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hommes d’en haut raccourcissent leur domaine et leur espoir à mesure que nous, les révoltés, nous prenons possession de l’Univers et agrandissons nos cœurs. Nous nous sentons camarades de par la terre entière, de l’Amérique à l’Europe et de l’Europe à l’Australie ; nous nous servons du même langage pour revendiquer les mêmes intérêts et le moment vient où nous aurons spontanément la même tactique, un seul mot de reconnaissance. Notre armée se lèvera de tous les coins du monde.

Déjà des signes avant-coureurs ont annoncé la grande lutte. N’avons-nous pas vu, le 1er  mai 1890, les ouvriers du monde entier s’unir dans une même pensée pour répondre à l’appel d’un inconnu quelconque, peut-être d’un camarade australien ? N’a-t-il pas été prouvé, ce jour-là, que l’Internationale était bien ressuscitée, non point à la voix des chefs, mais par la pression des foules ? Ni les « sages conseils » des socialistes en place, ni l’appareil répressif des gouvernements n’ont pu empêcher les opprimés de toutes les nations de se sentir frères sur tout le pourtour de la planète et de se le dire les uns aux autres. Et pourtant il s’agissait de bien peu de chose, d’une simple manifestation platonique, d’une parole de ralliement, d’un mot de passe ! Il plaisait au monde des travailleurs de se sentir vibrer d’une même secousse électrique.

Certes, le cri de « Travail des huit heures ! » proféré le 1er  mai d’un bout de la terre à l’autre n’est point révolutionnaire, car il n’aurait d’autre résultat, s’il était favorablement accueilli, que de confirmer les pouvoirs du patronat, maître des salaires ! Du moins ce mot de rappel, cette date fixe ont-ils pris un sens épique par leur universalité. La force des choses, c’est-à-dire l’ensemble des