Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 41 —

vont les afficher sur les murs entre deux factionnaires. Il faut être bien dévoué soi-même pour avoir le droit d’en vouloir à ceux qui ne se déclarent pas socialistes quand leur travail en dépend, c’est-à-dire la vie de ceux qu’ils aiment. Mais si tous les opprimés n’ont pas le tempérament de héros, ils n’en sentent pas moins la souffrance, ils n’en ont pas moins le vouloir d’y échapper, et l’état d’esprit, de tous ceux qui souffrent comme eux et qui en connaissent la cause finit par créer une force révolutionnaire. Dans telle ville où il n’existe pas un seul groupe d’anarchistes, tous les ouvriers le sont déjà d’une manière plus ou moins consciente. D’instinct ils applaudissent le camarade qui leur parle d’un état social où il n’y aura plus de maîtres et où le produit du travail sera dans les mains du producteur. Cet instinct contient en germe la révolution future, car de jour en jour il se précise et se transforme en connaissance distincte. Ce que l’ouvrier sentait vaguement hier, il le sait aujourd’hui, et chaque nouvelle expérience le lui fait mieux savoir. Et les paysans qui ne trouvent pas à se nourrir du produit de leur lopin de terre, et ceux, bien plus nombreux encore, qui n’ont pas en propre une motte d’argile, ne commencent-ils pas à comprendre que la terre doit appartenir à celui qui la cultive ? Ils l’ont toujours senti d’instinct ; ils le savent maintenant et se préparent à parler le langage précis de la revendication.


Voilà l’état de choses ! Et quelle peut en être l’issue ? L’évolution qui se fait dans l’esprit des