Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/57

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Dans le monde qui travaille, où l’on a pourtant bien des causes de tristesse, on n’a pas le temps de se livrer aux langueurs du pessimisme. Il faut vivre, il faut aller de l’avant, progresser quand même, renouveler les forces vives pour la besogne journalière. C’est par l’accroissement de ces familles que la société se maintient, et de leur milieu surgissent incessamment des hommes qui reprennent l’œuvre des devanciers et, par leur initiative hardie, l’empêchent de tomber dans la routine.

Les grands évènements auxquels notre génération a participé sont issus de ce monde du travail, et les « classes dirigeantes » n’y ont été pour rien. L’Internationale ! Depuis la découverte de l’Amérique et la circumnavigation de la Terre, n’est-ce pas le fait le plus considérable de l’histoire des hommes ? Colomb, Magellan, El Cano ont constaté, les premiers, l’unité matérielle de la Terre, et depuis cette époque, maints philosophes et révolutionnaires avaient prévu sa future unité morale. Que de fois n’a-t-on pas célébré les jours à venir où disparaîtraient les frontières, mais elles n’en existaient pas moins, jusqu’au jour où des travailleurs anglais, français, allemands, oubliant la différence d’origine et se comprenant les uns les autres malgré la diversité du langage, se réunirent pour ne former qu’une seule et même nation, au mépris de tous les gouvernements respectifs. Sans doute, les commencements de l’Internationale furent peu de chose, à peine quelques milliers d’hommes s’étaient groupés dans cette association, cellule primitive de l’Humanité future, mais les historiens comprirent l’importance capitale de l’événement qui venait de s’accomplir. Et dès les premières années de son