait à Varsovie » et ailleurs. Au lendemain d’une tuerie, il est peu d’hommes qui osent se présenter aux balles. Lorsqu’une parole, un geste sont punis de la prison, bien clairsemés sont les hommes qui ont le courage de s’exposer au danger. Ceux qui acceptent tranquillement le rôle de victimes pour une cause dont le triomphe est encore lointain ou même douteux sont rares : tout le monde n’a pas l’héroïsme de ces nihilistes russes qui composent des journaux dans l’antre même de leurs ennemis et qui